Le projet architectural comme rencontre chronotopique
« Hommage à Paul Ricoeur »

Josep Muntañola Thornberg

Departament de Projectes Arquitectònics
Universitat Politècnica de Catalunya
Barcelona

https://doi.org/10.25965/as.3010

L’article analyse le projet architectural comme rencontre chronotopique. D’abord la théorie dialogique de Mikhaïl Bakhtine est utilisée pour aboutir à une vision chronotopique du projet avec l’aide des derniers écrits de Paul Ricoeur sur l’espace et le temps selon « Les Parcours de la Reconnaissance ». Dans un deuxième chapitre la notion de chronotope est utilisée afin d’analyser les idées et les projets de Le Corbusier et d’Enric Miralles. Finalement la relation entre chronotope, projet et la poétique d’Aristote est pleinement confirmée.

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Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Mots-clés : architecture, chronotope, dialogie, poétique, projet architectural

Auteurs cités : ARISTOTE, Mikhail BAKHTINE, Sigmund FREUD, Jean Piaget, Luis PRIETO, Paul RICOEUR, Leonide Tchertov

Plan
Texte intégral

Introduction

Note de bas de page 1 :

 Revue Communications n. 27 (P. Boudon éd).

Cette proposition de participer au numéro commémoratif du travail d’Alain Renier est pour moi l’occasion de considérer la situation de la pensée architecturale trente ans après une première invitation au numéro de la revue Communications dirigé par Pierre Boudon1. L’invitation est ciblée vers le projet urbain comme texte ; toutefois l’enjeu est semblable au défi antérieur, c'est-à-dire, la recherche des dimensions sémiotiques de l’espace architectural.

Dialogie et projet architectural

Note de bas de page 2 :

 Voir Josep Muntañola, La Topogénèse., ed Anthropos, Paris, 1996.

Note de bas de page 3 :

 Voir J. Muntañola, Arquitectura y Dialogia (texte en espagnol et en anglais), ed.UPC, Barcelona, 2006.

Ma participation est aujourd’hui très tributaire de l’impact que la pensée dialogique de Mikhaïl Bakhtine a eu sur ma propre pensée2. J'ai pu lire cet auteur exceptionnel ces dernières années, à partir des traductions de ses oeuvres en anglais, et j’ai découvert dans ses textes un rapprochement étonnant avec ma propre pensée3.
Il s’agit donc, d’abord, de synthétiser la structure dialogique du projet architectural comme texte. Bakhtine lui-même fait une distinction entre dialogie et linguistique (non dialogique) lorsqu’il écrit quelques années avant sa mort :

Note de bas de page 4 :

MikhaïlBakhtine,. Speech Genres, University of Texas Press, 1986.

« The units of speech communication – whole utterances – cannot be reproduced and they are related to one another dialogically»4.

Ainsi le projet architectural, comme texte, permet de considérer chaque projet comme un réseau chronotopique préfiguratif d’un objet architectural unique dans sa relation à un contexte géographique et historique singulier. Analogiquement au fait qu’une phrase est singulière du point de vue dialogique, le projet architectural comme texte est lui aussi unique. Inversement, pour analyser un objet architectural construit (édifice ou territoire), il faut distinguer une lecture, que Bakhtine considère comme technique, qui n’est pas caractérisée par une signification dialogique singulière mais seulement par ses « codes » autonomes et linguistiques, lesquels sont indépendants du contexte géographique et/ou historico-culturel d’une lecture proprement dialogique.

Note de bas de page 5 :

 LuisPrieto, Pertinence et Pratique, éd.de Minuit, Paris. 1975.

Note de bas de page 6 :

 Voir ma contribution dans le numéro monographique de la revue Semiotica, coordonné par Pierre Pellegrino.

D’un point de vue sémiotique, cette perspective dialogique est aussi, pour moi, proche de la position adoptée par Luis Prieto dans Pertinence et pratique5, livre qui n’a pas eu de suite mais qui envisage une complexité dialogique à partir d’une « logique » dédoublée par l’auteur dans une simultanéité de significations superposées qui constituent également la « technique » de Bakhtin et de sa « dialogique »6.

Note de bas de page 7 :

LeonidTchertov, Spatial Semiosis in Culture,  Sign Systems Studies 30.2, Tartu, 2002.

J’essaierai donc, en accord avec mes préliminaires et en accord avec l’excellente analyse récente de Leonid Tchertov7, de comprendre le projet architectural comme étant une dialogie entre géographie et histoire, ayant une base sémiotique et technique d’une très grande plasticité,

Dans le diagramme I représentant la classification chronotopique des arts, il est possible de situer l’architecture en un lieu spécifique, et situer également un centre mathématique et géométrique nécessaire, et en même temps destructeur ; un centre proche des « trous noirs » de l’astronomie moderne.

Diagramme I :Structure chronotopique de la communication intersubjective

Diagramme I :Structure chronotopique de la communication intersubjective

Note de bas de page 8 :

 JeanPiaget, Etudes Sociologiques. éd Droz - Muntañola, J. Las formas del tiempo, vol. I (sous presse).

En conformité avec l’épistémologie génétique piagétienne, les mathématiques apportent une liberté qui rend possible la mobilité, l’introspection et l’abstraction, tout en ouvrant le sujet humain à l’expérimentation ; en effet, il découvre, par un constant exercice de feed back entre assimilation et accommodation, entre texte et contexte d’une part et entre réalité et virtualité d’autre part, la nécessaire adaptation à la géographie et à l’histoire. Ce « trou noir » du diagramme I correspond au trou noir de notre propre pensée (mentale), à la fois garant de notre liberté et origine de notre plasticité « dialogique », qui oscille entre un manque de liberté totale du type « dictacture absolue » ou « individualisme total », et une infinie gradation de coopération sociale, unique source de la pensée, selon Jean Piaget8.

Note de bas de page 9 :

 J. Muntañola, Architecture et Herméneutique. ed. UPC, Barcelone, 2002. (contenant une interview de P. Ricoeur, textes en français et en espagnol).

Note de bas de page 10 :

 Paul Ricoeur, Temps et Récit, Seuil, Paris, 1985.

En écartant ainsi les deux extrêmes (mortels) que sont la tyrannie absolue et l’individualisme absolu, le projet architectural peut être saisi, dans chaque cas, comme un texte dialogique unique constituant une proposition préfigurative intrigante, intelligible et intertextuel d’une architecture entre histoire et géographie. C’est exactement l’argument que Paul Ricoeur retient, de manière exemplaire, dans son article fondamental sur l’architecture9. Décédé il y a peu, ce philosophe nous a légué dans les dernières années de sa vie, des écrits sur le projet comme texte d’une extrême lucidité. Quant à la « mesure » de cette signification dialogique, le problème se pose de savoir s’il correspond uniquement à une grammaire, une phonétique etc., … Ici, la notion de chronotope de Bakhtin, avec ses « voix » et ses « points de vue », s’impose comme Paul Ricoeur l’a démontré10.
Mais comme l’indique le diagramme I, le fonctionnement d’un texte littéraire est différent de celui d’un projet architectural comme texte. Ici, le chronotope entre Espace-Temps cosmique et Espace-Temps social, qui est la mesure du texte littéraire épique, romanesque, lyrique etc., a une structure très particulière que Baktine suppose incompatible avec ces catégories littéraires ; La relation auteur-usager (lecteur) est très différente, suivant l’identification faite à travers l’objet, de l’auteur à l’usager, comme l’avait défini Aristote dans sa Poétique (chapitre 11) quand il mentionnait :

Note de bas de page 11 :

 Aristote, La Poétique (traduction de Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot), Paris, Éditions du Seuil, 1980,  p. 71. 

« La reconnaissance, comme le nom même l’indique, est le renversement qui fait passer de l’ignorance à la connaissance, révélant alliance ou hostilité entre ceux qui sont désignés pour le bonheur ou le malheur. La reconnaissance la plus belle est celle qui s’accompagne d’un coup de théâtre, comme par exemple celle de l’Œdipe. »11

Note de bas de page 12 :

 Idem, note 3.

Note de bas de page 13 :

 Au sujet de la manipulation de la mémoire : P. Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, éd. Seuil, Paris, 2000.

L’objet architectural peut donc engendrer des communications dialogiques que la littérature ne peut pas faire, comme celles entre la fonction et la forme dans le monde réel, à partir d’une préfiguration (projet) et d’une identification, ou bien des relations entre l’objet et le sujet, même en l’absence de personnages. Bakhtin parle ici d’« auteurs potentiels »12, sorte de personnages littéraires créés par lui qui sont la plupart du temps virtuels mais qui, en architecture, sont bien réels. Cette caractéristique « d’auteurs potentiels » donne au projet architectural (ainsi qu’à la sculpture, et à la nature elle-même), la possibilité de construire les deux extrêmes « destructifs » de la pensée dont nous avons parlé, un territoire avec des chronotopes isolés, sans relation sociale, ou un territoire tyrannique, également mortel pour la culture, comme l’a montré récemment par exemple, la dictature en Roumanie, avec des relations sociales imposées et une mémoire détruite et manipulée13.

Note de bas de page 14 :

 J.Muntañola, Voir plusieurs articles concernant cette recherche publiée dans différentes langues :  www.arquitectonics.com/

En dehors de ces cas extrêmes culturellement fermés et pathologiques, nous avons une gamme riche et vitale de collaborations sociales, de dialogiques « texte-contexte » qu’il est possible d’étudier. J’ai travaillé pendant des années sur l’apprentissage des enfants afin de démontrer que cette relation entre Espace-Temps mental (psychogenèse), Espace-Temps social (sociogenèse) et Espace-Temps de l’architecture du territoire (topogénèse) n’est pas une simple supposition mais une réalité que nous hésitons quelques fois à accepter ou à comprendre14, dans laquelle nous sommes inscrits.

Le chronotope architectural

Note de bas de page 15 :

 Voir la thèse doctorale inédite de Andrea Ortega, Barcelona UPC et aussi Arquitectonics 13, « Architecture and Dialogics”, J. Muntañola, editor.

L’application de cette approche théorique demande un travail semblable au travail que Sigmund Freud a demandé à ses patients. Le chronotope architectural, avec ses voix et ses points de vue, ne peut pas être compris d’une manière automatique ; il demande un effort spécifique, soit une « recherche patiente » comme le soulignait Le Corbusier.15

Nous, architectes, ne voulons pas renoncer à l’autonomie de notre métier ; nous refusons de convertir notre manière de projeter en littérature, en sociologie, en géographie, ou encore en psychologie etc.…Cette attitude me semble tout à fait légitime, lorsqu’on voit, qu’au moindre relâchement de la part de l’architecte, d’autres acteurs du projet, ayant eux aussi une formation pluridisciplinaire comme l’archéologue ou le géographe, s’approprient le pouvoir de décider dans le dos du maître d’œuvre. Ainsi, les deux dangers mortels que sont l’individualisme et la tyrannie se voient convertis, face à cette « autonomie » du texte architectural, en Tour de Babel. Dès lors, deux voies sont possibles :

  • Une autonomie pour augmenter la pensée et la richesse dialogique (oui)

  • Une autonomie pour isoler monologiquement l’architecture de son contexte historique et social (non).

Note de bas de page 16 :

 Voir P. Ricoeur, idem, note 10.

Dans un projet architectural comme texte, nous avons un « auteur-lecteur potentiel » qui habite ce texte (objet préfiguré), comme « masque » social (forme) et comme « péripétie » sociale (trace, fonction)16. Ce pouvoir de connecter « masque » et « péripétie » dans un unique événement dialogique qui s’ancre dans l’esprit de l’usager à travers un phénomène d’appropriation constitue vraiment la spécificité de l’architecture. Comme le disait très justement Hölderlin « Poétiquement, l’homme habite ». J’ajouterai : l’homme habite poétiquement, mais aussi éthiquement et épistémologiquement (cognition).

Le texte littéraire est lu, le texte architectural est habité. Les deux sortes de texte constituent une seule culture ; elles sont complémentaires mais différentes dans l’Espace et le Temps de l’univers dans lequel elles sont écrites et habitées. En poursuivant cette réflexion, il serait possible d’établir une dialogie entre ces deux textes, mais nous nous éloignerions trop de notre sujet. Le projet architectural comme texte préfigure une construction habitable, à travers une articulation des éléments (matière) qui rend possible un certain nombre de fonctions et de relations intersubjectives et qui, par le fait même, en rejette d’autres. Le projet architectural correspond donc à la préfiguration d’un « moule », semblable à celui que Jean Piaget évoque en définissant les effets de l’environnement sur l’organisme.

J’imagine que ce numéro contient déjà des études concernant la « grammaire » de ce moule. Nous nous intéresserons, dans le cas précis de cette étude d’un point de vue dialogique, à deux éléments de cette grammaire : les « voix » et les « points de vue ». Le diagramme II synthétise cette structure poétique du projet architectural.

Diagramme II :Centre chronotopique (socio-physique et spatio-temporel) de l’architecture, ou L’origine de la synchronisation ou résonance sémiotique du texte architectural

Diagramme II :Centre chronotopique (socio-physique et spatio-temporel) de l’architecture, ou L’origine de la synchronisation ou résonance sémiotique du texte architectural

De cette façon, le projet architectural comme texte acquiert la structure poétique et la puissance d’autres formes de communication intersubjectives à partir de la liaison profonde existant entre construire et habiter. Par conséquent, l’Espace-Temps cosmique construit, à savoir l’architecture et l’urbanisme, crée une résonance entre le spectateur mental et l’Espace-Temps historique et social. Cette résonance constitue l’objet d’étude de la sémiotique de l’architecture.
Aucun arbitraire n’apparaît ici entre la réalité et le code comme dans la communication verbale. Toutefois, l’arbitraire réside dans l’Espace-Temps « vide » du lieu, avec son « dehors » et son « dedans » pouvant contenir des histoires diverses … Une « archi-écriture » qui travaille au-delà de la langue, en amont et en aval directement sur le lieu habité... Mais si le vide du texte du projet architectural (l’espace vide) se comporte de la même façon que l’arbitraire du signe linguistique, le texte lui-même atteindrait les limites du raisonnable. Une porte se convertirait alors en une simple ouverture par laquelle on rentre et on sort, sans aucune relation avec la signification du mot « porte »…

Note de bas de page 17 :

 Voir Etudes sociologiques, Ed. Droz, Genève.

Note de bas de page 18 :

 Idem note 15.

Note de bas de page 19 :

 Voir J. Muntañola, Arquitectura 2000  (architecture 2000), ed. UPC, Barcelona, 2004.

Note de bas de page 20 :

 Expression empruntée à Roland Barthes.

Note de bas de page 21 :

 Idem, note 15.

La relation fondamentale entre construire et habiter est alors articulée par une motivation qui s’exprime d’une façon spécifique dans chaque culture. Comme Jean Piaget l’a justement souligné, nous sommes confrontés à un arbitraire très différent de celui de la linguistique. Celui-ci rajoute, dans une étude ultérieure17 que la distribution chronotopique du diagramme I affecte également la communication psycho-sociale. Ainsi, la manière d’influencer la réciprocité sociale n’est pas la même en littérature, au cinéma, ou en musique et par conséquent en architecture. Pour cette raison, chaque culture est affectée par le rôle de ces différents chronotopes dans leur globalité spécifique (cosmique). Nous avons dit que l’espace architectural devait « synchroniser » la croissance psychogénétique de l’individu avec le développement sociogénétique et historique. Cette synchronisation constitue le chronotope. On y retrouve forcement les structures psychosociales de base : sexualité, famille, groupes sociaux en termes de pouvoir, etc. qui affectent la réciprocité du lien social, les facteurs modifiant l’acceptation ou non d’un chronotope architectural. L’analogie littéraire est ici claire, mais il faut bien se rendre compte que, dans ce cas, ce n’est pas le langage qui fait le lien entre l’intérieur et l’extérieur du corps (sujet) mais l’édifice et le territoire, avec des possibilités de codification inter-personnelles très spécifiques. Prenons le cas de l’architecte Le Corbusier : celui-ci, malgré son tempérament fermé par rapport à la société, nous a proposé une lecture dialogique d’une manière de projeter qu’il a dénommée « la recherche patiente »18. Le Corbusier « retrouvé » signifie qu’il existe un « autre » Le Corbusier ouvert, instigateur des complicités complexes, qui a considéré le projet comme un processus interdisciplinaire entre les arts et les sciences. Cette démarche n’a rien à voir avec la vision rationaliste et rigide d’un architecte qui produit un texte canonique, clairement ordonné et virtuellement déterminé. Un exemple suffit : Le poème de l’angle droit, avec son ambiguïté créatrice, volontairement floue mais architectoniquement très précise. Ce paradoxe est loin d’être unique : Bakhtine, lui aussi de nature introvertie, a toujours été extrêmement sensible et ouvert au « dialogue mental ». On peut mentionner enfin l’exemple de l’architecte catalan Enric Miralles, décédé malheureusement trop tôt en l’an 2000, grand admirateur de Le Corbusier et de Picasso. Il est possible de voir dans les images de 1 à 5 suivantes, la genèse d’un « texte » qui mélange plusieurs formes d’ « écriture »19avant d’arriver à la forme (projet) d’une île non encore construite.
Les deux stratégies fondamentales du projet architectural comme texte dialogique, la trace et le masque (voir le diagramme II), sont utilisées dans cet exemple avec une extrême finesse. Les usagers sont soumis à un monde de signes20, une charnière, avec comme unique orientation, la structure spatio-temporelle de l’objet lui-même, comme articulation mentale entre le monde géographique et l’histoire sociale du lieu. Il n’existe aucune garantie de compréhension d’une lecture comme dans toutes les structures chronologiques du diagramme I mais l’analyse d’autres oeuvres construites par Miralles nous permet d’affirmer que le texte, une fois construit et habité, a une intelligibilité et une « habitabilité » considérable. La quête architecturale d’Enric Miralles est certainement à l’opposé d’un texte architectural toujours condamné à l’immobilité et à l’éternelle fixation à un site21.

Figure 1 : Projet pour un musée à Thessalonique. (Enric Miralles, architecte).

Figure 1 : Projet pour un musée à Thessalonique. (Enric Miralles, architecte).

Figure 2 : Références pour le projet (Enric Miralles, architecte).

Figure 2 : Références pour le projet (Enric Miralles, architecte).

Figure 3 : Premières configurations du projet (Enric Miralles, architecte).

Figure 3 : Premières configurations du projet (Enric Miralles, architecte).

Figure 4 : Autres références (Enric Miralles, architecte).

Figure 4 : Autres références (Enric Miralles, architecte).

Figure 5 : Configurations narratives trans-historiques. (Enric Miralles, architecte).

Figure 5 : Configurations narratives trans-historiques. (Enric Miralles, architecte).

Conclusion : L’enjeu du texte architectural

Note de bas de page 22 :

 Voir J. Muntañola, Arquitectonics: Arquitectura, Modernidad y conocimiento, Barcelona 2000.

Nous sommes des êtres chronotopiques et cependant, dans le cas du « texte » architectural, nous sommes obligés d’investir dans le projet toute notre vie sociale, mentale et « cosmique »22.

Dans la classification du diagramme I, l’architecture, avec pour condition intrinsèque de projeter à partir de la construction et de l’habiter existant, occupe un « lieu » singulier. L’écriture d’un tel « texte » constitue un défi personnel considérable. La géographie cosmique, la société « historique » ainsi que leur articulation mentale sont inévitables. Nous vivons à l’intérieur de ce texte et ne pouvons lui échapper. Paul Ricoeur dans son premier volume de la Philosophie de la volonté (1949) a précisé que puisque nous n’avons pas choisi ni la famille, ni le lieu de notre naissance, nous avons la liberté de critiquer et de condamner les abus des dictateurs et des manipulateurs. De la même manière, et en hommage à la philosophie que l’auteur a suivi toute sa vie, cette prédétermination chronotopique du texte architectural devrait nous obliger à condamner les désastres urbanistiques de notre époque et exiger une certaine qualité dans la construction de l’espace-temps « cosmique » de notre environnement. Dans le cas contraire, nous condamnerons nos successeurs à vivre sur une terre pourrie, malade ou détruite.

Note de bas de page 23 :

 P.Ricoeur, Les parcours de la Reconnaissance. Ed. Stock, Paris, 2005.

Dans un de ses derniers textes, publié après sa mort23, Paul Ricoeur analyse avec une lucidité incroyable « les parcours de la Reconnaissance ». Selon lui, le temps et l’espace de l’Humanité nous dirigent vers cette notion intersubjective fondamentale de « reconnaissance ». Ces parcours de la reconnaissance sont, en fait, une synthèse de la Poétique d’Aristote entre la péripétie (l’intrigue, le parcours) et la récognition (la reconnaissance). Pour conclure, voici un petit fragment de ce texte exceptionnel : « Un parcours comme polysémie de la reconnaissance réglée à mi-chemin entre l’homonymie et l’universalité. »

Traduction par Clothilde GIORGETTI

Pour citer ce document

Muntañola Thornberg J., (2008). Le projet architectural comme rencontre chronotopique. Actes Sémiotiques, (111). https://doi.org/10.25965/as.3010

Auteur
Josep Muntañola Thornberg
Josep Muntañola Thornberg. Architect. Head of the Design Department, Polytechnical University of Catalonia (2007-2010)
Honors: Honorary PhD Degree: University of Da Lusiada, Lisbon, June 2005.
Member of the Catalan Royal Academy of Fine Arts, 2003.
Member of the Spanish National Commission of Evaluation of Research, 2006.

Publications: More than 25 books and 200 articles. See webs below.

References of Josep Muntañola
:
Architecture 2000: Mind, Land and Society, Arquitectonics, issue 11, Barcelona: Edicions UPC, 2004.
La arquitectura como lugar, Barcelona : Edicions UPC, 1997.
La Topogénèse, Paris: Anthropos, 1997.
The City Evaluated by Its Children, City Hall of Barcelona, 1992.
“Architectural Cognition and the Semiotics of Place”, Symposium in Andros, in Espaces et Societees, issue 47, 1987.
“Towards an Epistemological Analysis of Architectural Design as a Place-Making Activity”, in Behavior and Meaning in the Built Environment, Broadvent, Llorens and Bunt (eds), London: Wiley and Sons, 1980.

Webs:
www.arquitectonics.com
www.edicionsupc.es
www.upc.edu/pa/
www.corainfo.com
Departament de Projectes Arquitectònics
Universitat Politècnica de Catalunya
Barcelona
jose.muntanola@upc.edu
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