A l'ombre des forêts de Charente :
le Lidar au service de l’histoire de l’occupation du sol et de l’exploitation des ressources naturelles – Elargissement de l’étude aux anthroposylvosystèmes de la Dordogne et du Limousin.

Les objectifs du programme

Les écosystèmes forestiers actuels sont les témoins d’une longue coévolution sociétés/environnement. Ils ont constitué des ressources considérables pour les sociétés qui les ont transformés, exploités de façon générale depuis au moins le Néolithique. La forêt a ainsi connu des phases d’ouverture et de recolonisation ou encore de gestion de sa ressource en bois (taillis) au cours du temps, conduisant à des transformations radicales des paysages. La forêt constitue donc un véritable anthroposylvosystème au sein duquel sont souvent repérés de nombreux vestiges archéologiques (ferriers, cabanes, murets, enclos, charbonnières…) constituants des traces, des preuves d’anciennes occupations.

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Ces espaces forestiers sont considérés comme un patrimoine naturel mais aussi comme un patrimoine historique et culturel. Connaître et prendre en compte cette longue histoire et ces multiples interactions est indispensable pour mettre en œuvre un véritable développement durable de ce patrimoine forestier conformément à la loi « Paysage » 1993 et à la loi « Forêt » 2001.

Le projet proposé s’insère dans une démarche interdisciplinaire (géographie, archéologie, histoire, paléoécologie) visant à mettre en évidence l’impact de la gestion des ressources environnementales sur les écosystèmes forestiers de la Charente, de la Dordogne et du Limousin et, inversement, l’influence de ces ressources sur l’organisation des sociétés du passé.

L’objectif est d’identifier et de comprendre comment des sociétés ont exploité des ressources (minerai, bois, sol…) et ont construit des territoires sur la longue durée, de la protohistoire à l’époque moderne. Les marges chronologiques ont été définies à partir d’une première étude sur l’histoire du territoire de la forêt de la Braconne (Charente) qui a réuni en 2009 les deux laboratoires Geolab/UMR/CNRS6042 et HeRMA/EA 3811. Cette étude a démontré que la forêt actuelle n’est pas le reliquat d’une vaste forêt datant de la protohistoire, mais qu’elle a connu plusieurs phases de déprises et de reprises de la végétation ligneuse en relation avec l’agriculture et la métallurgie, de l’antiquité romaine à l’époque moderne (Rementeria et Rouaud, 2010 ; Queuille, 2011 ; Rassat, 2012). Le mobilier découvert sur des sites d’habitats supposés (tessons de céramique, tegulae) lors des prospections archéologiques (Rassat, 2010 ; 2011) atteste bien quant à lui d’une occupation plus ancienne remontant à la période romaine (du Ier au IVème siècle).

Les méthodes d’investigation habituelles, les prospections archéologiques pédestres sous couvert forestier ont atteint assez vite leurs limites en forêt de la Braconne compte tenu de la nature du couvert forestier actuel, fait de jeunes peuplements difficilement pénétrables. L’obtention d’un nouveau financement en réponse à un appel d’offre de la Région Limousin par le laboratoire Geolab en 2012 a permis la mise en place d’une campagne de télédection par laser aéroporté (LIDAR) afin de visualiser les microreliefs du terrain en s’affranchissant de l’écran des arbres. Le budget de cette opération permet d’étendre les explorations à d’autres massifs forestiers charentais afin de confronter les hypothèses émises sur la Braconne à d’autres espaces boisés, situés à proximité de celle-ci et témoins possibles d’une histoire différente. Le vol Lidar est d’ores et déjà programmé pour la fin mars 2012.

Cette nouvelle opération constitue donc une opportunité pour renforcer la collaboration scientifique entre les deux laboratoires qui offrent des compétences complémentaires (en archéologie, en géoarchéologie, en paléoenvironnement et en géomatique) et nécessaires dans le cadre de la vérification au sol et de l’exploitation des données produites par l’opération Lidar. De par cette action, de nombreux vestiges tels que les enclos, les limites parcellaires anciennes, les habitats faisant partie des paysages construits, seront cartographiés et pourront faire l’objet d’une étude réunissant l’équipe de recherche autour de la thématique de l’agro-sylvo-pastoralisme. Ainsi l’étude de la gestion des territoires par les sociétés du passé sera plus complète puisqu’elle intègrera également ces activités non exclusivement liées à la présence de la forêt qui ont façonné les paysages au cours du temps en ouvrant par exemple les massifs forestiers pour le pastoralisme et l’agriculture.

Dans un premier temps, il sera donc intéressant d’identifier au sein d’un même territoire : i) les diverses activités anthropiques utilisatrices des ressources naturelles (minerai, bois, charbon…), ii) les structures archéologiques liées à d’autres modes d’occupation de l’espace (agricole au sens large), iii) l’organisation spatiale de ces différentes activités anthropiques, iv) la chronologie des occupations et des activités répertoriées, v) l’impact des activités sur le couvert ligneux et les modalités de gestion de la ressource en bois (et/ou charbon).

Dans un second temps, il s’agira de comparer la gestion des ressources entre massifs forestiers (Charente, Dordogne et Limousin) afin de tester les réactions des sociétés au sein de territoires géographiquement « voisins ». Comparaison rendue possible et pertinente grâce au croisement des données historiques, archéologiques, géographiques et paléoenvironnementales. La reconstitution à haute résolution de l’histoire de ces forêts permettra, en outre, de mettre en valeur ce patrimoine forestier et de favoriser la prise en compte du patrimoine archéologique dans la gestion forestière.