Thématique transversale : Sciences humaines, création, autonomies et émancipations


Dans le processus de restructuration du champ scientifique, la loi LRU (2007) qui a rendu les universités « responsables » de leurs budgets est communément appelée « Loi sur l’autonomie des universités ». L’emploi du mot n’est pas anodin. Il se réfère à une valeur structurante de la communauté savante. Celle-ci s’est en effet autonomisée par rapport aux pouvoirs politiques et religieux comme le montre l’histoire des universités. La science s’est d’autre part constituée en domaine du savoir en s’émancipant des explications religieuses du monde. Selon le sociologue Robert K. Merton, c’est au XVIIe siècle en Angleterre que le rôle social du savant a commencé à être reconnu : par une méthode qui lui était propre, combinant rationalisme et empirisme, il lui revenait d’expliquer le monde aux profanes, dont il se distinguait également. 

La production de savoir scientifique a à voir avec la liberté. Mais celle-ci n’est jamais déconnectée complètement du pouvoir (politique, économique) qui peut avoir intérêt à intervenir sur les conditions de production des savoirs pour des raisons diverses, au nom d’enjeux de puissance ou de défense de certaines valeurs et projets politiques, ou en concentrant les ressources financières publiques sur des dispositifs prescriptifs qui ont pour effet, sinon pour projet, d’orienter la production artistique et savante ; pas plus qu’elle n’est déconnectée de la société destinataire du savoir produit, au nom de laquelle le savoir est produit, la mobilisation scientifique ou artistique se porte souvent sur ce que les chercheurs perçoivent à tort ou à raison comme une « demande sociale ». 

Dans cet axe transversal, le Criham ouvre un espace de recherche collectif et interdisciplinaire qui participe de la redéfinition des engagements de la communauté scientifique, de son identité et de ses missions, dans une perspective croisant recherche scientifique et création envisagée dans la longue durée. Tant les mutations actuelles du monde de la recherche que les évolutions récentes du paysage social (crises diverses, retour de la guerre en Europe, ère de la post-vérité…) légitiment que l’on questionne à nouveau la place et l’autonomie de la recherche. Ouverte largement sur les sciences, la réflexion portera surtout sur les sciences humaines et sociales. Elle envisagera l’autonomie comme un état encadré par des valeurs et des institutions mais aussi comme un processus d’émancipation, individuel ou collectif, ce dernier demeurant toujours constitutif de l’éthique de la science et des arts. 

Elle sera développée dans deux directions :

  1. Histoire des autonomies savantes et artistiques et leurs cadres (politiques, économiques, religieux).
  2. Histoire des mondes savants et artistiques en société (il s’agira notamment de considérer les processus de transmission et de coconstruction des connaissances, ce qu’on nomme aujourd’hui « science participative et ouverte »).