Paris le 7 Décembre 1936

Monsieur le Directeur des Habitations à Bon Marché de la Ville de Paris.

49, rue du Cardinal Lemoine - PARIS

Monsieur,

Je reçois en date du 30 Novembre, une lettre du chef du recouvrement de l'Office me réclamant 94fs51 pour diverses dégradations constatées dans le logement que j'occupais, 140, rue de Ménilmontant, ce, en vertu de l'engagement de locations signé en 1925. Cet engagement était également signé, puisque fait en double exemplaire, par le préposé de l'Office. S'il comportait pour moi des devoirs, il m'assurait certains droits dont je n'ai pu bénéficier du fait de l'incurie de votre administration.

Prenons au hasard quelques articles du règlement.

Article 3, "L'ivresse est un cas de renvoi immédiat" mais... pendant les dix années où j'ai habité l'immeuble il ne se passait pas de semaine où plusieurs fois nous étions réveillés par les invectives de ménages de pochards se querellant en des termes à faire rougir un sapeur, tant pis si les enfants entendaient et retenaient.

Article 4 ; - "Les locataires devront veiller à ce que les enfants ne salissent pas les escaliers, ne crayonnent pas sur les murs, ne fassent ni dessins ni inscriptions" mais... l'escalier 18 lavés [sic] le jeudi matin, étaient avant le soir même souillés de toutes façons d'urine, de crottes, soient par les chiens [sic], (interdit par l'article 7). Il y avait même un chien de garde, qui dressé sur ses pattes était plus grand qu'un enfant de 10 ans, lequel chien effrayait non seulement les enfants, mais toutes personnes qui ne le connaissaient pas, souillés aussi par les enfants qui n'avaient même pas la pudeur de rentrer chez eux pour se soulager. Mieux encore, escaliers et caves servaient certains soirs de chambre de passage, à certains couples. Quant aux murs des escaliers, repeints et nettoyés une seule fois en dix ans, ils étaient couverts d'inscriptions injurieuses et ordurières de papillons, ces derniers collés même sur les portes palières, et les lumières manquant presque continuellement à un étage ou à un autre, on rapportait

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le soir chez soi, des souvenirs lesquels parait-il portent bonheur, mais ne font pas celui de la ménagère. Qu'a fait l'Office, qui "devait tenir rigousement la main à l'observation des prescriptions de l'article 4 " ?

On me facture une indemnité pour trou de verrou à la porte palière. Cet appareil aurait-il été nécessaire si on avait été assuré de sa tranquilité, voir même de sa sécurité. Ma porte même munie d'un verrou, fut défoncée, comme j'ai dû vous le signaler lors d'une bataille entre pochards, (encore eux).

Faut-il parler de l'article 8.

J'ai payé de longues années, et par la lettre précitée, on me réclame pour excédent de consommation d'eau, alors que je faisais laver au dehors, en vat-il de même pour ceux qui contrairement à l'article 8 tendent leur linge aux fenêtre, et même pour certains locataires d'angle, tendent des cordes à travers la cour, pour y faire sécher leur linge et mieux encore du linge parfois pas lavé et malhodorant. [sic]

Article II ? Il suffit de passer un soir dans les cours mal ou pas éclairées où il faut contourner les boites à ordures renversées et leur contenu répandu, pour constater comment cet article est observé.

Est-il nécessaire de s'étendre plus longtemps, si les concierges ont transmis à l'office toutes les réclamations qu'ils reçoivent d'une partie des locataires, vous savez aussi bien que moi que "loin de jouir des logements en bon père de famille", l'autre partie des habitants s'y comportent comme des barbares en pays conquis.

Loin de vous devoir ce que vous me réclamez, j'estime que je serais en droit de réclamer à l'office des dommages intérêts pour troubles de jouissance du fait de la négligence de vos services à appliquer des prescriptions édictées par vous et jamais observées, c'est pour toutes ces raisons que je me suis vu dans l'obligation de quitter le logement et c'est pour toutes ces raisons que j'ai le regret de vous déclarer que je refuse net de payer quoique ce soit.

Recevez, Monsieur le Directeur, mes respectueuses salutations.

M. JEANJEAN

21, Rue de la Chine -- PARIS.

Expéditeur/auteur :
Simon Jeanjean
Destinataire :
Directeur de l'OBHM
Objet : 
[Réponse de SJ concernant la demande de paiement de l'OHBM]
Format : 
A4 - recto/verso
Nbre de pages : 
2
Date : 
07 décembre 1936
Notes : 
Orthographe et syntaxe approximative, cette fois, pour cause de colère sans doute. Nous corrigeons à chaque fois que cela ne dénature pas le texte.

Images

[N°2212] :
797 x 1025 px 1,0M
[N°2213] :
794 x 1023 px 1,0M

Droits d'utilisation des images : aucune restriction de copyright connue.

Pour citer ce document

SCD - Université de Limoges, [Réponse de SJ concernant la demande de paiement de l'OHBM] [En ligne]. Limoges : SCD Université de Limoges, 2010. Disponible sur <https://www.unilim.fr/jeanjean/1441> (consulté le 28/03/2024)