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Nicolas Couégnas

Université de Limoges

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Texte intégral

Dans le cadre du programme de recherche CEMES (ANR CULT 005, Cultures émergentes et médiations sémiotiques, 2013-2017) a été organisée à Limoges, le 22 avril 2015, avec le CeReS, une Journée d’Études intitulée : « Sémiotique et Anthropologie des Modernes ».

Cette journée de réflexions s’est fixé pour objectif d’interroger la rencontre entre le projet sémiotique, qui revendique de plus en plus fortement son appartenance au champ des Sciences Humaines et Sociales, et tente de se forger l’appareil conceptuel susceptible de traduire cette orientation, et le vaste projet d’Anthropologie des Modernes élaboré par Bruno Latour, qui a trouvé une formulation complète avec la publication de l’Enquête sur les modes d’existence en 2012.

Il y a là, croyons-nous, au-delà de la différence de « style scientifique » entre les deux approches, l’occasion d’un enrichissement mutuel que nous aimerions qualifier d’historique, tant il nous paraît susceptible de faire entrer la réflexion sur le sens social dans une nouvelle ère. C’est, pour le sémioticien, le moment de répondre à cette observation de l’anthropologue (ou du sociologue) affirmant que la sémiotique avait eu raison trop tôt et trop seule, et d’en tirer tous les enseignements.

C’est à ce titre que la réflexion sur la rencontre entre Sémiotique et Anthropologie des Modernes prend place dans le programme de recherche de type ANR, intitulé : Cultures Emergentes et Médiations Sémiotiques (CEMES), et vient constituer le premier volet d’un ensemble de publications prévues dans les Actes Sémiotiques, dans la série dédiée aux publications de programmes de recherches pluri-annuels.

Cette rencontre et cet enrichissement mutuel ont évidemment posé de nombreuses questions, que le présent dossier reprend à son compte et développe avec une congruence de points de vue assez saisissante, témoignant d’un relatif accord entre les contributeurs, tous sémioticiens avant d’être lecteur, usager inspiré ou critique de Latour. Ce point de départ consensuel porte d’abord sur la reconnaissance de l’importance des propositions développées dans l’Enquête, mais aussi sur la nature des questions qu’elles ouvrent et éventuellement laissent en suspens.

Retenons notamment, parmi les grandes problématiques qui traversent l’ensemble des contributions : i) la confrontation entre les formes de vie de la sémiotique des pratiques et la dynamique des modes d’existence sociaux ou, dans une version plus générale, la compatibilité entre une pensée structurale et une pure syntagmatique du social, ii) la possibilité de réaffirmer la pertinence du point de vue sémiotique sur le champ social, iii) le poids ontologique imputable à l’énonciation et au signe, qui paraît correspondre au tournant métaphysique actuel, mais aussi iv) les conditions de son extension à des objets non discursifs, v) la spécificité « actantielle » des domaines sociaux et l’interaction plus ou moins conflictuelle entre ces domaines (entre champ médiatique et champ politique, par exemple), et vi) la particularité du geste énonciatif de l’Enquête et sa compatibilité avec le style analytique de la sémiotique.

L’ensemble des réflexions, sur la sémioticité intrinsèque du travail de Latour, sur ses particularités, ses limites éventuelles et sur ses potentialités heuristiques, est précédé par un guide, en guise d’introduction, qui présente à la fois l’ancrage épistémologique de l’Enquête, ses principes fondamentaux et une description synthétique mais exhaustive de l’ensemble des modes d’existence.