Retour sur la conférence « Droit au bonheur : un droit au non-malheur ? »

Camille Dolmaire, Samia Hezzi, Anaïs Vanel et Céline Benos.

Le 13 février 2019, dans les locaux de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Limoges, le Réseau Européen de Recherche en Droits de l’Homme (R.E.R.D.H.) poursuivait une réflexion entamée lors d’un précédent colloque, réalisé en 2014, sur le droit au bonheur.
Accoler les deux notions paraît audacieux. D’un côté, la rigueur et l’objectivité scintillent sur l’océan du droit. D’un autre, le bonheur est une notion mouvante aux contours mal définis et au contenu incertain. Tout effort de définition semble vain tant les dimensions du bonheur sont plurielles. D’autres s’y sont essayés et ont révélé toute la complexité d’une notion marquée par les aspirations intimes de chacun. Le juriste souffre de ces difficultés sémantiques mais ne s’y arrête pas. Il faut (peut-être) juste changer de stratégie : préférer à une définition positive du bonheur une définition négative. Aussi, sous le prisme du « non-malheur », le juriste pourra-t-il s’essayer à une représentation plus fidèle des lignes directrices d’un droit au bonheur. Dans quelle mesure le droit au bonheur est-il un droit au non-malheur ? C’est à cette question audacieuse, épineuse, polémique mais brûlante d’actualités juridiques que se sont confrontées Mesdames Camille Dolmaire, Samia Hezzi et Céline Benos.

La procréation et le droit au non-malheur : par Camille DOLMAIRE

Camille Dolmaire d’abord a traité de la vie et, plus spécifiquement encore, de la procréation. Elle envisagea le droit de concevoir et le droit de ne pas concevoir avec une objectivité et une exhaustivité exemplaire. L’étude juridique de la procréation rend alors compte d’outils pour atteindre le bonheur : satisfaisants pour certains, insuffisants pour d’autres. Elle souligna encore la forte influence de la culture juridique de la famille comme autant de justifications aux positions prétoriennes et législatives actuelles. Sans jamais faire place à la polémique, Camille Dolmaire a ainsi démontré que, malgré la libéralisation des mœurs et l’évolution des techniques, il serait vain d’espérer satisfaire chacun d’entre nous. Le bonheur et la procréation selon chacun : certes. Le bonheur et la procréation pour tous : pas encore.

L’enfance et le droit au non-malheur : par Samia HEZZI

Samia Hezzi ensuite a évoqué, avec délicatesse et bienveillance, l’enfance malheureuse. Loysel disait : « qui fait l’enfant doit le nourrir ». Il est encore tenu, selon le droit français, de l’éduquer, le soigner et lui permettre d’acquérir tout ce qui est nécessaire à la vie. Les parents peuvent, néanmoins, faillir dans l’exercice de leurs fonctions. Samia Hezzi mobilisa alors la jurisprudence et la littérature pour peindre le tableau de l’enfance malheureuse, en évitant soigneusement tout jugement de valeurs. Elle rappela que le bonheur est fonction d’un regard et d’un vécu. Elle invita encore les juristes que nous sommes à entendre la confusion qui naît dans l’esprit d’un enfant maltraité : un quotidien rassurant caractérisant le « malheur » et une nouvelle vie déstabilisante sans parent propice à la réalisation du bonheur. Mobilisant l’histoire de ces enfants soustraits à la cellule familiale, Samia Hezzi mit en garde. Le bonheur doit s’entendre d’un état continu, stable, diffus. Cela suppose un accompagnement de l’être vulnérable tout au long de ces mesures dont il fait l’objet et dès le commencement de sa vie d’adulte.

La fin de vie et le droit au non-malheur par Céline BENOS

Céline Benos enfin est intervenue sur la thématique de la « fin de vie ». Elle fit le choix de bousculer le juriste en liant, toute son intervention durant, la philosophie à la science juridique. Elle refusa par ailleurs de confiner ce temps de la « fin de vie », lequel ne se confond pas avec la mort elle-même, à une fin nécessairement malheureuse. Et, si elle s’accompagne de souffrances, celle-ci peut être atténuée sous l’influence du droit mais également par les petits plaisirs de la vie. Avec surprise, Céline Benos expliqua alors que, selon une philosophie, la mort viendrait lorsque l’état de bonheur est atteint. Il faudrait alors se réjouir de ne pas être totalement heureux : le bonheur annonçant la fin. Concluant ses propos sur une citation de Candide, elle nous incita alors à cultiver notre jardin jusqu’à ce que la mort vienne cueillir la vie…
L’équipe du R.E.R.D.H. remercie les intervenantes pour leur participation et la qualité de leur intervention. Elle remercie encore le public, fortement mobilisé, et la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Limoges pour la mise à disposition des locaux et du matériel nécessaire à la réalisation de cette conférence. Elle témoigne, enfin, sa reconnaissance à Mme Johanna Gauduffe qui n’a de cesse de les accompagner dans la valorisation de leurs projets scientifiques.
Compte-rendu réalisé par Anaïs VANEL, secrétaire générale du R.E.R.D.H. et chargée de la présidence de la conférence.
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