Igor E. Klyukanov, Communication. A House Seen from Everywhere, New York, Berghahn Books, 2022

Valeria De Luca

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Texte intégral

Que le lecteur soit averti : dans Communication. A House Seen from Everywhere, paru en 2022 chez l’éditeur new-yorkais Berghahn Books, il ne trouvera ni une histoire des moyens de communication naturels et artificiels, humains et non-humains, ni un récapitulatif des différentes disciplines ayant contribué au fil du temps à l’établissement du champ de recherche que l’on nomme « communication ». Pourtant, il est bel et bien question à la fois d’une déclinaison pointue des formes et modalités de la « communication », et de la mise en perspective de disciplines telles que, entre autres, la biologie, la sociologie, la philosophie, la rhétorique, l’herméneutique. Comment l’ouvrage se situe-t-il dans le vaste panorama des productions scientifiques portant sur ce sujet ?

Publier à l’heure actuelle un livre ayant comme objet la communication pourrait paraître un projet voué à l’échec – d’autant plus qu’aucune référence aux médias n’est faite –, tant les bibliographies, les approches, les courants foisonnent. Il serait impossible, sinon prétentieux, d’espérer élaborer une vue d’ensemble et systématique à la fois du « phénomène » qu’est la communication, quitte à assumer la part de lacunes qu’une pareille entreprise comporte, tout comme son caractère partiel et situé. Ces remarques ne sont aucunement anodines car, comme Igor Klyukanov le précise au fil des chapitres, elles traduisent ses objectifs épistémologiques et théoriques, et motivent l’organisation de l’argumentation.

Les huit chapitres qui composent autant de vues sur les orientations diverses concernant la communication, et qui s’étalent sur un volume raisonnable de pages (autour de 200), semblent esquisser une sorte de « circularisation du carré » qui serait spéculaire à la « quadrature du cercle » détaillée dans le sixième chapitre.

En effet, d’un côté, l’ouvrage s’ouvre et se clôt par un questionnement ontologique fondamental, à savoir comprendre ce qu’est la communication. De l’autre, les chapitres intermédiaires (2-7) étayent les rationalités intrinsèques – des métaphysiques implicites, pourrait-on dire –, les postulats épistémologiques de quatre types de sciences afférant à la communication : i) les sciences de la nature, ii) les sciences sociales, iii) les sciences de la culture (les sciences humaines), iv) les sciences « idéationnelles » (philosophie). Dans ce sens, l’ouvrage vise – nous semble-t-il – une problématisation du phénomène communicationnel à travers des niveaux de complexité croissants et interreliés par le biais d’une intégration conceptuelle de type sémiotique. À ceci, moyennant les multiples et constantes références à la phénoménologie merleau-pontienne, ainsi qu’à l’herméneutique de Paul Ricœur et à la poésie, s’ajoute un autre objectif ou, pour mieux dire, un élément qui révèle la démarche et la posture épistémologique de l’auteur, c’est-à-dire une oscillation entre une observation – » lecture », comme on lit au chapitre 6 – scientifique rigoureuse des processus de communication, et leur incarnation – une forme aussi bien de « parole » que d’« écriture » (chap. 6) – dans le corps et l’expérience vécue des sujets individuels, et a fortiori collectifs.

Cela justifie également le sous-titre évoqué plus haut, « une maison observée de toutes parts », qui suggère la présence d’une toile de fond foncièrement écologique, au sens scientifique du terme, soutenant les intégrations et les « sauts » entre ces différents niveaux de complexité et d’articulation du phénomène communicationnel. À l’instar des habitats et des dragons de Tim Ingold (2013), Klyukanov se réfère à ce propos au mot russe obchezhitie, « littéralement “général” (obche) et “living” (zhitie) » (p. 53, nous traduisons). Obchezhitie, dit l’auteur, est précisément traduit aussi bien comme « logement communautaire », « co-habitat » ou « accueil », pointant à la fois l’acception du « vivre ensemble », de l’hospitalité, de l’adaptation et du partage mutuels entre individus formant toute société, si bien que cette dernière « n’est jamais un ensemble statique et totalisé, mais toujours une altérité ténue et temporaire (re)créée dans le processus de communication » (ibid., nous traduisons). Ainsi, obchezhtie, cette maison commune que l’on voit de tous côtés, érige la communication au statut phénomène « planétaire », aussi bien métaphoriquement que littéralement : les chapitres 1-4 s’attellent à le détailler en tant que processus qui est en même temps naturel et culturel. Naturel, car communiquer est le résultat complexe d’opérations d’ordre biologique, de processus de type physico-chimique, de mouvements et cartographies neuronales, tout comme il est un phénomène physique soumis aux régimes sensoriels qui organisent le vivant – les dimensions acoustique, visuelle, etc. Culturel, car la communication est inhérente aussi bien aux cultures humaines qu’à celles animales ; de ce fait, on peut l’étendre à l’intégralité de l’observation éthologique comparée. Qui plus est, sont impliqués également des phénomènes d’ordre psychologique et individuel, bien qu’il y ait un ancrage constitutivement social : tout cela semble brouiller les pistes pour la compréhension ontologique de la communication et rappelle à la fois l’adage de Watzlawick et des fondateurs de la pragmatique de la communication humaine, selon lesquels il n’est pas possible de ne pas communiquer. Du reste, c’est la conclusion à laquelle semble parvenir Klyukanov lorsqu’il affirme que

La communication est différente d’une lampe ou de tout autre objet, non seulement parce qu’elle change constamment, mais aussi parce que pour la communication, il n’y a « pas d’autres objets » ; quel que soit l’« autre objet » identifié, il devient partie intégrante de la communication. […] Nous ne pouvons pas nous séparer de la communication […] nous ne pouvons qu’exister en elle et la regarder en fonction de ses manifestations qui nous sont révélées, comme les quatre perspectives scientifiques dont nous avons parlé plus haut. Le plan « visible » de la communication est représenté par la réalité externe (substantielle), abordée par les sciences de la nature (« réalité objective ») et les sciences sociales (« réalité sociale »), tandis que son plan « invisible » est représenté par la réalité interne (idéationnelle), abordée par les sciences culturelles (l’esprit humain) et les sciences idéationnelles (les formes pures de la conscience). La communication est toujours « telle et telle » ; il ne peut y avoir de « communication en tant que telle » si l’on entend par là quelque chose de séparé des « autres objets ». Nous ne pouvons parler de « communication en tant que telle » que si nous la conceptualisons comme tout ce que nous avons, faisons, fabriquons et pensons. […] (p. 166-167, nous traduisons)

De ce point de vue, l’ouvrage de Klyukanov a l’indiscutable mérite de rehausser, comme nous l’évoquions plus haut, un questionnement théorique qui avait été posé jadis par Maurice Merleau-Ponty, et de le transposer dans un cadre disciplinaire autre, aboutissant à une perspective globale aussi cohérente qu’audacieuse. Dans Phénoménologie de la perception, ainsi que dans le cours sur La Nature, Merleau-Ponty s’interrogeait sur les tensions génétiques entre l’animalité et le symbolique, sur le passage et sur l’écart entre ces deux dimensions constitutives du vivant. Le philosophe apercevait comme une « communication silencieuse » entre l’animalité et l’humanité grâce au chiasme – à la réversibilité des perspectives des différentes sciences telle qu’elle est détaillée dans le chapitre 7 – dynamique entre l’action perceptive et la dimension symbolique et expressive. L’entrelacs de la perception et du langage est à la base, selon Merleau-Ponty, du symbolisme culturel humain ; plus profondément, il représente le « foyer » où et par lequel les cultures se constituent en tant que formes d’organisation et d’expression, et qui, notamment, est « commun » à l’animalité et à l’humanité.

Klyukanov prolonge cette idée jusqu’à avancer que le phénomène communicationnel est à la fois la donnée qui s’ouvre à l’objectivation et l’extraction de règles et d’homologies structurales – par les sciences inductives –, et le prisme (expérientiel et interprétatif) par lequel les interactions et le partage du commun peuvent se montrer – du côté des sciences « adductives » (p. 111) – ou se raconter – du côté des sciences abductives.

Néanmoins, le dialogue avec la phénoménologie, tout comme l’évocation d’autres champs du savoir – et notamment la sémiotique, comme on le verra dans les lignes qui suivent –, n’est ni irénique ni dépourvu de remarques critiques : dans le premier chapitre, on relève les considérations épistémologiques opposant les approches phénoménologiques à celles réalistes et descriptives d’ascendance dennetienne (p. 27-28) que Klyukanov assume en vue de faire émerger les niveaux « réels » d’organisation des phénomènes communicationnels. C’est également à cet égard que la proposition de l’auteur s’avère profondément écologique, voire écosémiotique – bien que ce terme n’apparaisse à aucun endroit du livre. Il s’agit de penser ensemble – à travers ce vivre ensemble – l’ouverture des milieux communicationnels, et la clôture et l’auto-organisation – au sens de Francisco Varela et al. – des différentes échelles de l’interaction du vivant (de la cellule aux sociétes).

Pour ce faire, et pour revenir à l’architecture de l’ouvrage, Klyukanov entame une démarche qui est également métathéorique et méta-descriptive vis-à-vis des différents champs des savoirs constitués, au moins dans l’histoire du savoir occidental, visant à notre avis à (re)fonder un lexique commun et transversal aux « coupes » épistémologiques et académiques de la connaissance : qu’en est-il par exemple aujourd’hui de la séparation entre sciences sociales et sciences humaines alors que de nombreux départements d’Université se fédèrent sous des dénominations telles que SHS (sciences humaines et sociales) ou Humanities (« humanités) ?

Encore une fois, cette remarque n’est pas sans intérêt, car l’auteur inaugure sa réflexion précisément à partir du constat d’une « crise » présumée au sujet des recherches en communication, et des labels académiques et épistémologiques des chercheurs dans différents endroits du monde :

La crise des études de la communication n’est donc pas le résultat d’une anomalie qui n’a pas pu être traitée de manière adéquate par la science normale ; elle est plutôt le résultat d’un manque de ce qui peut être considéré comme une science normale, en premier lieu. Nous avons peut-être toujours été « inter- » ou « trans- » ou « post-disciplinaires », mais nous n’avons jamais été normaux. […] La crise des études sur la communication consiste en leur incapacité à se distinguer des autres en tant que domaine, discipline ou science. […] On peut voir comment la crise d’identité des études de communication, due à un manque de centre ontologique, se manifeste dans le problème de leur désignation (p. 11-12, 13, nous traduisons).

Ainsi, la préoccupation ontologique procède en parallèle avec l’explicitation métathéorique. En effet, on présente d’abord l’histoire et la genèse de la constitution de la communication en tant qu’objet scientifique, la diffusion et la différentiation de son étude dans des disciplines distinctes. En revanche, le deuxième, le troisième et le quatrième chapitre se consacrent à l’examen approfondi des critères fondateurs de l’objet. Le deuxième chapitre allie la description de la perspective des sciences, pour lesquelles la communication est un ensemble d’interactions entre matière et énergie, à l’attention à la corporéité en tant que terme commun aux sciences de la nature, à la phénoménologie, à la sémiotique et aux neurosciences. Le troisième et le quatrième explorent la manière dont les sciences sociales et de l’esprit (dans l’acception du Geist) se sont appropriées les acquis des premières, tout en s’y démarquant en matière de mode de raisonnement. Sont réévaluées des dualités classiques telles celles entre fonctionnalisme et structuralisme, ou entre sciences « descriptives » et « normatives », bien que cette dernière dichotomie ne soit pas conçue exactement de la façon dont elle est abordée par exemple en linguistique générale ou en histoire des théories linguistiques (Colombat, Fournier, Puech 2010). D’une manière générale, dans ces champs, la communication est entendue comme un ensemble d’échanges et d’interactions linguistico-gestuels. En particulier, selon l’auteur, l’étude du phénomène de la conversation, qui caractérise traditionnellement les disciplines sociales autour de la communication, s’approprie la méthode des sciences de la nature en établissant un protocole visant à valider les analyses à partir du matériau empirique, tout en produisant de véritables avancées théoriques. Pour le dire brièvement, la communication s’avère un synonyme de « connexion » qui surgit de la dimension factuelle et sensorimotrice et dont le but intrinsèque est la convergence – dans l’accord ou le désaccord – des êtres humains entre eux, des êtres humains et non-humains, à l’intérieur d’un monde et en tant qu’agents du monde. C’est ici que la polémique évoquée opposant Luhmann et Habermas trouverait une issue : en fonction de l’échelle prise en considération, la communication serait tantôt conçue à la manière d’une « observation de second ordre » sur soi et le système environnant, tantôt comme une action délibérée – portée à la conscience – et orientée vers des buts partagés avec autrui.

À partir du quatrième et du cinquième chapitres, l’ouvrage aborde une série de questions inhérentes à la philosophie de la communication, en discutant l’hypothèse selon laquelle la communication est essentiellement l’ensemble des manifestations de l’esprit humain. Comme on l’a évoqué brièvement plus haut, le septième et le huitième chapitres prolongent les acquis contemplatifs et philosophiques en vue de la synthèse conclusive.

C’est donc le sixième chapitre qui se démarque ouvertement des autres et fournit une sorte de bilan d’étape catégoriel préannonçant la suite et fin de l’ouvrage. Ici, la sémiotique, mentionnée jusqu’alors de manière quelque peu latérale par rapport à d’autres disciplines, joue un rôle capital qui n’est pas sans rappeler le projet d’organon des sciences humaines énoncé par Paolo Fabbri (2008). En effet, après avoir esquissé l’épistémologie et les ontologies bâties respectivement par les sciences de la nature, les sciences sociales, les sciences de la culture, les sciences idéationnelles, Klyukanov s’empare du carré (logico) sémiotique – celui aristotélicien au greimassien – afin de détailler une caractérisation réciproque, une topique, et des parcours entre ces différents domaines scientifiques. Le carré est donc utilisé à des fins diagrammatiques, en permettant d’établir et de visualiser une cartographie de positionnements épistémologiques et méta-scientifiques, auxquels on fait correspondre également des procédés et des processus qui incarnent les objets scientifiques constitués.

Note de bas de page 1 :

À ce sujet, et au vu des multiples références à Peirce, il n’est pas inintéressant de se demander si l’adduction, qui vise une sorte de généralité du singulier de type « optatif », ne serait pas autant éloignée de l’abduction, du habit – et davantage du musement – tel que l’auteur l’entend, bien qu’il ne fasse pas explicitement référence au « jeu pur de l’imagination » esquissé par le philosophe américain peu avant sa mort.

Les différences entre les sciences découlent des distinctions entre les causes aristotéliciennes – matérielle, formelle, efficiente, finale ; ainsi, les sciences de la nature se réfèrent à la cause matérielle, les sciences sociales à la cause formelle, les sciences de la culture à la cause efficiente, les sciences idéationnelles à la cause finale, et entretiennent des relations de contrariété, contradiction, complémentarité. D’autres critères de différentiation concernent notamment les « modes de raisonnement », les « formes de l’activité commune », les « modes grammaticaux », tantôt reprenant des distinctions traditionnelles entre procédés scientifiques, tantôt instituant des analogies presque métaphoriques – voire métaphysiques – entre formes et objets de la connaissance. En particulier, du côté des modes de raisonnement, le lecteur apprendra que les sciences de la nature procèdent par induction, les sciences sociales par déduction – et c’est dans ce sens qu’elles sont normatives –, les sciences de la culture par abduction, et les sciences idéationnelles par cet étrange mode tiraillé de prime abord entre l’induction et l’abduction qu’est l’« adduction »1. Du côté des formes de l’activité commune, on trouve des macro-gestes communicationnels, à savoir la « lecture », associée aux sciences de la nature, selon la métaphore classique et liée également aux bases sémiotiques et indiciaires du vivant, la « parole », liée à l’action sociale communicative, l’« écriture » en tant que production textuelle transmise et instituant la dimension symbolique propre à l’Homme, l’« écoute » en tant mise en résonance aussi bien avec l’expérience singulière, qu’avec l’invisible et l’apparaître du monde.

Sans que l’on puisse trop s’attarder sur chacune de ces catégorisations contrastives, et au vu de l’interprétation et de l’usage résolument dynamiques que Klyukanov fait du carré, on serait tenté de se demander si une schématisation de type tensif n’aurait pas permis de montrer davantage les réversibilités catégorielles qui sont approfondies dans la suite de l’ouvrage et qui font estomper les relations logico-sémantiques du carré. En effet, c’est comme s’il fallait expliciter un autre niveau, plus fondamental, de catégorisation, et qui s’articulerait autour des valences et des valeurs (Fontanille & Zilberberg 1998) présidant à la constitution même ces oppositions entre les critères (catégoriels) mentionnés plus haut. En d’autres termes et à titre de suggestion, les différences entres « causes » profiteraient par exemple à être reformulés par des couples tels que animé/inanimé, abstrait/concret, intérieur/extérieur, de sorte à lier de façon plus forte et immédiate les résultats des différentes coupes catégorielles. On pense notamment à l’association entre la série des modes grammaticaux et celle des tempéraments humains, ou bien à la « mise en corps » du carré à travers l’association entre les relations logico-sémantiques et la tripartition des axes et plans du corps humain, où la rigueur ontologique fondationnelle est nuancée par des accents analogiques.

Cela dit, Klyukanov met en exergue précisément cette vocation méta-épistémologique propre à la sémiotique qui la différencie des Communication Studies tout en l’y incluant, car son objet est tout aussi complexe et diffus que celui dont il est ici question.

Pour conclure, le mérite de cet ouvrage réside à notre avis dans cette « carte mentale » suffisamment ouverte qu’il trace entre des catégories et des pensées éloignées dans le temps et dans l’espace permettant en revanche de situer précisément le phénomène communicationnel à tout niveau de sa vie spirituelle, objective, phénoménale, perceptive, expressive. Et dans ce cadre, c’est le marquage qui fait la différence et qui donne vie aux catégories tout comme au carré sémiotique : le quatrième terme – une sorte de quatrième « dimension cachée » ? –.

Tout en approfondissant le sens, il dépend toujours de notre point de départ. […] Nous avons commencé par la communication en tant qu’objet naturel et terminé par la communication en tant qu’objet de contemplation philosophique. Cependant, nous pourrions commencer par n’importe quelle place, par exemple en faisant de la perspective des sciences humaines le premier terme positif et en partant de là ; ensuite, la quatrième position serait représentée par la perspective des sciences sociales sur la communication. Et ainsi de suite. Dans l’ensemble, « la vérité, c’est le tout » […], dans le sens d’un déploiement sans fin. La vision dynamique des relations entre les différentes positions signifiantes montre qu’elles sont réversibles (p. 124, nous traduisons).