La désuétude, entre oubli et mort du droit?, Luc Guéraud (dir.) – 2013

Il faut reconnaître sous le terme générique de désuétude deux phénomènes souvent confondus et qui sont voisins. D’une part, la désuétude peut prendre la forme d’usages contraires (consuetudo abrogatoria) ; d’autre part, la désuétude peut désigner de manière stricte la disparition de la ratio legis qui donne sa force au droit. En tous les cas, l’analyse de la désuétude ne peut se cantonner à la simple étude du non-usage. Elle doit aussi prendre en compte la pratique d’usages contraires.
Déjà envisagée en droit romain, la désuétude a, dans le sillage de la réflexion sur la consuetudo et sur la consuetudo contra legem, toujours posé question, d’Isidore de Séville aux canonistes et civilistes médiévaux jusqu’à la doctrine d’Ancien Régime. Par ailleurs, la désuétude suscite une réflexion récente, notamment en matière de droit international public.
Notion aux contours flous, la désuétude a, d’un avis unanime, peu de portée juridique. Pourtant, à l’heure où le processus de création coutumier est connu, il est peut-être utile de s’interroger sur le versant « obscur » de la coutume. La désuétude doit-elle être interprétée obligatoirement comme une coutume négative dont le processus serait en quelque sorte calqué sur celui de la coutume positive, créatrice de droit ? Car le questionnement relatif à la désuétude amène à s’interroger sur la vie même du droit : l’oubli, la mort et la mémoire du droit scandent le phénomène de désuétude.

L’offense. Du « torrent de boue » à l’offense au chef de l’État, textes réunis par Jacqueline HOAREAU-DODINAU, Guillaume MÉTAIRIE, 2010

La notion d’offense est très mouvante, selon les époques, les lieux, les sociétés, les contextes juridiques ; le présent ouvrage a pour objet de s’interroger sur le traitement qu’on lui réserve à telle période, en tel endroit, sur tel ou tel fondement, selon telle ou telle forme.

Faut-il à proprement parler venger l’offense et dans ce cas entrer dans le cycle ininterrompu des vindictes de toutes sortes ?

Faut-il particulièrement laver l’affront ? De préférence dans le sang, dont les vertus détergentes nous paraissent aujourd’hui sujettes à caution, mais qui ont inquiété, à maintes reprises, le pouvoir politique de l’ancienne France.

Faut-il plus sobrement et civilement réparer le faux pas, comme l’enseignent les usages d’un XIXe siècle victorien. Faut-il enfin punir ou faire punir par voie judiciaire, en condamnant l’offenseur à payer des dommages et intérêts à l’offensé au terme d’un procès en diffamation ?

Comment traiter cette offense particulière qu’est l’offense à Dieu ? Comment la définir, l’inscrire dans le droit laïc ? Aujourd’hui encore, certains Etats répriment le blasphème ou l’injure à caractère religieux ; cependant, dans un cadre démocratique, il importe de concilier libertés d’opinion et de conscience ; la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme en témoigne en mesurant ses décisions à l’aune des spécificités nationales

Daniel Jousse. Un juriste au temps des Lumières (1704-1781), Corinne Leveleux-Teixeira (dir.) – 2007

Daniel Jousse est un inconnu célèbre. Cet auteur prolifique, curieux d’histoire, de droit, d’astronomie et de mathématiques, ce conseiller au siège présidial d’Orléans, juriste rigoureux, dont les ouvrages, maintes fois cités par ses contemporains et ses successeurs, firent, dit-on, la fortune de son éditeur, ce commentateur assidu des ordonnances royales qui passait pour incarner à lui seul « l’esprit, la raison et la jurisprudence des tribunaux du royaume », cet ami et collègue dévoué de Robert-Joseph Pothier, n’a jamais vraiment retenu l’attention des chercheurs ni fait l’objet d’une étude scientifique globale. Telle fut l’ambition première du colloque dont les actes forment le présent volume. Confrontant les travaux d’historiens et de juristes et envisageant les différents aspects d’une œuvre multiforme, cet ouvrage entend restituer à Daniel Jousse une part de sa complexité, en lien avec le contexte social et intellectuel d’une époque elle-même bouillonnante de contradictions. Par delà un voile apparent de conformisme intellectuel et de timidité théorique, son œuvre recèle interrogations, revirements et fractures, et une lecture plus attentive permet d’en repérer les nœuds, les bifurcations et parfois les culs de sac. La figure que dessine sa propre biographie n’apparaît guère plus simple. Praticien du droit soucieux d’idées générales, commentateur de la norme ferré de pratique, esprit lettré et curieux de sciences mais rétif aux idées philosophiques nouvelles, paisible notable local et auteur consacré, homme éclairé mais ennemi des Lumières, Jousse semble avoir été à la fois en phase et en tension avec son siècle, à la fois pleinement représentatif (d’un milieu professionnel, d’une société provinciale, d’un esprit conservateur) et partiellement atypique. C’est en cela qu’il nous donne, aujourd’hui encore, matière à réflexion.

Le prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, textes réunis par Jacqueline HOAREAU-DODINAU, Guillaume MÉTAIRIE, Pascal TEXIER, 2007

Lorsqu’on évoque la figure princière au Moyen Âge, c’est le plus souvent pour mettre en avant sa fonction judiciaire, cette remarque va de pair avec l’idée selon laquelle le pouvoir édictal aurait quasi disparu avec l’effondrement des structures politiques et institutionnelles romaines. L’historiographie contemporaine a fait litière de cette vision romantique en restituant au pouvoir édictal sa véritable dimension. Si aujourd’hui, on connaît relativement bien les mécanismes idéologiques et institutionnels de ce qu’il est convenu d’appeler la « renaissance » du pouvoir législatif, en revanche son insertion dans un contexte plus large, celui du gouvernement princier notamment, demeure encore très flou.
Comment préciser les contours de la figure princière dans l’exercice de sa fonction édictale ? Une telle approche impliquait presque nécessairement des excursus, c’est pourquoi les contributions ont été regroupées autour de deux axes principaux. Dans la première partie, il s’agit pour l’essentiel de voir comment et dans quel contexte institutionnel ou idéologique la loi est élaborée par le prince ; et à rebours, de quelle manière cet exercice infléchit la fonction princière. La seconde partie traite le problème sous un autre angle. Ce n’est plus ici la figure du roi vecteur de la norme mais celle d’un potens confronté à des groupes porteurs de valeurs et d’aspirations parfois bien différentes. Ici, la puissance du roi se manifestera moins dans sa capacité à imposer sa volonté que dans celle de consacrer, par son charisme, un état consensuel qui pourra ainsi accéder à la dignité de norme royale.

Procéder. Pas d’action, pas de droit ou pas de droit, pas d’action ?, textes réunis par Jacqueline HOAREAU-DODINAU, Guillaume MÉTAIRIE, Pascal TEXIER, 2006

Aujourd’hui méprisée, la procédure semble déserter les enseignements des facultés de droit, alors même que les praticiens en ressentent chaque jour l’urgente nécessité. Trop souvent, ces règles sont perçues comme des obstacles à la fluidité du processus juridictionnel : elles en ralentissent et obscurcissent le cours et parfois même, c’est leur utilité qui est remise en cause. En outre, plusieurs thèses soutenues ou publiées récemment montrent qu’au-delà des mécanismes techniques, la procédure peut être riche d’enseignements sur la manière dont une société perçoit les conflits et la façon d’y remédier. C’est pourquoi l’IAJ et Droit et Cultures ont choisi d’organiser des Journées sur ce thème. Sa richesse est telle qu’il a fallu limiter les investigations aux seules procédures contentieuse et gracieuse, c’est-à-dire aux mécanismes mis en oeuvre pour donner une solution aux conflits de droit. En réunissant les réseaux de chercheurs des deux centres il a été possible d’aborder la thématique choisie sous les angles les plus divers grâce à l’apport des historiens juristes, des praticiens, des sociologues, des anthropologues, etc. Cette démarche s’inscrit clairement dans le cadre du programme scientifique de l’Institut d’Anthropologie juridique de Limoges : il ne s’agit pas d’interroger des expériences anciennes ou extra européennes dans une simple logique d’érudition mais d’enrichir le débat contemporain relatif à l’évolution du droit et des institutions, en lui restituant une dimension culturelle trop souvent négligée au profit de la pure technique.

Résolution des conflits. Jalons pour une anthropologie historique du droit, Jacqueline Hoareau Dodinau, Pascal Texier (dir.) – 2002

Le n° 7 des Cahiers de l’Institut d’Anthropologie juridique se veut une approche anthropologique de la résolution des conflits. Bien que s’appuyant sur la longue durée, il ne s’agit pas seulement d’une démarche historique ; certaines questions en effet, conservent, par-delà les siècles, une certaine actualité. Les précédents numéros des Cahiers de l’I.A.J. consacrés au pardon et à la culpabilité ont bien mis en lumière ce phénomène : les rémissions médiévales, par exemple, trouvent leur prolongement dans les travaux des commissions Vérité-Réconciliation d’Afrique du Sud ou d’Argentine. L’une des fonctions de l’histoire du droit ainsi renouvelée pourrait être d’attirer l’attention du législateur sur la permanence de tels questionnements. Que l’on songe par exemple au droit de la responsabilité qui s’affranchit chaque jour un peu plus de la faute et qui multiplie les occasions d’un traitement objectif pour des raisons qui sont toutes sont excellentes ; mais ne faut-il pas se souvenir aussi que c’est le chemin inverse que l’occident a parcouru quelque part entre le XIIe et le XIIIe siècle ? Quelle furent alors les raisons qui conduisirent à instaurer le primat de la faute et à refuser les solutions collectives ? Certaines d’entre elles, liées aux processus de sécularisation et de laïcisation ont conservé toute leur pertinence, mais est-ce bien le cas général ? On l’aura compris, l’I.A.J. refuse de s’enfermer à la fois dans une approche positiviste, par trop desséchante, et dans une approche historique qui n’aurait que l’érudition pour seul horizon

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