Régimes de sens et styles de vie

Eric Landowski

Paris, C.N.R.S.

https://doi.org/10.25965/as.2647

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Mots-clés : forme de vie, style de vie

Auteurs cités : Denis BERTRAND, Gilles DELEUZE, Jean-Marie FLOCH, Jacques FONTANILLE, Michel FOUCAULT, Jacques GENINASCA, Algirdas J. GREIMAS, Pierre Hadot, Teresa Keane, Eric LANDOWSKI, Claude LEVI-STRAUSS, Maurice MERLEAU-PONTY

Texte intégral

Que la réflexion sur le sens (puisque c’est l’objet de toute sémiotique) soit en dernière instance une réflexion sur la vie ne saurait être une découverte pour personne, en tout cas parmi nous, sémioticiens greimassiens. Chacune des grandes initiatives qui ont scandé l’entreprise conduite par Greimas témoigne du fait que chez lui l’une suppose ou implique toujours l’autre. C’est la reconnaissance d’un lien indissoluble, noué au cœur de la perception, entre « sens » et « vie » qui pousse, dès Sémantique structurale, vers un dépassement des sémantiques purement linguistiques ou logiques ; à partir de Du sens, c’est elle qui inspire l’idée centrale de narrativité comme « projet de vie » ; et c’est elle encore qui justifie, avec De l’Imperfection, l’ouverture de la grammaire à la dimension sensible du « vécu ». Bien que généralement regardée du dehors comme débouchant, au mieux, sur une « science du texte », cette construction a en fait été guidée d’un bout à l’autre par une interrogation sur le « sens de la vie ».

Et voici qu’à la faveur d’une proposition de mise au point en apparence assez technique, cette interrogation revient aujourd’hui à l’ordre du jour en termes presque explicites.  Bien entendu, s’il peut arriver à tout le monde et même à un sémioticien de se poser la question métaphysique de savoir si la vie « a » un sens, la vocation de la sémiotique en tant que telle n’est pas d’y répondre.  Ni a fortiori de dire lequel !  Il s’agit en revanche de comprendre, et autant que possible d’expliquer comment, sur la base de quels types d’éléments, s’élabore le sens, si relatif et vacillant soit-il, que chacun (chaque individu à l’intérieur de sa culture) tend à attribuer non seulement au monde mais aussi à son propre être-au-monde.

Face à une tâche aussi vaste, diverses approches sont concevables selon le niveau de pertinence qu’on choisit pour l’aborder. Pour notre part, la perspective que nous avons adoptée a consisté à essayer de dégager un petit nombre de principes élémentaires régissant autant de régimes de construction du sens en général.  De ces principes et des régimes qu’ils déterminent dépend la façon dont « la vie » prend (éventuellement) un sens.  Ce sens, on peut le prévoir, diffèrera du tout au tout selon que, par exemple, on considère le monde comme obéissant à un principe général de régularité, et par suite comme un espace d’interactions programmées (ou programmables), ou qu’à l’opposé on envisage l’existence comme une suite d’accidents, heureux ou non, soumis à un pur principe d’aléa ; etc.  De ces différentes manières de voir, de comprendre et de sentir découlent des façons tout aussi distinctes d’être et de faire, c’est-à-dire de vivre.

Comment les appeler ? C’est la question, un peu byzantine comme toute question d’ordre terminologique, qui nous est posée : faut-il y voir des « formes » ou des « styles » de vie ?  Ou, pourquoi pas, des « genres », ou par exemple des « modes » de vie ? — La discussion est ouverte. Mais quelle qu’en soit l’issue, l’essentiel restera pour nous cette confirmation : d’une façon ou d’une autre, il y a place, en sémiotique, pour la vie !  L’obstination de quelques marginaux de notre espèce est sans doute pour quelque chose dans le regain d’intérêt pour cette notion qui, en deçà du textuel et au-delà des disputes terminologiques, reconduit vers l’existentiel. Ce qui revient à dire qu’à nos yeux, c’est la logique du projet sémiotique dans son ensemble qui commandait ce retour. — Dans quelles conditions est-il en train de s’effectuer ?


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Pour ceux qui considèrent l’exercice de la sémiotique — sa « pratique » — comme une activité créatrice consistant à construire, en tant que de besoin, de nouveaux objets de pensée aptes à éclairer les tenants et aboutissants du sens que nous attribuons à notre présence au monde (et non pas, ou en tout cas pas uniquement comme l’application correcte d’une doctrine et d’un vocabulaire canoniques), le travail de recherche comporte généralement, au minimum, deux phases. L’une et l’autre mettent l’imagination à contribution, de deux façons différentes. Il s’agit d’abord, et c’est évidemment l’essentiel, d’un effort de clarification visant à transformer des intuitions ou, comme on dit, des idées, qui ne sont initialement que de l’ordre de l’à-peu-près, en concepts articulés et faisant entre eux système, ou pour le moins en notions précises et définies.  Ensuite de quoi, pour autant qu’on soit (ou qu’on croie être) parvenu à un tel résultat, vient le moment d’imaginer des noms qui conviennent à ce qu’on a ainsi mis en place. Car il va de soi que pour se servir de concepts théoriques ou méthodologiques (par exemple dans un travail d’analyse), il est plus économique de s’y référer à l’aide de dénominations choisies, autant que possible, pour leur caractère concis et évocateur, que d’en reproduire à tout bout de champ les définitions, plus lourdes par nature.

Ainsi se construit le « métalangage » d’une théorie. Cela ne va pas toutefois sans quelques problèmes, notamment du fait que dans l’univers des sciences humaines et sociales il n’y a, comme on sait, que rarement un rapport stable entre les concepts élaborés par les uns et les autres et les étiquettes — les métatermes — choisis pour les dénommer. D’une discipline à l’autre, un même mot savant recouvre souvent des défini­tions conceptuelles différentes, et en sens inverse rien ne garantit qu’un concept faisant l’objet d’une définition précise conserve la même dénomination d’un auteur à un autre ou même, chez un auteur donné, d’une de ses œuvres à la suivante.

A ce qu’il nous semble, c’est un phénomène de ce genre qu’on observe dans le cas qui est ici soumis à notre réflexion.  Un beau jour, Greimas, qui jusqu’alors s’était contenté de parler (de temps à autre) de « styles de vie », propose d’y substituer l’expression « formes de vie ». Quelles qu’aient été les raisons de cette initiative, c’est un fait qu’aujourd’hui, parmi les sémioticiens (du moins ceux dits « greimassiens »), style de vie et forme de vie, ces expressions qui ont tout l’air de sœurs jumelles, ont cours toutes les deux. En général, elles apparaissent séparément, chacune chez des auteurs distincts. Mais il arrive aussi qu’on les trouve l’une et l’autre, en alternance, sous la plume d’un seul et même auteur : ainsi en va-t-il en particulier dans notre propre cas, malgré une préférence certaine pour la première. Est-ce à dire qu’il s’agit de deux formules synonymiques et par suite interchangeables, ou bien peut-on considérer que chacune recouvre une notion différente ?

Comme on va le voir, il y a des arguments en faveur de l’un et l’autre point de vue. Ce qui veut dire qu’aucun des deux n’est entièrement satisfaisant. Par suite, plutôt que de chercher à faire comme si, du seul fait qu’elles sont deux, les expressions en question devaient nécessairement constituer les termes exclusifs d’une alternative, il convient de penser dialectiquement leurs rapports. Et pour cela, il faut commencer par examiner la manière dont ces rapports ont évolué dans le temps.


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Premier épisode. L’affaire commence au printemps 1991, à Condé-sur-Huisne.  Greimas, comme chaque année, doit envoyer au secrétariat de l’EHESS, quelques mois à l’avance, le programme de son séminaire pour l’année suivante. C’est alors qu’il invente les « formes de vie ». Ou plutôt qu’il en emprunte le nom. Non pas à Wittgenstein, qu’il ne lit guère, mais à la vulgate « wittgensteinienne ». Puis, à la rentrée, le programme est communiqué aux participants du séminaire.  Il a pour titre « Esthétique de l’éthique : morale et sensibilité ».  Au milieu de la brève introduction (une vingtaine de lignes) qui précède la liste des exposés prévus, on trouve cette indication :

Note de bas de page 1 :

 Cf. en annexe la reproduction de ce document.

formes de vie (Wittgenstein ; « styles de vie », sémiotiquement définis).1

Note de bas de page 2 :

 Algirdas Julien Greimas, De l’Imperfection (Périgueux, Fanlac, 1987, pp. 59 et 83), ouvrage où par contre « formes de vie » n’apparaît pas encore — pas plus qu’il n’en sera question un peu plus tard dans Sémiotique des passions (avec J. Fontanille, Paris, Seuil, 1991), où du reste on ne trouve pas non plus mention de « styles de vie ».

Indication précieuse en dépit de son style télégraphique car, de la main de Greimas, c’est la seule dont nous disposions. Quelques mois plus tard, en février 1992, sa mort survient sans qu’il ait eu l’occasion de préciser comment les styles de vie pouvaient être sémiotiquement définis (ce qui implique qu’ils ne l’étaient pas jusqu’alors, bien qu’il s’y soit référé, assez allusivement il est vrai, jusque dans son dernier travail en date2) ni, a fortiori, d’indiquer comment ils pourraient l’être d’une manière suffisamment consistante pour qu’en résulte un concept nouveau justifiant l’adoption de la nouvelle dénomination, « formes de vie ».

A n’en pas douter, pour Greimas lui-même, une vraie distinction conceptuelle, que seules les circonstances l’empêchèrent d’expliciter, devait être dès ce moment clairement établie entre les deux formules. Mais il ne pouvait pas en aller de même pour son entourage. Tout incitait en effet à supposer que s’il faisait sienne l’expression de Wittgenstein, il n’en reprenait pas tel quel le contenu. Or la définition qu’il entendait en donner en termes sémiotiques faisait défaut.  Dans ces conditions, qu’on (se) l’avoue ou non, les deux expressions ne pouvaient apparaître autrement que comme des quasi-synonymes et c’est seulement sur la base d’une sorte de confiance aveugle en la parole du maître que le passage de l’une à l’autre a pu s’imposer au regard des « fidèles ».

Note de bas de page 3 :

 Jacques Fontanille, « Les formes de vie.  Présentation », RSSI, XIII, 1993, 1-2, p. 7.

En même temps, pour ceux qui ne se laissaient pas guider uniquement par la « foi du charbonnier », un autre élément, en apparence plus positif, jouait également en faveur du changement.  La nouvelle formule pouvait en effet sembler présenter, d’un point de vue « stratégique », certains avantages immédiats et palpables par rapport à la précédente.  Comme Jacques Fontanille le note judicieusement dans un texte paru deux ans plus tard, elle permettait de « marquer symboliquement la ligne de partage entre des préoccupations plutôt psycho-sociologiques et le domaine propre de la sémiotique » ; de plus (à supposer que les deux choses soient compatibles), elle permettait d’« ancrer la problématique naissante dans la philosophie du langage »3.  Pour le positionnement d’une discipline dans le champ intellectuel, le vocabulaire est effectivement une ressource à ne pas négliger !  Et en l’occurrence, autant l’ancienne expression, relativement limpide quant à son contenu mais galvaudée par son usage dans les médias, était devenue banale et même presque vulgaire, autant la nouvelle faisait savant, à la fois par l’aura que lui conférait sa prestigieuse provenance « wittgensteinienne » et par le fait même qu’on ne sache pas au juste ce qu’elle voulait dire.

Sans avoir peut-être été à soi seul déterminant, tout cela était conforme à une ligne de conduite fréquente chez Greimas et à laquelle se sont associés beaucoup de ses proches (mais qui, à notre avis, s’est en fin de compte révélée catastrophique pour la discipline) : entre deux métatermes possibles, choisir systématiquement le plus abscons sous prétexte qu’il connote mieux la « scientificité », prétendue ou avérée, de la démarche. Dans le petit monde des greimassiens, « formes de vie » serait par conséquent, dorénavant, la formule orthodoxe.


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Note de bas de page 4 :

 J. Fontanille, Op. cit. supra, note 3.

Note de bas de page 5 :

 Et même trois si on compte aussi un dernier article, de L.R. Marks, « Sensibility and Individuation : Points of View on a Cognitive Trajectory in Semiotics ». Mais nous ne le mentionnons que pour mémoire car, comme l’indique le titre, il traite de tout à fait autre chose.

Deuxième épisode.  Fin 1993 paraît dans la revue canadienne Recherches Sémiotiques / Semiotic Inquiry un dossier ayant pour titre Les formes de vie4. Organisé par Jacques Fontanille, il est censé refléter les travaux du séminaire tenu en 1991-1992 à Paris.  Cependant, de l’ensemble des analyses qui y avaient été présentées, trois seulement se trouvent reprises : celles de Denis Bertrand sur la « justesse », de Teresa Keane sur le « piège » et de Fontanille sur l’« absurde ».  S’y ajoutent deux textes produits dans des conditions différentes5, l’un sur le « beau geste », rédigé par Fontanille à partir de notes que Greimas n’avait pu ni mettre définitivement au point par écrit ni présenter oralement, l’autre par nous-même, sur la « marginalité », mais sans que ce travail, entrepris dans un cadre étranger au séminaire, y ait fait l’objet d’une communication.

Note de bas de page 6 :

 Choix maintenu pour la version remaniée du même texte parue quelques années plus tard in E. Landowski, Présences de l’autre, Paris, PUF, 1997, chap. II.

Pour l’anecdote, il vaut la peine de signaler que ce dernier texte porte sur la marginalité non pas comme « forme » mais comme style de vie bien que le titre pesant qui lui a été arbitrairement donné par la rédaction de la revue, celui qui figure au sommaire et à la page initiale de l’article — « Formes de l’altérité et formes de vie » — dise le contraire.  Curieusement toutefois, le titre imprimé en haut des pages suivantes, celles du texte même de l’article (ce qu’on appelle le « titre courant ») est au contraire resté celui que l’auteur avait choisi : « Formes de l’altérité et styles de vie »6 !  Comme quoi, malgré l’irréductibilité solennellement proclamée de la nouvelle problématique des « formes » à celle des anciens « styles », une marchandise que nous avions livrée expressément sous la vieille étiquette pouvait très bien, aux yeux des responsables du numéro, être vendue aux lecteurs comme un produit issu de la nouvelle conceptualisation.  Pour cela, point n’était besoin d’y changer autre chose qu’un mot, un seul, dans le titre : « formes » de vie !  Mot clef, mot fétiche, ou mot gadget ?

Note de bas de page 7 :

 RSSI, op. cit., respectivement pp. 49, 66 et 73.

Nous laisserons cependant de côté cette contribution, de même que celles de D. Bertrand et de T. Keane, car si elles donnent toutes les trois d’utiles exemples de ce à quoi l’étiquette de « forme — ou style — de vie » est susceptible de s’appliquer, aucune ne prend ces notions mêmes pour objet d’un travail d’élucidation ou d’élaboration théorique. Tout au plus les trois auteurs vont-ils jusqu’à suggérer à titre hypothétique, et avec la plus grande prudence (marquée par d’inévitables guillemets), que la configuration particulière qu’ils sont en train d’analyser ou qu’ils viennent de décrire pourrait (sous quelles réserves ? cela n’est pas spécifié) être considérée comme relevant de l’une ou l’autre de ces notions. La justesse ? « On peut, écrit Denis Bertrand, en considérer la figure comme celle d’une “forme de vie” ». Le piège ?  « This type of attitude and comportment [the meeting of trickery and ingenuousness] could be called a “form of life” », conclut Teresa Keane. La manière d’être des marginaux (ou des gens « comme il faut ») ?  Elle « définit ce qu’on peut appeler un “style de vie” »7.

Qu’on soit en droit d’appeler de la sorte ce genre de configurations ne fait aucun doute.  Rien ne l’empêche, personne ne l’interdit ! Mais cela ajoute-t-il quelque chose à leur simple description ?  Pour que ce soit le cas, il faudrait que ces termes — « forme » ou « style » de vie — soient assortis de définitions qui leur donnent une place dans un cadre théorique d’ensemble, et par là-même, peut-être, un sens.  C’est ce qui continue en l’occurrence de faire défaut, tout comme dans le programme de Greimas deux ans auparavant. Et si aucun des trois auteurs concernés ne se risque à un effort de construction visant à combler ce manque, c’est parce qu’à l’époque aucun parmi nous n’en avait les moyens théoriques.

Dès lors, le geste consistant à chapeauter chacun sa contribution en la plaçant sous la rubrique des styles ou, mieux encore, des formes de vie prend le sens d’un geste certes révérencieux vis-à-vis du maître défunt mais qui, comme les mots convenus d’un compliment rituel, reste de pure forme. Simple flatus vocis ?  Pas tout à fait néanmoins, si on admet que la fonction d’une terminologie d’allure savante n’est pas uniquement de recouvrir des contenus conceptuels précis mais aussi de servir (stratégiquement de nouveau) comme marque d’appartenance à une confrérie.


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Note de bas de page 8 :

 J. Fontanille, Op. cit., « Présentation », p. 12.  Dans l’original, la phrase est mise plus modestement au futur (« commencera ») et assortie d’un « peut-être » qu’il nous semble permis, avec le recul, de supprimer.

On pourrait en rester là : « forme de vie » — forme vide servant de signe de ralliement entre initiés. Mais notre deuxième épisode comporte, si on peut dire, deux actes. Et comme il se doit dans toute bonne dramaturgie, c’est à l’acte II, dans les autres contributions dont se compose ce numéro — la Présentation générale, le texte sur le beau geste et celui sur l’absurde, tous trois de Jacques Fontanille — que l’intrigue se noue : surprise, ici « le syntagme “forme de vie” commence à avoir un sens » !8

Note de bas de page 9 :

 J. Fontanille, Ibid., p. 5.

Un sens en termes sémiotiques dans la mesure où ce qu’il est censé recouvrir commence en effet à faire l’objet d’un travail de clarification qui, à terme, permettra de lui assigner une place déterminée à l’intérieur d’une architecture conceptuelle englobante, elle-même en partie déjà constituée, en partie encore à construire. On comprend qu’en vue d’un objectif de cette nature, c’est-à-dire à longue échéance puisqu’il ne s’agit pas moins que d’intégrer dans le formalisme d’une modélisation quelque chose qui touche à ce qu’il y a a priori de moins « modélisable », « la vie », Fontanille décide d’éviter toute tergiversation initiale en dépit — ou plutôt sans doute en raison même — du caractère « à bien des égards énigmatique » du « legs » laissé par Greimas9.

D’où cette ferme prise de position de sa part, en tant qu’auteur de la Présentation : « dans l’esprit de Greimas », pose-t-il de but en blanc dès la première page, « il est clair » que les formes (de vie) appelées à constituer le noyau de la réflexion sur « l’esthétique de l’éthique » se définissaient

Note de bas de page 10 :

 J. Fontanille, Ibid.

comme des configurations où une « philosophie de la vie » s’exprimerait par une déformation cohérente de l’ensemble des structures définissant un projet de vie.10

Que cette proposition traduise la pensée du maître ou l’idée qu’a pu s’en faire le disciple, au fond peu importe. Ce qui en constitue l’intérêt ne tient pas à la manière dont elle reflète (ou reconfigure) l’aboutissement de leur dialogue passé mais au fait qu’en y prêtant attention aujourd’hui — presque vingt ans après et néanmoins, avouons-le, pour la première fois en ce qui nous concerne —, nous nous apercevons, non sans étonnement, qu’on y trouve déjà esquissés les principaux éléments qui seront à la base des développements ultérieurs de la réflexion en la matière chez les uns et les autres. La phrase citée contient effectivement au moins trois formulations à valeur anticipatrice.

Note de bas de page 11 :

 A.J. Greimas, « Le beau geste », op. cit., p. 32.

Note de bas de page 12 :

 Ibid., p. 33.

Premièrement : une « philosophie de la vie ». C’est donc cela qui est censé « s’exprimer » à travers une « forme de vie ». Ainsi se précise ce qu’apporte cette nouvelle formule.  Malgré ce qui nous est dit par ailleurs, son adoption ne nous paraît pas avoir pour but « d’élargir » la notion de style de vie11. En dédoublant la terminologie, elle fournit avant tout un moyen commode pour marquer une distinction entre niveaux, qui elle-même implique une hiérarchisation entre deux objets : en surface, des manifestations immédiatement observables présentant la forme de stéréotypes comportementaux « tels que les conçoit [du moins à en croire l’auteur] la sociologie » ; et sous la surface, objet non pas donné mais à construire, l’objet sémiotique proprement dit : « une “forme” qui est à la fois une philosophie de la vie, une attitude du sujet et un comportement schématisable »12.

La distribution des valeurs ainsi attachées à chacune des deux expressions est donc claire ; et elle est flatteuse pour les sémioticiens puisque dans cette affaire ils s’auto-gratifient de la tâche noble : au lieu de décrire comme tout le monde ce qui se voit à l’œil nu (les « styles »), il leur revient de dégager une « forme » sous-jacente, des principes organisateurs, une « philosophie » de la vie. Voilà qui aide à comprendre que la convention terminologique proposée ait été si docilement respectée par le gros de la troupe tandis que ceux qui ne s’y ralliaient pas allaient désormais faire figure de dissidents, ou plus trivialement de ploucs.

Note de bas de page 13 :

 J. Fontanille, « L’absurde comme forme de vie », op. cit., p. 96.

Deuxième élément : « des configurations où une “philosophie de la vie” s’exprimerait parune déformation cohérente ».  Ici, c’est l’épithète qui importe : cohérente.  De fait, au cours des années qui suivront se concrétisera peu à peu ce qui, il y a vingt ans, ne pouvait encore être envisagé que comme une lointaine possibilité : une typologie, une « table », non pas à vrai dire des formes de vie mais — formulation qui nous semble incomparablement plus adéquate — des « formes du “sens de la vie” »13.  Et par définition, comme toute typologie, une table de ce genre suppose un minimum de cohérence interne de la part des éléments destinés à y prendre place.

Note de bas de page 14 :

 J. Fontanille, Ibid., p. 97.

Or, dès cette époque, un de ces éléments avait déjà été identifié, décrit et systématisé depuis longtemps. Cela sous la forme d’un schéma vite devenu incontournable : le « schéma narratif » dit « canonique ».  Ce schéma modélise en effet, on ne peut plus adéquatement, une forme — remarquablement cohérente — du sens de la vie : celle qui, « figée et stéréotypée par l’usage », a été, comme l’écrit Fontanille, « érigée en modèle culturel par l’Occident »14, autrement dit hypostasiée en tant qu’idéologie sous-tendant la praxis avant d’être canonisée, en tant que modèle, par la grammaire narrative. Subordonnant la possibilité du sens et de la valeur à un principe d’intentionnalité et enfermant l’idée d’interaction dans les limites d’un régime de manipulation, cette forme n’est toutefois qu’une parmi d’autres. C’est la raison pour laquelle, moyennant l’élargissement de la réflexion sur les régimes possibles de la signifiance et la mise au point d’une problématique plus générale des régimes possibles de l’interaction, notre propre travail, au long de la décennie suivante, visera à dégager les principes sous-jacents à d’autres configurations comparables — à d’autres formes cohérentes du sens de la vie — qui, en sémiotique, avaient jusqu’alors été ignorées ou négligées.  Ainsi avons-nous été amené à mettre en évidence, à côté de la silhouette du « manipulateur », une série d’autres figures-types — celles du « programmateur », de l’« opportuniste » et du « fataliste » —, manière de faire droit à d’autres principes de construction du sens et de la valeur, donc à d’autres façons de penser, de sentir et d’interagir au jour le jour dans le monde — ce qui finalement, en surface, se traduit par d’autres « styles de vie ».

Troisième élément : « une déformation cohérente de l’ensemble des structures définissant un projet de vie ». Si le point précédent préfigurait (à notre insu) nos travaux personnels ultérieurs, celui-ci nous semble annoncer de façon non moins prémonitoire ceux de Fontanille lui-même (probablement aussi à son insu).  Mais cela nous conduit au cœur de l’épisode suivant, qui, lui, s’étend sur une période de près de vingt ans et aboutit à l’état de choses actuel.


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Aujourd’hui — troisième épisode —, il n’est pas contestable que les deux expressions qui nous occupent relèvent, du point de vue de l’usage, de deux « parlers sémiotiques » distincts et désignent deux notions dans une certaine mesure différentes. Mais pour en arriver là, il aura fallu du temps ! Le temps nécessaire pour que mûrissent les deux formes de conceptualisations « post-greimassiennes » à l’intérieur desquelles chacune desdites expressions allait trouver les conditions de son réemploi : d’un côté la sémiotique tensive, de l’autre la socio-sémiotique, la première ayant effectivement fini par donner, en son sein, une place et un contenu sémiotique relativement consistant aux « formes de vie », et la seconde un rôle, plus périphérique, aux « styles de vie ».

Note de bas de page 15 :

 Cf. J. Fontanille, Pratiques sémiotiques, Paris, PUF, 2008, p. 34 (schéma).

Note de bas de page 16 :

 Cf. E. Landowski, Les interactions risquées, Limoges, Pulim, 2005, p. 72 (schéma).

A première vue, les deux modèles sont si dissemblables que ni leurs composantes ni leurs produits ne sont comparables. Le modèle tensif se présente comme une hiérarchie de paliers — de « plans d’immanence » — articulés par des rapports d’intégration (« ascendante » ou « descendante ») et ce qui, dans ce contexte, est baptisé « forme de vie » correspond à un niveau particulier : celui qui, tout en intégrant certaines unités considérées comme relevant du palier immédiatement inférieur, à savoir les « stratégies » et les « pratiques », a lui-même vocation à être intégré dans le niveau supérieur des « cultures »15. A ce principe d’organisation hiérarchique s’oppose la perspective typologique du modèle socio-sémiotique. En termes métaphoriques, à l’image verticale de couches superposées se substitue alors celle, horizontale, d’une articulation entre les cases d’une « table » ou, en termes plus sémiotiques, entre les postes d’un « carré » (en l’occurrence aménagé en forme d’ellipse). S’y interdéfinissent quatre régimes interactionnels correspondant aux figures-types évoquées plus haut : les régimes de la « manipulation », de la « programmation », de l’« ajustement » (à l’autre) et de l’« assentiment » (à l’aléa, à l’accident). Se touchant bord à bord mais pouvant aussi se chevaucher, ils sont censés recouvrir l’espace du sens dans son entier.  Et dans ce cadre, ce sont les caractéristiques propres à chacun des espaces partiels résultant de la différenciation entre ces régimes, eux-mêmes régis par des principes de construction du sens distincts — principes d’« intentionnalité », de « régularité », de « sensibilité » et d’« accidentalité » (à leur tour interdéfinis sur la base de la catégorie élémentaire « continuité » versus « discontinuité ») — qui permettent de distinguer, par voie de conséquence, autant de « styles de vie »16.

Pour reprendre deux des principaux points mis en avant plus haut, tandis que d’un côté, en termes de sémiotique tensive, les « formes » de vie, localisées à un étage déterminé d’une pyramide, se rattachent, de palier en palier, à « l’ensemble des structures définissant un projet de vie », de l’autre côté, selon le point de vue socio-sémiotique, les « styles » de vie, vus comme l’expression d’organisations structurelles sous-jacentes correspondant aux grandes unités d’une typologie, constituent, chacun pris un à un, une « déformation cohérente » de tous les autres.  On a donc affaire à deux types de grandeurs foncièrement différentes, du simple fait qu’elles se dessinent et prennent place à l’intérieur (pour les « formes ») ou à la marge (pour les « styles ») d’espaces théoriques eux-mêmes tout à fait différents quant à leurs principes de construction.

Cependant, malgré ces différences en termes de construction et de localisation, liées à l’architecture de chacun des deux modèles, quand on cherche à voir de plus près ce que sont au juste ces « formes » ou ces « styles », il paraît bientôt évident qu’on a affaire à des notions qui, sous des étiquettes différentes, partagent à bien des égards un même air de famille (pour puiser à notre tour, de manière tout aussi superficielle, dans le lexique de la même vulgate philosophique).  Comme si elles s’étaient formées à partir du même noyau. Et il n’y a là rien de très étonnant. Car avant que les deux approches en question ne prennent tournure et ne se différencient l’une de l’autre, quelque chose qui leur restera effectivement commun, du moins en ce qui concerne les enjeux conceptuels de la querelle de mots qui nous occupe, avait déjà été façonné, plus discrètement, pas tout à fait sur une autre scène mais au milieu d’autres décors et, comme on va le voir, par un autre acteur de la même troupe.

Cela veut dire que notre troisième épisode, lui aussi, se divise en deux Actes. En gros, l’un s’est joué avant, l’autre après l’an 2000. Pour bien comprendre le second, que nous venons d’évoquer, pour mieux apprécier les conditions dans lesquelles on y voit se préciser le statut, sémiotique ou non, de cet objet dénommé tantôt forme, tantôt style (de vie), il faut tenir compte de ce qui s’était passé précédemment, pendant le premier.  Il convient par conséquent de revenir un instant en arrière pour se le remémorer, ou pour l’indiquer à ceux qui n’y auraient pas assisté.


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Note de bas de page 17 :

 J.-M. Floch, Identités visuelles, Paris, PUF, 1995.

Note de bas de page 18 :

 J.-M. Floch, Identités visuelles, Ibid., p. 138.

En 1995, Jean-Marie Floch avait publié son quatrième livre, Identités visuelles17, livre modestement consacré, comme les précédents, à des « objets de sens concrets », et complémentairement aux « idéologies publicitaires » qui s’y greffent.  « Mordre sur la réalité », refuser que la sémiotique puisse « n’être qu’une philosophie du langage » était pour lui, confie-t-il dans l’Introduction, « une exigence intime ». Pour ces raisons sans doute, ce livre, comme les précédents, ne retint guère l’attention de ceux que son auteur appelait les « sémioticiens de haut vol ». Ecrit d’une plume alerte et presque familière, et de surcroît aussi peu jargonnante que possible, son travail avait en somme tout ce qu’il fallait pour être par avance jugé « trivial » dans le cénacle, ou en tout cas sans portée par rapport aux débats théoriques du moment. La preuve : hormis un très bref passage d’ordre spéculatif assez obscur évoquant sous forme interrogative la possibilité d’intégrer dans un seul modèle, de type génératif, les formes de vie (définies, selon la perspective tensive, en termes de « tempo ») et les styles de vie (envisagés, selon l’optique socio-sémiotique, en termes relationnels et proxémiques)18, il n’y était nulle part question (ni a fortiori fait usage) de l’une ni de l’autre de ces notions.

Et pourtant, si on relit cet ouvrage à présent, on constate que dans l’ordre d’idées dont relèvent ces deux notions, il met en place, pour la première fois de manière extensive et véritablement palpable (bien davantage que ce n’était le cas dans les prolégomènes sibyllins du séminaire de 1991 et dans la majeure partie du dossier de la RSSI qui y fit suite), un modèle théorique implicite dont toutes les dimensions réapparaîtront bientôt, les unes principalement dans le cadre de ce que la théorie tensive allait proposer dans le même ordre d’idées, les autres surtout dans le cadre de la socio-sémiotique.  De ce point de vue, on a bien là un lieu problématique et, en ce sens, sur le plan conceptuel, un « objet » qu’on peut considérer comme un de leurs noyaux communs.

Note de bas de page 19 :

 J.-M. Floch, Ibid., p. 204.

Quel est-il donc ? Nous serions bien en peine de le dire d’un mot. Car, bien qu’il s’agisse d’un objet de pensée sémiotiquement on ne peut mieux constitué, il a l’inconvénient (à moins que ce ne soit un avantage ? — nous y reviendrons) de rester un objet sans nom ou, ce qui revient au même, qui peut prendre cent noms — mais qui ne prend en tout cas, chez Floch, ni le nom de « forme » ni celui de « style » de vie.  S’il n’a pas de dénomination arrêtée, il a du moins, bien sûr, une définition.  Mais cette définition est elle-même oblique, produite par approches successives, sous forme d’approximations constamment reprises, sortes de modulations où l’innovation se mêle à la répétition.  En cela, d’ailleurs, Floch procède d’une manière proche de celle de son héros (ou de son modèle épistémique ?), le bricoleur, lui qui ne s’enferme jamais dans l’exécution de programmes prédéfinis mais poursuit des projets toujours « décalés », par ajustement progressif à une matière « précontrainte »19.  Pour suivre l’auteur dans cette façon particulière de faire — de penser, peut-être même de vivre ! en tout cas d’élaborer ici l’objet de sa visée —, contentons-nous donc de le citer, presque en vrac.

Indépendamment du type de formes ou de styles qui aujourd’hui nous divisent, ce qu’il veut saisir et analyser, c’est la manière dont « les multiples formes que peuvent prendre les relations entre le sensible et l’intelligible (…) témoignent de la diversité des cultures et des modes de présence au monde » (p. 4).  C’est le mode de construction et de reconnaissance d’une « identité » en tant que « tout de signification » (p. 108), qu’il s’agisse de l’identité d’une œuvre, d’une vie, d’un « look » (le « look Chanel ») ou encore de celle d’un outil, « comme objet de sens, témoin à la fois sensible et intelligible d’une culture donnée » (p. 209).  C’est un principe invariant, à dégager en tant que noyau « où se situe la cohérence dynamique de la totalité considérée » (p. 34).  Plus particulièrement, c’est la façon dont, par exemple, un couteau d’un type donné « témoigne », par le genre d’usage qu’il implique, « d’une façon de vivre et d’être » (p. 183). C’est la manière dont le principe d’action propre à un ustensile de ce genre permet d’appréhender « sinon une culture — c’est peut-être un grand mot, en l’occurrence — du moins une forme de pensée et un mode particulier de contact entre soi et le monde » (p. 183). Plus spécifiquement encore, c’est ce qui distingue un « Opinel » d’un couteau suisse et autorise à dire qu’ils « témoignent de deux façons contraires de faire et peut-être même de vivre », en tout cas de deux « logiques » : « la logique du bricoleur et celle de l’ingénieur » (p. 202-203). Et c’est finalement le bricolage lui-même, parce qu’autant qu’une « façon de faire » et une « forme de pensée », il est une façon de « produire du sens » (p. 211). — Tout au long, c’est nous qui soulignons. Il en ressort une série d’éléments qui, mis ensemble, circonscrivent une problématique : très précisément une problématique des formes du sens de la vie en tant que matrices de cohérences dynamiques différenciées, d’où résulte la forme ou le style d’identité propre à un individu, à un groupe ou à une « culture ».

Le chapitre consacré au « look Chanel » montre en détail comment de telles cohérences dynamiques se donnent méthodologiquement à saisir sur un cas précis : moyennant le repérage des déformations cohérentes qu’elles impriment sur l’ensemble des niveaux de structuration à travers lesquels se manifeste sémiotiquement un « projet de vie ». L’« identité » est en effet envisagée ici comme le produit d’une structure régissante dont le pouvoir se traduit à la fois par toute une série d’éléments hiérarchisés : par des « signes d’identification » qui forment le lexique d’une sémiotique figurative reconnaissable (p. 115 et 113) ; par les contenus narratifs dont ces figures sont porteuses (en l’occurrence, par un récit implicite de conquête de liberté, p. 113) ; par la stratégie que la marque met en œuvre dans ses pratiques commerciales ou promotionnelles (p. 114) ; par la récurrence, en tant que forme sensible, d’une silhouette type traduisant une « optique cohérente », autrement dit une sémiotique plastique déterminée (en l’espèce elle-même caractérisable esthésiquement comme de l’ordre du « classique » par opposition au « baroque », p. 115-120) ; par un contenu éthique (une « éthique du maintien », p. 137) ; et en dernier lieu, accessoirement, par une dimension passionnelle (la « tranquillité », comme « effet de sens second », p. 130).

Note de bas de page 20 :

 J.-M. Floch, Sémiotique, marketing et communication. Sous les signes, les stratégies, Paris, PUF, 1990, p. 32-33.

Qu’à travers tout cela exprime à la fois une manière d’être, une façon de faire et une forme de pensée, c’est clair. Est-ce une raison d’y voir une « forme de vie », ou bien vaut-il mieux dire qu’on a là les éléments d’un « style de vie » ?  Floch n’élude même pas la question, il l’ignore. Sémioticien au ton libre, il ne se soucie pas de donner des gages d’orthodoxie par l’emploi du vocabulaire canonique, mais il ne cherche pas non plus à imposer une terminologie alternative de son cru. Pas davantage ici que dans son livre précédent, où déjà, à la reconnaissance des différences entre « types de saisie ou de production du sens » correspondait une typologie interdéfinissant tout bonnement des « façons de vivre » (ou des « modes de vie » — au choix)20. Evitant ainsi de bloquer la pensée (la sienne, la nôtre) par le recours à aucun métaterme fétiche qui ne demanderait qu’à être répété — d’où l’avantage heuristique (et pédagogique) de l’innommé, ou en tout cas des dénominations les moins marquées —, il s’en tient à l’essentiel : à la faveur d’analyses précises portant sur des réalités aussi diverses que possibles (outre le style Chanel et la panoplie des couteaux, un plat de poisson, deux logos, etc.), il dégage des façons différentes de produire du sens, les met en rapport et montre comment à chacune d’entre elles correspondent à la fois « une philosophie de la vie », des « attitudes » distinctes et autant de « comportements schématisables ».


*

Le lieu d’une problématique inédite, assortie d’une méthode de travail, avait donc été reconnu dès 1990-1995, par Floch, à la faveur d’une « modeste » pratique d’analyse.  Cela bien avant par conséquent que ne soit entreprise, par d’autres, la tâche réputée plus « ambitieuse » d’en construire la théorie. Il n’était de fait encore question, au milieu des années 1990, ni de « plans d’immanence » articulant l’expérience ni de « régimes de sens » régissant l’interaction. En les « inventant » au cours de la décennie suivante, puis en en faisant des structures d’accueil soit pour des « formes » soit pour des « styles » de vie, avons-nous fait mieux que figer, en le systématisant, ce que notre ami (disparu en 2001) avait si finement « bricolé » pour parler sémiotiquement des formes du sens de la vie, sans leur donner d’étiquettes ?

Note de bas de page 21 :

 Et on a pu voir il y a quelques années, à New York, ce qui arrive quand un seul étage d’une structure de ce genre vient à faire défaut : de haut en bas, en un clin d’œil, tout y passe.

Note de bas de page 22 :

 A cet égard il en va grosso modo des styles de vie comme des « passions ».  Cf. Les interactions risquées, op. cit., p. 96-97.

En ce point, il faut de nouveau envisager séparément les deux démarches qui sont en cause.  D’un côté, les « formes de vie », ou du moins ce que ce terme désigne dans le métalangage de la sémiotique tensive, font partie intégrante du modèle hiérarchique proposé, à l’intérieur duquel une place précise leur est assignée ; elles en sont même une des pièces constitutives, en tant que l’une de ses strates nécessaires21.  Par contre, ce qu’on appelle usuellement, et ce que nous appelons nous-même « style de vie » ne constitue ni une partie intégrante ni une pièce nécessaire du modèle socio-sémiotique.  Il s’agit bien sûr d’un objet qui nous « intéresse » — d’un objet pour la sémiotique —, mais cela n’en fait pas pour autant, à nos yeux, un objet sémiotique22.  En cherchant les occurrences de cette expression, « style de vie », au fil de nos travaux (puisque l’ordinateur le permet à peu de frais), nous constatons que nous l’avons certes souvent utilisée, plus fréquemment même que nous ne l’aurions cru, mais sans lui donner jamais le statut d’un métaterme — en la prenant au contraire dans tous les cas telle quelle, telle qu’employée par tout le monde pour désigner une chose connue de tout le monde (et pas seulement des psychosociologues), un objet du sens commun dont, simplement, en tant que sémioticien, nous voudrions pouvoir rendre compte, parmi d’autres.

Note de bas de page 23 :

 «  Le bricoleur est un écologiste en acte », écrit Floch.  Identités visuelles, op. cit., p. 212-13.

Note de bas de page 24 :

 Cl. Lévi-Strauss, « A un jeune peintre », Le regard éloigné, Paris, Plon, 1983, p. 344.

Note de bas de page 25 :

 Pour ce qui concerne le compartiment zoosémiotique de l’étude des styles de vie, cf. spécialement E. Landowski, Pour une sémiotique du goût, São Paulo, Editions du Centro de Pesquisas Sociossemióticas, 2012.

Et c’est seulement à ce stade, celui de l’analyse, qu’interviennent des concepts et par suite un vocabulaire (socio-) sémiotiques. Pour nous, rendre compte de l’un ou l’autre de ces styles de vie connus de tout le monde, c’est en effet chercher à ramener à une combinaison spécifique de « principes » et de « régimes » les constantes auxquelles tient la cohérence des comportements qui le rendent reconnaissable. Ainsi, outre le « bricoleur », que nous caractériserons, en tant que type (à partir de la description qu’en donne Floch), par le fait qu’il cherche en toute chose à s’« ajuster », sur le mode sensible (ou esthésique), à une altérité dont il saisit et respecte la propre « sensibilité »23 — outre l’« ingénieur » qui, lui, ne veut voir au contraire, chez les gens comme dans les choses, que leur part de « régularité » (parce que c’est ce qui lui permet de « programmer » sa  vie avec le moins de risque possible) — on aura, sur la base d’autres principes de construction du sens et illustrant d’autres régimes d’interaction, ou les combinant entre eux, des styles aussi divers que ceux, par exemple, de l’arriviste (qui ne voit partout qu’« intentionnalités » prêtant à toutes sortes de « manipulations » au service de ses propres intérêts) ou du bon vivant (pour qui rien n’est sûr mais qui, quoi qu’il arrive, consent d’avance à son sort) ; ou encore de l’impertinent, opposé au conformiste ; de l’apollinien, face au dionysiaque ; du métèque, face à M. Tout-le-monde ; et ainsi de suite jusqu’au style du Chat baudelairien, maître indépassable en matière d’« assentiment » malgré ses airs indociles, et en cela modèle du savant et de l’artiste, qui, pareillement, ne s’inclinent que devant « l’ordre intangible des choses »24 — soit une manière d’être au monde diamétralement opposée à celle du Chien fidèle, placide et déférent, quant à lui l’illustration emblématique d’un mode d’existence confortablement programmé25.

Peut-on dire qu’à défaut de décrire des « formes de vie », au sens de la sémiotique tensive, les analyses auxquelles nous faisons ainsi allusion aient du moins pour objet des « styles de vie » ?  Deux précisions sont à apporter sur ce point, avant de conclure.  La première est que si ces études traitent de stéréotypies de comportement manifestes et familières, ces stéréotypies ne sont pas l’objet ultime que nous visons. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que nous ne voyons aucun inconvénient à leur laisser leur appellation ordinaire, extra-sémiotique, de « styles de vie ». L’objet sémiotique proprement dit que nous visons, ce sont en réalité les principes de cohérence qui fondent les régularités manifestes en question, et du même coup qui expliquent les différences observables entre individus, ou classes d’individus, quant à la manière dont chacun « vit sa vie » et, pour la vivre, cherche à lui donner un sens.

Une telle démarche pose évidemment (pour le moins) deux questions. D’abord celle de sa valeur explicative : en prenant le parti de réduire les comportements, les pratiques, les stratégies, les façons de regarder le monde et de traiter l’autre à quelques principes élémentaires de construction du sens censés leur être sous-jacents, jusqu’à quel point peut-on dire qu’on en « rend compte » ? Les manières de vivre que nous prétendons comparer entre elles sont-elles vraiment réductibles aux seules dimensions que nous retenons ?  Ensuite la question de la portée du dispositif théorique lui-même : tout style de vie empiriquement observable entre-t-il dans le cadre de l’un ou l’autre des régimes d’interaction déduits des principes de construction du sens qui servent de base au modèle ? Ou bien existe-t-il des styles de comportement, des philosophies de l’existence, des dispositions passionnelles, des façons de vivre qui, reposant sur des modalités d’articulation du sens fondamentalement différentes, échapperaient par nature aux principes d’organisation de notre « table » ? — Ce sont là les points d’achoppement habituels pour un modèle de ce genre : trop étroit, il ne vaudrait que pour une série arbitrairement limitée de cas ; trop large, il les engloberait tous mais, par excès de généralité, ne dirait rien de pertinent sur aucun d’entre eux. Charybde ou Scylla ?  La multiplication des analyses devrait permettre de juger.

Note de bas de page 26 :

 Par exemple dans l’interaction quotidienne ; cf. « Bouillon de cultures », in M. Bernoussi (éd.), La culture marocaine : une sémiotique ?, Meknès, Presses de l’Université, 2012.

Note de bas de page 27 :

 Par exemple de l’espace ; cf. « Régimes d’espace », Nouveaux Actes Sémiotiques, 113, 2010.  Sur la notion de saisie, cf. J. Geninasca, La parole littéraire, Paris, PUF, 1997, en particulier « Le regard esthétique ».

Note de bas de page 28 :

 Manifestées par exemple dans l’unité d’une vie et d’une œuvre ; cf. « Honoris causa », in Nijolé Kersyté (éd.), En quête de Greimas, Nouveaux Actes Sémiotiques, 112, 2009.

Note de bas de page 29 :

 Etant entendu que dans la plupart des cas il s’agit de choix qui « se font » pour ainsi dire d’eux-mêmes plutôt que d’options prises délibérément.  Cf. E. Landowski, Passions sans nom, Paris, PUF, 2004, p. 264-265.

Seconde précision (ou réserve). En son état actuel, le modèle interdéfinit quatre types de syntaxes qui régissent, et par voie de conséquence peuvent servir à analyser l’ensemble des niveaux sur lesquels un mode de construction déterminé du « sens de la vie » est susceptible de se manifester : aussi bien des façonsdifférenciés de faire (des stratégies et des pratiques, autrement dit des modes opératoires, des types de prise sur le monde, des styles d’action26) que des manièresde sentir (des modes de saisie27) ou de penser (des attitudes intellectuelles ou épistémiques, des tournures d’esprit, des « philosophies de la vie »28).  Or, même par rapport à tout cela, le syntagme « style de vie » reste pour nous une simple étiquette, commode et rien de plus, offerte par l’usage et bonne à prendre lorsque, voulant adopter un point de vue holistique, on cherche à recouvrir d’un seul terme englobant la résultante globale de choix effectués à la fois sur plusieurs ou sur l’ensemble des niveaux que nous venons d’indiquer29. Ne désignant donc pas, même à ce stade, un concept méthodologique, et ne renvoyant toujours pas, non plus, à un élément constitutif de la théorie mais seulement à un des objets qu’elle permet de décrire et d’analyser, ledit syntagme ne fait décidément pas partie de notre métalangage (socio-) sémiotique (ce qui, accessoirement, explique qu’il ne figure à l’index notionnel d’aucun de nos travaux qui en comportent un).

Note de bas de page 30 :

 Pierre Hadot, La philosophie comme manière de vivre (Paris, Albin Michel, 2001 ; rééd. Livre de poche, 2010), p. 214.

Note de bas de page 31 :

 Michel Foucault, Histoire de la sexualité. III Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984, p. 200.

Dès lors, d’autres expressions feraient aussi bien l’affaire, à commencer, par exemple, par celle de manière d’être au monde, venue comme on sait de Merleau-Ponty.  A ceci près qu’elle serait probablement moins « parlante » en dehors de milieux partageant une certaine culture philosophique. En ce cas, pourquoi pas mode de vie, ou simplement manière de vivre, suivant l’exemple de Pierre Hadot, historien de la philosophie « comme forme de vie ou mode de vie »30 ?  Ou stylistique de l’existence ?  Chez Michel Foucault, cette formule recouvre bien « l’ensemble des structures définissant un projet de vie ».  En témoigne ce bref passage tiré du Souci de soi : « Une stylistique de l’existence à deux se dégage des préceptes traditionnels de la gestion matrimoniale : on la repère assez bien dans un art du lien conjugal [c’est-à-dire sur le plan de nos « pratiques »], dans une doctrine du monopole sexuel [donc comme une de nos « philosophie de la vie »], dans une esthétique enfin des plaisirs partagés [soit, pour nous, en termes plastiques d’« esthésie »] »31. Et même, pour boucler le cercle, forme de vie, expression ni plus ni moins compréhensive (sinon compréhensible) que celles que nous venons d’envisager, devrait en principe convenir elle aussi — pas mieux, pas plus mal que « style de vie ». En principe. Mais dans la pratique ?

Sémantiquement, les deux expressions se valent.  Questions de stratégies mises à part, c’est donc, a priori, une pure question de goût, ou de contexte : pour éviter une répétition, pourquoi ne pas passer de l’une à l’autre au fil d’une page, en oubliant momentanément nos phobies lexicales ? Mais les mots ne sont pas neutres. — D’abord en tant qu’outils de la pensée. De ce point de vue, « forme de vie » est en quelque sorte le couteau suisse du sémioticien. Mot clef de la sémiotique tensive, c’est un outil efficace, prêt à l’usage et de maniement facile, mais qui ne peut servir qu’à un nombre restreint d’opérations préprogrammées, donc toujours les mêmes. A l’opposé, « style de vie », expression de tout le monde, véritable mot passe-partout, a les vertus de l’opinel.  Il ne préjuge de rien et peut servir à tout, y compris à créer librement du neuf à partir du vieux. A condition évidemment de savoir s’en servir. — Et les mots, de plus, ont une histoire. Or, en l’occurrence, pour des raisons toutes contingentes, « forme de vie » a pris, comme on l’a vu, entre sémioticiens, la valeur d’un signe d’appartenance que nous ne pouvons reprendre à notre compte.

Note de bas de page 32 :

 Cf. Eric Landowski, « Arringa per l’impertinenza », in Giulia Ceriani (éd.), Impertinenze, Milan, Et al., 2010 (« Plaidoyer pour l’impertinence », Nouveaux Actes Sémiotiques, 2012, à par.).

Si bien qu’au-delà du choix entre deux mots, il s’agit en fait, pour nous, d’un méta-choix, entre deux attitudes : ou bien essayer, dans l’exercice même de la réflexion sémiotique, de parler à peu près la langue de tout le monde en pariant sur la possibilité de créer du sens moyennant un délicat ajustement à la fois avec l’interlocuteur et avec la matière qu’on prend pour objet ; ou bien décider de s’en tenir une fois pour toutes aux mots de la métalangue que propose une école dont on a choisi, par conviction ou par calcul professionnel, d’appliquer le programme32. Opter pour l’une ou l’autre possibilité, ce n’est donc pas seulement opter pour une manière fonctionnelle plutôt qu’une autre de « faire de la sémiotique », c’est en même temps choisir, existentiellement si on ose dire, son propre style de vie (sémiotique), sa manière de construire (sémiotiquement) du sens et en définitive de faire être « la sémiotique » elle-même.


*

Epilogue. — En France, les pommes de terre sont toutes des pom’de-terre : c’est un syntagme qui ne se rencontre que figé, comme disent les grammairiens.  En cela, les pommes de terre diffèrent des queues de cheval, qui, elles, ne sont pas toutes des queues-d’cheval, et des formes de vie, qui ne sont pas forcément des form’de-vie.  Et personne ne s’y trompe.  Pour un francophone natif, « queue de cheval » et « forme de vie » ne disent pas la même chose selon la manière dont on les prononce. La différence est marquée par l’accentuation et par l’emplacement et la durée des petits silences (des « asyndètes ») qui rythment la prononciation de ce genre d’expressions quand on les intègre dans une phrase.

Si on détache phonétiquement l’un de l’autre les deux éléments (chacun porteur de sens) dont elles se composent, comme dans les exemples a1 et:

a1)  « Toute queue —— de cheval — est faite — de crins »
       (où « queue de cheval » = appendice poilu propre à un genre d’équidés, le cheval),

a2)  « Toute forme —— de vie — est faite — d’inattendus »
        (où « forme de vie » = genre possible d’organisation de la vie),

alors on prédique quelque chose à propos de la queue des chevaux : elles sont toutes composées de crins, ou des formes possibles de la vie : elles sont toutes pleines d’inattendu.

Même scansion, même intonation, selon la prononciation standard, dans des énoncés du genre b1 et 2 où on a en vue, respectivement, une classe de queues et un type de formes particuliers :

Note de bas de page 33 :

 M. Foucault, op. cit., p. 206.

b1)  « Une queuede-cheval-arabe — est plus fournie qu’une queue — de percheron »
       (où « queue de cheval » = appendice poilu propre à telle race déterminée de chevaux),

b2)  « On trouve (...) la dualité conjugale (...) tout au long de l’existence humaine : dans la constitution originaire que lui a donnée la nature ; dans les devoirs qui s’imposent à l’homme (...) ; dans la formede-vie-sociale — qui le lie à la communauté humaine (...) »33
       (où « forme de vie » = un mode d’organisation possible, en l’occurrence social, de la vie).

Au contraire, si on contracte les mêmes syntagmes en une seule émission vocale faisant bloc, comme dans les exemples c1 et :

c1)  « Aujourd’hui — porter la —— queue-d’cheval — fait ringard »
       (où « queue de cheval » = coiffure à la Fanfan-la-Tulipe),

c2)  « Entre sémioticiens — parler de —— form’de-vie — fait chic »
       (où « forme de vie » = syntagme figé recommandé comme synonyme de l’expression taboue « style — de vie »),

alors il n’est plus question d’aucun cheval ni de sa queue, et on ne parle plus ni de la vie ni de ses formes. Il ne reste plus, dans les deux cas, qu’une entité linguistique aux composantes désémantisées, ni chèvre ni chou, une formule toute faite tout juste bonne pour servir à titre de métaphore figée (c1) ou comme mot de passe (c2), ce qui explique sans doute que dans l’élocution courante l’une et l’autre formules soient le plus souvent, à l’oreille, à peine distinctes du borborygme.

Et pourtant, alors qu’en sémiotique les variantes a2 et b2 n’ont pas cours, la variante c2 fait florès depuis vingt ans. Elle est même tenue pour d’autant plus élégante entre sémioticiens que son emploi passerait partout ailleurs, à juste titre, pour pure pédanterie. Mais le ridicule finit par tuer. Raison suffisante, à notre sens, pour l’éviter lorsque c’est possible. D’autant plus que, soulignons-le encore, pour désigner ce que nous nous donnons en l’occurrence comme objet de description, une autre expression, celles de « formes du sens de la vie » serait plus adéquate étant donné que c’est, à ce qu’il nous semble, le régime (ou la combinaison de régimes) de construction du sens qu’un sujet, individuel ou collectif, tend à privilégier qui permet encore le moins mal de rendre compte globalement, en termes sémiotiques, de son style d’identité et de sa manière de vivre. Malheureusement, comme dénomination, ce serait un peu long et cela ferait encore plus cuistre.

Note de bas de page 34 :

 Cf. par exemple M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (Paris, Gallimard, 1945), spécialement p. 506, où la notion de « style de vie » renvoie à celles de « manière d’être au monde » (p. 506, 510), de « mode de coexistence » (p. 510), de « projet implicite ou existentiel » (p. 511), de « manière de mettre en forme le monde et de coexister avec les autres » (p. 511).  Ou G. Deleuze, Pourparlers (Paris, Minuit, 1990), en particulier pp. 125, 135, 137-138, 156, où « style de vie » est pris comme synonyme de « mode d’existence ».  Ou P. Hadot, op. cit., notamment pp. 154, 160, 214 et 246, où « style » et « forme » de vie servent tour à tour de doublets pour « mode de vie ».  Ou, de nouveau, M. Foucault, op. cit., où « style de vie » équivaut à « esthétique de la conduite » choisie par un sujet (p. 255) ou tout simplement à « forme d’existence » (p. 306).  Etc.

Dans ces conditions, si l’occasion se présente, nous continuerons donc de parler de styles — de vie.  « Comme tout le monde », y compris divers auteurs qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’accuser de trivialité sous prétexte qu’ils s’en sont occasionnellement servi34.