L’architecture comme cosmos

Pierre Boudon

LEAP, Université de Montréal

https://doi.org/10.25965/as.2621

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Mots-clés : architecture, cosmos, espace, lieu, medium, musique

Texte intégral

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Note de bas de page 1 :

 Parmi de nombreuses publications récentes, on retiendra l’ouvrage de Lars Spuybroek qui établit des liens généalogiques entre des œuvres et/ou théories antérieures (Gaudi, Semper, Frei Otto, Xenakis) et leurs conceptions présentes. Cf. Nox, New York, Thames and Hudson, 2004.

L’avènement des nouvelles technologies de la conception architecturale (Greg Allen, UN Studio, Nox Arkitekten) au moyen de formules algorithmiques nous rappelle une expérience historique cruciale et peut-être quelque peu oubliée : la conception du Pavillon Philips (Exposition Universelle de Bruxelles, 1958) par Le Corbusier, Xenakis et Varèse. En tant que processus, de la conception à la réalisation, cette expérience aura révélé une homogénéité tectonique d’accomplissement que nous n’avons peut-être pas dans les réalisations contemporaines où nous avons une grande différence entre un imaginaire développé algorithmiquement au départ et ce qui est réalisé finalement1.

Note de bas de page 2 :

 Cf. Le poème électronique, Le Corbusier, Paris, Minuit collection « Les cahiers forces vives » (J. Petit, dir.), 1958, p. 23.

Rappelons quelques faits sur cette réalisation exemplaire empruntés à l’ouvrage Le poème électronique, Le Corbusier2 ; la commande vient d’une compagnie mondialement connue pour ses produits de haute technologie, et plus précisément de Louis C. Kalff qui sera l’un des grands artisans de ce projet :

« Il s’est présenté : « Kalff, directeur artistique des Établissements Philips à Eindhoven, Hollande. Je viens vous demander de faire le Pavillon Philips à l’Exposition Universelle de Bruxelles. Nous n’exposerons aucun produit commercial. Vous serez libre de faire la façade que vous voudrez… —Je ne ferai pas de façade Philips, je vous ferai un poème électronique. Tout se passera à l’intérieur : son, lumière, couleur, rythme. Peut-être un échafaudage sera-t-il le seul aspect extérieur du pavillon ». J’avais mis comme seule condition à ma collaboration qu’Edgard Varèse, Français rencontré à New York après la libération, et “jeune de 70 ans” comme moi, soit le musicien qui déchaîne le torrent électronique musical. »

Exposition universelle, compagnie de haute technologie, multimédia esthétique (architecture, musique, photomontage complexe) ; nous sommes bien dans les conditions d’une expérimentation spatiale.

Note de bas de page 3 :

 A. Rivkin, article « Synthèse des arts : un double paradoxe », dans Le Corbusier, une encyclopédie (J. Lucan, dir.), Paris, Centre Georges Pompidou, 1987, pp. 386-391.

Note de bas de page 4 :

Cf. M. Treib, Space calculated in seconds, Princeton, Princeton University Press, 1996, p. 116. Cette philosophie du “musée imaginaire” (on dirait “virtuel” maintenant) est issue d’une lecture assez simplifiée du grand travail de W. Benjamin, paru en 1936, sur les nouvelles expressions médiatiques qui « kaléidoscopisent » les œuvres. Cf. « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée », dans Écrits français, Paris, Gallimard, 1991, p. 147 sq.

Du côté de Le Corbusier, nous avons affaire à un homme plus préoccupé par la Synthèse des arts3 que par la forme architecturale proprement dite, dont au départ il se soucie peu. Le thème prédominant de ce Pavillon étant le « Poème électronique », nous avons deux expressions associées, apparemment très dissemblables, puisque l’une participe de la création littéraire et l’autre d’une ingénierie encore jeune (nous sommes avant la révolution des transistors dans les années 60). Mais pour Le Corbusier, c’est cette contraction métaphorique qui fait sens comme trente ans auparavant c’était celle de la « Machine à habiter » ; ici, il ne s’agit plus de fonction mécanique mais de « Machine à transmettre » en termes de communication. Mais transmettre quoi ? C’est la grande question et c’est pourquoi le thème du cosmos que nous faisons apparaître dans le titre —cosmos au sens antique, renvoyant à un ordre, une parure, un spectacle— signale le niveau d’interprétation que nous voulons donner à cette manifestation. Ainsi, à propos de création (poesis) Le Corbusier a publié quelques années auparavant une œuvre qu’il considère comme son testament artistique, Le poème de l’angle droit (1955), et l’on entrevoit déjà que ce « poème électronique » en tant que forme épique se situera dans le prolongement de celui-ci mais avec des matériaux iconographiques bien différents (cinéma, photographies, type de spectacle, etc.,) puisqu’il s’agit d’une exposition et non d’un livre. D’ailleurs, ce mode (exposition publique) renvoie implicitement à une philosophie sous-jacente que l’on peut rapprocher de celle qu’avait André Malraux d’un Musée imaginaire rassemblant les hauts faits artistiques de l’humanité (peintures, sculptures, masques), tant occidentale ou orientale que primitive ; artefacts rassemblés en un même lieu et déconnectés de leur contexte, ce qui bien sûr les aliène en partie4.

Note de bas de page 5 :

 L’idée d’un parallèle entre la création artistique et la fabrication alchimique d’un « métal pur » est déjà présente dans le Poème de l’angle droit; il en constitue même le « cœur » dans son déroulement, Cf. la séquence unique, D.3 FUSION, p. 117.

Comme je l’ai noté, Le Corbusier se soucie peu du parti architectural qu’il confie à Iannis Xenakis. Par contre, il a une idée très précise du « mode de confinement » qu’imposera ce Pavillon : c’est l’idée d’un « estomac », qui fait suite au schéma de la « bouteille » comme mode de stockage amovible dans un casier (un des schèmes fondamentaux de l’Unité d’Habitation de Marseille) ; soit l’idée (organique) d’un parcours, d’un site de passage entre une entrée et une sortie, d’une transmutation des esprits à la manière de l’alambic (l’Athenor) des alchimistes censé métamorphoser les minerais en or (nous avons donc affaire à une conception vitaliste dans la mesure où pour ces alchimistes la matière minérale était vivante)5. Nous avons donc affaire à une sorte de rituel profane.

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Note de bas de page 6 :

 L’analogie avec les sculptures de Naum Gabo est également évidente, Cf. Treib, idem. p. 32.

Voici une planche d’esquisses faites par Xenakis (Treib, p. 26) qui exprime bien le parcours intellectuel du maître au disciple avec le « passage du témoin », j’oserai dire, du plan au sol (I) à l’élévation architecturale en hauteur (II) ; mais comme le souligne Xenakis, nous n’avons pas affaire à une conception translative du volume (soit une élévation issue de ce plan au sol par translation verticale) mais à une conception nouvelle du volume en soi, réellement à trois dimensions distinctes et non homomorphes6.

Le pavillon est doté d’un signal à l’entrée : un « objet mathématique » complexe en ce qu’il correspond à l’emboîtement de plusieurs volumes, « objet platonicien » sans nul doute, lequel est traversé par l’écriture même de Le Corbusier : « Philips, Le poème électronique », transcrite sous forme de néon. Or, nous dirons qu’entre cet objet mathématique tridimensionnel, flottant dans les airs, et le pavillon dans son ensemble en tant que volume clos, nous avons en tant que situs mondain une homologie de rapports : le pavillon, de par sa nature auto-portante, flotte « au dessus » du sol. Il s’agit donc d’une géométrie avant tout.

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Sachons enfin que cet objet mathématique trouve son corrélat à l’intérieur du pavillon, suspendu à l’un des sommets — autre objet platonicien qui forme le jumeau d’un corps féminin suspendu également mais à l’autre extrémité. Nous avons là toute une chaîne de relations qui gravitent autour de la création alchimique.

Revenons à notre démarche générale. En tant que « poche » (estomac), la forme de base exprime un « pli de dépôt » entre une entrée et une sortie, termes corrélés sous forme « tête-bêche » puisque l’état de sortie (du spectateur) ne peut être le même que l’état d’entrée ; entre les deux, nous avons parlé d’une transformation psychique, d’un rite de passage. En tant que circulation, nous avons affaire à un mouvement aspirant et refoulant à la manière d’une « pompe » qui absorbe un carburant et rejette un gaz puisque nous avons affaire à un pavillon d’exposition où les gens entrent et sortent continûment. D’ailleurs, Le Corbusier en parlait en ces termes, « remplir », « vider », alternativement.

C’est un lieu clos (hormis l’entrée et la sortie comme fentes entr’ouvertes dans la paroi à la manière d’un rideau de scène) et totalement sombre puisque c’est celui d’une projection comparable à une salle de cinéma (mais où les gens restent debout). Or, dans ce lieu clos et sombre, nous avons le déroulement d’une cosmogenèse qui constitue la trame narrative de cette manifestation et qui, on l’a dit, exprime le but premier de Le Corbusier dans la quête d’une Synthèse des arts ressuscitant le grand programme dix-neuvièmiste d’un Gesamtkunstwerk, ou « œuvre d’art total ». Dans ce programme, donc, la musique occupe une grande place et ce n’est pas un hasard si Le Corbusier a choisi le compositeur Varèse contre la volonté des commanditaires qui préféraient une musique plus « acceptable », plus conventionnelle, moins dissonante. Or la musique électro-acoustique de Varèse est à la hauteur de ce projet corbuséen : la création d’un monde, non pas donné naturellement (les éléments, les climats, les bouleversements géologiques) mais engendré par l’homme. Le programme est ainsi celui du passage de la Nature à la Culture, du Désordre à l’Ordre et inversement ; d’une Harmonie disruptive.

Lieu sombre et clos ; on ne peut pas ne pas évoquer, comme dans le cas de la salle de cinéma, le « mythe de la caverne » de Platon (la République, Livre VII). Même dispositif d’enfermement, de projection sur une paroi, d’illusion des formes perçues. Bref, d’une inversion du rapport entre le jour et la nuit ; nous avons même la présence d’un muret qui cache les instruments de cette mise en scène (flambeau et marionnettes dans le cas de Platon, projecteurs et amplificateurs dans celui du Pavillon Philips). Entre ces deux exemples historiques nous avons en fait une symétrie et inversion puisque dans le cas de Platon le rapport est celui entre le monde visible et celui (invisible) des Idées transcendantes auxquelles nous devons aspirer, alors que dans celui de Le Corbusier ce rapport est celui, immanent, d’un monde visible mais aussi son au-delà comme futur, fabriqué par une activité humaine ; d’une sémiurgie à la place d’une démiurgie.

Dans les deux cas cependant, nous avons la constitution d’un microcosme (lieu de l’homme) qui représente un macrocosme, soit le rapport (naturel) de la graine et de la plante, de l’instrument (culturel) et de l’environnement qu’il configure à titre d’œuvre d’art. C’est par ce biais que nous retrouvons l’idée de cosmos dont le déploiement forme au sein du dispositif de captation la trame narrative de ce récit multimédia (images, couleurs, sons).

Considérons celle-ci puisque c’est elle qui a été le schème initial de Le Corbusier, et d’abord de son principe formel. Depuis les années vingt, l’architecte est familiarisé avec la création cinématographique « libre » (sans attache à une quelconque trame dramatique) à travers la production des peintres et notamment de son grand ami Fernand Léger qui avait fait le Ballet mécanique (1924) ; comme chez Eisenstein (autre cinéaste influencé par l’architecture et la peinture), le montage syncopé y occupe une grande place. Dans ces différentes références, nous avons affaire à une esthétique du fragment, soit de la discontinuité exprimée par l’image-plan, où les rapprochements plus ou moins congrus déclenchent chez le spectateur des relations métaphoriques plus ou moins fortes. Ainsi, pour Le Corbusier, architecture et cinéma constituent ici un medium commun sous l’angle d’un dispositif de mise en spectacle ; plus exactement, de conformation du spectateur par « fusions mentales » en ce que deux images-plans rapprochées vont former une unité de sens qui les dépasse dialectiquement, créant ainsi une dynamique psychique telle qu’elle est enseignée par la Gestaltheorie (selon laquelle un ensemble ne se réduit pas à la somme de ses parties).

Note de bas de page 7 :

 R. Jakobson parlait d’un montage métaphorique dans le premier cas et d’un montage métonymique dans le second, Cf. Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, 1963, p. 61 sq.

En termes de montage, nous avons ainsi deux « styles » d’écriture qui se sont affrontés dans le cinéma soviétique des années 20 : un montage par images-plans fait de dissonances qui se heurtent (Eisenstein) et un montage par plans-séquences définissant des consonances qui se répondent (Poudovkine). Dans le premier cas, deux forces physiques qui se rencontrent et Eisenstein parlait facilement d’effets intégrateurs/désintégrateurs ; dans le second cas (Poudovkine), de liens qui unissent/désunissent deux images qui se suivent ; c’est d’ailleurs pourquoi la narration se retrouve plus facilement dans le second cas que dans le premier. Ainsi, le sens global de la durée cinématographique ne peut être le même7. En musique, nous aurions une opposition comparable entre le style heurté de Varèse (discontinuité, fragmentation) et le style fluide de Xenakis (continuité des glissandi dans Métastaseis).

Note de bas de page 8 :

 Le Corbusier avait déjà réalisé selon ce principe un photomontage en 1931 dans son Pavillon suisse de la Cité Universitaire. Cette esthétique du montage tabulaire peut être vue comme la poursuite du cubisme des papiers-collés de Picasso et Braque, selon d’autres moyens iconographiques.

Note de bas de page 9 :

 Sachons également que ces projections s’effectuaient sur les deux parois intérieures du pavillon, ce qui fait que nous avions une projection en double exemplaire, sorte de schizie de la même manifestation.

Note de bas de page 10 :

 Les coups de gong dans la partition musicale ne sont pas non plus sans faire penser à la présence du Destin.

Nous dirons maintenant que dans le cas générique du cinématographe, nous avons un « montage séquentiel » associé au déroulement homogène qu’implique ce substrat, que ce soit selon une formule continue ou une formule discontinue ; dans le cas générique d’un multimédia tel que proposé dans le Pavillon Philips (images, ambiances, flashs lumineux, bande sonore) nous avons par contre un « montage tabulaire » formant une mosaïque de projections hétérogènes où plusieurs séries/clusters thématiques peuvent se conjuguer8. Ainsi, à la manière d’une composition musicale, la trame iconique (continue) peut comporter différentes dimensions contrapuntiques en tant que jeu de renvois entre elles, par répétition, par superposition, ou encore par déplacement à travers un flux ininterrompu d’images sous-jacentes (le rôle de ce que Le Corbusier appelait des tri-trous en tant qu’interventions erratiques, mais aussi des flashs de lumière)9. Tous ces moyens formels ont été mis à contribution dans le Poème électronique dont le contenu, je le rappelle, portait sur l’humanité et sa diversité, l’humanité et ses artefacts ; enfin, sur son avenir incertain, utopie radieuse (plusieurs projets urbains de Le Corbusier étaient insérés) ou apocalypse (la bombe atomique, les camps de concentration10). Bref, une sorte de réécriture symphonique, comme on parle de poème symphonique en musique, de la formule « D’où venons-nous, que faisons-nous et où allons-nous ? ».

Le cosmos, c’est ainsi la parure dont nous avons parlée mise en ordre au moyen d’un style d’écriture médiatique ; soit le spectacle qu’offrent la nature et les différentes cultures brassées par l’Histoire contemporaine (notamment les guerres mondiales). Pour les Grecs, ce spectacle faisait référence à la vision. Dans le cas du Pavillon Philips où la partition musicale joue un rôle très important, c’est aussi la perception électro-acoustique qui caractérise un certain type de synesthésie puisque nous sommes dans un « espace de confinement » (clos et obscur). Le son, les bruits, les scansions, nous environnent. Nous avons affaire à ce que Le Corbusier a intitulé une « acoustique plastique » où la notion de volume n’est plus seulement visuelle ou graphique mais auditive.

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Note de bas de page 11 :

 Ce document a été repris par R. Evans dans, The Prospective Cast, Architecture and Its Three Geometries, Cambridge, MIT Press, 1995, p. 319.

Venons-en ainsi à la morphologie architectonique de ce bâtiment qui n’est plus seulement liée à son aspect visuel (point de vue extérieur) mais à un aspect sonore (ressenti à l’intérieur) et qui exprime un cosmos (macrocosme ou cosmogenèse). Nous dirons de celui-ci qu’il représente le rapport entre un horizon éloigné et une enveloppe séparatrice d’une région interne et d’une région externe. C’est la définition même d’une structure de lieu telle que je l’ai développée dans mes travaux, confortés depuis par la locologie de Michel De Glas. Mais ici, la distance entre un horizon et un lieu de circonscription au moyen d’une enveloppe (bord topologique) n’est pas seulement visuelle mais auditive. Considérons ce document photographique que Le Corbusier avait inséré dans un ouvrage de 1935, Aircraft (Ed. du Studio, Londres)11. Nous avons affaire à un dispositif de captation de type « panopticon » mais associé à des ondes sonores et non au regard (ce sont de « grandes oreilles » qui écoutent). L’horizon d’éloignement en tant que cosmos est ainsi un « volume acoustique » saisie par un appareillage de détection. Pour renforcer cette idée de sonorité spatiale, j’évoquerai simplement le fait que nous avons affaire à un « pavillon », terme qui s’emploie à la fois pour désigner la conque de réception des oreilles et le bâtiment d’exposition qui de son côté comporte deux ouvertures symétriques (entrée et sortie).

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Note de bas de page 12 :

 Cf. G.C. Argan, « L'église de Ronchamp », dans Projet et destin, Art, Architecture, Urbanisme, Paris, Les éditions de la passion, 1993 [1956], p. 183.

Mais revenons à l’histoire même de cette architecture resituée dans l’œuvre de Le Corbusier ; en particulier, on peut faire une comparaison facile entre le Pavillon Philips et la Chapelle-du-Haut de Ronchamp, construite quelques années plus tôt, en ce que ces deux ouvrages utilisent des « surfaces gauches », conoïdes et/ou paraboloïdes-hyperboliques —expressions tout à fait inédites dans le langage de Le Corbusier et qui rompt avec l’«  image » que l’on pouvait avoir de sa conception architecturale (par exemple, son Pavillon suisse à la Cité universitaire, son Unité d’habitation à Marseille, les Maisons Jaoul à Neuilly)12. Mais ces deux œuvres sont-elles si facilement comparables quant à leur destination ? Chacune reflète à sa façon une certaine portée cosmique, la première dans le cadre profane d’une Exposition Universelle qui glorifie la science et la technique ; le second, lieu sacré de pèlerinage, « colline inspirée » des Vosges depuis de nombreux siècles. La première, bruyante et éphémère, la seconde, silencieuse et recueillie où le temps en tant qu’écoulement n’a plus sa place. Et pourtant, ces deux lieux sont réunis sous l’Égide de l’Esprit aux yeux de leur concepteur, l’un en tant que poème héroïque, l’autre en tant que méditation, selon une disposition générale curieusement inversée : alors que le pavillon d’exposition est « fermé » (clos et sombre comme une salle de cinéma), la chapelle de pèlerinage est au contraire « ouverte » puisqu’elle est à la fois une intériorité et une extériorité habitées (lors, par exemple, des grands rassemblements liturgiques annuels).

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Note de bas de page 13 :

 Dont l’écho se retrouve dans son ouvrage contemporain, Quand les cathédrales étaient blanches, Paris, Plon, 1937, dont une grande partie porte sur son voyage aux États-Unis.

Note de bas de page 14 :

 Cf. Vers une architecture (éd. J.-L. Cohen), Paris, Flammarion, 2005 [1923], pp. 54-55.

Note de bas de page 15 :

 Dans, Le paradigme de l’architecture, Montréal, Balzac, 1992, p. 101.

L’autre lignée, puisqu’il s’agit d’un pavillon d’exposition, n’est pas constructive mais thématique. Une grande partie de l’œuvre de l’architecte participe des grandes expositions qui ont ponctué le demi-siècle : l’Art décoratif en 1925 avec son pavillon de l’Esprit Nouveau ; l’Exposition Universelle de 1937 où son pavillon s’intitulait le « Pavillon des Temps Modernes » et qui s’offrait au visiteur comme une véritable déclinaison des artefacts de la Modernité (mobiliers, installations sanitaires, plans urbains) à travers un parcours initiatique faisant de ceux-ci l’amorce d’un nouveau monde13. Ce pavillon avait la particularité d’être une tente haubannée à la manière d’un barnum rappelant fortement les esquisses que l’architecte avait données du « temple primitif »14. Or, on a souvent considéré la couverture du Pavillon Philips comme étant une « tente » avec ses mâts et son revêtement métallisé, ancré au sol au moyen de fixations. Mais, comme le rappelle Marc Treib (Op. cit., p. 230, note 2) c’est profondément inexacte : cette couverture est une « voûte » (au sens gothique, au sens que lui a donné Gaudi dans sa Sagrada Familia), et de ce point de vue, l’analogie avec la Chapelle de Ronchamp est exacte (utilisation de paraboloïdes-hyperboliques). Rappelons que si une tente « travaille » en traction, la voûte de son côté « travaille » en compression et ces deux figures de construction sont antithétiques comme le rappelle ce diagramme qui rassemble ici les différents types de techniques15,

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Dans ce schéma, nous avons les trois composants de base : techniques du mur-paroi (stéréotomie, pisé) de l’ossature (en bois, en métal, en béton) et de la notion de colonne/mât comme support ponctuel. Les voûtes sont traditionnellement des « surfaces droites », comme la coupole (demi-sphère) qui est un volume fermé, par rapport au paraboloïde-hyperbolique qui « inverse » ce signe de courbure. Ce sont donc des surfaces gauches en tant que volume ouvert, pouvant tendre virtuellement vers l’infini.

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Note de bas de page 16 :

 Sous ce double aspect céleste et terrestre, réunis dans un même lieu, le Pavillon Philips n’est pas sans évoquer le Cénotaphe à Newton de Boullée au XVIIIe siècle où ces deux aspects, ouvert et fermé, reproduisent également le rapport alternatif entre le jour et la nuit.

En termes de cosmomorphisme, la conjonction d’une sphère (céleste, la voûte étoilée) et de cette surface gauche (terrestre, en ce qu’elle est ancrée au sol) peut être apparentée à une ligne d’horizon imaginaire tel que suggérée auparavant ; ce qu’on pourrait intituler ici le « point de Sirius » en tant que point-limite visuel d’une exocentration. On voit donc que la notion morphologique de revêtement, de nature géométrique, ne se réduit pas à une figure de construction matérielle mais peut être étendue à une conception du monde16.

Or c’est ici qu’intervient le travail de conception de Iannis Xenakis sans qui l’existence même de ce pavillon n’aurait pas eu lieu ; bien sûr, de telles réalisations existaient déjà (Torroja en Espagne ou Candela au Mexique) mais c’est grâce à son savoir-faire d’ingénieur et de mathématicien qu’il a pu composer une forme complexe faite de plusieurs voûtes intégrées. Nous avons affaire à une véritable démarche déductive suivie de son expérimentation.

Note de bas de page 17 :

 Cf. I. Xenakis, Musique Architecture, Paris, Casterman, 1976 [1957], pp. 139-140.

Voici un compte-rendu général de son travail de conception17 :

Note de bas de page 18 :

 On pense évidemment aux conditions imposées à Brunelleschi dans la construction de la coupole de Ste Marie-de-la-Fleur à Florence.

Note de bas de page 19 :

 Cette notion de module en béton précontraint —sorte de voussoir moderne— montre bien qu’il s’agit de voûte et non de forme haubannée.

« Se fondant sur le croquis très rudimentaire de Le Corbusier, Xenakis commence à travailler sur ce projet en octobre 1956 et termine son premier jeu de plans avant la fin de l’année.

Jamais ingénieurs et entrepreneurs n’avaient eu à se charger d’une construction composée exclusivement de paraboloïdes hyperboliques, de surfaces gauches autoportantes, le projet de Xenakis ne comportant aucun appui intérieur ni d’élément de support à l’extérieur18. Il pousse à l’extrême les limites de son matériau de prédilection, le béton armé, alors qu’à l’époque, il ne disposait pas d’outils de modélisation autres que les tâtonnements et les essais parfois conclus par des échecs.

La société belge Strabed est choisie pour réaliser ce pavillon. Le chantier démarre en juin 1957. L’ingénieur en chef de Strabed, H. C. Duyster, et Xenakis collaborent étroitement et développent ensemble quelques procédés innovants puisque rien de comparable n’avait jamais existé. Ainsi, les coques extérieures furent préfabriquées au sol par module d’environ 1,50 m d’envergure pour une épaisseur de seulement 5 cm, en béton précontraint19. Les différents éléments furent assemblés et raidis par un double réseau de câbles en acier de 8 mm de diamètre (3000 câbles furent nécessaires pour l’ensemble de la structure). Le point le plus haut atteignait 20,5 m pour une longueur de 40 m et une largeur de 24 m pour une structure de 7500 m3 couvrant 500 m2. »

Note de bas de page 20 :

 Cf. I. Xenakis, idem. pp. 154-155.

Voici par ailleurs les conditions de « constructivité » énoncées par Xenakis pour le premier projet, lequel sera suivi de deux autres20 :

« Pour ordonner les facteurs susceptibles de déterminer la forme du pavillon, je procédai à l’analyse suivante.

1) Surface d’évolution du public. Le public, environ 600 à 700 personnes à la fois, qui doit assister à un spectacle permanent d’une durée de 8 minutes à 10 minutes, est réparti d’une façon homogène sur toute la surface intérieure du pavillon. (…).

2) Lumière en couleurs, projections filmées. Les horizons en couleur, les volumes que la lumière réfléchie engendre doivent être phantas-magoriques. Donc, ajouter aux surfaces planes, des surfaces courbes fuyantes ou réceptives de lumières perpendiculaires, obliques, rasantes qui créent des volumes mouvants, s’enfermant, s’ouvrant, tournoyants.

3) Auditorium, réceptacle des développements actuels de la musique basée sur les moyens électroacoustiques. Pour pouvoir contrôler toutes sortes d’impressions spatiales, la réverbération doit être suffisamment faible. Les surfaces planes parallèles doivent être bannies en raison des réflexions multiples. Les angles trièdres également, car il y a réflexions accumulées sur les plans bissecteurs des angles dièdres.

Par contre, les surfaces courbes, non de révolution, à rayon de courbure variable, sont excellentes. Les portions de sphère par exemple sont à rejeter, car elles produisent des échos localisés.

4) Construction, technique : parmi toutes les surfaces géométriques, lesquelles sont autoportantes, accessibles au calcul statique et réalisables sur un chantier normal ?

C’est ce dernier chapitre qui devait donner la clef pour la solution des deux questions précédentes ; la solution devait comporter des structures géométriques courbes mais à base de droites : des surfaces réglées. »

Finalement, nous dirons que la formulation architecturale « émerge » comme solution résultante, des conditions d’usage, de mise en scène visuelle et sonore, de la morphologie (géométrie, construction) sous la forme d’un dispositif complexe en tant qu’«  espace de confinement » (notamment pour le son qu’on ne devait pas entendre à l’extérieur). La forme n’est pas un parti pris (en tant que choix) mais le catalyseur de ces conditions nécessaires et suffisantes. On dira donc que c’est là que réside son principe d’économie sémiotique.

Une analyse du Pavillon comme composition textuelle

La question sémiotique relève de la notion d’espace (physique, symbolique), du mode de recension —si c’est possible— de ceux-ci, car nous avons affaire d’emblée à une multiplicité d’espaces qui se conjuguent dans un même lieu. Ces espaces ne sont pas directement associés aux visiteurs qui circulent, qui observent, qui sont saisis par la manifestation qui les entoure, mais participent d’une multiplicité de rapports physiques et symboliques qui forment un nœud qui les lie.

Considérons ainsi,

  • le rapport d’intériorité/extériorité qui refend l’Umwelt en deux ; une intériorité close et sonore, une extériorité projetée dont les arêtes de la couverture constituent autant de grandes antennes,

  • le jour et la nuit dans leur inversion (fabriqués et non donnés),

  • le rapport entre une figure en relief définie comme enveloppe et une figure en creux qui représente la matrice (le moule) de ces différentes possibilités de mises en forme du monde : architectonique, diégétique, électro-acoustique, chromatique,…

  • le rapport de projection entre un halo diffusant des ambiances et la segmentation syncopée de la bande cinématographique qui crache ces images en plusieurs localisations à la fois,

  • le montage, tantôt séquentiel, tantôt tabulaire, avec ses différents effets de cadrage (focalisation, élargissement, etc.,). La grande question est de savoir si nous sommes dans un espace perçu ou fantasmagorique (et ce pavillon devient un cerf-volant) ;

  • et plus matériellement, l’ensemble de ces relations en tant que jeu relevant d’une physique qualitative où l’on ne sait plus très bien où commence et où s’arrête la notion de « corps » (architectural, mondain, organique) —corps en déport permanent puisque projeté entre équilibre et déséquilibre.

  • Finalement, pour ses auteurs (qui forment une trinité), le Pavillons Philips est la rencontre entre un cosmos (céleste, terrestre) et un noos (les formes géométriques), le corps mathématique (les polyèdres emboîtés, à l’entrée et suspendus à l’un des sommets) et celui de l’être féminin (projeté en hauteur, suspendu et rejeté : le dernier plan cinématographique est un bébé).

La question est donc de savoir comment il est possible d’organiser ces différents rapports qui renvoient les uns aux autres à la manière d’une polyphonie. Nous pouvons partir d’un diagramme structural de la forme suivante qui sélectionne les pivots de notre démarche que nous compléterions par la suite :

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Diagramme qui articule autant de registres sous-jacents formant des paradigmes de propriétés qui se répondent. Cette catégorisation des relations en « modules » est indispensable afin de préciser une distinction hiérarchique entre localité et globalité. Nous pouvons développer les rapports suivants :

Note de bas de page 21 :

 Notre compte rendu de lecture de l’ouvrage de F. Varela, E. Thompson, E. Rosch : L’inscription corporelle de l’esprit, Sciences cognitives et expérience humaine (Paris, 1993), Intellectica, 1996/2, 23, Paris, ARC-CNRS.

Note de bas de page 22 :

 Notre, « Champ de perception, image spéculaire », dans le collectif Image(s), Working Papers and pre-publications de l’Universita di Urbino n° 267-268-269, série F, 1997.

  • (A) La forme en tant que rapports gestaltiques entre figure et fond21 ; comme nous l’avons esquissé, nous avons celui entre une figure en relief qui s’expose visuellement (Cf. les formes apparentes) et une figure en creux (invisible) qui serait la matrice d’une potentialité de formes à définir (à la manière de la notion d’«  espace projectif » lequel peut être tour à tour, cercle, ellipse, parabole, hyperbole). Cette double définition de la figure, comme manifestation en surface et moule en profondeur, s’oppose diamétralement à la notion de fond comme uniformité, sans découpage. Entre une figure en relief manifesté et une figure en creux implicite nous pouvons situer la notion de bimodalité, ou de figure paradoxale, comme lorsque nous voyons le cube « vue du dessus » ou (vel) « vue du dessous » (cube dit de Necker). Nous avons affaire à une sorte de volte-face, passant sans solution de continuité de l’un à l’autre. Or ce jeu bimodal peut être étendu à une diversité de rapports instables qui changent au fur et à mesure d’une perception mobile.

  • (B) La forme dont nous parlons est à la fois une géométrie (abstraite) et une « physis » au sens qualitatif dont parlait les Grecs (Leibniz parlait de son côté de « force vive », à caractère vital) ; soit, davantage une physique de l’action et de la réaction qui s’apparente à une agentivité (rentrant dans les considérations d’une causalité) qu’une physique des forces strictement mécaniques (apparentée à des vecteurs) apparue avec Galilée puis Newton. La forme architectonique dont nous parlons est donc sujette à cette action (qui la déplace, par exemple) et à la réaction qui s’ensuit (c’est, par exemple, celle d’un milieu dans lequel elle baigne, ou encore, d’une autre forme avoisinante qui entre en contact) ; soit une altérité implicite dans sa nature de forme. La forme abstraite devient ainsi une « chose » par ses qualités de pesanteur (gravité, taille), sa déformabilité, comme mouvement, au contact des autres choses. Figure déformable selon son pouvoir d’élasticité, elle n’en demeure pas moins la même comme mode de conservation, sinon elle disparaîtrait comme telle. Elle possède donc une résistance à cette déformabilité et à l’action (faible, forte) qu’elle peut subir venant de l’extérieur. Enfin, par opposition, un choc, une rupture, peuvent lui être fatal : la forme éclate en morceaux, ou au contraire, est absorbée dans une forme qui l’englobe. Tout ceci implique donc une intériorité et une extériorité de la forme et non une entité pleine et la déformabilité dont nous parlons est celle de ses frontières qui peuvent s’accroître ou se contracter, selon le contexte.

  • (C) Tout ceci nous amène à la considération d’un module conjuguant la notion de « lieu » qui est au centre de ce dispositif. Le lieu constitue une entité articulée selon trois pôles : une région interne, une région externe, un bord (ou enveloppe) à partir desquels nous pouvons dériver les autres propriétés attenantes : entre une région interne et une région externe, nous avons un seuil au moyen duquel elles communiquent (ce sont, par exemple, les sas d’entrée et de sortie du pavillon). En tant que région interne, le lieu peut être démultiplié en sous-régions formant autant de localisations nouvelles ; en tant que région externe, le bord peut être exfolié en plusieurs couches qui se superposent à la manière d’une écorce, d’une pelure. Tous ces termes sont liés par une force de contention qui les maintient unis, sinon il y a éclatement (comme nous venons de le voir en (B) supra). Enfin, la structure de lieu est à la fois celle de son inscription comme régionalités distinctes et de champ plus large dont la limite extérieure est la notion d’horizon, distincte du bord dont nous avons parlé. Nous dirons également que la structure de lieu peut être fermée (à la manière d’une sphère) ou ouverte (à la manière d’un flux), transformation qui conserve toutes les relations de mise en place (ainsi à la notion de bord est substituée celle de rives). Considérons le Pavillon Philips : celui-ci se présente d’abord comme fermé en tant que lieu architectural dans lequel nous entrons ; mais à l’intérieur, il devient un flux d’images et de sonorités ; le visiteur est immergé dans un monde qui n’est plus ce pavillon d’exposition mais un cosmos faisant appel à une multiplicité de manifestations. Perception ou fantasmagorie ? C’est, comme nous l’avons dit, une transmutation des espaces faisant de ce bâtiment une arche (les parois deviennent des flancs), une sorte d’instrument alchimique créateur de métamorphoses.

  • (D) Le lieu est donc une figure, en relief et en creux (A), une chose plastique en équilibre et/ou déséquilibre (B), et c’est un complexe de propriétés mettant en correspondance un intérieur et un extérieur selon le mode d’une fermeture (sphère) ou d’une ouverture (flux). C’est enfin une perception dont la singularité est un point de vue générique ou spécifique. Pour qu’il y ait « perception » (phénoménologique), il faut qu’il y ait « monde » soit une pluralité de relations entre choses co-présentes22 (les logiciens parleraient d’une méréologie). C’est à travers cette pluralité et cette diversité que l’on peut comparativement évaluer ces rapports. Ce qui suppose un ordre sous-jacent (on retrouve toujours la notion de cosmos comme parure, ordre, spectacle), sinon nous aurions affaire à un chaos de sensations et non à une perception qui est une forme de filtrage de ce monde donné dans sa diversité et sa pluralité. Nous avons donc trois termes en présence : la notion de monde, celle de point de vue (variable), celle de cadrage puisqu’un point de vue constitue une sélection de rapports parmi d’autres. Ce cadrage peut également varier, ce qui suppose une intention d’en modifier les paramètres —mais une absence de cadrage n’aurait pas de sens (et c’est ce qui fonde la distinction entre « vision » et « perception »). C’est à partir de cette notion de cadrage que l’on peut ainsi caractériser, d’une part, un montage séquentiel comme déroulement des images les unes à la suite des autres (mouvement linéaire qui est également celui d’un point de vue en déplacement, Cf. un point de vue ne peut être « total », soit toutes les positions à la fois), et d’autre part, un montage tabulaire à la manière d’une mosaïque qui exprime une simultanéité de présences (d’autant de « cadrages » particuliers réunis) à la manière d’un monde multiple phénoménologiquement donné mais il s’agit ici d’un montage (soit, d’un simulacre de monde). Cette présence du montage tabulaire n’est pas enveloppante mais en « face-à-face », exposée à travers la notion de cadrage qui constitue le formatage de base de toutes ces opérations. Aussi peut-on avoir, d’une part, une relation de face-à-face comme telle, comme vis-à-vis, et d’autre part, un différemment comme dans un jeu de miroirs qui renvoie les images obliquement (on peut ainsi avoir des images d’images). On aurait donc une vision directe et une vision indirecte (ou catoptrique) « ouvrant » la perception naturelle sur des mondes imaginaires.

Note de bas de page 23 :

 Dont la coordination remarquable pour l’époque a été l’objet principal des ingénieurs de chez Philips.

En conclusion, nous dirons que ce pavillon d’exposition est une trame et non uniquement une enveloppe (ou un écran) ; c’est une trame à plusieurs « pistes »23, comportant un mode architectural (plastique, tectonique), un mode musical (les sonorités électro-acoustiques de Varèse) et cinématographique (le montage tabulaire, les effets de flashs, les ambiances chromatiques). Ces trois modes, définis en parallèle au départ, finissent par composer par résonance un effet kaléidoscopique à travers les nombreux points de rencontre que le déroulement de la trame occasionne ; celle-ci fait intervenir les différentes « qualités » entrecroisées dans notre diagramme précédent qui réécrivent l’architecture de ce pavillon, puisque pour toute définition d’un événement particulier, inscrit dans la trame comme nœud, celle-ci réclame la convocation d’aspects ressortissant aux quatre couples mentionnés plus haut.

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