Image, discours et scientifique en ligne

Eléni MITROPOULOU 

https://doi.org/10.25965/visible.377

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Le domaine scientifique que nous convoquons ici est celui des membranes cellulaires selon l’exemple du site Internet www.johnkyrk.com intitulé « Biologie cellulaire animée ». Il s’agit d’un exemple qui mobilise des moyens de visualisation pour configurer un système de connaissances en procès, en science expérimentale, la biologie. Les images qui composent cet exemple sont censées participer de la description de l’objet du faire scientifique en même temps qu’elles font fonctionner le faire scientifique.

Pour commencer : d’une interrogation à l’autre

Note de bas de page 1 :

Ici, selon l’acception de la sémio-linguistique moderne pour la morphologie.

Note de bas de page 2 :

Donc, comme forme (médiatique) d’une réglementation (pour la médiatisation).

Note de bas de page 3 :

Mitropoulou, Le Net Art : adaptation, transformation ou conversion des pratiques liées à l’art ?, dans « De l’expérience multimédia », Nicole Pignier (eds), Hermès Lavoisier, 2009, pp. 77-91.

Précisions, d’emblée, que notre réflexion ne relèvera ni d’une sémiotique du texte visuel, ni d’une sémiotique du texte scientifique. Le propos se développera au sein d’une sémiotique des médias qui s’interroge sur les sémioses tissées par le processus de communication en fonction de la spécificité morphologique1 du médium2. Il s’agit de poser les questions suivantes : Comment ? et En quoi ? la diffusion en ligne transforme-t-elle le rapport au savoir scientifique ? À la réaction spontanée « pourquoi y aurait-il transformation ? » nous répondrions que la diffusion en ligne intègre le savoir dans un dispositif de médiatisation différent des autres, qui est un dispositif d’animation et d’interactivité. Quant aux images, porteuses de ce savoir et au cœur du dispositif, subissent-elles le sort d’autres typologies d’images qui sont diffusées sur le Web ou bien l’image scientifique échappe-t-elle à la croyance qui veut que, sitôt qu’une image est en ligne, elle vit - et par conséquent elle fait vivre à son récepteur - des expériences cognitivement inédites (et dans ce cas on pourrait alors parler du mode d’existence de l’image en termes de destin multimédia !) ? Cette croyance, a priori valable pour le domaine du faire artistique3, serait-elle également valable pour le faire scientifique ? Y aurait-il une compétentialisation (et la performatisation correspondante) pour l’image (et pour celui qui est en face d’elle) puisque, sur le Web, l’image scientifique et le faire qui la caractérise, le faire scientifique, sont pris dans une espèce de tourbillon médiatique, dans du remous spatio-temporel qui sont, médiatiquement, différents.

En effet, aussi bien le statut que les fonctions de l’image scientifique lorsqu’elle est, généralement, sur support média ne peuvent pas être comparés au statut et aux fonctions de l’image scientifique lors de son utilisation par les scientifiques pour leurs descriptions et autres observations, même lors d’une médiatisation de type Colloque. à ce sujet, l’exemple convoqué par nous est un de ces cas particuliers où l’image, et plus généralement le discours scientifique de ce site Internet, font l’objet de deux formes de médiation qui garantissent un double statut à cet exemple : d’instruction auprès de futurs spécialistes et d’exposé scientifique.

En fait, l’image scientifique dans les mass média (ou assimilés), au-delà de son ancrage dans une intention (qui peut être de vulgarisation ou de partage entre spécialistes) se constitue, à la fois, véhicule et détenteur d’un savoir-être et d’un savoir-faire, à la fois, moyen de médiation et faire scientifique aux fonctions sémiotiques hétérogènes de celles du processus hors mass média. Si nous insistons sur ce point (qui est, en effet, un truisme) c’est parce que nous estimons que le médiatique n’est pas, suffisamment, interrogé en tant que lieu d’agitation et de manipulation pour les textes et qui en s’appropriant savoir et image de savoir, il s’approprie statut et fonctions du savoir.

Notre démarche cherche alors à comprendre ce que le savoir - en l’occurrence scientifique - et son véhicule - en l’occurrence l’image - deviennent dans ce tourbillon qui après se les avoir appropriés, il les attribue en propageant une certaine image du scientifique.

Notre démarche s’intéresse alors aux fonctions sémiotiques du processus de communication, processus dans lequel l’image investit une certaine forme de médiation pour le scientifique et où l’on pourrait se demander si le savoir scientifique est effectivement là pour lui-même.

Note de bas de page 4 :

Avant d’entrer plus dans ce que se veut être le fond du propos ici, une courte halte sur la légitimité d’une démarche qui prétend pouvoir observer le devenir de quelque chose en ignorant l’être de cette chose. Ce que, selon nous, légitime l’étude d’un domaine sans être spécialiste du domaine en question (en l’occurrence le domaine de la biologie et plus précisément les membranes cellulaires), c’est la présence d’un vrai intérêt qui existe aussi depuis l’angle du non-spécialiste du domaine. Cet intérêt est celui qui favorise la mise en avant du domaine en question sous l’angle d’une sémiotique-objet en fonction du couple médiation / médiatisation que nous interrogeons par rapport au savoir non pas en tant que somme de connaissances spécifiques d’un domaine (là on est incompétent) mais le savoir dans sa fonction d’opérateur modal, instrument sémiotique pour les processus de communication constructeurs de savoir, ici scientifique.

Notre démarche s’intéresse plutôt au devenir du scientifique qu’au scientifique lui-même. En effet, nous ne sommes pas spécialistes en biologie (d’ailleurs, dans d’autres temps autres lieux, nous nous sommes intéressés au devenir de l’artistique sans être pour autant spécialiste en art4) et tout en manifestant plus d’intérêt pour l’image qui opère (une image-ustensile) que pour l’image qui porte (une image-support), sans négliger (c’est là un euphémisme) que c’est en sup-portant qu’on transforme.

Nous visons, alors, une sémiotique des médias qui s’investit dans une sémiotique du processus de communication. Elle est à l’écoute, d’une part des spécificités subies et manifestées par le texte (ou le discours) grâce (ou à cause) de la morphologie du médium, d’autre part des modalités de médiatisation. Cette sémiotique pense le médiatiquement porté en fonction du médiatiquement opéré et, surtout, réciproquement.

Par conséquent, nous souhaitons poser les questions suivantes à notre exemple :

  • Quel devenir pour le scientifique sitôt qu’il est en ligne ?

  • Quel statut, sémiotique, pour le scientifique mis en image sur la scène médiatique de la diffusion en ligne et de la médiation multimédia plus généralement ?

  • Quel statut, pour l’image scientifique en ligne, c’est-à-dire pour l’image et pour le savoir pris dans des dispositifs de médiatisation (notamment de visualisation) propres au processus de la communication en ligne ?

Note de bas de page 5 :

« Dans le domaine de la science, les images sont considérées comme des instruments d’importance majeure qui, non seulement esquissent des résultats, mais qui aident aussi le chercheur à formuler des hypothèses de travail et à construire des théories ».

Nous nous approprions, alors, le paragraphe d’introduction à la problématique du colloque5 en postulant que « Dans le domaine du Web, les images sont considérées comme des instruments d’importance majeure qui, non seulement captent l’attention, mais qui aident aussi l’internaute à s’approprier le média en construisant des pratiques ».

Note de bas de page 6 :

En effet, et par rapport à une interrogation que nous avons formulée précédemment, le scientifique ne serait pas là pour lui-même mais pour produire des croyances (notamment celle de la pratique des médias interactifs comme pratique du faire, en l’occurrence, scientifique).

Note de bas de page 7 :

Pour plus d’éléments à ce sujet : Eléni Mitropoulou « Média, multimédia et interactivité : jeux de rôles et enjeux sémiotiques » publié sur Nouveaux Actes Sémiotiques en ligne (https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/4540).

Nous proposons, alors, de poser la question du statut du dispositif de médiatisation de l’image scientifique en ligne du côté du rôle attribué à l’image scientifique en fonction du dispositif pour sa visualisation qui produit (produirait ?) des croyances sur le scientifique (… beau paradoxe6 !), croyances liées à l’expérience numérique de l’internaute dans son pouvoir d’appropriation du savoir7. De là, devraient surgir des indices sur le devenir de la connaissance scientifique sitôt qu’elle s’intègre, grâce à l’image, dans une pratique aux confins du scientifique et du médiatique. Le dispositif de médiatisation est intrinsèque à la question du savoir comme opérateur modal, responsable des transformations du savoir scientifique.

Toutefois, quel peut être l’intérêt d’une telle approche pour l’image scientifique convoquée en termes de statut et de dispositifs de visualisation par la problématique du colloque ?

Il nous semble qu’un tel angle apporte de l’eau au moulin de l’étude des modalités globales de la construction du scientifique. L’image ne gagne pas seulement à être décrite (et donc connue) parce qu’elle mobilise instrumentalement (et qu’elle absorbe en vue de rendre compte du faire scientifique) comme texte-outil sémiotiquement spécifique, puisque en même temps l’image scientifique est elle-même le processus de communication, processus qui participe du traitement et de la diffusion du scientifique. Aussi, il faudrait envisager, notamment dans cette perspective mais pas uniquement, le processus de communication en question moins comme un contexte possible pour l’image scientifique que comme un débrayage/embrayage pour l’image-objet.

Note de bas de page 8 :

http://www.johnkyrk.com/cellmembrane.html

L’exemple que nous avons choisi est donc celui du site Internet de John Kyrk, biologiste, qui propose des animations multimédia, entre autres sur les membranes cellulaires à partir d’un ouvrage réalisé sur ce sujet par un autre biologiste, Bruce Alberts. Rappelons encore une fois qu’il s’agit d’un discours destiné aux spécialistes et futurs spécialistes si on se réfère au vocabulaire utilisé (qui serait un vocabulaire non vulgarisé) et à la mise en scène du savoir scientifique qui nous semble être de type didactique à partir de processus de schématisation plutôt conventionnels. L’animation que nous vous suggérons de visualiser maintenant sur Internet8 est composée de 26 plans.

Pour continuer : le diaporama numérique comme devenir pour le faire scientifique

Bien entendu, interroger l’image scientifique en ligne ne dispense pas de (se) poser la question de l’image dans ses propriétés icono-plastiques, dans sa propriété de contenir des formes étendues dans l’espace et le rapport de ces formes avec les formes du modèle qu’elle représente. Ça ne dispense pas, non plus, de (se) poser la question de mutation du savoir scientifique lui-même. En effet, la problématique de la transformation est toujours fortement active et activée, et c’est aussi aller dans ce sens que d’interroger l’image scientifique en ligne comme ce qui prescrit une extension dans la problématique de la transformation : il s’agit de la question du devenir médiatique de l’image scientifique ; de quel processus de communication s’agit-il pour l’image scientifique ? Autrement formulé, en quoi le dispositif de visualisation de l’image scientifique l’inscrit-elle dans tel ou tel processus de médiatisation qui revendique être une progression pour le savoir ?

Du coup, l’extension dans la problématique nous conduit à repérer une intension : l’inscription de l’interactivité dans le processus - d’acquisition - du- savoir – par - l’appropriation – du – faire – scientifique – mis – en image renforce l’image dans son pouvoir démonstratif, ce pouvoir devenant alors potentialisé de l’extérieur, toutefois par autorisation intérieure (comme toujours, si on reste fidèle au principe du texte - instructeur).

Note de bas de page 9 :

Que nous entendons comme le processus qui, par les modalités de son actualisation, met sous son autorité le processus de communication, la dynamique de l’échange.

Note de bas de page 10 :

Jacques Fontanille, Les espaces subjectifs : introduction à une sémiotique de l’observateur, 1989, Hachette.

Mais surtout, la tension qu’est l’interactivité augmentant le pouvoir démonstratif de l’image scientifique est une tension qui, par définition, sémiotise le processus de communication par transfert de valeurs entre image et récepteur via le processus de sa médiatisation9. Les valeurs en question sont inhérentes à l’univers du faire scientifique : savoir, érudition, cognition. Il est vrai qu’on ne se trouve pas face à l’image scientifique par hasard d’autant plus que, ainsi que nous le précisions précédemment, il s’agit ici d’un discours destiné aux biologistes en voie de spécialisation. Par conséquent, les valeurs évoquées sont substantielles au faire scientifique, et par conséquent (aussi) elles constituent des valeurs de base pour leur récepteur. Mais, nous sommes en processus de diffusion en ligne et par conséquent (enfin), au nom du processus de communication nous ne pouvons exclure la présence de toutes sortes de profil de récepteur. À ceci nous rappelons qu’il n’est toujours pas opératoire, sémiotiquement, de tenir compte des profils potentiels des récepteurs au-delà de la prescription par le texte-processus de profils d’observateur10 : s’engager dans l’image scientifique interactive c’est engager une manipulation du savoir-être scientifique en s’impliquant dans le savoir-faire scientifique ; cette implication se veut transformation du rapport au faire scientifique. Déclencher en cliquant, ou en survolant, des opérations visuelles c’est déclencher du pouvoir faire sur le savoir scientifique. Plus précisément par cliquer, le savoir scientifique s’active en circulant ; par survoler, le savoir scientifique s’active en s’animant. Circulation / Animation sont des catégories de la transformation du savoir scientifique de l’image en ligne. Elles étayent la croyance du scientifique opéré et opérant par du scientifiquement porté qui prétend devenir (prodigieusement ?) du scientifiquement opéré.

Qu’est-ce qui nous permet d’affirmer cela ? Cette fois, il nous faut entrer dans le processus au moyen de la question suivante : quelles spécificités pour l’image scientifique en mode « Diaporama numérique » ?

Sans perdre de vue que notre objet c’est l’image scientifique (selon les orientations que nous venons de préciser) mais du fait que ce qui doit retenir notre attention c’est son statut dans le dispositif de visualisation, le moment est venu pour s’intéresser au processus utilisé qui est celui d’un diaporama numérique aux particularités suivantes :

Note de bas de page 11 :

Qui permet de grossir l’image d’un objet de petites dimensions et d’en examiner les détails invisibles à l’œil nu comme en biologie pour observer les cellules ou les tissus.

  • S’il s’agit bien, ici, d’un mode diaporama à partir du visionnage d’un ensemble d’images selon un ordre pré-établi, ce sont des images réunissant dessins et écriture et non des vues de microscope optique par exemple11. Toutefois, ces images ne défilent pas automatiquement à l’écran mais se succèdent, justement, seulement après avoir cliqué sur les flèches situées en bas à gauche dans l’image (notons au passage que l’interactivité est intégrée à l’image scientifique). C’est alors l’action de cliquer qui fait défiler les images, en effet leur visualisation dépend de l’appropriation de leur déploiement par l’internaute lui-même et seulement par lui-même. Ce mode d’énonciation pour le diaporama que nous connaissons, plus ou moins, et qui est Powerpoint, permet de visualiser des images fixes ou animées préalablement paramétrées en fonction des performances du logiciel.

  • Le diaporama, spectacle visuel selon son étymologie, est une des techniques audiovisuelles dont l’origine d’application professionnelle est une suite d’images fixes en même temps qu’une bande sonore. Peut-on avancer que le son apportait l’animation qui manquait à l’image… ? Enfin, deux autres inconvénients d’origine pour le diaporama : a) être unidirectionnel et b) diffusion complexe et limitée.

Dans l’exemple que nous avons choisi, de nombreuses images sont des animations sans son et même si le son n’est pas forcément utilisé dans le multimédia (malgré sa définition de base comme technique audiovisuelle) peut-on avancer que le passage de l’image fixe à l’image animée compense l’absence de son … ?

Comme dans le diaporama d’origine, dans notre exemple on peut avancer, on peut reculer, on peut faire du sur-place … et c’est aussi une succession d’images d’un même processus technique (dessin animé). Pourtant, le diaporama du numérique - très friand de ce mode d’énonciation – est situé dans le haut de l’échelle des pratiques interactives … certes, dans notre exemple on peut activer certaines zones visuelles ce qui semble régler son compte à l’inconvénient être unidirectionnel

Note de bas de page 12 :

Précisons que, en Internet, sélectionner par cliquer n’est pas considéré du même niveau de compétences que sélectionner en média télévisuel par exemple. Il est vrai que, sans cliquer, il n’y a pas de déploiement possible en Internet ; même les intrusions textuelles ponctuelles à valeur paradigmatique tel que le spam ne sont pas automatiques. Appuyer sur les touches de la télécommande est une intrusion pragmatique, cognitivement faible, et non une modification ni pour le flux ni pour le déploiement sinon en termes de mode d’existence, concernant le passage de virtuel à réel. Sélectionner en média en ligne (télévision) n’est pas de l’interactivité mais de la réactivité. Cette dernière ranime un texte tandis que l’interactivité l’anime :

Note de bas de page 13 :

De Kuyper-Poppe, Voir et regarder, « Les ordres de la figuration », Communications n°34, Seuil, 1981, p.89 – Greimas-Courtès, DRTL, 1979, p. 145 et p. 307.

Note de bas de page 14 :

Françoise Bastide, « La démonstration – Analyse de la structure actantielle du faire-croire », Actes Sémiotiques 4 - Documents de Recherche, Groupe de recherches sémio-linguistiques de l’EHESS, Paris, 1981, p. 7.

Note de bas de page 15 :

Idem.

Cette interactivité présumée12, associé à l’image animée, invite dans notre exemple à un test de commutation entre le syncrétisme voir et entendre (mode audiovisuel) et voir et toucher ou plutôt toucher pour voir ou encore toucher en voyant (mode numérique). A priori, à la disjonction voir entendre succèderait la conjonction voir toucher et même plutôt celle de regarder toucher : regarder plutôt que voir, parce qu’en média interactif voir comme faire-réceptif passif (au même titre qu’entendre)13 s’il n’est pas suivi de regarder (ou d’écouter) précède la jonction introduite par cliquer mais sans orientation d’une trajectoire : avec voir / toucher on serait en navigation errance, dit butinage par les spécialistes. Dans notre exemple l’observation de l’image diaporama par toucher pour pouvoir regarder (donc toucher = devoir faire) est « assistée par un dispositif qui sélectionne ce que l’observateur désire voir »14. Le syncrétisme contractuel toucher regarder d’une part fait savoir au récepteur que c’est le toucher qui conditionne ses désirs, d’autre part lui fait croire que l’interactivité est le garant de la « bonne observation »15.

Note de bas de page 16 :

Nous rappelons que, afin de comparer ce qui est comparable, nous convoquons ici le diaporama audiovisuel et le diaporama numérique en tant que techniques professionnelles. Ceci étant donné la nature de notre exemple Internet (qui n’est donc pas une des productions de type Web 2.0. qui prolifèrent, actuellement, sur le réseau).

Note de bas de page 17 :

Tels les plans n° 2 ou n° 3 mais notamment n°5 et n°7.

Note de bas de page 18 :

Image statique / dynamique + texte écrit statique / dynamique.

Note de bas de page 19 :

Jean-Michel Adam, Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan Université, 1997.

Par ailleurs, puisque ce qui distingue l’image diaporama de l’image de série c’est le fait que les images diaporama font l’objet d’un traitement à visée éclairante16, dans le cas présent, cette visée porterait sur les spécificités des membranes cellulaires. Multimodalité et interactivité participeraient de cette visée au moyen d’animations interactives17 où le multimodal18 renseigne et guide l’interactif qui, à son tour, potentialise les orientations du multimodal. Cela étant dit, nous ne sommes pas convaincue de la nature profonde de la visée éclairante : en effet, on peut se demander s’il n’y a pas plutôt prétention dans l’ambition d’éclairer que véritable visée éclairante qu’elle le soit selon le mode explicatif, descriptif…. Il est vrai que certains enchâssements intra séquence (ainsi que nous le verrons plus loin) pourraient revendiquer des propriétés démonstratives à valeur explicative. Nous évoquons cela parce qu’il serait, sans doute, intéressant de confronter un tel processus de médiatisation de l’image scientifique au prototype de la séquence explicative19 caractérisée par le principe d’enchâssement à moins que ne soit plus fructueux de regarder du côté de l’enchâssement prototypique de la séquence dialogale… Mais ce travail ne se fera pas dans ces pages !

Note de bas de page 20 :

Roland Pellarin, Micro-guide de l’audiovisuel : film, diaporama, vidéo, multimédia, éditions du Tricorne, Genève, 1993.

En revanche, ce que nous allons faire ici et maintenant c’est convoquer le diaporama comme art de la transition20 en fonction du savoir scientifique.

Note de bas de page 21 :

Jacques Fontanille, « Variations sur l’instant et le moment – L’ « emploi du temps » dans Les illusions perdues de Balzac », Régimes sémiotiques de la temporalité, sous la direction de Denis Bertrand et Jacques Fontanille, P.U.F., 2006, p. 374.

Dans un travail sur les « Illusions perdues », Jacques Fontanille interpelle la temporalité : « […] comment les régimes temporels constituent et manifestent les systèmes de valeurs, comment ils déterminent les évaluations axiologiques, et en quoi ils constituent des formes de vie cohérentes »21. Dans la forme de vie du savoir scientifique de l’image en ligne nous sommes aussi en présence d’un « emploi du temps » pour le scientifique mis en image et qui, en organisant les valeurs scientifiques, organise son appropriation (l’appropriation du scientifique) comme valeur. Selon nous, c’est la jonction image / média qui détermine la valeur de l’appropriation.

Quant à Alessandro Zinna, dans sa réflexion concernant la linéarité du devenir il conclut en disant que :

Note de bas de page 22 :

Alessandro Zinna, « Linéarité et devenir », NAS, « Le Devenir », Pulim, Limoges, 1995, p. 264.

[…] tant dans le devenir des profondeurs que dans celui des surfaces on retrouve la stratification et la complexité mais aussi la simultanéité (synchronie) de l’événement stratifié. Il y aurait deux modèles conceptuels : la simplicité, la linéarité et la succession du “ venir ”, face à la complexité, la stratification et la simultanéité de l’événement et des formes du “ devenir ” 22.

Si nous tentons maintenant de rendre visible et lisible la structure du devenir dans ces images d’accueil pour le scientifique nous pouvons obtenir une configuration sous forme de tableau commenté (cf. nos dernières pages) intitulé « Image scientifique / Diaporama numérique - Système/Procès du DEVENIR ».

La structure du devenir est caractérisée par des injections temporelles qui participent de l’évolution du savoir par strates de complexité, certes, mais qui surtout contribuent à ces évolutions en attribuant des valeurs d’appropriation.

Note de bas de page 23 :

Jean-Marie Klinkenberg l’aborde dans le cadre des images fixes : injection par encyclopédie, par indices, par index, par les sémiotiques extérieures ainsi que leurs interférences (Précis de sémiotique générale, Bruxelles, De Boeck, 1996, pp. 315-322).

L’injection temporelle n’est pas convoquée par nous en tant que technique23. Ici, il est surtout question de l’effet sémiotique de l’injection temporelle sur le savoir scientifique : il s’agit bien de comprendre quels moyens et quels effets (dont le temps) investissent le scientifique pour devenir, grâce à l’image, valeur d’appropriation pour le récepteur.

Dans ce tableau les 7 paramètres suivants ont été retenus :

  • le nombre croissant des plans constitutifs du diaporama, du plan n°1 au plan n°26

  • la flèche, figure principale du devenir

  • l’animation multimédia en fonction de ces deux manifestations : d’une part, Animation non interactive automatique c’est-à-dire impulsée par le clic de déploiement « flèche » mais n’exigeant pas d’engagement pour la réalisation de l’animation elle-même – d’autre part, Animation interactive « survol » par Interactivité-degré-0, soit simple survol de la souris sur les formes, préalablement, animées

  • les connaissances spécifiques explicitement signalées par du scriptural, constitutives du savoir « membranes cellulaires »

  • le texte écrit uniquement lorsqu’il participe des effets visuels

  • les injections temporelles, considérées par nous comme du dopage pour le visuel et enfin (ce qui ne veut pas dire que c’est fini !)

  • l’espace écranique de l’image scientifique du point de vue de sa densité.

Commentons, sans tarder, notre tableau en précisant que, pour aider notre lecteur, nous y avons introduit quelques explications supplémentaires ou reporté un certain nombre de ces mêmes commentaires dans le tableau lui-même, sous forme de notes de bas de page.

La flèche, signe des modes d’existence du savoir scientifique devient dès le plan n°3 le maître du temps de l’expérience avec le savoir scientifique. Le processus de communication médiatique en inscrivant la temporalité dans l’image scientifique, d’une part avec l’interactivité (flèche), d’autre part avec les animations multimédia (utilisation du logiciel Flash probablement) dirige l’image scientifique vers l’assomption de plusieurs tensions pour le savoir scientifique :

  •  L’advenir du savoir. Il surgit dans les plans n°2 et n°3 par :

  1. débrayage sur « flèche » / 2-animation / 3-embrayage du savoir.

Note de bas de page 24 :

Soit : AA / AAA / AAR / AAA/ AAR / AAA / AAR / AAA/ AA / AA.

    • Dès le plan n°3 : Devenir (D) fonctionne en tandem avec Redevenir (rD) qui permet de revenir à l’état précédent du savoir soit à l’image précédente

    • Dès le plan n°4 : un espace plus large entre les deux flèches («____») annonce des modifications à venir dans le rapport espace / temps. Cet espace plus large signale l’existence de deux redevenir, un redevenir du recommencement (état 0 « + x ») et un redevenir du commencement (état « 0 ») de type retour à la case Départ (et non pas un retour à l’état précédent du Devenir). En l’occurrence, comme il s’agit du premier redevenir de type retour à la case Départ il est, fatalement, le Devenir « état 0 » : il (ne) permet (que) le retour à l’état initial du savoir, soit à l’image / plan n°1.

    • Dès le plan n°4 le savoir survient : les modulations dans les hiérarchies d’animation du plan n°4 et jusqu’au plan n°9 favorisent des pics d’intension du savoir24. Ces hiérarchies sont de niveau AA (Animation automatique standard du matériau visuel / clignotements - intermittence lumineuse), de niveau AA- (Animation automatique réduite de niveau inférieur à AA) et de niveau AA+ (Animation augmentée en déplacement des formes et effets visuels d’inversion de contrastes redistribuant les priorités premier plan / arrière plan ; parfois, une forme disparaît comme dans le plan n°5).

    • Mise en place d’un processus de suspension temporelle : le passage par cliquer de l’image n°4 à l’image n°5 déclenche la disparition de l’écran de la flèche D ; sa fonction est suspendue le temps de l’animation ; le redevenir à l’état savoir-être 1 (rD-0) est toujours actif. Quant aux animations permanentes (de type AS) elles sont suspendues ( : ne clignotent plus) pendant le temps d’actualisation de l’animation permanente. Ceci est le cas partout ailleurs (plans n°7, n°23, n°26 avec une particularité dans le plan n°26 que nous signalerons en temps voulu). Il est à souligner que la flèche retour du plan n°6 ramène au plan n°4 de la séquence « Phospholipide » donc ni au plan n°5 (qui précède logiquement le n°6) ni au plan n°3 (qui est pourtant le premier plan de la séquence « Phospholipide ») : le besoin de revenir sur ses pas est évalué comme nécessitant la répétition d’une séquence pour l’animation hiérarchisée (qui est celle de AA / AA+ /AA-) ainsi que la réactivation de la suspension pour les flèches. Aussi, la spécificité du plan n°4 de constituer une entrée pour une tension sémiotique opérant sur le savoir et son déploiement se fait en fonction d’une modulation temporelle où le temps suspend l’interactivité liée à l’extension des images par introduction d’intension pour l’animation (tout en maintenant la possibilité de relâcher la tension puisque seul le retour case de départ est possible).

    • Le passage par cliquer de l’image n°6 à l’image n°7 déclenche, cette fois, la disparition de l’écran de la flèche Devenir et de la flèche redevenir à l’état du savoir précédent (rD/0+x) ; leurs fonctions sont donc suspendues le temps de l’animation ; le redevenir à l’état savoir-être 1 (rD-0) est toujours actif. En revanche, dans le plan n°7 le redevenir à l’état précédent concerne bien l’image précédente : de nouveau, le besoin de revenir sur ses pas est évalué comme nécessitant la répétition d’une séquence pour l’animation hiérarchisée (qui est ici celle de AA- / AA+, c’est-à-dire d’une animation automatique réduite vers une animation avec surplus) et l’importance de la réactivation de la suspension pour les flèches. Aussi, le plan n°7 fait l’objet du même traitement que le plan n°4 en termes de modulation espace / temps.

Afin de conclure sur le phénomène du Redevenir : le retour sur le devenir concerne soit la séquence précédente soit le plan précédent, ce retour régulant la coordination des animations (réduite / standard / augmentée) par principe croissant de réduite à augmentée. Signalons toutefois que, si ce processus de mise à disposition du savoir notamment des plans n°4, n°6 et n°8 appuient, également, la mise en scène didactique du savoir par des séquences bloquées et bloquant le déploiement, cette mise en scène didactique ne gère pas mais est gérée par la mise en scène visuelle des animations et de la participativité en fonction du savoir déployé en boucle syncrétique dans l’image.

Afin de conclure sur le phénomène de suspensions : 4 suspensions de temps se succèdent selon les même modalités (syncopes : plans n°4-5, n°6-7, n°8-9 et n°10-11). Il n’y a plus de suspension après le plan n°15 et jusqu’au plan final, le plan n°26. En effet, c’est à partir du plan n°14 que le savoir parvient : il atteint, au moyen de ses extensions, un mouvement de propagation dans l’espace (6 plans sur 8 sont en très forte densité). Le plan n°14 est un moment important de la rencontre entre phénomène du Redevenir et phénomène de suspensions par syncope : ici le redevenir à l’état précédent concerne la séquence précédente mais c’est plus que du revenir sur le parcours d’une animation réduite vers une animation augmentée. En fait, le retour par reDevenir de type étape (« 0+x ») sur le plan n°10 révèle l’importance de la séquence « Cholestérol », importance assumée par la priorité du texte écrit sur l’image (cf. les plans n°12 et n°13 très faibles en animation), texte chargé de la promotion des connaissances spécifiques : il s’agit de symboles chimiques. Toutefois ce qui est ici intéressant à observer c’est cette relation de relais entre visuel et scriptural dont les énergies sont en corrélation inverse puisque l’augmentation de l’un s’accompagne de la diminution de l’autre et réciproquement. Quant à la suspension temporelle du plan n °14 il est important de signaler qu’il s’agit de la seule animation de type AAA (la plus lente en durée et centrée sur un seul mouvement qui est un mouvement de renforcement de l’énergie texte). Aussi, il s’agit de la seule séquence d’animation de type AAA sans suppression automatique des flèches mais pour laquelle, au contraire, l’absence de suppression déclenche la présence d’interactivité : le récepteur, privé de cette fonction pendant les animations précédentes, l’apparition soudaine de cette fonction incite d’autant plus son exploitation. Aussi, cliquer avant la fin de l’animation fait rajouter du texte écrit (plan n°15) au texte du plan précédent pendant que l’animation se déploie. À partir du plan n°15 et jusqu’à la fin du diaporama, les animations de type transition ( : avec suspension de temps) arrêtent.

Reprenons nos commentaires au fil du tableau :

  • Les plans n°17 et n°18 sont caractérisés par la mise en place d’une corrélation inverse entre scriptural et visuel. Ici (en fonction de paramètres différents : l’animation pour le plan n°17 et le redevenir pour le plan n°18), à la diminution d’animation visuelle correspond une augmentation pour le scriptural et inversement. En revanche, dans le plan n°19 qui est celui d’une très forte multimodalité, associée à l’introduction d’une animation permanente, et qui par ailleurs suspend également les animations par survol dans leur propriété de permanence dynamique ( : elle ne clignotent plus afin que l’attention soit réservée à la nouvelle animation) scriptural et visuel sont en corrélation directe : augmentation.

  • Les plans n°23 et suivants sont ceux du savoir-être 2 constitué par l’enchaînement des plans d’animation automatique standard très lente du matériau visuel :

    • par déplacement de masses visuelles,

    • par surimpression de formes visuelles,

    • par surimpression et par déplacement de formes visuelles.

Dans ces tensions du devenir où le savoir advient / survient / parvient, d’une part les effets visuels pour le texte écrit, d’autre part la densité de l’espace écranique participent également de la détermination de la valeur attribuée à l’appropriation par le processus de médiatisation du savoir scientifique puisqu’ils sont des instruments du dispositif de visualisation. Aussi,

Texte écrit : les plans n°9, n°13, n°15 et n°16 sont caractérisés par l’alternance de fonctions ancrage / relais pour les effets de ponctuation visuelle du texte écrit,

  • plan n°9 : la fin de l’animation par déplacement / contraste est ponctuée par l’adjonction de texte écrit. Cette intrusion de texte comme matériau visuel distribue deux temps à l’animation, un temps qui est celui de l’exécution visuelle du texte écrit par l’animation elle-même et un temps qui est celui de l’action à rebours : le texte écrit prolonge en renseignant le mouvement visuel de l’animation en exécutant sa description

  • plan n°13 : en réponse à l’absence d’énergie sémiotique par animation du plan n°12, le plan n°13 introduit un texte écrit de taille conséquente ; ici, le dispositif de visualisation enlève de l’énergie du visuel pour en donner au scriptural

  • plan n°15 : l’animation du plan n°14 est au service du texte écrit du plan n°15 (et même du plan n°16). Ici, le dispositif de visualisation met l’énergie de l’image au service du texte qu’elle ancre. Le visuel se met alors à disposition du scriptural, l’image-texte délèguerait au code texte le pouvoir sur le Savoir même quand il ne s’agit plus de symboles chimiques. Il se confirmerait alors leur rapport de corrélation inverse : la diminution du visuel comme tension sémiotique pour l’image implique l’augmentation de la tension du scriptural pour l’image

  • plan n°16 : le texte écrit augmente en énergie sémiotique. Par glissement des masses visuelles, il y a remplacement et suppression de pavés textuels. Ici, c’est le rapport de corrélation directe inhérente au texte qui se fait remarquer : plus le texte devient une valeur d’usage pour le savoir plus le texte bénéficie d’effets visuels personnalisés qui, de plus, et c’est là la spécificité de ce plan, introduisent une forme de dimension temporelle pour l’interactivité : pause par clic appuyé et dont l’instruction fait partie intégrante de l’image (comme la flèche).

Et pour conclure : quelle parure pour le scientifique en ligne ?

Il semble que le scientifique devient apprivoisé grâce à l’image dans le rôle du dompteur (du scientifique), et du récepteur dans le rôle de dompteur (de l’image) qui, par procuration, devient dompteur du scientifique. Mais, est-ce bien l’image scientifique qui est domptée ou est-ce l’image animée qui est domptée ? Certes cela dépend (pour une large part) du profil d’observateur par rapport au domaine du savoir convoqué. En fait pour nous, il importe moins de vérifier si le savoir est effectivement dompté et à quel niveau, que de notifier (suite à nos commentaires) l’effet suivant : image-dompteur et dompteur d’image font de l’image et de son récepteur-animateur ceux qui réduisent à l’obéissance, ceux qui soumettent à leur autorité le processus de communication avec la bénédiction du processus promoteur d’un vouloir-laisser-faire. Soulignons plus particulièrement que :

Note de bas de page 25 :

Michèle Guillaume-Hofgung, La médiation, Paris, Puf, 2005, p. 79 et suivantes.

  • Les corrélations révèlent bien le rôle joué par l’image dans toute sa multimodalité. C’est notamment le cas des corrélations inverses. Si elles participent, sans doute, de l’objectif didactique lors des mises en scène visuel / scriptural, elles participent tout autant (sans doute sous l’alibi du didactique) de la mise en scène du pouvoir en cours de distribution par l’image en fonction d’une complicité extérieure. Il s’agirait là d’une métaphore, celle de la configuration de type syndicat/patron/salarié : l’image-syndicat est la déléguée du processus-patron qui lui prescrit la suspension d’animations pendant l’introduction de texte écrit et qui (toujours via son délégué-image) fait croire au récepteur-salarié qu’il est le détenteur d’un pouvoir sur la prescription faire savoir (flèche) ! Or, il ne l’est qu’en tant que médiateur de la prescription à savoir déterminé par sa fonction de constituer un relais entre pouvoirs (pouvoir à l’horizontale)25.

  • Les corrélations directes qui concernent les valeurs visuel / scriptural (tel le plan n°19) favorisent (lorsqu’elles sont en augmentation) des pics pour le savoir-faire. En revanche, lorsqu’elles sont en diminution (tel le plan n°20) elles favorisent des pics pour le savoir-être. Si les animations visuelles sont, évidemment, au service de la transformation du savoir scientifique elles sont plus que le simple véhicule pour ces transformations. En fait, elles sont dans le processus de communication, ce qui rend possible, avec la complicité extérieure, les transformations du savoir-être ; elles sont du niveau d’un savoir opérateur modal. Elles opèrent un surclassement cognitif : une animation active, cultive et réanime, réactive le scientifique comme s’il avait perdu la vie par syncope fatale et, pourtant, d’un seul coup il re-vit ! Toutefois une animation ne peut pas être une énergie originelle pour le scientifique (ne peut pas ou ne veut pas ? ce qui renvoie la balle dans le camp des intentions du technologique). Si l’animation participe des conversions du savoir elle ne veut pas s’engager autrement qu’un relais au sens des sciences et techniques du terme c’est-à-dire d’un dispositif permettant à une énergie relativement faible de déclencher une énergie plus forte (ne veut pas ou ne peut pas ? ce qui renvoie de la balle dans le camp des prétentions du technologique).

  • Quant aux corrélations directes qui concernent la valeur visuelle du texte écrit, elles font la promotion du texte écrit comme moyen d’atteindre le scientifique (valeur d’usage du texte écrit). En même temps, il y aurait là une autre promotion par corrélation mais inverse cette fois : plus le texte augmente en médiateur de savoir scientifique plus il augmente en valeur d’animation, l’inverse n’étant pas vrai puisque plus le texte augmente en valeur d’animation moins le scientifique augmente. Aussi, ce que la valeur visuelle du texte écrit fait augmenter ce serait la valeur de l’animation visuelle c’est-à-dire l’image scientifique dans sa parure multimodale.

Les plans n°23 à n°26 sont ceux de l’embrayage du dispositif de visualisation pratiqué et du débrayage pour un nouveau savoir-être au sujet des membranes cellulaires qui se réalise à partir d’un dispositif de visualisation qui n’est plus démonstratif mais illustratif du parvenir du savoir vers un devenir pour le scientifique. Caractérisés par l’absence de toute animation interactive (hors les flèches qui invitent à un compte à rebours) ces plans constituent un embrayage de la relation solidaire : « si image scientifique-Web (c’est-à-dire, si scientifique porté par scientifique ) alors scientifique opéré = pratiqué ». La flèche est donc moins la figure qui signifie le temps que la figure qui signifie la présence d’une sphère primo-empirique, celle d’un champ où germe la maîtrise du savoir parce qu’on le tient entre ces mains. D’où vient cet embryon de pouvoir sur le savoir ? Il résulterait de la maîtrise du processus de communication dans le déploiement du savoir. D’où vient ce pouvoir sur les transformations du savoir ? Il résulterait du contrôle de la temporalité. La pratique médiatique appliquée à l’image scientifique, indissociable du devenir du savoir, participe de l’attribution d’un statut à l’image scientifique. C’est le statut de scientificité : si on entend par scientificité caractère de ce qui est scientifique, l’image scientifique en ligne, telle que la révèle le processus de communication manifesté dans notre exemple, est scientifique non seulement par les valeurs scientifiques que, probablement, produit mais aussi, et surtout, par les valeurs médiatiques qu’elle met en scène qui sont des valeurs modales appliquées au scientifique par le médiatique.

Note de bas de page 26 :

Selon Edgar Dale et son cône qui visualise les degrés d’abstraction des messages perçus en fonction de la facilité de mémorisation à long terme, Pellarin, 1993, p. 6.

Note de bas de page 27 :

Caractéristiques de l’expérience médiatique du on line et de ses transformations par rapport aux trois dimensions sémiotiques du savoir, Mitropoulou, Lecteur et lecture : une nouvelle dimension sémiotique pour le savoir ? http://semiologie.net/page.php?page=33

Par conséquent, si vue et ouie sont les sens prédominants (pour l’homme) suivis par l’odorat, le toucher et le goût, le scientifique par le toucher gagne en hiérarchie pendant que la vue se trouve potentialisée par l’image animée. Le syncrétisme vue / toucher investit l’image scientifique en diaporama pour devenir, grâce à l’interactivité comme grandeur, le syncrétisme vue / toucher / faire scientifique convoquant aussitôt la question de la mémorisation du savoir en vue de son appropriation. Avec le glissement voir / entendre vers regarder / toucher, l’écart entre le haut degré d’abstraction (propre aux symboles notamment visuels) et le degré plus bas (celui de l’expérience vécue)26 se réduit. En effet, le faire scientifique se trouve rapproché de l’expérience par le tactile, ce rapprochement étant censé favoriser la mémorisation à long terme. L’introduction du récepteur par le tactile dans le savoir scientifique entraîne la dynamisation du savoir opérateur modal et permet à la croyance d’opérer en fonction du principe que nous avons désigné par « dimension de conversion » qui installe un récepteur « quêteur de faire »27). Le surplus de dimension cognitive porté par le savoir en animation vise l’euphorisation du récepteur-quêteur par impression de compétentialisation. Toutefois, impression n’implique pas absence de compétentialisation effective (pour affirmer cela il faudrait mener d’autres expériences de type enquête de réception). Impression implique qu’il y a présence d’intention de compétentialisation mais pas nécessairement présence de compétentialisation. Pour cela, même une enquête de réception serait inutile puisque les modalités interactives déployées dans notre exemple - mais également dans la plupart des exemples que nous pouvons rencontrer en ligne - sont des modalités qui ne permettent d’intervenir que dans la syntagmatique du savoir pas dans sa syntaxe. L’ossature médiatique de la diffusion en ligne, celle d’une structure à morphologie interactive, est aussi celle qui devrait permettre l’échange au-delà de la valeur primaire qui revient à cliquer pour faire circuler, ou à survoler pour faire animer comme c’est le cas ici. Postuler que ni l’énoncé scientifique visuel ni son énonciation ne sont transformables implique que, dans notre exemple, la navigation - c’est-à-dire le mode d’énonciation spécifique pour le processus de communication en ligne - permet l’exécution des fonctions interactives propres à l’image scientifique en faisant intervenir les compétences présumées du récepteur – sans doute à la fois scientifiques et médiatiques - mais sans mise à l’épreuve de ses performances cognitives. Cette mise en épreuve n’est possible qu’en cas de délégation partagée de savoir-faire scientifique entre l’image et le récepteur. En fait, le processus de visualisation de l’image scientifique déploie uniquement du savoir-être. Le déploiement du savoir scientifique par syncrétisme regarder / toucher ne concerne pas le partage de faire scientifique puisque celui-ci ne revient qu’à l’image seule (elle en est le détenteur), l’internaute n’étant que son dompteur…. animateur : c’est, notamment, le cas des séquences composées des plans n° 14 à n°16 ou n°20 à n°22.

Aussi, la dimension démonstrative de l’image du diaporama numérique n’intègre pas d’objectif démonstratif mais une dimension de revendication démonstrative : il ne faudrait pas confondre une interactivité qui transforme le syncrétisme multimodal avec l’interactivité qui ranime la multimodalité.

Mais, il manquerait dans notre exemple un autre ingrédient de base du diaporama d’origine, le fondu enchaîné. Bien sur le fait que, normalement, un diaporama défile, le fondu enchaîné lui garantit des effets sémiotiques de transition (esthétiques ou autres) par l’introduction d’une image intermédiaire. En fait, cette fonction est, ici, occupée par l’action de cliquer sur la flèche : le récepteur, dès son seuil minimal d’observateur, devient le troisième élément constitutif du processus de visualisation au titre de détenteur du savoir, mais, l’est-il effectivement ?

Il s’avère alors que, dans notre exemple, trois critères du diaporama d’origine sont supprimés et/ou détournés :

  • pas de sonore mais traitement intensif du code visuel (image animée)

  • pas de défilement automatique : on a privilégié le déploiement au flux

  • pas de fondu enchaîné en tant que troisième image de transition mais cut interactif par opération de cliquer.

Nous serions là face à un beau spécimen de diaporama numérique en termes d’attribution et d’appropriation du faire scientifique comme objet de valeur, acquisition qui se construit en fonction du traitement du savoir scientifique par le couple multimodalité / interactivité comme opérateur modal.