Appel à contribution, Capital Environnemental

 

Capital environnemental : représentations, pratiques, dominations, appropriations spatiales

18 – 21 novembre 2015 – Limoges

Appel à contribution pour le colloque

Le capital environnemental est né de manière intuitive : s’il a permis de solidariser les recherches de l’équipe éponyme du laboratoire GEOLAB, il s’agit aujourd’hui, à travers ce colloque, de confronter nos premières réflexions et de les enrichir des propositions de l’ensemble de la communauté scientifique, pour en approfondir les potentialités et le formaliser.

Le capital environnemental se présente comme une grille d’analyse qui vise à mieux comprendre les dynamiques socio-environnementales. Par environnement nous entendons ici une construction sociale et politique, soit l’interaction entre une matérialité biophysique et les représentations dont celle-là fait l’objet et dont elle peut être la projection.
De là, le capital environnemental peut être défini comme l’ensemble des investissements (socio-économiques, idéologiques, émotionnels, politiques, artistiques…) dans l’environnement réalisés par des acteurs selon leurs représentations, intérêts et systèmes de valeurs spécifiques. Il se distingue clairement du capital naturel et de l’approche positiviste qui le nourrit, puisque ce dernier est axé sur l’évaluation du potentiel écologique et économique des éléments naturels et des processus écosystémiques qui en dépendent. A contrario, nous considérons que l’investissement dans le capital environnemental se fait au nom de valeurs environnementales construites socialement, variées et parfois contradictoires. Cette approche met en jeu les différentes définitions de l’environnement portées par les acteurs : ressource, milieu, terrain de jeu, paysage, patrimoine naturel, cadre de vie ou encore projet politique.

Aucune ressource naturelle n’est un capital en soi : elle le devient quand il existe une demande sociale. Or, si l’on considère aujourd’hui l’ampleur des compétitions entre des usages concurrentiels de l’environnement, la force des demandes sociales et la multiplication des réponses politiques à ces attentes, le capital environnemental peut être considéré comme une forme de capital en plein essor, reconnue et convoitée. Cette tendance s’exprime sur un éventail large, depuis la persistance de l’exploitation des ressources naturelles, jusqu’à la revalorisation de modes de vie où l’environnement occupe une place centrale, que ce soit en milieu rural ou urbain.
On observe ainsi, dans les sociétés présentées comme d’économie postindustrielle, une sphère de valeurs environnementalistes, cohérente mais distendue, au nom desquelles un nombre croissant d’acteurs investissent aujourd’hui dans le capital environnemental. La protection de la nature, la recherche d’une meilleure qualité de vie, la consommation de produits locaux et biologiques constituent des puissants marqueurs de cet investissement dans des modalités de production et de consommation de l’environnement que l’on peut qualifier d’environnementalistes. A titre d’exemple, la marginalité de certains territoires ruraux, longtemps associée à des représentations négatives (isolement, déclassement social, déclin économique, etc.), est assumée, et dorénavant investie de représentations valorisantes (nature préservée, revendication d’un mode de consommation alternatif, avant-garde sociale, etc.). De même, la nature occupe une place croissante en ville, comme le montrent l’intérêt porté aux aménagements verts, le développement des écoquartiers, ou encore les initiatives de jardins partagés.

Les acteurs investissent dans le capital environnemental en convertissant leur capital préexistant, culturel, économique ou/et social. Ces investissements prennent la forme de pratiques spécifiques de l’environnement, de politiques environnementales, voire d’infrastructures : implication dans des réseaux de consommateurs alternatifs, achat de terres à fortes aménités paysagères, placement de parcelles en land trusts, prise en main de la planification locale, construction d’un barrage, etc. Tout capital étant par essence convertible, l’investissement dans le capital environnemental peut être aussi réalisé en vue d’une conversion à terme en capital économique, social ou culturel (spéculation immobilière, prestige social, entre-soi des milieux intellectuels, etc.).
Cette grille d’analyse permet également de réfléchir aux processus de diffusion des valeurs environnementales : nous pouvons en effet concevoir une gradation entre marginalité, légitimité et distorsion/altération des modes de consommation et de production de l’environnement proposés. En effet, de l’émergence d’une pratique alternative de l’environnement, à sa reconnaissance sociale et politique, jusqu’à sa déformation par différents procédés d’instrumentalisation et de greenwashing, les investissements dans le capital environnemental sont à analyser de manière multiscalaire dans le temps et dans l’espace. Cette évolution amène à interroger les réseaux d’acteurs, les stratégies d’alliance ou d’évitement, les modalités d’institutionnalisation, mais également le rôle de la science dans la diffusion de représentations hégémoniques de l’environnement. Ainsi certaines pratiques bénéficient aujourd’hui d’une connotation largement positive sans que l’argumentaire environnemental ne soit nécessairement explicite, et cette pleine appropriation du paradigme environnemental, jusqu’à son effacement dans les discours, est rendue manifeste par cette rhétorique de l’évidence.

Le capital environnemental est ainsi à considérer au sein d’un jeu social complexe, où l’émergence, la diffusion puis la légitimation sociale de certaines représentations et pratiques de l’environnement peuvent faire l’objet de concurrences et être à la source de conflits.
Son étude semble donc indissociable de l’analyse des stratégies de domination et de pouvoir/contre-pouvoir, ce qui soulève la question des inégalités sociales et spatiales, et amène à réfléchir aux enjeux de justice environnementale. L’inégale capacité d’investissement des acteurs dans le capital environnemental, et les différentes formes que peuvent prendre ces investissements, sous-tendent en effet de fortes inégalités d’accès à l’environnement, et permettent d’interroger la (re)production d’une logique dominants/dominés dans les pratiques comme dans la capacité à imposer des définitions légitimes de l’environnement.

Ce colloque permettrait ainsi de soulever de nombreuses questions :

  • Quels sont les apports de la grille d’analyse capital environnemental au regard des dynamiques socio-environnementales observées ? Quels types de dynamiques socio-environnementales peuvent être ainsi éclairées ?

  • Le capital environnemental comprend-il l’ensemble des investissements réalisés au nom de valeurs environnementalistes uniquement, ou la capacité des acteurs à imposer et mobiliser leurs propres valeurs environnementales (et donc pas nécessairement environnementalistes) ?

  • Quelles sont les potentialités et les limites de cette approche ?

  • Quelles formes prennent les différents investissements dans le capital environnemental, de quelles valeurs et représentations de l’environnement se nourrissent-ils ?

  • Comment évoluent-ils dans l’espace et le temps ? Où se localisent-ils, et quels enseignements tirer de ces localisations ? Quelles sont les temporalités de ces investissements ?

  • Qui investit dans le capital environnemental aujourd’hui ?

  • Quelle pertinence du capital environnemental appliqué à un autre cadre territorial : est-il une grille d’analyse créée par le Nord et pensée pour le Nord ?

  • Comment raisonner en termes de capital environnemental tout en rejetant le traitement managérial de l’environnement ? Comment analyser les investissements qui le supportent en dépassant sa lecture financière ?

  • Comment cette approche peut-elle enrichir le traitement des inégalités sociales et spatiales face à l’environnement, et compléter les travaux sur la justice environnementale ?

Mots-clefs
  • Environnement : représentations, pratiques, productions, consommations, valeurs environnementales

  • Capital : mécanismes de domination ; inégalités socio-spatiales ; (in)justices
Fonctionnement

Ce colloque a pour objectif de nourrir la grille d’analyse capital environnemental déjà esquissée, à partir de communications théoriques et d’approches plus empiriques (études de cas).
Afin de ne pas orienter, et donc restreindre les réflexions, le comité scientifique ne propose pas une liste d’axes déjà établis : les grandes thématiques du colloque seront élaborées à partir des propositions reçues.
Le colloque sera constitué d’un temps de présentations des communications, puis, afin de favoriser l’interaction entre les chercheurs, de séances en groupes de travail qui réuniront les communicants par thématiques. Pour mener à bien cette démarche, chaque intervenant doit donc s’engager à lire de manière approfondie les interventions des différents communicants de son groupe de travail.
La journée du samedi sera consacrée à une expérimentation sur le terrain des thématiques abordées par les différents groupes de travail.

Comment répondre à cet appel ?

Les propositions sont à adresser avant le 21 avril 2015 à l’adresse suivante :
Format attendu : résumé de 3 500 signes, titre, nom(s), prénom(s) du ou des auteurs, rattachement institutionnel, adresse mail.

Les communications peuvent être proposées en anglais, mais le français sera la langue de travail privilégiée lors des séances en groupes.

Pour toute question relative à l’organisation du colloque ou discussion scientifique, vous pouvez également contacter les organisateurs à cette adresse :

Calendrier
    • Envoi des propositions de titres et de résumés avant le 21 avril 2015.
    • Sélection des communications retenues, et constitution des groupes thématiques en mai 2015
    • Envoi des communications définitives avant le 21 juin 2015.
    • Diffusion des communications à l’ensemble des intervenants de chaque groupe thématique, pour une lecture de préparation, à la rentrée 2015.

Ce colloque aura lieu à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Limoges, du 18 au 21 novembre 2015.

Publications envisagées

Après sélection des communications, nous projetons de publier les actes du colloque sous la forme d’un ou de plusieurs numéros de revues (Vertigo, L’Espace Politique, Développement durable et territoires, Cybergeo…). La publication d’un ouvrage est également envisagée.

Comité scientifique
  • Véronique ANDRE (ADESS)
  • Xavier ARNAULD DE SARTRE (SET)
  • Paul ARNOULD (ENS Lyon)
  • Gabrielle BOULEAU (IRSTEA Bordeaux)
  • Laurent CAILLY (CITERES)
  • Samuel DEPRAZ (Environnement, Ville et Société)
  • Sylvain GUYOT (GEOLAB)
  • James LINTON (GEOLAB)
  • Frédéric RICHARD (GEOLAB)
  • Eric ROUVELLAC (GEOLAB)
  • Gabrielle SAUMON (GEOLAB)
  • Erik SWYNGEDOUW (Society and Environment Research Group, Manchester University)
  • Greta TOMMASI (GEOLAB)
  • Vincent VESCHAMBRE (Environnement, Ville et Société)
Comité d’organisation
  • Emilie CHEVALIER (GEOLAB)
  • Julien DELLIER (GEOLAB)
  • Edwige GARNIER (GEOLAB)
  • Romain ROUAUD (GEOLAB)
  • Greta TOMMASI (GEOLAB)

Téléchargez l’appel à communication

39E Rue Camille-Guérin
87036 Limoges Cedex
France
Tél. +33 (5) 05 55 43 56 00
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