A propos de l’imaginaire de la bande dessinée factuelle (1949-2019). De l’injonction éducative au triomphe éditorial

Thèse de Maxime HUREAU

Soutenance le vendredi 08 décembre 2023 à 14h00

Faculté de Lettres et Sciences Humaines – Salle D202

Résumé de la thèse en français :

Définie par contraste avec la bande dessinée fictionnelle pour désigner une production se donnant pour but de décrire le réel, de dire le vrai ou de transmettre des savoirs, la bande dessinée factuelle connaît un succès grandissant. Nous nous sommes alors proposé de relire l’histoire de la bande dessinée publiée en France à travers ce prisme, depuis les discours prescriptifs de 1949, de l’ordre de l’injonction éducative, aux succès éditoriaux contemporains qui paraissent parfois excéder le champ de la bande dessinée. Au carrefour de l’histoire culturelle et littéraire, ce travail tente de rendre compte de la construction de l’imaginaire de la bande dessinée factuelle, ce qui suppose de se saisir des œuvres comme matière principale. A travers des supports très divers, dont des illustrés et des titres de la presse quotidienne, des magazines, de nombreux albums, quelques fanzines ou blogs autobiographiques ainsi que des « romans graphiques », ce travail a d’abord vocation à mettre en exergue un large corpus dans sa cohérence et ses tensions. Confronté par conséquent à des productions tantôt négligées tantôt bien identifiées par ailleurs, nous avons souhaité intégrer une réflexion sur le statut culturel de la bande dessinée comme composant actif de l’imaginaire étudié. A chaque transformation importante du champ, il est en effet apparu que la factualité était investie différemment, dialoguant ainsi avec les représentations à l’œuvre. D’abord, à partir de 1949, la factualité soutient la respectabilité de la bande dessinée, alors marquée par un ton particulièrement conservateur, entre des récits éducatifs courts et des aventures biographiques édifiantes. Ceux-ci jouent probablement un rôle dans l’affirmation de la bulle en France face, à cette époque, à différents types d’iconotextes factuels (récits en image, bande verticale) également analysés dans ce travail. La factualité devient ensuite un repoussoir dans les années 1970 pour de nouveaux magazines qui, lorsqu’ils ne l’ignorent pas, la tournent en satire. En parallèle, des éditeurs plus institutionnalisés reviennent eux à l’Histoire en « bandes dessinées », considérant que cette dernière pouvait être éducative et non seulement à contrôler. Par un pas de côté, les éditeurs alternatifs ont bénéficié dans les années 1990, avec l’autobiographie et le reportage, d’un espace de revendication auctoriale inouïe, mêlant représentation d’artiste et discours plus ou moins critiques sur le monde. L’étude de tirages et des prix décernés en festivals (dont Angoulême) met en lumière la massification de cette production, qui est aussi une étape dans l’institutionnalisation de la bande dessinée à partir d’un imaginaire revenant à l’éducation tout en capitalisant sur la figure auctoriale comme approche subjective. Suivant cette épistémologie, l’usage académique très récent de la bande dessinée, appuyé par le genre de l’essai, pourrait alors ouvrir à une autre étape de l’institutionnalisation de la bande dessinée en France.

Résumé de la thèse en anglais:

Defined in contrast to fictional comics to designate a production that aim to describe reality, tell the truth or transmit knowledge, factual comics enjoy growing success. We therefore intent to re-consider the history of comics published in France through this prism, from the prescriptive discourses of 1949 with a educational injunction, to contemporary editorial successes that sometimes seem to go beyond the field of comics. At the crossroads of cultural and literary history, this work attempts to examine the construction of the imaginaire of factual comics, which presupposes taking works as the main subject matter. Through a wide variety of media, including illustrated comics and titles from the daily press, magazines, numerous albums, a few fanzines or autobiographical blogs, as well as « graphic novels », this work aims first to highlight a large corpus in its coherence and tensions. Confronted with productions that are sometimes neglected, sometimes well identified, we wanted to include a reflection on the cultural status of comics as an active component of the imaginaire studied. With each major transformation of the field, it became apparent that factuality was invested differently, in dialogue with the representations at work. First, from 1949, factuality underpinned the respectability of comics, then marked by a particularly conservative tone, between short educational tales and edifying biographical adventures. These probably played a role in the affirmation of the speech bubble in France at that time, in the face of different types of factual iconotexts (pictorial narratives, vertical strips) also analyzed in this work. In the 1970s, factuality became a repellent for new magazines, which, when they didn’t ignore it, turned it into satire. At the same time, more institutionalized publishers returned to « comic strip » history, believing that it could be educational and not just something to be controlled. In the 1990’s, with autobiography and reportage, alternative publishers benefited from an unprecedented space for auctorial assertion, combining artist representation with more or less critical discourse on the world. Analyses of print runs and prizes awarded at festivals (including Angoulême) highlights the massification of this production, which is also a stage in the institutionalization of comics based on an imaginaire that returns to education, while capitalizing on the auctorial figure as a subjective approach. Following this epistemology, the very recent academic use of comics, supported by the genre of the essay, could then open up another stage in the institutionalization of comics in France.

Mots clés en français : bande dessinée,factualité,non-fiction,XXème siècle,histoire culturelle et littéraire,savoir
Mots clés en anglais :  comics,factuality,non-fiction,20th century,cultural and literary history,knowledge
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