Projet EQUALIM, l’égalité en construction à l’Université de Limoges

Le projet européen EQUALIM a pour objectif de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l'Université de Limoges.

Le projet européen EQUALIM, porté par l’Université de Limoges et financé par le Fonds FEDER, a pour objectif de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes en son sein.

Les coordonnatrices du projet, Valérie Legros, maîtresse de conférences et actuelle chargée de mission pour l’Egalité entre les femmes et les hommes de l’Université de Limoges, et Martine Vinson, professeure agrégée à l’Université de Limoges, ont réalisé une étude approfondie sur la situation des enseignant-e-s, enseignant-e-s chercheur-e-s, personnels BIATSS et étudiant-e-s au sein de l’Université de Limoges. De plus, une analyse comparative auprès les universités étrangères intégrées dans le projet EQUALIM a permis de repérer les bonnes pratiques mises en place et d’étudier les possibilités de transfert.

Au motif de la clôture du projet, l’Université de Limoges organise un Séminaire International qui se tiendra les prochaines 12 et 13 novembre 2015 et qui réunira l’ensemble des universités partenaires.

Le projet EQUALIM aidera à sensibiliser la communauté universitaire à la question du genre et à tracer les lignes stratégiques d’action qui seront recueillies dans un futur plan d’action pour l’égalité entre femmes et hommes à l’Université de Limoges.


 

L’égalité est une affaire de tous ?

> Martine Vinson : De toutes et de tous !

> Valérie Legros : Evidemment. L’égalité c’est d’abord un des trois mots de la devise républicaine. C’est évident que nous avons à travailler sur cette question, et en fait, nous travaillons beaucoup sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’Université de Limoges. C’est important d’en parler et d’y travailler.

 

Quelles sont les conséquences de la crise financière sur l’égalité ?

> Martine Vinson : En période de crise nous voyons qu’il y a des tentatives pour pousser les femmes à rester chez elles et à revenir même sur des acquis tels que l’avortement ou autres. Je pense qu’il faut prendre conscience de cette tentative de recul.

> Valérie Legros : Nous avons tendance à penser que l’égalité c’est en fait un supplément d’âme et qu’il y a des choses qui sont plus importantes, comme par exemple rétablir le plein emploi. Sauf que rétablir le plein emploi ça veut dire aussi travailler sur l’emploi féminin. Nous savons qu’il y a des spécificités de l’emploi féminin et l’emploi masculin. Donc même en période de crise, c’est très important de travailler sur les femmes de la même façon que les hommes parce que nous avons tendance à les oublier.

 

Qui sont ces groupes de pression qui veulent revenir en arrière ?

> Valérie Legros : La pensée conservatrice c’est justement de faire revenir les femmes au foyer et les cantonner dans des rôles très traditionnels. Je pense à certains partis politiques, de droite par exemple, ou à des groupes de pression plus restreints mais qui ont des actions militantes très fortes. Au moment de la polémique sur les « ABCD de l’égalité », qui était un dispositif mis en place dans l’Éducation nationale pour lutter contre les stéréotypes filles-garçons à l’école, nous avons vu clairement des groupes de pression qui ont fait des manifestations, qui ont invité des slogans plus idiots les uns que les autres, pour manipuler les parents d’élèves. Tout cela a néanmoins abouti au retrait de ce dispositif qui n’était alors qu’expérimental.

> Martine Vinson : Je pense que des mouvements comme celui contre le « Mariage pour tous » propose un seul modèle familial : un homme, une femme et des enfants. Marion Maréchal-Le Pen, par exemple, se positionne contre l’IVG (Interruption volontaire de grossesse) parce qu’elle pense que c’est un moyen de responsabiliser les femmes, comme si les femmes étaient les seules concernées par la maternité. Tous ces mouvements veulent imposer un modèle d’une famille très traditionnelle, et en même temps entravent la liberté de la femme. Je pense que cette prise de position va très loin, dire qu’une famille c’est un homme, une femme et des enfants, cela veut dire que la sexualité est limitée à la procréation, c’est une sexualité « utilitaire ». Il y a une morale conservatrice qui est proposée et je crois que cette morale-là pèse sur l’égalité homme femme.

 

Valérie Legros : «Ce sont nos cadres de pensée qui sont à transformer, voire à détruire, pour concevoir complètement autrement les choses. Des rapports égalitaires doivent permettre de repenser les choses différemment».

 

Quelles sont les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes en France ?

> Valérie Legros : Il y a énormément d’inégalités vis à vis des femmes, mais il y a aussi des inégalités vis à vis des hommes. Une société égalitaire en France ce n’est jamais arrivé, et du coup c’est quelque chose qui est à créer. Ce sont nos cadres de pensée qui sont à transformer, voire à détruire, pour concevoir complètement autrement les choses. Des rapports égalitaires doivent permettre de repenser les choses différemment. Par exemple en cas de divorce : si les enfants ont moins de trois ans la garde des enfants est automatiquement accordée à la mère. Pourquoi ? Les hommes devraient pouvoir même en cas de divorce s’occuper de leurs enfants dès le bas-âge. Dans les pays du nord de l’Europe, par exemple, le congé parental se donne à partir du moment où Madame et Monsieur prennent le congé à égalité, et donc Madame et Monsieur prennent en charge de la même façon, à égalité, le rapport avec l’enfant.

> Martine Vinson : Les femmes sont souvent considérées comme un salaire d’appoint, ce qui justifierait quelque part qu’il y a un écart de salaire moyen entre 20 et 25 %. Souvent est mis en avant dans la famille le fait que le rôle des femmes, en tant que mère, serait primordial, mais la relation paternelle, la place du père, est aussi importante. Cette focale sur l’importance de la relation maternelle (qui n’est pas à minorer) est un des arguments qui tentent à éloigner la femme de la sphère publique, la cantonnant dans la sphère privée avec pour conséquence la dépendance financière et sociale des femmes.

Quand Najat Vallaud-Belkacem était Ministre des Droits des femmes, elle a précisé qu’il y avait eu, dans l’histoire des droits des femmes, un temps de discussion, de protestation, ensuite des lois ont été votées, et maintenant il est nécessaire que les mentalités changent, évoluent. Cela va être le plus difficile car ce n’est pas parce qu’une loi est promulguée que du jour au lendemain cet état de fait va être accepté. Je pense que la loi est sans doute un passage obligé, comme les quotas homme-femmes. C’est peut-être à ce prix-là que les mentalités changeront, mais il faudra du temps.

Il y a certains métiers qui sont plus ou moins « interdits » aux femmes (garagiste…) et d’autres qui sont plus ou moins « interdits » aux hommes (esthéticien …) ou des secteurs de métiers qui sont implicitement réservés aux unes et aux autres. La féminisation des noms des métiers (et la masculinisation aussi de certains autres) semble nécessaire de façon à donner une visibilité et des possibles à toutes et à tous, de faire que femmes et hommes se sentent concernés.

> Valérie Legros : Le monde dans lequel nous vivons n’est pas égalitaire : il est violent pour certains individus et il y a beaucoup de pression sociale. Mais nous pouvons imaginer des femmes ambitieuses, il y en a, et nous pouvons imaginer des hommes qui veulent s’occuper de leurs enfants, il y en a aussi. Le problème est que la société a du mal à entendre et à cautionner ces désirs qui sortent des stéréotypes sexués. Une véritable égalité existera le jour où n’importe quel homme pourra prendre un congé parental sans risquer un refus de la part de son entreprise, et quand les femmes seront présentes à part égale avec les hommes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. L’égalité, c’est respecter la volonté de chacun, la volonté de vivre comme on le souhaite, dans l’adhésion à des modèles traditionnels ou dans le choix de voies différentes.

 

Martine Vinson : «Quand nous parlons d’égalité c’est une question d’hommes et de femmes et du coup il faut libérer les uns et les autres des contraintes qui pèsent sur les elles-eux».

 

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En partant du constat qu’à l’Université de Limoges les femmes sont moins représentées dans les études de master et doctorat, est-ce que c’est possible d’encourager les femmes à continuer avec la recherche ?

> Valérie Legros : Ce sera peut-être un des résultats du travail du projet EQUALIM, car l’objectif est justement de produire un plan d’action et de proposer des mesures. Par exemple, comme nous voyons qu’au niveau du doctorat les femmes sont moins représentées, nous pouvons inciter à davantage d’égalité. Le fait de donner autant de bourses à des femmes qu’à des hommes par exemple peut encourager les femmes à poursuivre leurs études en doctorat.

> Martine Vinson : Il faut changer la mentalité des étudiants et étudiantes et leur dire que la recherche c’est de l’ordre du possible, et puis c’est aussi changer les mentalités des enseignants et de l’institution.

> Valérie Legros : Nous devons sensibiliser les filles en leur disant : « vos résultats de master valent autant que ceux des garçons, donc demandez une bourse ! Vous avez autant de chance d’obtenir la bourse que les hommes ». Nous pouvons commencer à travailler bien plus tôt, au niveau de la licence ou avant. Il y a des enfants qui vont comprendre très rapidement que les garçons vont plutôt aimer les mathématiques et les sciences, et à l’inverse que les filles vont plutôt aimer les langues. Il y a un vrai gros travail de sensibilisation et de familiarisation à faire pour changer cette dynamique.

 

Nous avons parlé des inégalités par rapport aux femmes et des inégalités par rapport aux hommes, mais nous trouvons que dans la majorité des cas sont plutôt les femmes les plus impliquées dans cette cause. Comment pouvons-nous impliquer les hommes à participer dans les débats sur l’égalité?

> Valérie Legros : Au niveau de la Conférence Permanente des chargés de mission Egalité Diversité (CPED), nous avons un peu moins de 25% d’hommes… c’est donc très peu ! Impliquer les hommes oui, c’est difficile, mais si je le dis de façon très triviale, nous considérons encore que justement l’égalité femmes-hommes est une histoire de femmes, de ce fait ce sont les femmes qui prennent en charge les femmes.

> Martine Vinson : Je crois que lorsque nous sommes du côté des « opprimées », nous avons tendance à dire que si nous ne nous prenons pas en charge… qui va s’en occuper ? Cela me fait penser à un étudiant, alors qu’il y avait une conférence au STAPS (les Sciences et techniques des activités physiques et sportives) à Limoges sur l’égalité homme-femme, qui se posait la question de savoir si les hommes n’avaient pas beaucoup à perdre dans ce processus égalitaire. Nous pouvons penser que peut être les hommes auront un petit peu à perdre mais nous pourrions également réfléchir à qu’est-ce qu’ils auront à gagner, parce qu’ils sont eux aussi soumis à des pressions et le rôle qu’on leur attribue est lourd : « un homme doit être fort », « il doit subvenir au besoin de sa famille »…

Nous ne nous inscrivons pas dans un processus d’accusation des hommes, notre propos est de dire que toutes et tous doivent participer à cette question, que chacune et chacun à un rôle à jouer dans la construction d’une société plus égalitaire. Ces rapports de domination sont des entraves autant pour les hommes que pour les femmes, même si sont plus marqués du côté des femmes. Donc quand nous parlons d’égalité cela concerne les hommes et les femmes, et du coup il faut libérer les uns et les autres des contraintes qui pèsent sur les elles-eux.

 

Martine Vinson : «Les individus se situent souvent dans le dénis, mais quand ils sont devant des chiffres et des preuves tangibles de cette inégalité il y a un retour réflexif et cela les pousse à réfléchir».

 

Quel état d’esprit avez-vous repéré au sein de l’Université de Limoges par rapport à la question d’égalité au moment de préparer le projet EQUALIM?

> Valérie Legros : Au niveau de la Présidence et de l’Équipe de la direction il y a un retour plutôt positif, il y a une réelle volonté d’agir. Nous avons les moyens pour travailler et je n’ai pas ressenti de résistance.

> Martine Vinson : La visite de terrain à lUniversité de Lausanne a permis à certaines personnes de l’Université de Limoges de prendre conscience de la situation. Les individus se situent souvent dans le déni en disant « non moi je ne fais pas ça, moi je suis égalitaire »… mais quand ils sont devant des chiffres et des preuves tangibles de cette inégalité, il y a un retour réflexif sur ce qu’ils font et cela les pousse à réfléchir. Et c’est très important qu’il y ait cette prise de conscience.

 

Par rapport aux visites de terrain (Séville, Barcelone, Lausanne, Vienne, Oslo…), aviez-vous déjà repéré des bonnes pratiques qui pourraient être transférées à l’Université de Limoges ?

> Martine Vinson : Chaque pays a ses particularités, par exemple la Suisse, et notamment dans le canton de Vaud, il y a peu de structures d’accueil pour les enfants, ce qui n’est pas le cas chez nous, et du coup à l’Université de Lausanne ils ont proposé une crèche au sein du campus. Au niveau de la Faculté de Biologie et de Médecine, ils ont proposé à tout le personnel un petit livret avec des termes épicènes. Je pense que nous pouvons jouer sur des moyens qui sont petits mais qui ont des conséquences très importantes.

> Valérie Legros : Il faut essayer de sensibiliser au maximum tous les personnels – d’enseignement et d’appui – et les étudiant-e-s de l’Université de Limoges. Nous avons vu des choses très intéressantes : donner des formations sur le genre aux étudiant-e-s ; essayer d’impliquer les laboratoires et les équipes dans le recrutement de femmes scientifiques ; mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle par exemple. Et surtout au niveau de la gouvernance et au niveau des ressources humaines, travailler sur les carrières des femmes et des hommes. Tout cela, c’est travailler davantage à la mise en place d’une égalité réelle.

 

Qu’est-ce que vous attendez du Séminaire international du projet EQUALIM qui se tiendra les prochains 12 et 13 novembre ici à l’Université de Limoges ?

> Valérie Legros : Moi ce que j’attends de ce Séminaire international, c’est justement que l’on puise partager, que déjà chacun puisse dire les choses qui se font, parce que nous avons une très mauvaise connaissance d’actions qui peuvent être menées par ailleurs. Il faut ajouter qu’à l’échelle de l’Europe, la France est un pays en retard. Ce qui me semble important, c’est aussi de pouvoir discuter sur ces différentes mesures pour savoir en quoi elles sont intéressantes et dans quelles conditions, bref c’est surtout profiter de l’expérience de personnes qui nous ont précédés dans cette démarche.

 

Et pour finir, est-ce que vous pouvez définir le projet EQUALIM dans une seule phrase ?

> Valérie Legros : S’enrichir des autres pour promouvoir localement l’égalité entre femmes et hommes.

> Martine Vinson : Faire avancer l’égalité homme-femme au niveau de l’enseignement supérieur, au niveau de l’Université et aussi bien du côté des enseignants que du côté des étudiants.

 


 > Dossier ‘L’égalité au sein de l’Université : Expériences de femmes’

> Vidéo L’égalité professionnelle en Limousin  (Région Limousin)