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Extraits du compte-rendu d’audience du TPIY – 30 mars 2000

 

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-23-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Jeudi 30 mars 2000

5

6 L’audience est ouverte à 09 heures 28.

7 Mme la Présidente (interprétation). – Madame la Greffière peut-

8 elle rappeler l’affaire ?

9 Mlle Lauer. – Affaire IT-96-23-T et IT-96-23/1-T, le Procureur

10 contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic.

11 Mme la Présidente (interprétation). – Nous allons poursuivre le

12 contre-interrogatoire. Maître Jovanovic, je vous en prie.

1 (Le témoin 75 est déjà introduit dans le prétoire.)

22 Mme la Présidente (interprétation) – Bonjour Madame le Témoin.

23 Veuillez prononcer la déclaration solennelle.

24 Témoin 75 (interprétation). – Je déclare solennellement que je

25 dirai la vérité, tout la vérité, rien que la vérité.

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1 Mme la Présidente (interprétation) – Madame Uertz-Retzlaff,

2 c’est à vous.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Bonjour, madame le

4 Témoin. Je souhaiterais que l’on remette au témoin la pièce à conviction

5 suivante de l’accusation, il s’agit d’une feuille de papier qui porte un

6 nom.

7 Mme la Présidente (interprétation) – Allez-vous utiliser les

8 deux ?

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Oui.

10 Mme la Présidente (interprétation) – Eh bien, essayons de régler

11 la question de ces documents tout de suite.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je ne vais pas les

13 utiliser en même temps.

14 Mlle Lauer. – Ces deux documents recevront donc la cote 188

15 et 189 des pièces du Procureur et seront enregistrés de façon

16 confidentielle.

17 Mme la Présidente (interprétation) – D ?

18 Mlle Lauer. – Rectification : il s’agit des pièces 188 et 189

19 des pièces du Procureur, sans le D.

20 Mme la Présidente (interprétation) – Est-ce que cela ne devrait

21 pas commencer par un P puisqu’il s’agit de l’accusation ?

22 Mlle Lauer. – Depuis le début de la procédure, nous avons coté

23 les pièces de cette façon. Quand on ne précise pas si c’est P ou D, il

24 s’agit des pièces du Procureur. Si vous souhaitez que l’on rajoute un P à

25 toutes les pièces du Procureur, cela peut être fait. Il n’y a pas de

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1 problème.

2 M. Hunt (interprétation). – La question, le problème est que

3 vous les avez appelées D.

4 Mlle Lauer. – Excusez-moi, je ne pensais pas avoir donné la

5 lettre D avant la cote. Peut-être s’agit-il d’un petit problème de

6 traduction ? Les pièces du Procureur ne reçoivent jamais, pour l’instant

7 du moins, la lettre P ou D.

8 Mme la Présidente (interprétation) – Madame le Procureur,

9 poursuivons.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Madame le Témoin, je vais

11 vous demander d’examiner la première feuille de papier que vous avez sous

12 les yeux et qui comporte le moins de noms.

13 Le premier nom qui figure à côté du n° 75, est-ce votre nom ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et la date qui figure qui

16 à côté du nom, est-ce votre date de naissance ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ce qui figure au-dessous

19 du n° 75 est-ce votre surnom ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Le nom qui figure à la

22 ligne suivante, est-ce le nom de votre mère ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et le nom qui figure à la

25 ligne suivante, est-ce le nom de votre père ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Le nom qui suit, est-ce

3 celui de votre frère ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et le dernier nom qui

6 figure sur cette liste, est-ce celui de votre oncle ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quelle est votre

9 appartenance ethnique ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Je suis musulmane.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où viviez-vous avant la

12 guerre ?

13 Témoin 75 (interprétation). – J’habitais dans le village de

14 Trosanj, qui se trouve à côté de Foca.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous nous

16 expliquer où se situe ce village par rapport à Mjesaja et Foca ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Cela se trouve à environ

18 10 kilomètres de Foca en remontant le cours de la Drina.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où cela se trouve-t-il

20 par rapport à Mjesaja ?

21 Témoin 75 (interprétation). – C’est au même endroit. Sauf que

22 mon village se trouve un peu plus haut que Mjesaja.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien y avait-il

24 d’habitants musulmans à Trosanj ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Environ 150.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que Trosanj était

2 un village mixte ? Y avait-il également des Serbes ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Pas dans le village lui-même, mais

4 autour du village, il y avait des maisons serbes.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pendant les événements

6 dont vous allez nous parler, quel âge aviez-vous ?

7 Témoin 75 (interprétation). – 24 ans.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quelle était votre

9 occupation professionnelle à ce moment-là ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Je travaillais à Brod, pour la

11 société Sipad-Maglic.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous-même ou

13 des membres de votre famille aviez des activités politiques ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Non.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quel a été votre dernier

16 jour de travail ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Le lundi 6 avril 1992.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous êtes

19 allée travailler ce jour-là ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et est-ce que vous avez

22 effectivement travaillé ce jour-là ? Etes-vous allée sur votre lieu de

23 travail, y avez-vous effectivement travaillé ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Non.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourquoi pas ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Quand je suis arrivée sur mon lieu

2 de travail, je n’y ai trouvé que deux de mes collègues de travail. Je leur

3 ai demandé ce qui se passait. Ils m’ont dit qu’ils n’en n’avaient aucune

4 idée. Quand Nenad Matovic, le Serbe qui était directeur de l’entreprise,

5 est arrivé, il nous a dit que la société allait cesser ses activités

6 jusqu’à nouvel ordre. Je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle

7 personne n’était venu travailler. Ils ont dit qu’il y aurait une guerre ;

8 je ne le croyais pas. D’ailleurs, je ne comprenais pas bien de quoi il

9 s’agissait, qui allait nous attaquer, d’où ?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – S’est-il produit quelque

11 chose ce jour-là, à Foca, dont vous avez été témoin ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Nous sommes allés à Foca en bus,

13 nous y avons vu beaucoup de voitures. Il y avait également des banderoles

14 qui disaient, qui étaient en faveur de la paix. Nous nous attendions à ce

15 qu’un discours soit prononcé, mais cela n’a pas été le cas. Nous sommes

16 donc retournés chez nous en bus. Nous sommes allés à la maison.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous dites « nous ». De qui

18 parlez-vous ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Je parle de moi et de deux de mes

20 collègues avec qui j’étais dans mon entreprise. Nous sommes allés à Foca

21 ensemble.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ceux que vous avez vu

23 porter des banderoles, avez-vous vu si c’étaient des Serbes ou des

24 Musulmans ou appartenaient-il aux deux communautés ?

25 Témoin 75 (interprétation). – C’étaient des Musulmans. Il faut

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1 savoir qu’à l’époque les Serbes fuyaient Foca. Ils emmenaient leurs

2 familles en Serbie ou au Monténégro. Ils savaient exactement ce qui se

3 préparait. Nous, nous ne le savions pas.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment savez-vous cela ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Nous le savons parce que nous

6 l’avons appris de nos voisins serbes. Nos voisins serbes eux aussi

7 envoyaient leurs femmes et leurs enfants en Serbie ou au Monténégro.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand la guerre s’est-

9 elle déclenchée à Foca ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Elle a commencé à Foca le

11 8 avril 1992.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le savez-vous ?

13 Qu’avez-vous vu ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, ce jour-là, le 8 avril,

15 je suis allée faire des courses. Mais alors que j’étais en chemin, j’ai

16 rencontré un de mes parents, quelqu’un de ma famille, qui m’a dit qu’il ne

17 fallait surtout pas que je poursuive mon chemin parce que Foca était en

18 flammes et avait été attaquée. J’ai demandé qui avait attaqué Foca, et il

19 m’a répondu que c’étaient les Serbes, les Chetniks.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous-même vous

21 avez vu ou entendu quoi que ce soit de ces combats, de ces activités

22 militaires ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Non. On entendait des tirs, des

24 pilonnages tout à fait clairement alors que nous nous trouvions dans notre

25 village. On pouvait bien entendre les tirs et les pilonnages .

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, c’est-à-

2 dire le 8 avril 1992, s’est-il passé quoi que ce soit dans votre village ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Non. Non, rien ne s’est passé dans

4 mon village. Cependant, la peur et la tension régnaient dans le village et

5 nous sommes tous allés nous réfugier dans les bois. Et c’est là que nous

6 avons dormi.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A partir de quel moment,

8 de quelle date avez-vous commencé à dormir dans les bois ?

9 Témoin 75 (interprétation). – A partir du début avril jusqu’en

10 juillet, jusqu’au moment où nous avons nous-mêmes été attaqués.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que la peur

12 et la tension régnaient dans le village, quelle en était l’origine ? Que

13 craigniez-vous ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, nous avions peur des

15 Serbes, bien entendu, de l’armée serbe, des Chetniks qui venaient de

16 Serbie et du Monténégro. Les hommes d’Arkan, les Beli Orlovi c’est-à-dire

17 les Aigles blancs, les Ceselj.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Dans quelles

19 circonstances avez-vous entendu parler de tout cela ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien tout cela, on l’apprenait

21 à la radio, notamment. L’offensive a été lancée sur tout le territoire de

22 la Bosnie, nous avons donc eu beaucoup d’informations par la radio.

23 Et puis nos voisins serbes nous ont également parlé de cela. Ils

24 nous ont dit, par exemple, que personne ne nous ferait rien du tout, à

25 moins que les gens d’Arkan, les gens de Ceselj, les Beli Orlovi, etc., ne

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1 viennent. Ils ont dit que nous n’avions rien à craindre, que nous pouvions

2 dormir sans crainte chez nous, et qu’il n’était pas nécessaire que nous

3 partions où que ce soit. Mais nous n’avions pas tellement confiance.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous-même vous

5 avez assisté à ce qui s’est passé dans les villages environnants ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui, tous les villages

7 environnants ont été incendiés pendant ces mois dont je vous parle.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que les habitants

9 du village de Trosanj étaient armés ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Oui, mais la plupart d’entre eux

11 n’avaient que des fusils de chasse avec des ports d’armes. Il y en avait

12 également qui avaient des pistolets, ils avaient également des ports

13 d’armes. Et puis certains qui travaillaient au commissariat de police, au

14 poste de police avaient également des armes dans le cadre de leur travail.

15 C’est tout ce que je sais.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que certains

17 membres de votre famille avaient également des armes ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Non.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que les habitants

20 du village ont conservé leurs armes jusqu’à la date de l’offensive contre

21 le village ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Non. Ils sont allés négocier avec

23 les Serbes qui leur ont dit que tant qu’ils restitueraient, qu’ils

24 donneraient leurs armes, il ne leur arriverait rien du tout. Donc, les

25 Serbes sont venus et on leur a donné nos armes.

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1 On a signé une espèce de déclaration de loyauté sur la poursuite

2 de la cohabitation avec les Serbes. On nous a promis qu’on ne nous ferait

3 rien du tout, c’est pourquoi on a donné les armes. Et c’est pour cela

4 qu’on a attendu chez nous jusqu’au dernier moment parce qu’on était sûrs

5 que personne n’allait nous attaquer et attaquer notre village.

6 Mme la Présidente (interprétation). – Il est temps de faire la

7 pause. Nous allons donc lever l’audience jusqu’à 11 heures 30.

8 (L’audience, suspendue à 11 heures 03, est reprise à

9 11 heures 30.)

10 Mme la Présidente (interprétation). – Je vous en prie.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avant la pause, Madame,

12 vous avez dit que des armes ont été restituées. Vous avez dit que

13 c’étaient des gens qui devaient les restituer.

14 Par qui ? Je n’ai pas bien compris.

15 Témoin 75 (interprétation). – Ce sont des Musulmans qui ont

16 restitué les armes.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – C’est à cela que je

18 pensais. Est-ce que les Serbes également étaient obligés de restituer les

19 armes, ou bien les ont-ils gardées, n’ont-ils pas eu d’armes ? Comment

20 cela s’est-il passé avec les Serbes ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Comment avaient-ils été armés ?

22 Mais ils n’ont jamais restitué des armes.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous-même vous

24 avez vu quand les Musulmans ont rendu les armes ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Non. Moi, je n’ai pas observé

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1 parce que les femmes n’avaient pas le droit de toute façon de s’y rendre.

2 Et puis cela ne nous intéressait pas. Ce qui nous intéressait, c’était de

3 vivre en paix comme nous avions toujours vécu. Nous ne souhaitions pas la

4 guerre, c’était cela. C’était le souhait des femmes.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Mais alors, comment

6 savez-vous que des Musulmans avaient restitué des armes ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Je l’ai appris. J’ai appris des

8 hommes qui l’ont fait. Des villageois me l’ont raconté : ceux qui avaient

9 des armes et qui ont restitué les armes. Ce sont eux qui nous l’ont

10 raconté.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit par

12 ailleurs qu’ils avaient signé un acte de loyauté ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’est-ce que cela

15 voulait dire ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Cela voulait tout simplement dire

17 qu’ils avaient signé un acte par lequel ils ont dit qu’ils allaient vivre

18 en paix, qu’ils n’allaient pas nous attaquer et que, nous, nous n’allions

19 pas les attaquer. Voilà.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand est-ce que

21 l’attaque a commencé ?

22 Témoin 75 (interprétation). – C’était le 3 juillet 1992 à

23 6 heures 20. C’était très tôt le matin.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, est-ce

25 qu’il y avait des Musulmans, des soldats qui étaient ou bien dans votre

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1 village ou bien dans les alentours ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Non.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et vous-même, où vous

4 êtes-vous trouvée exactement au moment où votre village a subi cette

5 attaque ?

6 Témoin 75 (interprétation). – J’étais tout à fait en haut du

7 village. J’étais dans les bois et j’étais dans un groupe d’une

8 cinquantaine, il y avait des hommes, des femmes, des enfants, des

9 personnes âgées, des tout jeunes. C’est dans les bois que nous passions

10 les nuits.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Y avait-il des membres de

12 votre famille qui vous accompagnaient ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous pouvez

15 nous dire qui ? Ne dites pas de noms, mais dites tout simplement quelles

16 sont vos relations avec les personnes en question.

17 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait mon père, ma mère, mon

18 frère et moi-même.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Votre frère avait quel

20 âge ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Il avait à peine 20 ans.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il portait des

23 armes ? Est-ce qu’il était vêtu en uniforme ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Non.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et qu’est-ce qui s’est

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1 passé ce jour-là ? Est-ce que vous pouvez nous en donner la description ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Ce matin, tout le monde était au

3 lit. On ne pensait même pas ce qui allait se passer. Subitement, nous

4 avons entendu des tirs très violents.

5 On a sursauté, on est partis des chambres à coucher vers les

6 montagnes. Il y avait des rochers et on ne pouvait pas véritablement

7 marcher trop vite. Ils nous suivaient et ils tiraient dans notre

8 direction. Ils avaient plein de munitions. On a donc essuyé des tirs.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y avait

10 quelqu’un qui a été tué à ce moment-là ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Au moment où nous nous sommes

12 enfuis, ma mère a été tuée. Il y avait encore un homme et une femme, elle

13 portait dans ses bras un enfant de 3 ans ; il est tombé, cet enfant, et

14 c’est une autre femme qui a réussi à le récupérer. Il y avait des femmes

15 qui étaient ici dans ce groupe.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et votre mère avait quel

17 âge ?

18 Témoin 75 (interprétation). – 42 ans.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et les deux autres

20 personnes qui ont été tuées avaient quel âge ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait un homme, comme j’ai

22 dit, qui a été tué et qui avait 42, 43 ans à peu près ; et la femme avait

23 35, 36 ans approximativement.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu le corps de

25 votre mère depuis ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Elle est tombée à 2 mètres par

2 rapport de moi. Je l’ai vue tomber, c’était une pente, et je ne l’ai plus

3 revue parce que son corps a roulé, et puis je ne l’ai plus jamais revue.

4 Cet homme également est tombé de la même façon. Alors que la troisième

5 personne qui a été tuée, son corps est resté à côté, et moi je l’ai vu

6 parce que nous étions tous en groupe.

7 Nous leur avons demandé de ne pas tirer parce qu’il y avait

8 beaucoup d’enfants. Nous ne pouvions pas courir. Comme il fallait monter

9 une pente, on a demandé qu’ils s’arrêtent. Nous avons dit : « Ecoutez, vous

10 allez tuer tous nos enfants ! Nous allons nous remettre, nous rendre ! »

11 Ils se sont arrêtés et, effectivement, ils se sont approchés de notre

12 groupe.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment pouvez-vous être

14 sûre que votre mère a été tuée ? Quelqu’un d’autre a-t-il vu son corps ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Oui, il y avait beaucoup d’autres

16 femmes qui étaient avec moi. Moi je vous dis, moi je l’ai vue au moment où

17 elle faisait sa chute. Je sais que ses cheveux étaient pleins de sang,

18 j’étais donc sûre qu’on l’avait touchée par une balle, et qu’elle a été

19 tuée.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que quelqu’un de

21 votre famille a vu sa dépouille mortelle ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Mon frère.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – (hors micro) Et qu’est-ce

24 que les soldats ont fait une fois que vous vous êtes assis ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Au moment où ils s’approchaient de

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1 nous, ils hurlaient, ils criaient, ils proféraient des injures : »Vous les

2 Balija, vous vous enfuyez, vous courez comme des chèvres ! Pourquoi vous

3 enfuyez-vous ? »

4 Il y avait cet homme qui était avec nous. Ils se sont approchés

5 de nous, et ils s’emparaient des hommes. Ils les passaient à tabac, il les

6 frappaient par des crosses. Puis on leur donnait des coups de pied. Il y

7 avait un soldat qui m’a prise par les cheveux, il m’a donné un coup de

8 pied. Moi également j’étais sur le point de tomber mais je me suis arrêtée

9 à côté de quelqu’un qui était derrière moi, un homme.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ces soldats, c’étaient

11 des Serbes ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ils étaient vêtus en

14 uniforme ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous pouvez

17 donner la description de leurs uniformes ?

18 Témoin 75 (interprétation). – C’étaient des uniformes de

19 camouflage. De toute façon, avant je n’ai jamais vu de tels uniformes.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Etaient-ils armés ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’ils portaient

23 des fusils de chasse ou éventuellement d’autres armes ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Non, ce n’étaient pas des fusils

25 de chasse, c’étaient des fusils automatiques, des kalashnikov, des

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1 scorpions, des pistolets, des grenades, des zolias également. Ils avaient

2 véritablement des armes de types différents.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit par

4 ailleurs qu’ils frappaient des hommes, qu’ils vous ont tirée par les

5 cheveux. Est-ce que vous avez vu également des blessures sur les hommes ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous s’il vous

8 plaît nous dire ce que vous avez vu ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait un jeune homme qui

10 avait mon âge, et l’un d’eux le frappait par une crosse d’un fusil

11 automatique. Il lui donnait des coups sur la tête, je pense que même son

12 oeil est sorti de l’orbite -il disait que c’était son copain de classe.

13 Il y avait également son frère qui a été frappé par une matraque

14 et, chaque fois, quand on lui donnait le coup sur la tête, il tombait.

15 Evidemment, ils posaient la question : « Qui sont ceux parmi vous qui ont

16 des armes ? ». Alors, on leur répondait qu’on n’avait pas d’armes. De

17 nouveau on frappait les hommes, et ces hommes, il y en avait qui perdaient

18 connaissance. Cela a duré pendant une demi-heure.

19 Ensuite, il y avait quelqu’un dans ce groupe qui a dit qu’il ne

20 fallait certainement rien faire sans recevoir des ordres. Il a donc parlé

21 sur son mobile à quelqu’un.

22 J’ai vu également qu’une fille a été frappée par la crosse d’un

23 fusil, et le sang qui coulait sur son visage.

24 Ensuite, on nous a demandé d’aller en bas, à travers la forêt.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez mentionné la

Page 1383

1 fille également, une fille qui a été frappée. Est-ce que vous pouvez

2 regarder l’autre liste avec plusieurs noms, et est-ce que vous pouvez

3 trouver le nom de la personne en question ? Mais vous ne dites pas le nom,

4 vous dites tout simplement le numéro, éventuellement, ou les initiales.

5 Témoin 75 (interprétation). – C’est DB.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Il y avait combien de

7 soldats qui ont participé à cet événement ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Ils étaient une dizaine, à mon

9 avis, quand ils nous ont rejoint là-haut. Je pense qu’ils étaient une

10 dizaine. Ensuite, nous avons descendu une pente à travers la forêt, et

11 nous étions dans un pré par la suite.

12 Une fois que nous sommes sortis des bois, la première chose que

13 j’ai remarquée c’est Gojko Jankovic ; ensuite, Slavo Ivanovic, Dragan

14 Zelenovic et Janko Janjic. Il y avait Kovac également parmi eux, mais je

15 l’ai reconnu ultérieurement, quatre mois après ma détention.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez mentionné

17 quelques personnes. Vous avez dit par exemple « Gojko Jankovic ». Etait-ce

18 un homme que vous connaissiez avant ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le connaissiez-

21 vous ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Je le connaissais parce que, moi,

23 j’avais l’occasion de passer chaque jour en car à l’endroit où se trouvait

24 sa maison. C’était pratiquement dans mon voisinage, il habitait dans mon

25 voisinage.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé également

2 de Janko Janjic. Est-ce que vous le connaissiez avant la guerre

3 également ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Avant la guerre, c’était en

5 quelque sorte un criminel, tout le monde avait peur de lui. Mais

6 personnellement je ne l’ai jamais rencontré. De toute façon, moi, je

7 traversais toujours sur l’autre trottoir au moment où il fallait que je le

8 croise. C’est quelqu’un qui posait toujours des problèmes à Foca.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé également

10 de Slavo Ivanovic ? Qui est-ce ? Comment le connaissiez-vous ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Slavo Ivanovic travaillait comme

12 chauffeur de taxi à Foca. Il ramenait des produits différents aux

13 villageois. C’est lui qui transportait ces produits et qui les distribuait

14 aux villageois. C’est ainsi que je le connaissais.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé également

16 de Dragan Zelenovic ? Est-ce que lui également vous le connaissiez avant

17 la guerre ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Non, pas personnellement. J’ai eu

19 l’occasion de le voir à plusieurs reprises dans le village. C’est lui qui

20 travaillait dans la compagnie d’électricité. Il se rendait pour vérifier

21 quel était l’état sur le compteur.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Par conséquent, vous avez

23 eu l’occasion de le voir avant la guerre, mais vous ne connaissiez pas son

24 nom. Est-ce comme cela qu’il faut le comprendre ? Je vous ai bien

25 comprise ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Oui, effectivement. Je le

2 connaissais de vue mais je ne connaissais pas son nom.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez mentionné

4 Kovac. Quel Kovac ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Radomir Kovac, surnommé Klamfa.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Excusez-moi, vous pouvez

7 nous redire le surnom ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Klamfa.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous le

10 connaissiez également avant la guerre ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Non.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment avez-vous appris

13 son nom ?

14 Témoin 75 (interprétation). – J’ai déjà dit qu’au bout de

15 quatre mois de ma détention, avec les Chetniks, c’est ainsi que j’ai

16 appris son nom.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous pouvez

18 nous donner la description de ce monsieur ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Bien évidemment. Il était

20 grand de taille, il avait le front assez élevé, des cheveux bruns. Il

21 avait toujours une veste en cuir noir.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, au moment

23 où vous avez vu ces hommes dont vous venez de parler, est-ce qu’ils

24 étaient en uniforme ? Étaient-ils armés ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez pu

2 apercevoir qui était le principal, si l’on peut dire ainsi, parmi les

3 soldats ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne peux pas dire que j’en

5 étais tellement sûre. Je pense que c’était Gojko Jankovic car tout le

6 monde s’adressait à lui en l’appelant commandant.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez

8 entendu Gojko Jankovic donner des ordres aux autres soldats ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Non. Je ne l’ai pas entendu donner

10 des ordres, mais une fois, quand j’étais dans les prés et quand je l’ai

11 aperçu, j’étais sûre qu’il contrôlait la situation. Kovac avait un couvre-

12 chef noir, il avait également une veste noire en cuir, et il avait un oeil

13 couvert par un bandeau, probablement pour qu’on ne le reconnaisse pas. Je

14 ne sais pas.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous parlez du pré. Vous

16 y êtes restés un certain temps. Où vous a-t-on emmenés ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait 7 hommes que l’on a

18 séparés de nous. Aux femmes et aux enfants, on nous a demandé de partir

19 vers le village. On entendait des bruits, des tirs. Pratiquement, au

20 moment où nous sommes descendus dans le village, pratiquement toutes les

21 maisons étaient incendiées. On nous a demandé de nous coucher par terre,

22 car ils ont dit que c’était les Balije, les Musulmans, qui attaquaient. Ce

23 n’était pas vrai, car ils ont tué, égorgé les 7 hommes qui sont restés en

24 haut.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le savez-vous ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Je le sais parce que rien d’autre

2 n’aurait pu vraiment arriver. Je sais qu’ils ont été tués. Une fois que

3 j’ai été relâchée, mon père m’a dit qu’il a trouvé mon frère qui avait été

4 tué. Il a trouvé ma mère et des voisins également qui étaient avec nous.

5 C’est à ce moment-là que j’en ai été pratiquement sûre. Mon père me l’a

6 confirmé, j’étais pratiquement sûre que c’était à ce moment-là. Il les a

7 tous trouvés dans le pré. Il était dans les bois et quand une fois, il est

8 descendu vers le pré, il les a tous trouvés. Ils ont été tués.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez vu,

10 à un moment ou à un autre, avez-vous appris s’ils étaient enterrés quelque

11 part ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Non.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous savez où

14 votre mère a été enterrée ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez

17 entendu parler, avez-vous eu des informations sur ces 7 hommes par la

18 suite ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Non.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et vous-même, ainsi que

21 d’autres femmes et enfants, où étiez-vous ? Ou vous a-t-on emmenés ?

22 Témoin 75 (interprétation). – On nous a demandé de descendre

23 dans le village Mjesaja. Et c’est dans le quartier nommé Buk Bijela que

24 nous nous sommes rendus. Les femmes étaient à moitié nues et pieds nus

25 également car nous avions été surpris pendant notre sommeil ; par

Page 1388

1 conséquent, au moment où nous sommes sortis de chez nous, nous n’étions

2 pas vêtus correctement.

3 Il y avait beaucoup de soldats dans le village qui étaient le

4 long de la route. Il y a des soldats également qui ont pris des chèvres

5 avec eux. Il y avait un soldat qui nous escortait, et dont le nom était

6 Beban Vasiljevic. C’est lui qui nous chassait pratiquement. C’est lui qui

7 nous a demandé d’aller jusqu’à ce quartier nommé Buk Bijela.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Sur le chemin de

9 Buk Bijela, vous avez déjà mentionné avoir vu votre village incendié.

10 Avez-vous vu des maisons serbes qui étaient en flammes ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Non. Certainement, aucune.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avec l’aide de

13 l’huissier, j’aimerais montrer au témoin une photographie. C’est la pièce

14 à conviction 11 et la photographie porte le n° 74-16. C’est

15 l’agrandissement de la photographie que nous possédons déjà.

16 Madame le Témoin, pourriez-vous s’il vous plaît nous donner la

17 description de ce que vous voyez sur cet agrandissement ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Je vois le quartier nommé

19 Buk Bijela.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – C’est là où on vous a

21 emmenée ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avec d’autres femmes ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Au moment où vous êtes

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1 arrivée sur place, pourriez-vous nous dire, s’il vous plaît, ce qui s’est

2 passé ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Au moment où on nous a emmenées

4 ici, -c’est devant ce motel- on nous a alignés. C’est Beban Vasiljevic qui

5 l’a fait. Nous nous sommes alignés, aussi bien les femmes que les enfants,

6 les vieillards. Il a donc tenu un fusil-mitrailleur, et je pensais qu’il

7 allait nous tuer, mais on est restés cinq minutes sur place. Et puis

8 d’autres sont arrivés après et ont indiqué les personnes qui devaient

9 sortir de la file. Moi, j’ai été emmenée dans une baraque de chantier où

10 j’ai retrouvé Gojko Jankovic.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Un petit moment, s’il

12 vous plaît. Pour la transcription, il est également indispensable que je

13 note que le témoin montre le tout dernier bâtiment au toit blanc, enfin la

14 baraque qui a le toit blanc.

15 Témoin 75 (interprétation). – Oui, j’ai donc été emmenée dans

16 cette baraque. Gojko s’y trouvait, Dragan Zelenovic également et

17 Janko Janjic. Ils m’ont demandé tout simplement de dire la vérité, sinon

18 ils ont dit qu’ils allaient abuser de moi. Moi, j’étais bien évidemment

19 sûre de ce qui allait se passer.

20 Il m’a posé la première question pour savoir si on était au

21 courant, si, moi, j’étais au courant plus précisément qui armait le peuple

22 à Trosanj. J’ai dit que je n’étais pas au courant parce que, de toute

23 façon, les femmes n’étaient pas au courant de ce qui se passait.

24 Il m’a demandé également quels étaient les noms et surnoms des

25 personnes qui vivaient dans le village. Ils ont donc marqué tout cela. Ils

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1 m’ont laissé partir par la suite. En sortant de cette pièce, j’ai vu mon

2 oncle qu’on emmenait. Il était plein de sang.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Excusez-moi, je vais vous

4 interrompre ici. Est-ce que vous avez vu également qui accompagnait,

5 escortait votre oncle ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Zoran Vukovic l’accompagnait.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous, s’il vous

8 plaît, donner la description de Zoran Vukovic ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Petit de taille, blond. C’est à

10 peu près cela.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous pouvez

12 décrire son visage ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Non.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment savez-vous que

15 cet homme répondait au nom de Zoran Vukovic ?

16 Témoin 75 (interprétation). – A ce moment-là, je l’ignorais

17 parce que je ne le connaissais pas. C’est au bout de quatre mois de mon

18 séjour à Foca que Kovac l’a emmené chez moi, dans mon appartement. C’est

19 là que j’ai appris qu’il s’agissait de l’homme dont je parle.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Nous allons suivre un

21 ordre chronologique. Je vais poursuivre. Ce n’est que plus tard que je

22 vais revenir à cet incident. Par conséquent, le mieux maintenant est de

23 parler du 3 juillet 1992.

24 Est-ce que ce soldat Zoran Vukovic était le seul qui

25 accompagnait votre oncle ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne suis pas sûre. Mais de

2 toute façon, il y en avait plusieurs. Peut-être un, peut-être deux ou

3 trois. Je n’avais pas véritablement le temps pour regarder. J’ai juste

4 jeté un coup d’oeil en direction de mon oncle, puis j’ai baissé la tête et

5 je suis allée de l’autre côté dans le même bâtiment.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit tout à

7 l’heure que le visage de votre oncle était plein de sang ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y avait des

10 blessures que vous avez pu remarquer sur son visage ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas, mais je

12 sais qu’il y avait du sang qui coulait sur son visage.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous-même, où est-ce que

14 vous étiez emmenée après avoir croisé votre oncle ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Dans une autre pièce, à 5 mètres

16 par rapport à cet endroit. Il y avait un vieillard, un Chetnik qui devait

17 avoir entre 40 et 50 ans, il m’a poussée dans la pièce, il m’a demandé

18 d’enlever mes vêtements. Et soi-disant, ce n’est que lui qui avait

19 l’intention de me violer sur place.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, vous avez

21 eu peur ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Mais bien sûr que j’avais peur !

23 Je ne peux même pas dire que j’avais peur, j’étais sous le choc.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Il vous a violée ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – C’était le seul homme qui

2 vous a violée à ce moment-là ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Moi, j’ai compté jusqu’à 10. Dans

4 cette pièce, ils étaient dans une file. De toute façon, je n’étais pas

5 capable de compter par la suite. Je ne suis pas sûre mais ils étaient

6 peut-être 20 au total.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous dites que vous

8 avez été violée, qu’est-ce que vous sous-entendez sous le viol ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Je ne comprends pas.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous dites que cet homme

11 âgé vous a violée, qu’est-ce qu’il a fait exactement ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Il m’a demandé d’enlever mes

13 vêtements, de me coucher sur le canapé. Il s’est jeté sur moi et il m’a

14 violée.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que ceci veut dire

16 qu’il vous a pénétrée, il a placé son pénis dans votre vagin ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – D’autres hommes ont fait

19 exactement la même chose ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que pendant tout

22 ce temps là, vous étiez consciente ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Oui, j’étais consciente jusqu’au

24 dixième, ensuite j’ai perdu conscience. Et je sais qu’il y en avait qui

25 ont apporté de l’eau et qu’ils ont jeté de l’eau sur moi. Je suis revenue

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1 à moi-même, j’était toute mouillée. Il y en a un qui m’a demandé de tout

2 enlever, soi-disant pour voir comment j’étais faite, il a dit : « C’est

3 vraiment dommage pour toi parce que tu es tellement bien faite ».

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous

5 connaissiez l’un de ces hommes ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Non.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu qui que ce

8 soit que vous connaissiez au moment où tout cela s’est passé ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Dans le couloir, (expurgé)

10 (expurgé), Nezo Pavlovic, Veselin Vujicic et Rado Filipovic. Ils

11 étaient dans le couloir, je le sais parce qu’à un moment je suis passée

12 devant eux pour aller aux toilettes. Nezo s’est juste contenté de hocher

13 la tête mais il n’a rien fait.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pendant que vous étiez

15 violée, est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit qui concerne votre

16 oncle ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Alors que j’étais encore

18 consciente, j’ai entendu des tirs, j’ai entendu les hurlements de mon

19 oncle qui était passé à tabac. Et à un moment donné, j’ai entendu l’un

20 d’entre eux dire : « Le Balija s’est évadé ». A ce moment-là il y a eu une

21 rafale, tout est redevenu silencieux, et je n’ai plus entendu sa voix

22 après. Donc, à ce moment-là, j’étais sûre qu’ils venaient de le tuer.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Le viol collectif dont

24 vous avez été victime, est-ce que cela a été douloureux ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quel sentiment avez-vous

2 éprouvé à ce moment-là ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Je me sentais comme morte.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où vous a-t-on emmenée

5 après ce viol collectif ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Ils m’avaient donc violée chacun à

7 leur tour, et pendant ce temps-là j’ai pensé qu’ils avaient tué toutes les

8 autres femmes, qu’ils avaient jeté leur corps dans la Drina. Mais là, l’un

9 d’entre eux m’a dit : « Dépêche-toi, va te rhabiller, tu vas monter dans le

10 bus ».

11 Quand je suis montée dans le bus, j’ai vu que tout le monde s’y

12 trouvait, à l’exception d’une jeune fille. Sa mère pleurait, elle se

13 tenait devant l’autobus et elle les implorait de lui redonner son enfant.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je vais vous demander

15 d’examiner la feuille de papier qui se trouve devant vous et de nous dire

16 si le nom de cette personne y figure.

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Y a-t-il un numéro à côté

19 du nom de cette personne ?

20 Témoin 75 (interprétation). – 87.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu qu’on ait

22 emmené d’autres femmes dans ces baraques avant que cela ne vous arrive à

23 vous-même ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Non.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cela signifie-t-il que

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1 vous étiez une des premières à être emmenée ainsi ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui, je crois.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – En nous racontant ce qui

4 vous est arrivé, vous avez utilisé parfois le nom de « Chetnik ». Pour vous,

5 qu’est-ce que cela signifie ?

6 Témoin 75 (interprétation). – C’est ce qu’ils s’appelaient eux-

7 mêmes, c’est ainsi qu’ils se désignaient eux-mêmes. Les Serbes aiment bien

8 que lorsqu’on parle d’eux on utilise ce mot de Chetnik.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et vous, est-ce que vous

10 connaissiez ce mot, est-ce que vous le connaissiez déjà avant la guerre ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pour vous, qu’est-ce que

13 cela signifiait ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Pour moi, c’est un mot qui

15 évoquait la peur parce que ma grand-mère, pendant la Deuxième Guerre

16 mondiale, a connu quelque chose d’assez semblable à ce que j’ai connu moi

17 aussi. Elle m’a pas mal parlé des Chetniks et donc je savais bien ce que

18 c’était, qui étaient les Chetniks.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Après votre séjour à

20 Buk Bijela, où vous a-t-on emmenés ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, nous sommes donc montés

22 dans les autocars et à ce moment-là ils nous ont emmenés à Foca. Ils nous

23 ont emmenés à l’immeuble du SUP. L’autocar s’est arrêté devant l’immeuble

24 du SUP, et nous avons attendu là, dans le bus, pendant environ 30 minutes.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Y avait-il également des

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1 soldats avec vous dans l’autocar ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu des

4 policiers s’entretenir avec les soldats qui étaient dans votre autocar ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Non.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez pu

7 voir des soldats pénétrer dans l’immeuble du SUP alors que vous

8 attendiez ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Tous ceux qui étaient là sont

10 descendus et puis ils sont entrés dans l’immeuble du SUP. Il n’y a que

11 Janjic Janko, surnommé Tuta, qui est resté dans l’autocar, et Tarzo, un

12 dénommé Tarzo -enfin, c’est son surnom, je ne me souviens pas de son

13 véritable nom.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez attendu environ

15 une demi-heure, ensuite où vous a-t-on emmenés ?

16 Témoin 75 (interprétation). – On nous a emmenés au lycée, dans

17 le quartier d’Aladza.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avec l’aide de

19 l’huissier, je souhaiterais présenter au témoin la photographie 7418 qui

20 fait partie de la pièce à conviction 11. Il s’agit également ici d’un

21 agrandissement d’une des photographies.

22 Madame le Témoin, s’agit-il ici du bâtiment auquel vous venez de

23 faire référence, le lycée ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous

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1 exactement où on vous a emmenée à l’intérieur de ce bâtiment, dans quelle

2 pièce ou à quel étage ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, quand nous sommes entrés

4 à l’intérieur, tout d’abord on nous a emmenés dans une pièce qui se

5 trouvait au rez-de-chaussée, où il y avait beaucoup de chaises. C’était

6 une pièce où on montait les pièces de théâtre du lycée, enfin, vous voyez.

7 On y est donc restés à peu près une heure ou deux. Ensuite, on nous a

8 emmenés au premier étage, la dernière salle de classe du premier étage.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je souhaite signaler pour

10 le compte rendu que le témoin a indiqué sur la photographie la dernière

11 pièce se trouvant au premier étage, donc la pièce qui se trouve au premier

12 étage, à l’extrême droite de la photo.

13 Mme la Présidente (interprétation). – Bien.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cette salle de classe,

15 est-ce que ses fenêtres donnaient sur la rue ou est-ce qu’elles donnaient

16 sur l’arrière de l’école ? Ou y avait-il des fenêtres qui donnaient sur

17 ces deux endroits ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Elles donnaient sur la route.

19 (Le témoin indique la photo avec le pointeur.)

20 Oui, elles donnaient sur la route.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Merci. Est-ce qu’il vous

22 est arrivé de regarder par cette fenêtre ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, on voyait l’autre partie

24 de la ville, Codor Mahala, et le stade. Cela se trouvait tout à côté, le

25 stade. Et également le cimetière, le cimetière serbe. On pouvait voir tout

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1 cela de cette fenêtre.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous regardiez par

3 la fenêtre, vous est-il arrivé de voir des soldats ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Oui, oui, on pouvait voir des

5 soldats.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Beaucoup de soldats ou

7 seulement quelques soldats ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Ils passaient, on les voyait

9 passer devant l’école.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y avait des

11 soldats à l’intérieur du lycée ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Non.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous avez donc parlé

14 de cette salle de classe où vous vous trouviez. Combien de personnes y

15 avait-il dans cette salle de classe ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Nous étions 30 à 40, donc des

17 femmes et des enfants.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que tout le monde

19 est arrivé là le même jour ? Ou est-ce que, ultérieurement, vous avez été

20 rejoints par d’autres personnes ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Non, il y a un groupe qui est venu

22 de mon village le lendemain. Quatre jours plus tard, on a emmené mon

23 grand-père (expurgé).

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y avait là

25 des personnes qui venaient d’autres villages ? Je veux parler de la pièce

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1 où vous vous trouviez ou la pièce contiguë.

2 Témoin 75 (interprétation). – Dans notre salle de classe, il y a

3 en avait 3, et dans une autre salle de classe je crois qu’il y avait 10 ou

4 15 personnes supplémentaires qu’on a amenées ensuite.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Si on prend donc tout le

6 monde en compte, pouvez-vous nous dire combien il y avait de Musulmans

7 dans l’école à ce moment-là ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Environ 50 : des femmes, des

9 enfants, des personnes âgées. Et puis, il y avait 3 hommes âgés, très

10 âgés.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quelles étaient les

12 conditions de vie dans le lycée ?

13 Témoin 75 (interprétation). – C’était affreux. On avait des

14 matelas en mousse, des couvertures militaires, on nous donnait à manger

15 trois fois par jour, mais c’étaient les restes, ce que les soldats

16 n’avaient pas mangé. C’est ce que l’on nous donnait en guise de

17 nourriture.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous étiez

19 gardés ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait des gardes, mais quant

21 à savoir s’ils nous gardaient, s’ils nous protégeaient, effectivement on ne

22 peut pas vraiment dire cela ! On ne peut pas dire qu’ils nous gardaient

23 dans ce sens.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quel était l’uniforme que

25 portaient ces gardes ?

Page 1400

1 Témoin 75 (interprétation). – C’était l’uniforme de la police.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous aurait-il été

3 possible de quitter cet immeuble pendant le temps que vous y avez passé ?

4 Etait-il possible de partir ? Y étiez-vous autorisée ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Non.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui vous empêchait de

7 quitter le bâtiment ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Au début, dès que nous sommes

9 arrivés, ils nous ont dit que nous n’avions pas le droit de sortir, que

10 c’était interdit.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui vous a dit cela ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas exactement

13 de qui nous a dit cela. C’était celui qui nous a escortés vers l’école.

14 Ensuite, Mitar Sipcic est venu. Lui, il travaillait dans le dispensaire de

15 Brode ; c’est une sorte d’infirmier. Il s’est présenté à nous. Il nous a

16 dit qu’il était là pour nous protéger, que rien ne nous arriverait, que

17 personne ne nous ferait quoi que ce soit et que nous n’avions aucune

18 raison d’avoir peur.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous a-t-il dit ce qui

20 allait vous arriver ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Non.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez été

23 victime d’agressions sexuelles pendant que vous vous trouviez au lycée ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Une fois ou plusieurs

Page 1401

1 fois ?

2 Témoin 75 (interprétation). – A plusieurs reprises.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous de la

4 première fois où vous avez été victime de violences sexuelles ?

5 Témoin 75 (interprétation). – A l’école, Dragan Zelenovic est

6 venu, il est arrivé en coup de vent. Il a pris 5 ou 6 femmes et il les a

7 emmenées dans la salle de classe qui se trouvait à côté. Trois d’entre

8 nous sont restées à l’intérieur dans la salle de classe et deux autres ont

9 été envoyées à l’extérieur.

10 Zelenovic m’a demandé si je me souvenais de combien d’hommes

11 m’avaient violée à Buk Bijela. J’ai répondu que j’avais compté jusqu’à

12 dix, mais qu’ensuite, je n’avais plus compté.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous dites que 5 ou

14 6 femmes ont été emmenées. Vous souvenez-vous si cela s’est passé la

15 première nuit ou plus tard ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Je ne m’en souviens pas

17 exactement.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Si vous examinez la

19 feuille de papier sur laquelle figure un certain nombre de noms, pouvez-

20 vous nous dire quelles sont les personnes que l’on a emmenées avec vous

21 lors de cet incident ?

22 Témoin 75 (interprétation). – 87, 95, 51, mais il y avait

23 2 femmes qui portaient le même prénom et le même nom. Je souhaite

24 l’indiquer. Je ne sais pas à quoi correspond le numéro. Ensuite, 74, 88.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous venez de mentionner

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1 quelqu’un. Il y avait 2 personnes qui portaient le même nom. La personne

2 que l’on a aussi emmenée ce soir-là, était-ce votre cousine ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Non.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – La femme qui a un

5 homonyme, était-ce une jeune femme ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous dites que vous êtes

8 restées à trois dans la pièce et que les autres ont été renvoyées à

9 l’extérieur. Pouvez-vous me dire qui est resté à l’intérieur de la salle

10 de classe ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Le n° 87 est restée, 95 et moi-

12 même.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Savez-vous ce qu’il est

14 advenu des autres femmes que l’on a fait sortir de la première salle de

15 classe ? Savez-vous ce qu’il leur est arrivé à ce moment-là ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne le sais pas.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous été violée dans

18 cette salle de classe ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Par qui ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Dragan Zelenovic et encore un

22 homme dont je ne sais pas le nom.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que le numéro 95 a

24 été violée, et si c’est le cas, par qui ? Le savez-vous ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Janko Janjic.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que le n°87 a été

2 violée et si c’est le cas, par qui ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Oui, elle a été violée, mais je ne

4 sais pas qui l’a violée. Je ne peux pas vous le dire. Je ne connaissais

5 pas cet homme.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment savez-vous que

7 ces deux autres femmes ont été violées ? Étiez-vous dans la même pièce

8 qu’elles quand cela s’est produit ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Au même moment, dans la même

10 pièce. Toutes les trois, nous étions là dans la même pièce et nous avons

11 vu ce qu’ils faisaient à chacune d’entre nous.

12 Zelja a obligé la personne portant le n° 95 à se déshabiller en

13 la menaçant de son arme.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Si j’ai bien compris, il

15 ne l’a pas violée en fin de compte. C’est Tuta qui l’a fait.

16 Témoin 75 (interprétation). – Non, il ne l’a pas violée -c’est

17 Tuta qui l’a violée-, mais c’est lui qui l’a forcée à se déshabiller parce

18 qu’elle refusait de le faire. Il a armé son pistolet, il l’a menacée de

19 son arme. Il lui a dit que si elle ne se déshabillait pas immédiatement,

20 il la tuerait.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – En tout, combien de temps

22 êtes-vous restée au lycée ?

23 Témoin 75 (interprétation). – En tout, environ une quinzaine de

24 jours.

25 Jusqu’à ce que Mitar Sipcic arrive, entre dans la salle de

Page 1404

1 classe et nous dise qu’il fallait faire un peu de rangement dans le lycée

2 parce que la télévision -l’ES, c’était une équipe de télévision qui venait

3 de Pale- allait venir pour nous filmer, pour voir comment on était

4 traitées et à quel point on était bien traitées, etc. Il a dit que

5 personne ne nous aiderait à ranger. En tout cas, nous, nous étions les

6 seules à savoir ce qui se passait en réalité.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Lorsque ces journalistes

8 sont arrivés, est-ce que l’une d’entre vous leur a parlé pour leur dire ce

9 qui se passait effectivement ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Non, personne n’a dit ce qui se

11 passait en vérité.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourquoi pas ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Personne ne leur a parlé

14 directement. Qu’est-ce que j’aurais pu dire ? Il aurait fallu simplement

15 regarder dans nos yeux. On avait tué mon frère, on avait tué ma mère. À ce

16 jour, j’avais déjà été violée par une cinquantaine de personnes. Comment

17 pouvais-je les regarder dans les yeux et leur dire que j’allais bien ? Je

18 n’ai même pas regardé qui allait et venait.

19 A un moment, j’ai commencé à saigner du nez, à tel point que

20 personne ne pouvait l’arrêter. Tout le monde pensait que j’allais mourir à

21 tel point je saignais. A chaque fois que l’on me ramenait à l’intérieur

22 après m’avoir fait sortir un peu, je me tenais la tête, je m’arrachais les

23 cheveux en me demandant ce qui se passait et pourquoi ils faisaient cela ?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – En tout, pendant que vous

25 étiez dans le lycée, combien de fois vous a-t-on fait sortir de la salle

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1 de classe principale ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Je dois dire que c’était

3 pratiquement tous les soirs pendant ces 15 jours. Il y a peut-être

4 seulement 2 soirs où l’on ne m’a pas fait sortir. Pratiquement chaque

5 nuit, on me faisait sortir.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous nous dire ce

7 qui se passait généralement ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Généralement, Dragan Zelenovic

9 entrait dans cette salle, et là il y avait généralement un vieil homme qui

10 se tenait près de la porte. Zelenovic le frappait à la figure, au nez, à

11 la tête, il le menaçait, l’insultait, il lui disait : « Balija, tu t’es

12 échappé, mais tu ne quitteras pas cet endroit vivant ».

13 Le vieil homme commençait à gémir, à crier, les enfants aussi

14 commençaient à crier. Tout le monde avait peur. A ce moment-là, il me

15 désignait du doigt, moi-même ainsi que le n° 87, et il nous disait de

16 sortir pour aller nettoyer des appartements. Mais quand on arrivait dans

17 ces appartements, généralement, ils étaient au moins 5 ou 6. Ils étaient

18 assis, là, à boire et à manger ; et ensuite, ils s’en prenaient à nous un

19 par un. Ensuite, on nous ramenait à l’école à moitié mortes.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé de vous-

21 même et du n° 87 pour dire qu’on vous a donc emmenées pour vous violer. Si

22 vous examinez la liste, pouvez-vous nous dire qui d’autre a été emmené et

23 traité de la même façon que vous ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Numéros 50, 95, 90, 48, 74, 88.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Là, en ce moment, nous

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1 sommes en train de parler du lycée. Donc, les personnes dont vous venez de

2 nous indiquer les numéros sont des personnes qu’on a fait sortir de la

3 grande salle du lycée pour les emmener ailleurs ? C’est cela ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé de

6 Dragan Zelenovic qui vous a fait sortir vous-même ainsi que le numéro 87.

7 Avez-vous été en mesure de reconnaître d’autres soldats qui sont venus

8 vous chercher au lycée ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Généralement, pendant la période

10 de temps que j’ai passée au lycée, c’est Dragan Zelenovic qui venait me

11 voir, et Dragan Stankovic surnommé Dragic.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et est-ce que vous avez

13 vu qu’on est venu chercher d’autres femmes ? Et avez-vous reconnu certains

14 des hommes qui venaient les chercher ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Je ne sais pas parce que

16 généralement, c’est moi qu’on venait chercher en premier.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, comment

18 savez-vous que les femmes, dont vous nous avez donné les pseudonymes il y

19 a quelques instants, elles aussi, on est venu les chercher pour les

20 violer ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Quand je revenais au lycée, on me

22 demandait généralement où j’avais été et comment j’allais. A ce moment-là,

23 par exemple, le n° 87 me disait : « Moi aussi, on m’a emmenée là-bas ». Et

24 le n° 51 me disait également la même chose. Je savais donc parfaitement

25 qui allait où, et qui restait sur place.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous dites : « Elles

2 me demandaient où j’avais été ». De qui parlez-vous ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Je parle des femmes et des jeunes

4 filles qui se trouvaient au lycée.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous avez dit qu’on

6 est venu vous chercher pour vous emmener à d’autres endroits. Pouvez-vous

7 nous en donner le nom, s’il vous plaît ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Avec Dragan, on nous a emmenées à

9 plusieurs reprises dans… je ne sais pas si c’était son appartement, je

10 pense que ce n’était pas son appartement. Je pense que c’était un

11 appartement qui appartenait à un Musulman et qu’il l’avait pris. Il se

12 trouvait au troisième étage d’un immeuble. Il nous emmenait dans une

13 maison à Gornje Polje. Je ne me souviens plus s’il nous a emmenées

14 ailleurs aussi.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand on vous amenait,

16 est-ce que vous étiez violée à chaque fois ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous a-t-on battue au

19 cours de ces incidents ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Non.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Savez-vous si d’autres

22 femmes ont été battues ou blessées d’une autre façon ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Non, je crois que non.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous si

25 vous avez jamais vu des cicatrices sur les corps des femmes ?

Page 1408

1 Témoin 75 (interprétation). – Non. Pendant que nous étions au

2 lycée, non.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et plus tard ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Plus tard, oui. Plus tard, oui.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Alors, nous allons parler

6 de cela plus tard.

7 Quand vous a-t-on transportés du lycée à un autre endroit ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Quinze jours plus tard, à peu

9 près. Nous avons été transportées à Partizan. Il y avait un groupe de

10 femmes qu’on a mises dans un camion. On nous a dit qu’on allait nous

11 placer ailleurs, à un autre endroit. Ils nous ont emmenées devant la salle

12 Partizan.

13 C’est là qu’ils nous ont fait entrer dans la salle, ils nous ont

14 ordonné de tout arranger parce que c’était plein de poubelles. C’était

15 vraiment très sale. Nous étions cinq femmes à nettoyer cet endroit. Nous

16 nous sommes trouvées une place à l’intérieur. Il y en a eu d’autres qui

17 sont arrivées. Et c’est là que nous avons séjourné dorénavant.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où se trouve Partizan,

19 dans Foca ?

20 Témoin 75 (interprétation). – La salle Partizan est juste en

21 dessous de l’immeuble du SUP, donc au-dessus de la mairie. Peut-être à 200

22 ou 300 mètres de là.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avec l’aide de

24 l’huissier, je souhaiterais montrer au témoin la photo qui porte la

25 cote 7302. Il s’agit de la pièce à conviction D11, (l’interprète se

Page 1409

1 reprend) la pièce à conviction 11. Est-ce bien la salle Partizan ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous nous

4 montrer où vous étiez précisément dans cet immeuble ?

5 Témoin 75 (interprétation). – On voit bien l’entrée et

6 l’escalier, et nous étions là, dans cette partie-là de l’immeuble. Nous

7 toutes.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pour le transcript, le

9 témoin a montré la porte d’entrée de l’immeuble, de l’immeuble principal,

10 ainsi que les fenêtres à droite.

11 Mme la Présidente (interprétation). – Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je vais demander à

13 l’huissier de s’approcher de moi, car je voudrais montrer une autre

14 photographie. Il s’agit de la photographie 7295, elle fait partie de la

15 même pièce à conviction. Cette fois-ci, il s’agit d’une photo de taille

16 normale, elle se trouve dans la liasse que tout le monde possède. Je vais

17 vous demander de nous montrer la salle Partizan.

18 (Le témoin indique la salle.)

19 Le témoin montre l’immeuble qui se trouve à droite sur la

20 photo : il s’agit d’un immeuble blanc, de taille assez importante.

21 Et l’autre immeuble, qu’est-ce que c’est ?

22 Témoin 75 (interprétation). – C’est l’immeuble du SUP. C’est

23 maintenant que je viens de me rappeler, c’est l’immeuble du SUP. Juste en

24 face, il y a la mairie, ici la mairie, l’immeuble du SUP et Partizan est

25 juste là.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous montrer la

2 mairie ?

3 (Le témoin indique la mairie.)

4 Le témoin montre l’immeuble qui se trouve sur la photo, à

5 gauche.

6 Quelles étaient les conditions de vie à Partizan ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Il n’y avait pas de conditions,

8 c’était terrible. Quand nous sommes arrivés à Partizan, quand nous avons

9 tout nettoyé, il ne restait que des espèces de matelas en plastique, des

10 matelas qui étaient probablement utilisés par des sportifs. C’était une

11 salle de sport, alors nous avons tout nettoyé. Il n’y avait plus rien, il

12 n’y avait plus de couverture, il n’y avait rien d’autre.

13 Alors, celles ou ceux qui avaient des pulls utilisaient ces

14 pulls pour couvrir les enfants. Sinon, nous, on dormait là dans ces

15 conditions.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et la nourriture, comment

17 était-elle ?

18 Témoin 75 (interprétation). – De très mauvaise qualité. Parfois,

19 le matin, on nous apportait du thé et du pain, du pain sec. D’autres fois

20 ils nous apportaient des conserves d’un kilo, des récipients, et ils y

21 mettaient des pâtes périmées ou des restes de la nourriture de l’armée.

22 Voilà, nous nous servions directement dans ces récipients. Nous mangions

23 directement avec là-dedans avec nos mains. Nous avions faim, tous, les

24 enfants avaient faim, on mangeait tout ce qu’on nous apportait.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quelles étaient les

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1 conditions d’hygiène ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Il n’y en avait pas. Tout d’abord,

3 nous allumions le feu à l’extérieur de cette salle, et on se lavait les

4 cheveux avec l’eau qu’on avait préalablement chauffée parce que nous

5 craignions d’avoir des puces.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Y avait-il des gardiens ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ils étaient combien ?

9 Etaient-ce des policiers ou des militaires ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Ils étaient par deux : deux dans

11 la matinée, deux dans l’après-midi et deux pendant la nuit. Ce n’étaient

12 pas vraiment des soldats, ce n’étaient pas vraiment des policiers,

13 c’étaient des membres de la police de réserve. C’est ce qu’on disait,

14 c’était la police de réserve, des personnes d’un certain âge ou âgées, des

15 gens qui étaient déjà retraités.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Portaient-ils des

17 uniformes ? Avaient-ils des armes ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Ils avaient des armes. Ils

19 portaient des uniformes qui ressemblaient aux uniformes de la police.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que ces gardiens

21 vous protégeaient ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Deux d’entre eux, oui. Quand ils

23 étaient là, personne ne pouvait entrer dans la salle. En ce qui concerne

24 les autres -ici, il y avait un club de scouts-, et quand des personnes

25 venaient pour nous chercher, les gardiens se mettaient dans la remise pour

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1 qu’on ne les voie pas. Ils se cachaient.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous montrer

3 cette photographie au témoin ?

4 Quand vous parlez de ce petit bâtiment qui est juste à côté du

5 grand bâtiment, le mot que vous avez prononcé est-il écrit à côté de la

6 porte ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Oui, c’est bien cela, le club des

8 scouts.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Merci. Combien de temps

10 êtes-vous restée à Partizan ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Jusqu’au 2 août 1992.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment se fait-il que

13 vous vous rappeliez de cette date si bien ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Je m’en rappelle très bien parce

15 que, cette nuit-là, ils avaient fait exploser la mosquée d’Aladza à Foca,

16 une mosquée qui a plus de 500 ans. Nous, nous étions à peu près à

17 200 mètres de la mosquée.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Nous allons en parler.

19 Nous allons parler de la date du 2 août plus tard. Mais tout d’abord,

20 racontez-nous ce qui s’est passé à Partizan. Etiez-vous agressée

21 sexuellement pendant votre séjour à Partizan ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Pas directement dans la salle,

23 mais ils venaient nous chercher tous les soirs, toutes les nuits ils nous

24 emmenaient de nouveau dans des appartements.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous dites « eux », à

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1 qui pensez-vous ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Je pense aux Serbes, aux Chetniks.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous pensez

4 aux soldats ou aux civils ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Aux soldats, oui.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que, par exemple,

7 Dragan Zelenovic, dont vous avez déjà parlé -vous avez dit qu’il venait

8 vous chercher au lycée-, est-ce qu’il venait chercher des femmes ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Pendant que j’y étais, je crois

10 que non.

11 Mme la Présidente (interprétation). – Madame, quand vous parlez

12 de l’école, vous pensez à l’école ou à Partizan ?

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je pensais à Partizan.

14 Avez-vous jamais vu Dragan Zelenovic à Partizan ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Les soldats qui venaient

17 à Partizan, étaient-ce les mêmes soldats que ceux qui venaient à l’école

18 secondaire, au lycée, ou bien il s’agissait d’autres soldats ?

19 Témoin 75 (interprétation). – C’étaient les mêmes, mais il y en

20 avait d’autres aussi.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand ces soldats

22 venaient, que faisaient-ils ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, ils venaient souvent la

24 nuit. Cette salle n’était pas éclairée, alors ils hurlaient, ils

25 appelaient parce qu’ils avaient une liste, la liste des personnes

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1 détenues. Alors, ils nous appelaient par notre nom, et si votre nom était

2 appelé, il fallait vous lever et les suivre.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et quand on vous a amenée

4 à différents lieux, que se passait-il à ces endroits ? Etait-ce la même

5 chose que ce qui s’est passé quand on vous amenait de l’école secondaire ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

7 Mme la Présidente (interprétation). – Est-ce que le témoin peut

8 dire ce qui s’est passé, puisque c’est un autre endroit, c’est un autre

9 lieu ?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Que s’est-il passé ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, j’ai dit : ils venaient

12 nous chercher, ils venaient chercher les femmes toutes les nuits. Ils les

13 emmenaient dans les appartements.

14 Un soir, Dragomir Kunarac, appelé Zaga, et son grand ami, qu’on

15 appelait Gaga -je ne connais pas son vrai nom-, ils sont venus dans la

16 salle de Partizan ainsi qu’un type du Monténégro, Bane. Ils nous ont fait

17 sortir, moi et une autre personne, DB. Ils nous ont dit que nous devions

18 aller préparer un dîner et nettoyer un appartement.

19 Alors, nous nous sommes assis dans une voiture rouge, de marque

20 Lada. Ils nous ont conduits à Aladza, dans une maison qui appartenait à un

21 Musulman. Et il y avait pas mal de Serbes déjà là-bas : ils attendaient.

22 Et plus tard, il y a eu encore d’autres personnes qui sont arrivées dans

23 cette maison. Ils avaient apporté de la viande de l’hôtel pour manger. Ils

24 nous ont proposé de la nourriture aussi, mais nous avions peur à cause de

25 tout ce qui s’est passé. Nous ne pouvions pas manger.

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1 Gaga m’a forcée à entrer dans une pièce en disant : « Il n’y a

2 que Zuca, un jeune homme âgé de 16 ans, il est encore vierge », il m’a

3 demandé d’aller dans la chambre avec lui pour lui faire plaisir et de…

4 Mais Zuca n’est pas venu. Ce n’est pas lui qui est entré dans la chambre,

5 je ne me souviens plus qui était le premier.

6 Zaga a emmené DB dans l’autre chambre, il s’est enfermé à clef.

7 Il lui a dit que cela allait mal se passer pour une de nous deux. Il m’a

8 laissée avec le groupe de personnes. Ils sont tous passés un par un. Les

9 viols ne se sont pas arrêtés avant 2 heures du matin.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que Zaga a

11 amené DB dans l’autre chambre, et qu’il lui a dit qu’une de vous deux… Je

12 n’ai pas de transcript, pouvez-vous vous répéter ce qu’il a dit vraiment ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Il a dit qu’une de nous deux

14 allait vraiment être abusée, enfin souffrir, au cours de cette nuit. Il a

15 utilisé un mot grossier.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – L’avez-vous entendu dire

17 cela ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Non.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le savez-vous ?

20 Témoin 75 (interprétation). – C’est DB qui me l’a dit plus tard,

21 quand nous avons quitté ce lieu. C’est là qu’elle m’a dit ce qu’il lui

22 avait dit.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous décrire cette

24 maison, la maison dont vous parlez ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, c’était une maison

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1 simple, il fallait monter l’escalier et, au sous-sol, il y avait un

2 atelier de couture mais quand on nous amenait dans cette maison, il y

3 avait beaucoup d’outils. On avait l’impression que quelqu’un faisait de la

4 couture là-bas. A l’étage, je pense qu’il y avait trois chambres, la

5 cuisine, la salle de bain et un couloir.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et où se trouvait cette

7 maison ?

8 Témoin 75 (interprétation). – A Aladza, c’est un quartier de

9 Foca. Ce n’est pas loin du lycée. Si on part de la ville, vers le lycée,

10 c’est à droite, ce quartier se trouve à droite.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et vous avez déjà dit que

12 cette maison se trouvait à peu près à 200 mètres de distance de la

13 mosquée ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous quand

16 on vous a emmenée à cet endroit pour la première fois ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas exactement

18 de la date. Je pense que c’était 5 ou 6 jours après mon arrivée à

19 Partizan. La première fois, il m’avait ramenée quand Zaga et Gaga étaient

20 venus à Partizan. Ils m’avaient ramenée, mais je ne me souviens plus qui

21 il avait fait sortir. La deuxième fois, ils sont venus me chercher moi et

22 DB.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cela veut-il dire qu’ils

24 étaient déjà venus à Partizan avant que vous ne soyez amenée pour la

25 première fois dans cette maison à Aladza ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de fois, avant

3 que vous ne soyez amenée pour la première fois, vous avez vu ces

4 deux personnes ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Je crois un ou deux jours avant.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que Zaga et

7 Gaga vous avez été amenées, vous et la personne appelée DB. Pouvez-vous

8 décrire Gaga ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Il avait les cheveux gris, il

10 avait peut-être 45 ans. Il n’était pas très grand, il était assez gros, il

11 était aussi d’origine monténégrine.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit « aussi ».

13 Que voulez vous dire par ce mot « aussi ». ? Cela veut-il que Zaga aussi

14 venait du Monténégro ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui d’autre alors ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Toutes les autres personnes qui se

18 trouvaient dans cette maison venaient du Monténégro. Toutes ces personnes

19 qui m’ont violée cette nuit-là.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous des

21 noms de ces personnes ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Oui, bien sûr.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pourriez-vous nous dire

24 les noms dont vous vous souvenez ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, je me souviens de toutes

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1 les personnes mais peut-être que je vais oublier un ou deux noms : Jure

2 Radovic venait de Foca, Durko Dubljevic venait du Monténégro, Ranko

3 Radulovic Montenegrin, Tolja, Bane, ce sont des surnoms car je ne connais

4 pas leurs véritables noms ; Scepo, Puko, Miga…, je ne me souviens pas de

5 tous. Puis, il y en avait un qui avait une blessure à l’estomac, il avait

6 un pansement, et il m’a forcé de le satisfaire, puisqu’il ne pouvait pas

7 me violer. Il était blessé. Mais il ne l’a pas permis.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ces hommes que vous venez

9 de mentionner, étaient-ils tous soldats ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ils se trouvaient tous,

12 ce jour-là, dans cette maison, la première fois où on vous a emmenée dans

13 cette maison ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que vous

16 étiez obligée de satisfaire, que voulez-vous dire par là ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Je veux dire, je ne sais pas

18 comment m’exprimer.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Etiez-vous obligée de

20 placer leur pénis dans votre bouche ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’ont-ils fait d’autre ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Ils entraient un par un, ils se

24 relayaient sur moi. A un moment donné, il sont tous entrés, un était sur

25 moi, l’autre sous moi, le troisième le plaçait dans ma bouche et les

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1 autres dans mes mains… Pour les satisfaire, comme ils disaient.

2 Donc, ils ont tous éjaculé sur moi, en répandant leur sperme sur

3 mon corps et Bane était le dernier. Il est resté le dernier. J’avais

4 demandé à Tolja de me faire sortir, parce qu’il fallait que je boive.

5 J’avais perdu mon souffle, et il m’a fait sortir dans la salle de bain. Il

6 a apporté une bombe, une grenade à main. Il m’a dit : « Ecoute, si jamais

7 ils te font quoi que ce soit d’autre, active cette arme. Tu vas périr,

8 mais ils vont périr eux aussi. Pas mal d’entre eux. »

9 Je n’ai pas osé prendre cette bombe car j’avais peur qu’ils me

10 tuent à cause de cela. Bane avait un couteau et il a demandé : « Quel sein

11 tu préférais ? » Tolja a dit : »Ne la touche pas vraiment. Elle est vraiment

12 belle ». C’est là qu’il m’a violée.

13 Jaga est entré par la suite dans la chambre et il m’a demandé de

14 me rhabiller parce que nous allions partir. Je me suis habillée, je suis

15 sortie de la chambre. DB m’attendait dans le couloir. On nous a, à

16 nouveau, conduites à Partizan. Quand je suis arrivée à Partizan, je ne

17 pouvais pas marcher. Je ne tenais pas debout. Pendant 3 jours, je me suis

18 cachée sous ma grand-mère. Je me couchais sous ma grand-mère quand ils

19 rentraient la nuit dans la salle. Elle se couchait sur moi car moi, je ne

20 tenais plus. Je ne pouvais plus le supporter.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit…

22 Mme la Présidente (interprétation). – Nous allons faire une

23 pause pour déjeuner.

24 Nous allons faire une pause et reprendre à 14 heures 30.

25 (L’audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)

Page 1420

1 Mme la Présidente (interprétation). – Bonjour, nous allons donc

2 poursuivre l’interrogatoire principal du bureau du Procureur.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Merci, Madame la

4 Présidente.

5 Madame, vous venez de nous décrire un viol collectif dont vous

6 avez été victime dans une maison située dans le quartier d’Aladza ? Vous

7 souvenez-vous dans quelle pièce ceci a eu lieu ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Dans la chambre à coucher.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Il n’y avait qu’une seule

10 chambre à coucher dans cette maison ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Dans quelle pièce se

13 trouvait DB à ce moment-là ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Dans la pièce qui était à côté de

15 la mienne, de celle où je me trouvais.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit qu’à la

17 fin, vers la fin, Zaga est entré dans la pièce ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, étiez-

20 vous habillée ou étiez-vous nue ?

21 Témoin 75 (interprétation). – J’étais nue.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A ce moment-là, avez-vous

23 été violée ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Par qui ?

Page 1421

1 Témoin 75 (interprétation). – Par Bane, celui qui venait du

2 Monténégro.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que Zaga a assisté

4 à cela ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il a dit quoi

7 que ce soit au sujet de ce qu’il a vu ainsi ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Non, il a seulement dit que je me

9 dépêche de me rhabiller pour que l’on puisse partir.

10 Témoin 75 (interprétation). – Comment êtes-vous retournée à la

11 salle de sport Partizan ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Il nous y ramenées dans la même

13 voiture.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous de

15 quelle automobile il s’agissait ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Il s’agissait d’une Lada Neva, une

17 voiture rouge.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous

19 combien de temps en tout vous avez passé dans cette maison, ce soir-là ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Je crois que j’y suis restée de

21 19 heures à 1 heure ou 2 heures du matin.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous de la

23 durée de ce viol collectif ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Cela a duré environ pendant tout

25 le temps, sauf la période de temps qu’ils ont passée à boire et à manger.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Savez-vous ce qu’il est

2 arrivé à DB pendant que vous-même étiez soumise à ce viol collectif ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Je ne sais pas.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ces soldats dont vous

5 nous avez donné les noms et les surnoms, est-ce qu’ils appartenaient à un

6 même groupe de soldats ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que ce groupe,

9 cette unité portait un nom ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Je ne sais pas. Tout ce que je

11 sais, c’est que leur chef était Dragomir Kunarac, alias Zaga.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment saviez-vous que

13 c’était lui le chef de ce groupe ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Parce que c’est lui qui commandait

15 et qui faisait toujours tout en premier. C’est lui qui venait nous

16 chercher à la salle Partizan, c’est lui qui nous y ramenait.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous entendu des

18 soldats s’adresser à lui comme s’il était leur chef ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment avez-vous

21 découvert, appris son surnom Zaga ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien au début, la première

23 fois, on n’a pas vraiment compris à ce moment-là que son surnom était

24 Zaga. Mais quand on est retournées à la salle de sport Partizan, ils nous

25 ont demandé où est-ce qu’on était allées et on a dit : « Motarkan Zaga ».

Page 1423

1 Cela veut dire la même chose. Quand il est venu nous chercher, pour la

2 deuxième fois, on avait entre-temps appris quel était son véritable nom et

3 son surnom.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez

5 entendu ces soldats s’adresser à lui en l’appelant Zaga ou Kunarac ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Zaga.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et comment se fait-il que

8 vous ayez appris quel était son nom de famille ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas bien.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment avez-vous appris

11 les surnoms des autres soldats ou leur nom, le cas échéant ?

12 Témoin 75 (interprétation). – C’est parce qu’ils

13 s’interpellaient, ils se parlaient en utilisant ces noms. Donc c’est comme

14 cela que j’ai pu savoir qui était qui. Il y en avait beaucoup qui se

15 présentaient, qui nous disaient comment ils s’appelaient ; et beaucoup

16 nous ont demandé si on voulait aller à Niksic au Monténégro avec eux.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous qui

18 vous a dit pour la première fois que son surnom était Zaga ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne me souviens pas.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous nous décrire

21 cet homme ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Il est grand, il était assez

23 mince, il était laid. Il avait des cheveux un peu bouclés. Je sais que

24 chaque fois que j’étais face à lui, je n’osais pas le regarder, parce

25 qu’il était assez terrifiant.

Page 1424

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Le connaissiez-vous déjà

2 avant la guerre ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Non, je n’avais jamais entendu

4 parler de lui.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – La personne que vous

6 venez de me décrire est ce Zaga. Je voudrais vous demander, en regardant

7 dans ce prétoire, si vous voyez cette personne ici aujourd’hui, dans ce

8 prétoire ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous indiquer du

11 doigt ou plutôt, pouvez-vous plutôt me dire où se trouve cette personne en

12 me disant où elle est assise et quelle est sa tenue vestimentaire ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Il se trouve assis… c’est celui

14 qui est assis vers moi ; il porte un costume sombre.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous me dire de

16 quelle couleur est sa cravate ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Violette, couleur lilas.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je voudrais signaler pour

19 le compte-rendu que le témoin a indiqué l’accusé Dragoljub Kunarac.

20 Mme la Présidente (interprétation). – Bien.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez décrit

22 également une personne qui était présente lors de votre arrestation le

23 3 juillet 1992. Vous avez dit qu’il s’agissait de Klamfa ou Radomir Kovac.

24 Pouvez-vous, s’il vous plaît, regarder les personnes présentes dans ce

25 prétoire et nous dire si cet homme s’y trouve ?

Page 1425

1 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous me dire où il

3 est assis ?

4 Témoin 75 (interprétation). – C’est le deuxième à côté de Zaga,

5 de Kunarac.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quelle est sa tenue

7 vestimentaire ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Je ne vois pas très bien. Est-ce

9 que je peux me lever pour voir ? Il porte une chemise bleue, un costume

10 gris ; je n’arrive pas bien à voir sa cravate.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pour le compte-rendu, je

12 souhaite signaler que le témoin a ainsi décrit l’accusé Radomir Kovac.

13 Mme la Présidente (interprétation). – Bien.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez décrit un homme

15 que vous avez vu à Buk Bijela et que vous avez dit s’appeler Zoran

16 Vukovic. Voyez-vous cet homme aujourd’hui dans le prétoire ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous me dire où il

19 est assis ?

20 Témoin 75 (interprétation). – C’est le troisième homme assis à

21 côté des deux autres.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Madame la Présidente,

23 Messieurs les Juges, le témoin indique l’accusé Zoran Vukovic.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous me dire à

25 quelle fréquence on venait vous chercher pour vous emmener dans cette

Page 1426

1 maison située dans le quartier Aladza.

2 Témoin 75 (interprétation). – Deux fois.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous avez parlé de

4 la première fois. Pouvez-vous nous parler de la deuxième fois où l’on vous

5 a emmenée dans cette maison ?

6 Témoin 75 (interprétation). – C’était quelques jours plus tard.

7 Dragomir Kunarac, Dragan, a envoyé une femme, une journaliste qui était

8 soi-disant une journaliste de la chaîne S de Pale à la salle Partizan. Il

9 lui a dit de se présenter comme une journaliste venant de Sarajevo. Elle

10 est venue et s’est présentée comme appartenant à une chaîne de télévision

11 de Sarajevo. Elle a demandé aux femmes de raconter ce qui leur était

12 arrivé pendant toutes ces journées.

13 J’ai dit : « Est-il vraiment possible qu’une journaliste puisse

14 venir ici de Radio Sarajevo ? » A ce moment-là, elle nous a dit qu’elle

15 n’était pas journaliste de Sarajevo mais de Pale. Je lui ai dit :

16 « Pourquoi ne pas nous le dire ? Je savais très bien qu’il n’était pas

17 possible pour une journaliste de Sarajevo de venir ici. »

18 A ce moment-là, elle a commencé à poser des questions sur ce qui

19 nous était arrivé. J’étais étendue sur un des matelas de mousse avec un

20 jeune enfant de 3 ans. Elle est venue vers moi et m’a demandé ce qu’ils

21 m’avaient fait personnellement. Je lui ai dit qu’ils m’avaient tout fait,

22 sauf qu’ils ne m’avaient pas frappée.

23 Je savais que c’était Zaga qui avait organisé tout cela, que

24 c’était lui qui l’avait envoyée pour nous poser des questions afin de nous

25 créer encore plus d’ennuis ultérieurement.

Page 1427

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Sur la base de quels

2 faits affirmez-vous que c’est Zaga qui a envoyé cette femme vous

3 rencontrer ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, après son arrivée, après

5 qu’elle se soit entretenue avec nous ainsi à la salle de sport Partizan,

6 Zaga est venu avec son acolyte Gaga et a dit : « Celles qui sont si fortes

7 pour parler, elles n’ont qu’à venir et sortir avec moi. Je ne vais même

8 pas dire leur nom. Venez avec moi. » On a très bien su à qui il faisait

9 référence et une fois de plus, il nous a amenées dans la même maison, la

10 maison qui se situe dans le quartier d’Aladza.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je vais vous demander

12 d’examiner la liste qui se trouve devant vous et de me dire qui on a

13 emmené avec vous ce jour dans cette maison ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien oui : DB, le n° 87, le

15 n° 50 et moi-même.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous

17 comment on vous a emmenées là-bas dans cette maison ?

18 Témoin 75 (interprétation). – On nous a emmenées en voiture, je

19 n’arrive pas à me souvenir quelle était la marque de cette voiture.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous quel

21 jour c’était et à quel moment de la journée ?

22 Témoin 75 (interprétation). – C’était le 2 août 1992 et il

23 faisait déjà nuit. Il devait être peut-être 19 heures ou 20 heures parce

24 que c’est généralement vers cette heure-là qu’ils venaient à la salle de

25 sport Partizan.

Page 1428

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cette fois-là, avez-vous

2 encore été violée ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous, s’il vous

5 plaît, donner les détails relatifs à ce viol ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Comme je l’ai déjà dit, Zaga et

7 Gaga nous ont donc emmenées jusqu’à cette maison située dans le quartier

8 d’Aladza, et ils nous ont laissées là. Il y avait un groupe de soldats, de

9 Chetniks et de Monténégrins. Nous sommes entrés dans cette pièce, il y

10 avait déjà trois autres jeunes filles qui s’y trouvaient.

11 Tout d’abord, je n’ai pas su qui elles étaient ni d’où elles

12 venaient. Mais ensuite, en parlant avec elle, j’ai découvert qu’elle

13 devenait de Gacko, qu’elles avaient été arrêtées à Kalinovik où elles

14 étaient retenues prisonnières dans l’école, là-bas. Zaga et ces

15 Monténégrins les avaient amenées à la maison où nous nous trouvions.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je vais vous demander de

17 vous reporter une fois de plus à la liste qui se trouve sous vos yeux et

18 de nous donner le pseudonyme, le numéro de ces jeunes filles, ou les

19 initiales, le cas échéant.

20 Témoin 75 (interprétation). – Une seule de ces jeunes filles

21 figure sur la liste que j’ai sous les yeux. Après, je la connaissais assez

22 bien, c’est le n° 190.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Sans nous donner de nom,

24 je voudrais juste que vous nous disiez si vous connaissez le nom des deux

25 autres jeunes filles qui venaient de Gacko ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Je crois que je connais le nom de

2 l’une d’entre elles, mais je n’ai jamais su le nom de l’autre parce qu’on

3 l’a emmenée avant que je n’ai eu la possibilité de le faire.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je voudrais que

5 l’huissier donne au témoin une feuille de papier sur laquelle elle pourra

6 inscrire ce nom.

7 (Le témoin inscrit le nom sur la feuille de papier.)

8 Mlle Lauer. – Ce document sera coté 190 des pièces du Procureur.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cette nuit-là, est-ce que

10 vous avez vu parmi les femmes qui se trouvaient là une femme enceinte ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui. C’est celle dont je viens de

12 parler, elle était enceinte de 8 mois.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – En dehors de ces trois

14 jeunes filles que vous avez mentionnées, est-ce que vous avez vu d’autres

15 femmes ou d’autres jeunes filles cette même nuit, dans cette maison ?

16 Témoin 75 (interprétation). – En dehors de nous quatre et de ces

17 trois jeunes filles ou femmes qui se trouvaient déjà là, je n’en ai pas

18 vues d’autres, non.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous avez dit que

20 vous avez été violée dans cette maison. Pouvez-vous nous dire qui vous a

21 violée, et combien de fois ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Pendant la nuit que j’ai passée

23 là, c’est Durko Dubljevic qui m’a violée, il était du Monténégro.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que quelqu’un

25 d’autre vous a violée ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Oui Kontic, surnommé Konta, et

2 Rado Radulovic qui lui aussi était du Monténégro. En fait, les deux hommes

3 dont je viens de parler étaient du Monténégro.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment avez-vous été

5 violée ? Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Durko Dubljevic m’a enfermée dans

7 une pièce avec lui. Il a refusé de laisser qui que ce soit d’autre dans

8 cette pièce, et il a refusé de me laisser partir. Toutes les 10 minutes,

9 pendant toute cette nuit, il m’a violée.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y a eu

11 pénétration vaginale de sa part ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et pénétration annale ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y a eu

16 fellation ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Les deux autres hommes

19 que vous avez mentionnés, quand vous ont-ils violée ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Le matin, le matin à l’aube, au

21 petit matin.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’ils vous ont

23 violée en même temps, ou l’un après l’autre ?

24 Témoin 75 (interprétation). – L’un après l’autre, et Gaga aussi.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand Gaga vous a-t-il

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1 violée ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Le matin.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous dites le matin.

4 Est-ce qu’il faisait déjà jour ? Est-ce que vous pouvez dire à peu près

5 quelle heure il était ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Je ne peux pas vous dire

7 exactement quelle heure il était parce que je n’avais pas de montre, mais

8 en tout cas il faisait jour. C’était dans la matinée.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez pu

10 voir que, pendant cette même nuit, d’autres jeunes filles étaient

11 violées ? L’avez-vous vu ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’est-ce que vous avez

14 vu ?

15 Témoin 75 (interprétation). – J’ai vu le n° 87 dans la voiture,

16 pas dans la maison, dans la voiture. Bane l’a violée.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous voulez dire qu’il

18 l’a violait dans la voiture ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Au moment où on vous

21 amenait à la maison ? A quel moment ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Non, non. Cette nuit-là, pendant

23 qu’on était dans la maison, il l’a emmenée dans la voiture et il l’a

24 violée dans la voiture.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’avez-vous vu

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1 exactement ? Avez-vous vu quand il l’a violait dans la voiture, ou bien

2 avez-vous simplement vu le moment où il l’a emmenée dans la voiture ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Non, j’ai vu qu’elle était dans la

4 voiture avec lui. Parce que d’abord, Gaga m’a obligée à descendre au sous-

5 sol ; et en descendant les escaliers, j’ai vu que la personne portant le

6 n° 87 se trouvait dans la voiture avec Bane. Ensuite, elle m’a dit elle-

7 même qu’elle avait été violée dans la voiture.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé de Gaga à

9 l’instant. Est-ce que cela veut dire que l’incident dont vous nous parlez

10 s’est produit le matin ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous pu voir ce qui

13 est arrivé aux jeunes filles venant de Gacko ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Gica Vasiljevic de Brod est venu

15 cette nuit-là, il n’est pas reparti avec une jeune fille, celle dont je ne

16 connais pas le nom, mais il est reparti également avec la personne qui

17 porte le n° 50.

18 Dans la maison, il y avait DB, le n° 87, la personne portant les

19 n° 190, et moi-même. Nous, nous sommes restées dans la maison. Donc,

20 pendant cette nuit-là, alors que nous étions dans la pièce, à minuit moins

21 20, la mosquée d’Aladza a explosé. Et je le sais parce que, sous le

22 souffle de l’explosion, toutes les vitres ont explosé, et certains murs

23 se sont effondrés également.

24 Les Monténégrins se sont plaints, ils ont dit : « Mais pourquoi

25 ne nous a-t-on pas prévenus à l’avance ? », parce que Brane a été coupé par

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1 l’explosion des fenêtres.

2 Quand cela s’est donc produit, cela les a fait sursauter. Ils

3 ont commencé à hurler à la fenêtre, en jurant parce qu’on ne les avait pas

4 prévenus qu’il y aurait une telle explosion à ce moment-là.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Mais comment pouvez-vous

6 être aussi sûre de l’heure à laquelle s’est produite cette explosion ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Parce que j’ai regardé l’horloge à

8 ce moment-là. Cela m’intéressait de savoir à quelle heure cela s’était

9 produit.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous nous avez dit que la

11 personne portant le n° 50 et la personne enceinte ont été emmenées par

12 Gica. Est-ce que vous vous souvenez du moment où cela s’est passé, au

13 début de la soirée ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Non, non la femme enceinte est

15 restée là, mais c’est l’autre dont je ne sais pas le nom qui a été emmenée

16 par Gica.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand cela s’est-il

18 produit ? Est-ce que c’est au moment où vous êtes arrivée dans la maison

19 ou plus tard dans la soirée, dans la nuit ?

20 Témoin 75 (interprétation). – C’était pendant la nuit parce que

21 nous étions encore tous, là, dans la maison au moment où il y a eu

22 l’explosion dans la mosquée.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez vu

24 Zaga cette même nuit, après qu’il vous a emmenée dans la maison ? Est-ce

25 que vous l’avez vu ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Non.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous êtes arrivée

3 dans cette maison, où exactement êtes-vous allée, dans quelle pièce ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Dans la cuisine, c’est ainsi qu’il

5 appelait cette pièce : la cuisine. Elle était de l’autre côté du couloir

6 en face de la chambre à coucher.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous étiez dans la

8 cuisine, est-ce qu’il vous était possible de voir ce qui se passait dans

9 les autres pièces ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Non.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et quand vous-même vous

12 avez été violée, dans quelle pièce cela s’est-il passé ? Est-ce que c’est

13 dans la même pièce où avait eu lieu le viol collectif ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Non. C’était dans une autre pièce,

15 sur le divan.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et au moment où vous

17 étiez dans cette pièce, est-ce que vous étiez en mesure de voir ce qui se

18 passait dans d’autres pièces ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Non.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’est-ce qu’il s’est

21 passé le lendemain matin ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Le lendemain matin, c’est

23 Dragan Stankovic, surnommé Dragec, qui est venu, ainsi que Stjepo, et je

24 pense qu’il y avait Miga également avec eux. Ils nous ont rassemblées,

25 nous étions quatre filles. Ils nous ont emmenées de cet immeuble par une

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1 voiture, la petite Fiat, ils nous ont donc fait monter dans cette Fiat.

2 Dehors, il y avait beaucoup de soldats ; il y avait Zaga, Gaga

3 et les autres. Ils nous ont vu monter dans la voiture avec les trois

4 hommes, dont j’ai cité les noms. Ils ont demandé à ce qu’ils nous ramènent

5 à la maison, de nouveau à l’intérieur. Nous sommes donc rentrées à la

6 maison. Zaga nous a dit qu’il fallait aller à Miljevina parce que nous

7 parlions bien et que nous allions faire face à une journaliste. De toute

8 façon, ils allaient nous laisser descendre la rivière de la Drina. Ce sont

9 des gens qui sont pires que des gens de Foca.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé de

11 Pero Elez ? Qui est-ce ?

12 Témoin 75 (interprétation). – C’est un Chetnik.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment savez-vous son

14 nom ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Ce n’est que plus tard que j’ai

16 connu cet homme parce que j’ai passé dans sa maison trois mois.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous vous

18 souvenez dans quelle voiture Zaga vous a emmenée à Miljevina ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Je me souviens que c’était une

20 voiture, une voiture assez vieille. Je pense que c’était une Fiat, mais on

21 appelait chez nous cela « Pezeac », ou c’était peut-être une Lada. Je ne

22 suis vraiment pas sûre. Je sais que c’était une voiture assez vieille.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui était dans la

24 voiture ? Combien de filles et combien d’hommes y avait-il ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Il n’y avait que Zaga qui était

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1 avec nous et qui nous amenait, alors que du côté des filles, il y avait

2 DB, 87, 190 et moi-même.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où vous a-t-on emmenées à

4 Miljevina ?

5 Témoin 75 (interprétation). – On nous a d’abord emmenées devant

6 un café. Il y avait beaucoup de soldats qui étaient assis sur la terrasse

7 de ce café, ils buvaient et ils mangeaient. Ils nous ont demandé de nous

8 asseoir, de manger et de boire. Mais aucune de nous ne mangeait, on ne

9 pouvait pas véritablement manger. D’abord, Zaga nous a fait tellement peur

10 que moi je perdais le souffle. Je ne pouvais même pas respirer et encore

11 moins manger.

12 Nous attendions tout simplement cette journaliste, car il en a

13 parlé, et il fallait soi-disant faire face et voir si éventuellement on

14 avait dit des choses vraies ou si on avait menti, etc. Puis il a dit,

15 comme je l’ai dit, qu’ils allaient nous attacher sur une planche et nous

16 faire descendre par la rivière de la Drina. C’est ce qu’il nous a promis

17 et nous avions peur. Ils ont commencé à nous provoquer, ils ont dit

18 n’importe quoi sur notre compte. Il y en a un qui a dit : « Vous ne voyez

19 pas que, pratiquement, elle est à la fin de ses jours. Je peux la tuer

20 plus tôt. ».

21 Je n’ai pas osé regarder ; je ne savais pas de qui il parlait.

22 Il y avait Misko Savic, un Monténégrin qui était dans le groupe. Il nous a

23 emmenées dans la maison de Nusret Karaman. C’était à Miljevina.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – La jeune fille dont on a

25 parlé et à propos de laquelle on a dit qu’elle était pratiquement à la fin

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1 de ses jours, est-ce à vous qu’il pensait ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Je vais demander l’aide

4 de l’huissier pour montrer les deux photographies au témoin. C’est la

5 pièce à conviction 11 et les photographies 1359 et 1358.

6 (La greffière montre les deux photographies.)

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Il s’agit

8 d’agrandissements des photographies qui sont déjà rangées dans le

9 classeur.

10 La maison que vous voyez sur cette photographie… Est-ce 59 ou

11 58 ? Je pose la question à l’huissier.

12 Mlle Lauer. – Je pense que c’est marqué 55.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Excusez-moi. Je pense

14 avoir commis une erreur. C’est donc 55 et non pas 58 et 59 dont j’ai

15 parlé. On va d’abord voir la photographie 55. Pouvez-vous nous dire,

16 madame le Témoin, ce que vous voyez sur la photographie ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Je vois la maison particulière où

18 j’ai été.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – C’était la maison de

20 Karaman ?

21 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Monsieur l’huissier,

23 pourriez-vous montrer l’autre photographie au témoin et surtout vérifier

24 le numéro de la photo car j’ai commis une erreur en donnant les numéros ?

25 Je n’avais pas mes lunettes. Est-ce bien la même maison ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Merci. La maison de

3 Karaman, comment saviez-vous qu’il en était le propriétaire ?

4 Témoin 75 (interprétation). – J’ai passé trois mois dans cette

5 maison ; je ne pouvais pas ne pas le savoir. Je l’ai appris.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Mais qui vous l’a dit ?

7 Témoin 75 (interprétation). – C’est le frère de cette dame qui

8 répondait au nom de Karaman qui me l’a dit. Il avait sa maison qui n’était

9 pas très loin par rapport à la maison où j’étais enfermée. Il était resté

10 dans sa propre maison avec sa famille. Les Serbes le protégeaient. Si

11 jamais par exemple ils avaient besoin de lui, ils le prenaient. Ils lui

12 demandaient de marcher devant le camion pour que si jamais il tombe sur

13 les champs de mines, que ce soit lui et non pas ceux dans le camion. C’est

14 ce monsieur qui nous apportait de la nourriture.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Au moment où vous vous

16 êtes rendues dans cette maison, qui était dans la maison ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Au moment où nous sommes arrivées

18 à la maison, nous avons rencontré deux filles. Je pense que c’était la

19 fille de Karaman et une autre jeune fille. Mais je ne les connaissais pas.

20 C’étaient les copines de cette fille n° 87 et puis, à l’entrée, nous avons

21 également rencontré Zaga. C’est deux jeunes filles ont été emmenées par

22 Zaga. Je ne sais pas où.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Y avait-il des soldats à

24 la maison, outre Zaga ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Auriez-vous l’amabilité

2 de nous dire qui était sur place ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Il y avait Radovan Stankovic,

4 Rasco, Nedzo Samardzic et Nikola Brcic, surnommé Rodzo. Il y avait une

5 jeune fille de Gacko, -excusez-moi- de Kalinovik. Je n’ai pas ici son nom

6 sur la liste.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous êtes restée combien

8 de temps à la maison ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Trois mois.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Au cours de cette période

11 que vous avez passée dans cette maison, on a abusé de vous sexuellement ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous nous dire

14 quelques détails à ce sujet-là ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Tout premièrement, ce commandant

16 -ils l’appelaient comme cela-, Pero Elez, surnommé Gingilo, ce qu’il avait

17 pour intention et pour objectif, c’est que ce soit lui le premier à

18 violer, que ce soit une mineure ou pas, l’important pour lui était que ce

19 soit lui le premier, notamment quand c’était une mineure.

20 Au début, le n° 87 et moi-même, nous étions tellement épuisées

21 de ce qui s’est passé à Foca, il nous a dit qu’il serait seul avec nous-

22 mêmes et qu’il allait nous garder pour lui-même, que plus personne ne

23 pourrait nous violer, qu’il serait le seul. Je parle de Pero Elez. Il l’a

24 dit comme cela, mais ce n’était pas vrai !

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Il vous a violée, Pero

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1 Elez ?

2 Témoin 75 (interprétation). – A plusieurs reprises. Oui. Dans le

3 même lit, ensemble, avec le n°87.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que d’autres

5 soldats également vous ont violée pendant que vous étiez dans cette

6 maison ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Oui. Quand nous sommes

9 rentrées pour la première fois dans cette maison, on nous a demandé de

10 montrer au premier étage. Il y avait une chambre qui avait été arrangée.

11 On nous a fait entrer. On nous a demandé d’abord de faire le ménage dans

12 une autre pièce, de placer les matelas en mousse pour pouvoir dormir.

13 Ensuite, Nikola Brcic Rodzo est venu ; il m’a fait entrer de force dans

14 cette pièce qui avait déjà été arrangée, aménagée et c’est lui qui a été

15 le premier à me violer.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que d’autres

17 également personnes vous ont violée ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Oui. Nedzo Samardzic, Zoran

19 Samardzic, Misko Savic. Et puis, il y avait un certain nombre d’autres que

20 je ne connaissais pas et qui ont été emmenées par les Monténégrins parce

21 qu’il n’y avait pas de bière à Foca. C’est du Monténégro qu’on emmenait de

22 la bière et de Miljevina qu’on ramenait du charbon. On transportait le

23 charbon en direction du Monténégro.

24 Pero nous a donc envoyées ces gens-là. Nous étions obligées de

25 préparer de la cuisine, de leur préparer le dîner, de leur servir tout

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1 cela, à boire, à manger. Une fois, quand ils étaient rassasiés de tout,

2 ils ont indiqué les jeunes filles qui devaient les suivre et les

3 violaient.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A part vous quatre et

5 cette jeune fille dont vous avez parlé et qui était sur place au moment où

6 vous êtes arrivée, y avait-il d’autres filles qui étaient dans la maison ?

7 Mais je vais vous demander de ne pas prononcer leur nom, vous allez

8 regarder juste la liste et vous nous direz quels sont les numéros qui

9 correspondent.

10 Témoin 75 (interprétation). – C’est 132. Ensuite les

11 initiales AB, ensuite les initiales AS.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il y avait une

13 autre jeune fille dont le nom ne figure pas sur la liste ? Si c’est le

14 cas, je vous prie de ne pas prononcer son nom. Mais si vous voulez bien

15 inscrire son nom sur un bout de papier que l’huissier va vous présenter ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Vous voulez que je vous donne le

17 nom et le prénom ?

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Si vous le connaissez,

19 bien évidemment.

20 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

21 (Le témoin inscrit le nom et le prénom.)

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Madame la Présidente,

23 Messieurs les Juges, juste pour donner quelques explications au sujet du

24 nom et du prénom qui sont marqués, cela correspond aux initiales JG.

25 Madame le Témoin, comme il s’agit de ce nom que vous avez

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1 inscrit, j’aimerais que vous le marquiez comme JG.

2 Mlle Lauer. – (Hors micro)

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand JG est-elle arrivée

4 à la maison ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Je pense quatre ou cinq jours

6 après notre arrivée à la maison.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous vous

8 souvenez qui l’avait emmenée à la maison ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Je pense que c’est Misko Savic qui

10 l’a emmenée.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand cette personne dont

12 le nom correspond au 132 est-elle arrivée à la maison ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Mais moi, je suis restée assez

14 longtemps dans cette maison. Peut-être un mois, un mois et demi après mon

15 arrivée dans cette maison, c’est la personne AB qui est arrivée. Ensuite,

16 on l’a ramenée avec une autre jeune fille, elles ont passé deux nuits à la

17 maison, et ensuite, on les a ramenées chez elles.

18 Et ils ont rassemblé toutes les jeunes filles, toutes les femmes

19 de Miljevina, les enfants également. Quand ils les ont pratiquement

20 escortées jusqu’à Foca, c’est Radovan Stankovic qu’il l’a fait sortir du

21 car, il a fait sortir du car cette personne AB, et il l’a acheminée

22 jusqu’à chez nous, dans cette maison de Karaman. Alors que la personne

23 dont le nom correspond à 132 est arrivée plus tard. Elle n’a pas été

24 touchée sur place.

25 Mme la Présidente (interprétation). – Excusez-moi, madame.

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1 Maître Kolesar, je pense que vous voulez dire quelque chose ?

2 M. Kolesar (interprétation). – Est-ce que mon client peut sortir

3 du prétoire ? Il a besoin de sortir aux toilettes.

4 Mme la Présidente (interprétation). – Oui, je vous en prie,

5 laissez-le sortir.

6 (L’accusé Kovac sort et revient dans le prétoire.)

7 Je vous en prie, vous pouvez continuer, Maître.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’est-ce qui s’est passé

9 avec la personne AS ? Vous en aviez parlé. Vous avez dit que son nom ne

10 figurait pas sur la liste. A quel moment est-elle arrivée ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Vous parlez de AB et de AS, les

12 deux sont arrivées en même temps. C’est Radovan Stankovic qui les a fait

13 descendre du car et les a emmenées chez nous. C’est Pero qui lui a ordonné

14 d’emmener ces deux jeunes filles AS, AB.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le savez-vous ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Mais je le sais, eux-mêmes se

17 racontaient entre eux. Pendant trois mois, Radovan Stankovic est resté

18 avec nous le plus de temps. Nikola Brcic, Nedzo Samardzic, ces trois

19 hommes pratiquement passaient chaque nuit avec nous.

20 Mais ils nous l’ont dit : « Quand on aura plus besoin de vous,on

21 va vous tuer. »‘ C’est la raison pour laquelle ils pouvaient bien dire

22 n’importe quoi parce qu’ils étaient pratiquement sûrs que personne

23 n’allait s’en sortir et que personne ne puisse venir un jour et dire quoi

24 que ce soit à leur égard et raconter le destin et les épreuves qu’il a

25 passées.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez eu

2 l’idée de vous enfuir à un moment donné ou à un autre ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez

5 essayé ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Non, car on ne savait pas où et on

7 ne savait pas comment. Cette nuit-là, il y avait des tirs assez violents

8 qu’on avait entendus à Miljevina. Par la suite, j’ai appris que c’étaient

9 nos civils qui s’enfuyaient de Tjentiste et qu’ils se retiraient vers

10 Igman et Grebak.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment l’avez vous

12 appris ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Chaque fois qu’ils retournaient à

14 la maison, ils racontaient. Ils disaient également combien d’entre eux

15 avaient été tués, combien ont réussi à s’échapper, etc.

16 Donc ils se racontaient parce qu’ils n’ont absolument rien

17 caché. A partir du moment où ils étaient à la maison, ils parlaient

18 ouvertement. Ils disaient où ils allaient, ce qu’ils faisaient. Ce qui

19 était très dur pour moi, c’était surtout de laver leurs uniformes,

20 uniformes qui étaient ensanglantés. Car malheureusement je savais que,

21 entre autres, il y avait également l’uniforme de mon frère. J’étais bien

22 obligée de laver le sang de mon frère.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous vous

24 souvenez quel âge avait la jeune fille AB à l’époque des événements ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Douze ans.

Page 1445

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Toutes les filles dont

2 vous avez parlé et qui étaient avec vous dans cette maison, toutes les

3 jeunes filles ont été violées ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que l’un de vous

6 était là-bas bénévolement ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Non.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez vu

9 un jour ou l’autre Zaga qui se rendait à la maison de Karaman ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de fois l’avez-

12 vous vu ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Deux ou trois fois. D’abord, il

14 demandait qu’on prépare de la viande pour lui, et ensuite, il montait. Il

15 demandait également qu’on lui prépare le pain. Il disait : « Je suis venu

16 pour manger du pain ».

17 Une fois, il est arrivé, il était fracturé de partout, il était

18 plâtré, soi-disant il avait eu un accident de la circulation, la question

19 qu’il a posée : « Qui de vous pensait du mal sur moi ? C’est probablement à

20 cause de cela que cet accident m’est arrivé ». J’avais l’intention de lui

21 dire que c’était moi, mais je n’ai pas osé.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Au moment où il se

23 rendait à la maison, est-ce qu’il avait agressé quelqu’un à la maison ?

24 Est-ce qu’il avait abusé sexuellement de quelqu’un ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Je ne suis pas sûre.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’il avait emmené

2 une des jeunes filles au deuxième étage dans une autre pièce ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Je ne suis pas sûre. Je pense

4 qu’il avait éventuellement pris la jeune fille DB ou éventuellement le

5 n° 87. Je ne me souviens pas exactement.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous vous

7 souvenez à quel moment cela s’est passé ?

8 Témoin 75 (interprétation). – C’est la première fois, quand il

9 est venu pour la première fois.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – C’était au moment où il a

11 été plâtré ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Non.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez vu

14 Gaga à la maison ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non. Mais c’est plus tard que j’ai

16 appris qu’ils l’ont tué à Miljevina, car il avait demandé qu’on nous

17 ramène à Foca, alors que les hommes de Pero ne l’ont pas permis. Il y

18 avait donc un petit conflit, un malentendu. C’est comme cela qu’ils l’ont

19 tué à Miljevina. Nous avons été soulagées quand nous l’avons appris.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Et comment l’avez-vous

21 appris ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Ce sont Radovan Stankovic et

23 Nikola Brcic qui l’ont dit. Ils ont raconté que Zaga et Gaga nous ont

24 réclamées, qu’ils voulaient qu’on nous ramène à Foca. Ils se sont

25 disputés. Ils ont commencé à tirer, et c’est à cette occasion-là que Gaga

Page 1447

1 a été tué.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand est-ce que vous

3 avez quitté la maison de Karaman ?

4 Témoin 75 (interprétation). – Nous avons quitté cette maison le

5 30 octobre 1992.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui vous a emmenées ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Ce jour-là, Gojko Jankovic,

8 Janko Janjic et Dragan Zelenovic sont venus à la maison. Avant il y avait

9 un homme Cicmil qui soi-disant était enseignant dans une école, et c’est

10 lui qui nous a baptisées. Il nous a donné des noms serbes, il nous a dit

11 que nous étions des Serbes à partir de ce moment-là.

12 Et bien évidemment, à ce moment-là, je ne savais pas comment

13 faire le signe de la croix et puis il était fâché après moi. Il m’a dit

14 qu’il allait me couper la main parce que je ne savais pas faire le signe

15 de la croix. C’est ce jour-là que Gojko Jankovic, Zelenovic et Tuta sont

16 arrivés à la maison. Il y avait Pero qui était également sur place. On

17 nous a mises à part, nous quatre, et on nous a emmenées à Foca.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous dites « quatre », qui

19 parmi les quatre ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Les n° 87, AB, AS et moi-même.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous ont-ils dit pourquoi

22 ils voulaient vous emmener ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’ont-ils dit ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Ils nous ont dit qu’ils devaient

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1 nous envoyer à Foca puisqu’ils ne pouvaient plus nous nourrir. Ils

2 n’avaient plus de nourriture. Ils ont dit que nous devions par conséquent

3 partir à Foca.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où vous a-t-on emmenées à

5 Foca ? À quel endroit ?

6 Témoin 75 (interprétation). – On nous a emmenées dans un

7 appartement, dans le quartier que l’on appelait Ribarsko, le quartier des

8 pêcheurs.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous été violée

10 aussi dans cet appartement ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand cela s’est-il

13 produit ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, cette nuit, la même nuit

15 où nous sommes arrivées à cet endroit, je ne me souviens plus de l’heure

16 exacte. En tout cas, au cours de la nuit.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui vous a violée à cette

18 occasion ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Tuta.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – En ce qui concerne les

21 autres jeunes femmes que vous avez mentionnées, ont-elles aussi été

22 violées ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Zelenovic a violé le n° 87 et

24 Gojko Jankovic a violé la personne qui porte le pseudonyme AB. Auparavant,

25 il nous a forcé à nettoyer la salle de bain, à remplir la baignoire avec

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1 de l’eau et c’est là qu’il s’est enfermé avec cette jeune fille dans la

2 salle de bain.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Etes-vous restées un

4 certain temps dans cet appartement ou avez-vous été emmenées ailleurs ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Nous avons passé la nuit dans cet

6 endroit et le lendemain après-midi, Radomir Kovac appelé Klamfa est venu,

7 ainsi que Jagos Kotic, appelé Jada. Ils nous ont emmenées dans l’immeuble

8 Brena, au quatrième étage dans un appartement. C’était un appartement qui

9 auparavant appartenait à un Musulman, mais Kovac a pris cet appartement et

10 il a écrit avec un feutre « Klamfa ». Ainsi, on savait que, lui, il habitait

11 dans cet appartement.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avec l’aide de

13 l’huissier, je souhaiterais présenter une photographie au témoin. Il

14 s’agit de la pièce à conviction 11 et la photo porte la cote 7401.

15 Pourriez-vous placer autrement cette photographie ? Merci.

16 Témoin, reconnaissez-vous cet immeuble ?

17 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qu’est-ce que c’est ?

19 Est-ce bien cet immeuble ?

20 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous voulez dire

22 l’immeuble qu’on appelait Brena ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – L’appartement dont vous

25 venez de parler, l’appartement de Klamfa, se trouve-t-il dans cette partie

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1 de l’immeuble que l’on voit sur la photographie ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui, en effet. Au quatrième étage,

3 c’est à peu près là. Cet appartement se trouvait au quatrième étage.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avant que l’on vous amène

5 à cet endroit, vous a-t-on expliqué pourquoi vous deviez être amenées à

6 cet endroit et ce qui allait vous arriver ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Klamfa nous avait clairement dit :

8 « On va vous emmener chez nous. Vous allez être protégées ». Mais ils

9 avaient tous dit cela. Ils s’étaient tous exprimés comme cela, gentiment

10 au début. Ils disaient que personne n’allait venir, qu’on n’allait pas

11 nous toucher, que nous allions passer un bon moment avant de pouvoir

12 sortir ou être libérées.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’à aucun moment

14 vous vous êtes senties protégées à cet endroit ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non, jamais.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment vous sentiez-vous

17 en réalité ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Comment ? J’avais peur, très peur,

19 tout le temps. J’étais toujours en état de choc. J’ai toujours attendu les

20 moments où ils allaient dire qu’ils allaient nous tuer. Je ne leur faisais

21 pas confiance. Jamais, quoi qu’ils disent, je ne leur ai jamais fait

22 confiance.

23 Car même avant la guerre, c’étaient des gens de peu de valeur.

24 Ils demandaient des cigarettes parce qu’ils ne pouvaient même pas

25 s’acheter des cigarettes. A partir du moment où ils ont eu des fusils, ils

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1 se sentaient grands. Klamfa n’avait pas de pain avant la guerre ; il

2 n’avait pas de quoi manger. J’ai appris beaucoup de choses sur son compte

3 plus tard.

4 Avec Dragan Ginic, c’étaient vraiment des gens de peu de valeur,

5 mais avec la guerre, quand ils ont eu des armes, ils se sont sentis

6 grands, puissants. Mais leur pouvoir, ils l’exerçaient, ils étaient

7 courageux sur des femmes et des enfants. C’est là qu’ils étaient

8 courageux.

9 Quand ils ont attrapé tous ces gens de mon village, des femmes,

10 des enfants, ils ont fait la fête, une grande fête. Car bien sûr, c’est

11 facile de tuer un être humain qui n’a pas d’arme. C’était cela leur

12 courage, le courage qu’ils exerçaient sur des gens qui n’avaient aucun

13 pouvoir.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avant que Klamfa et

15 Kostic ne vous emmènent, est-ce que Gojko Jankovic vous a dit ce qui

16 allait arriver ? Est-ce que vous avez vu Gojko et Klamfa en train de

17 discuter de votre sort ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Non. Quand nous nous sommes levées

19 le matin, Gojko et Tuta sont partis. Zelja est parti au cours de la nuit.

20 Il n’a même pas passé la nuit dans cet appartement. Ils sont partis et ont

21 dit que deux autres personnes allaient venir pour nous emmener ailleurs,

22 que nous allions être très bien à ce nouvel endroit et qu’on n’allait pas

23 nous toucher. Ils sont partis et ces deux nouveaux sont arrivés dans

24 l’après-midi.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de temps êtes-

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1 vous restées dans l’appartement de Klamfa ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien à peu près un mois, un

3 mois et demi, à peu près un mois dans son appartement à lui et ensuite, il

4 nous a données à des Serbes de Serbie. On est restées chez eux. Puis, on

5 est retournées chez lui. En tout cas, tout cela a dû durer un mois et demi

6 à peu près.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous dites « nous »,

8 vous pensez à d’autres jeunes filles ? Est-ce que vous pensez à toutes les

9 quatre, les quatre jeunes filles dont vous avez parlé ?

10 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pendant que vous étiez

12 dans l’appartement de Klamfa, étiez-vous agressée sexuellement ?

13 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Les autres jeunes femmes

15 ont-elles été agressées sexuellement elles aussi ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand étiez-vous violée

18 pour la première fois dans cet appartement et qui l’a fait ?

19 Témoin 75 (interprétation). – La première fois, j’ai été violée

20 par Klamfa dans son appartement.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cela s’est produit juste

22 après votre arrivée ou bien… ? Quand ?

23 Témoin 75 (interprétation). – Je pense que cela ne s’est pas

24 produit juste après. Je ne me souviens pas. Mais en tout cas, le lendemain

25 soir, oui.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous décrire ce

2 qu’il vous a fait exactement ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, il disait qu’il allait me

4 protéger, que je n’allais être qu’avec lui, qu’il n’allait amener personne

5 d’autre, que personne d’autre n’allait me violer. Ceci a duré peut-être

6 cinq ou six jours, une semaine, je ne sais plus exactement.

7 Ensuite, il s’est tourné vers d’autres jeunes filles : le n° 87

8 et le pseudonyme AB. Il a donc commencé à les violer, elles, et à amener

9 d’autres personnes pour me violer, moi. Si moi, si je n’acceptais pas

10 d’aller dans la chambre avec eux, il me giflait, il me tapait, me

11 demandant pourquoi je ne voulais pas aller dans la chambre avec eux.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand Klamfa vous a

13 violée, vous a-t-il pénétrée vaginalement ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Analement ?

16 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Oralement ? Vous a-t-il

18 forcée à faire une fellation ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Non.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de fois vous a-t-

21 il violée au cours de ces cinq ou six premiers jours ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Je pense que cela s’est produit

23 tous les soirs. Moi et le n° 85, il nous a violées dans un même lit, avec

24 la musique du Lac des cygnes. Il prenait manifestement du plaisir, il

25 m’avait dit : « Ecoute, j’ai tué ton frère. Qu’est-ce que tu peux me

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1 faire ? » C’est comme cela qu’il a dit. Mais moi je me suis dit, je l’ai

2 supporté. C’est tout.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous venez de dire 85, il

4 s’agit probablement d’une erreur.

5 Témoin 75 (interprétation). – Non, en effet, c’était le n° 87.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu Klamfa en

7 train de violer d’autres jeunes filles, à part vous et le n° 87 dont vous

8 venez de parler ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Je ne l’ai pas vu, mais je suis

10 certaine qu’il a aussi violé la jeune femme qui porte le pseudonyme AB.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que, après

12 un moment, il a commencé à amener d’autres hommes qui vous ont violée ?

13 Pouvez-vous dire qui c’était ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Une fois, il a amené Zoran

15 Vukovic. Il me l’a amené.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous souvenez-vous quand

17 cela s’est produit ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Je ne m’en souviens pas

19 exactement.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Cela s’est-il produit

21 avant que l’on vous livre aux soldats venant de Serbie ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand vous dites Zoran

24 Vukovic, quand Zoran Vukovic était venu vous voir, est-ce que c’est ce

25 même Zoran Vukovic que vous aviez vu avec votre oncle et le même Zoran

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1 Vukovic que vous avez identifié juste après la pause du déjeuner ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Pouvez-vous décrire ce

4 qui s’est produit exactement ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Il m’a enfermée avec lui dans la

6 cuisine. Nous étions assis, nous parlions « qui a été tué », « qui n’a pas

7 été tué ». C’est là qu’il a dit qu’il avait tué mon oncle, que soi-disant

8 il avait tenté de s’échapper en traversant la rivière de la Drina et que

9 c’est là qu’ils l’ont tué par un tir de mitraillette, par une rafale.

10 Mais je ne le crois pas, je pense qu’ils l’ont tout d’abord

11 égorgé et ensuite ils l’ont jeté dans la Drina. J’en suis sûre à 100 %.

12 Parce qu’il a tellement hurlé, crié à l’aide.

13 Lui, il pouvait raconter, car il avait ordonné à Branic de nous

14 tuer parce que nous étions là depuis assez longtemps. On savait beaucoup

15 de choses. On leur avait ordonné de ne pas nous laisser partir vivantes,

16 alors il pouvait raconter ce qu’il voulait.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Comment le savez-vous ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Je l’ai appris plus tard d’un

19 Serbe qui me l’a dit.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A cette occasion, quand

21 Zoran Vukovic est venu dans l’appartement de Klamfa, et quand vous étiez

22 ensemble, dans la cuisine, vous a-t-il agressée sexuellement, et si c’est

23 exact, de quelle façon ? Qu’a-t-il fait exactement ?

24 Témoin 75 (interprétation). – Il m’a d’abord forcée à -comment

25 dire ?- à l’exciter puisque, après tout ce que nous nous sommes dit, il

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1 avait du mal à obtenir une érection. Ensuite, il a sorti son pénis, et il

2 m’a forcé de le masturber pour être suffisamment excité pour être en

3 mesure de me violer.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Voulez-vous dire que vous

5 étiez obligé de prendre son pénis dans votre bouche ?

6 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand il a réussi à

8 obtenir, avoir une érection, vous a-t-il pénétrée vaginalement ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne m’en souviens pas.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avant que cela ne se

11 produise, l’avez-vous vu en train de discuter avec Klamfa ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit qu’il vous

14 a forcée à l’exciter. Que voulez-vous dire par le mot « il m’a forcée » ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Eh bien, il m’a forcée… Comment

16 expliquer cela ?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous a-t-il menacée,

18 menacée d’un fusil ou d’un pistolet ?

19 Témoin 75 (interprétation). – Non, il m’a dit après tout qu’il

20 n’arrivait pas avoir une érection et qu’il fallait que je le stimule

21 manuellement et oralement pour qu’il arrive en état où il pouvait me

22 violer.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Aviez-vous peur au moment

24 de ces événements ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

Page 1457

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez dit que vous

2 avez passé à peu près un mois dans l’appartement de Klamfa et que,

3 ensuite, on vous a emmenée vers un autre groupe de soldats. Comment cela

4 s’est-il produit ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Jadzic Vojkan est venu dans la

6 maison, il venait de Titovo Uzice, de la Serbie. Mais nous n’avions pas le

7 droit d’appeler cela Titovo Uzice, on devait l’appeler dorénavant Srpsko

8 Uzice. Il est donc venu et il m’a amenée Tarza, Slavo Ivanovic, et moi

9 j’ai refusé de me rendre dans la chambre avec eux.

10 C’est là qu’il m’a frappée, il m’a demandé pourquoi je ne

11 voulais pas y aller. Et donc il a envoyé AB. Cet enfant, qui avait 12 ans,

12 a donc été violée par un vieillard de 50 ans.

13 Après, Klamfa a amené Vojkan Radzic, un Serbe de Serbie, et il

14 m’a dit à moi et à AB que nous allions aller dans une maison, à côté d’un

15 hôtel, chez des Serbes de Serbie, que nous allions bien nous amuser là-

16 bas, que personne ne nous dérangerait, que nous n’avions rien d’autre à

17 faire que de nettoyer et de préparer les repas quand ils rentraient de

18 quelque part. Voilà, c’était à peu près tout.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que vous avez

20 jamais vu un des soldats payer Klamfa pour pouvoir vous agresser

21 sexuellement ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Oui, mais plus tard.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Mais, à l’époque où vous

24 étiez dans l’appartement de Klamfa, avez-vous remarqué de tels événements

25 ou quelque chose qui aurait pu vous faire penser que cela s’était

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1 effectivement produit ?

2 Témoin 75 (interprétation). – Non, je ne l’ai pas vu.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – A part les personnes que

4 vous venez de mentionner, dont vous dites qu’elles ont été violées dans

5 l’appartement de Klamfa, est-ce qu’il y a eu d’autres hommes qui vous ont

6 violées ?

7 Témoin 75 (interprétation). – Non, pas à cet endroit.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous avez parlé d’une

9 maison qui se trouvait à la proximité de l’hôtel. Qui vous a emmenées à

10 cet endroit ?

11 Témoin 75 (interprétation). – Il est Serbe, Jadzic Vojkan. On

12 l’appelait Jadza.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de temps avez-

14 vous passé à cet endroit ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Nous y sommes restées à peu près

16 15 jours.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous et AB ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Que s’est-il passé ?

20 Qu’est-ce qui vous est arrivé, à vous et à cette jeune fille, dans cette

21 maison ? Est-ce que vous avez été violées ?

22 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Une fois seulement ou

24 souvent ?

25 Témoin 75 (interprétation). – Souvent.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Avez-vous vu Klamfa Kovac

2 dans cette maison ?

3 Témoin 75 (interprétation). – Oui, il venait souvent pour voir

4 ce qui se passait. Il venait nous voir pour nous demander comment on

5 allait, si on nous maltraitait. Il avait pitié de nous.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Vous l’a-t-il dit ?

7 Comment êtes-vous arrivée à cette conclusion ?

8 Témoin 75 (interprétation). – Quand il venait dans la maison, il

9 disait : « Alors mes filles, comment ça va ? Que faites-vous ? Est-ce qu’on

10 vous dérange ? Est-ce que vous êtes bien là ? » Voilà, il venait, il disait

11 cela, ensuite, il partait, il rentrait.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Ces soldats qui venaient

13 de Serbie, ils étaient combien ?

14 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me rappelle pas de tous, ils

15 étaient assez nombreux : 10, 15, sûrement.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’ils

17 appartenaient à une unité particulière ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Je ne me souviens pas.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Où est-ce qu’on vous a

20 amenées après cette maison à proximité de l’hôtel Zelengora ?

21 Témoin 75 (interprétation). – On nous a emmenées dans un

22 appartement, dans une autre partie de la ville de Foca, dans un autre

23 quartier, Pod Masala.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Qui vous a emmenées dans

25 cet endroit ?

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1 Témoin 75 (interprétation). – Les Serbes, Jadzic Vojkan, Zeljko,

2 Dole, et encore d’autres personnes. Je ne me souviens pas des noms.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Combien de temps êtes-

4 vous restées à cet endroit ?

5 Témoin 75 (interprétation). – Je crois aussi à peu près

6 7 jours ; entre 7 et 10 jours.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’on vous a

8 amenées à cet endroit avec AB ?

9 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce qu’à cet endroit

11 vous avez aussi été sexuellement agressées ?

12 Témoin 75 (interprétation). – Oui.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Est-ce que Klamfa Kovac

14 était venu à cet endroit ?

15 Témoin 75 (interprétation). – Non.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). – Quand l’avez-vous vu à

17 nouveau ?

18 Témoin 75 (interprétation). – Après 7 ou 10 jours que nous avons

19 passés dans cet appartement situé à Pod Masala, un soir, Jadzic m’a amenée

20 ainsi que AB à nouveau dans l’appartement de Klamfa, donc dans l’immeuble

21 Brena.

22 Nous avons à nouveau rencontré les autres jeunes filles, celles

23 qui étaient restées dans l’appartement, donc 87 et AS. Et ils ont amené

24 une dame-jeanne de 25 litres d’eau-de-vie, et ils ont dit qu’ils allaient

25 nous laisser à cet endroit, et qu’ils allaient boire dans un café

Page 1461

1 ailleurs. Quand ils sont rentrés du café, c’était le chaos.

2 Jadzic Vojkan voulait violer la femme qui est désignée par le

3 n° 87, puisque Klamfa lui aurait promis cela. Et ils étaient assis, ils

4 tiraient des coups de feu à travers les fenêtres, ils avaient donc brisé

5 toutes les fenêtres. Donc, cette personne a pris AB et l’a emmenée dans

6 l’appartement Pod Masala. C’était Zeljko et l’autre personne était Jagos

7 Kostic. Il a pris AS et l’a emmenée dans l’appartement à Donje Polje.

8 Je suis restée toute seule dans cet endroit, dans cet

9 appartement avec AB. Ils étaient assis en train de boire, tirer des coups

10 de feu. Klamfa avait promis à Jadzic qu’il allait lui permettre de coucher

11 avec le n° 87. Alors qu’il était en train d’entrer dans la chambre, il l’a

12 suivie et lui a dit de sortir. Elle est sortie, ils m’ont forcée à aller

13 me coucher. C’était Jadzic qui m’a dit d’aller me coucher. Klamfa est

14 entré et il m’a dit : « Ecoute, lève-toi. Qui t’a donné l’ordre de te

15 coucher ? ».

16 Cela a duré toute la nuit. Toutes les cinq minutes, Jadzic me

17 forçait d’aller me coucher, et l’autre entrait et disait : « Lève-toi. Qui

18 t’a donné l’ordre de te coucher ? ». Cela a duré jusqu’à 9 heures du matin

19 quand ils se sont endormis sous l’effet de l’alcool. Quand Klamfa s’est

20 endormi, Tuta est venu. Jadzic et Klamfa s’étaient endormis. Moi et le

21 n° 87, nous sommes allées dans l’autre chambre pour essayer de dormir un

22 peu, nous étions tellement fatiguées que nous ne tenions pas debout.

23 Au moment où nous nous sommes couchées, quelqu’un a frappé à la

24 porte, je suis allée ouvrir, et c’était Tuta. Il est entré. Il a commencé

25 à les injurier en disant qu’ils n’ont permis à personne de dormir car ils

Page 1462

1 avaient tiré des coups de feu. Il a dit qu’il voulait venir les tuer parce

2 qu’ils tiraient ces coups de feu. Il m’a forcée, moi et le n° 87, à faire

3 nos bagages pour aller chez lui en disant que, là-bas, nous serions bien

4 traitées. A partir de ce jour-là, nous étions vraiment protégées et

5 personne n’allait plus nous toucher.

6 Entre-temps, Jadzic Vojkan s’est levé. Ils nous ont amenées à

7 Brena mais de l’autre côté, au troisième étage. Le même immeuble, mais

8 juste une autre entrée, au troisième étage, dans l’appartement de Tuta.

9 Nous y sommes restés jusqu’après midi, à peu près dans cet

10 appartement, donc. Jadzic insistait pour violer le n° 87. Moi, j’étais

11 assise. Tuta nous avait donné du fromage parce que nous avions faim. Et

12 c’est là que Klamfa est entré avec un couteau. Il a juste désigné : « Toi

13 et toi, levez-vous ! » Tuta ne s’est pas levé pour protester. Nous l’avons

14 alors suivi. Il m’a dit : « Regarde, c’est cela ton destin parce que, pour

15 toi, une balle, tu serais contente d’avoir une balle. Mais ce n’est pas ce

16 que tu vas avoir ».

17 Il nous a emmenées dans une salle à Masala. Nous sommes passés à

18 côté de la mairie, nous avions la tête baissée, je n’ai rien pu voir. A un

19 moment, j’ai senti qu’il m’a frappée dans le visage. J’ai pratiquement

20 perdu conscience, et je suis tombée. Le n° 87 m’a prise sous le bras, elle

21 a essayé de me soulever, elle m’a montré son visage. Elle saignait du nez,

22 son visage était complètement gonflé. En allant vers Masala, il marchait

23 dernière nous. Il avait un couteau dans la main, et il m’a tapée avec le

24 manche du couteau, et j’avais un bleu, une bosse sur la tête.

25 J’avais peur, j’étais tellement fatiguée que je perdais l’usage

Page 1463

1 de mes jambes. Je n’avais plus de force. Nous sommes arrivées dans cet

2 appartement, à Pod Masala. Nous y avons trouvé AB, elle avait été passée à

3 tabac. Elle criait, pleurait, elle nous demandait où nous étions, car il

4 est allé chez elle, il l’avait déjà battue en lui demandant où nous

5 étions. Elle ne pouvait pas le savoir parce que Zeljko l’avait emmenée

6 dans cet autre appartement la veille. Il l’avait d’abord battue, ensuite,

7 il est allé chez Tuta.

8 Ensuite, il nous a forcées, toutes les trois, à nous déshabiller

9 complètement sous la menace du couteau qu’il avait dans sa main. Il nous a

10 déshabillées, il nous a forcées. Il nous a fait monter sur la table, il

11 faisait froid, il n’y avait pas de chauffage. Pendant une demi-heure, une

12 heure, nous étions comme cela, toutes les trois, nues sur la table, et lui

13 était affaissé sur le canapé. Il nous a dit : « Maintenant, vous allez

14 descendre jusqu’à la rivière de la Drina, comme cela, toutes nues. Là,

15 vous allez être égorgées, jetées dans la rivière de la Drina ».

16 Il nous a forcées à partir nues. Nous avons pris des vêtements

17 avec nous mais nous n’étions pas habillées, il nous a forcées à marcher

18 vers la mairie. Entre-temps, Jagos Kostic courait vers lui. Je ne sais pas

19 ce qu’ils se sont dit. Je ne l’ai pas entendu mais, en tout cas, ils se

20 mettaient d’accord sur quelque chose. Il nous a, à nouveau, forcées à

21 revenir vers l’appartement pour nous habiller.

22 Nous sommes donc entrées dans l’appartement. Nous avons été

23 habillées, nous avons été à nouveau dehors, il nous a chassées vers la

24 mairie, vers le pont sur la Drina. Il ne pouvait pas passer, il y avait un

25 escalier. Il ne pouvait pas passer à côté du pont, donc il nous a fait

Page 1464

1 revenir. Nous sommes passées à nouveau devant la mairie et à côté d’un

2 café, le café des pêcheurs, et il nous a amenées à un endroit où les

3 rivières Drina et Cehotina se croisent.

4 Je le regardais. Je me disais en moi-même : « Non, non, tu ne vas

5 pas m’égorger. De toute façon, si je vois qu’il commence à égorger qui que

6 ce soit, je vais me jeter dans la Drina ». La Drina était là et je me

7 disais que j’allais m’y jeter. Alors, qu’il nous amenait vers la Drina et

8 la Cehotina, Kostic Jagos courait dernière nous en lui demandant de

9 s’arrêter. Klamfa s’est arrêté, il a fait demi-tour, ils ont à nouveau

10 discuté.

11 Ils ont discuté et discuté et, tout à coup, il m’a jeté une clef

12 et m’a dit : « On retourne dans l’immeuble Brena. Il faut nettoyer les

13 débris de verre et les munitions », les balles qu’ils avaient tirées la

14 veille. Nous sommes tous revenus.

15 Mme la Présidente (interprétation) – Maître, peut-être

16 pourrions-nous faire une pause. Et nous allons continuer lundi, à

17 9 heures 30.

18 (L’audience est levée à 16 heures 8.)

19

20

21

24 [Le témoin entre dans la Cour]

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

Page 1482

1 témoin. Nous poursuivons ce matin votre interrogatoire

2 principal. Vous êtes toujours sous serment, serment que

3 vous avez fait au début de votre interrogatoire principal.

4 Donc, le Procureur continuera à vous poser des questions.

5 TÉMOIN : TÉMOIN 75

6 (SOUS LE MÊME SERMENT)

7 INTERROGÉE PAR

8 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

9 (Suite)

10 Q. Bonjour.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je

12 vois que Me Kolesar est debout.

13 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

14 Présidente, les accusés me disent que l’écran les empêche

15 de voir le témoin. Donc, je demande que ce soit déplacé un

16 petit peu pour qu’ils puissent voir le témoin.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je souhaite

18 savoir ce que le Procureur en pense. Je ne me souviens pas

19 de toutes les mesures de protection. Je me souviens qu’un

20 témoin a demandé d’être protégé de la vue des accusés.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui, mais

22 pas celui-ci.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

24 Donc, nous pouvons déplacer cette partie de l’écran. Vous

25 pouvez même le faire plus puisque les stores sont baissés

Page 1483

1 derrière.

2 Ça suffit ?

3 Me KOLESAR (interprétation) : Oui. Ça va

4 maintenant.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci,

6 Monsieur l’Huissier. Laissez ça comme ça. C’est bon.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

8 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je souhaite que

9 l’on clarifie certains points concernant la salle des

10 sports de Partizan. Vous avez déjà décrit les incidents

11 concernant la maison dont vous avez dit qu’il s’agissait de

12 la maison du tailleur et puis vous avez dit également que

13 d’autres soldats vous ont amenée à d’autres endroits.

14 Est-ce que vous pourriez me dire si d’autres

15 femmes, on les faisait sortir aussi de la salle des sports

16 de Partizan ?

17 R. Oui.

18 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Peut-on

19 donner au témoin la liste que nous avons utilisée la

20 dernière fois ? Il s’agit de la pièce à conviction du

21 Procureur 189.

22 Q. Veuillez examiner cette liste s’il vous plaît

23 et me dire qui étaient les autres personnes qu’on a fait

24 sortir de Partizan, sans indiquer les noms, juste les

25 initiales.

Page 1484

1 R. DB, le numéro 87, 50, 95, 189, 51, 90, 48, 74

2 et 88.

3 Q. Est-ce que vous avez vu lorsqu’on les faisait

4 sortir ou bien comment est-ce que vous le savez ?

5 R. Moi, j’ai été la moins présente puisque moi,

6 on me faisait sortir le plus de toutes, mais à chaque fois

7 que je rentrais, je savais ce qui s’était passé entre-

8 temps. Une nuit lorsque je suis rentrée, lorsque Tuta m’a

9 fait rentrer, je n’ai vu que des femmes âgées dans la

10 salle. En ce qui concerne toutes les femmes jeunes, aucune

11 d’entre elles n’y était plus.

12 Q. Est-ce que vous ou une quelconque autre femme

13 a été passée à tabac lorsque les soldats vous faisaient

14 sortir ?

15 R. Personnellement, non. C’est Klanfa qui m’a

16 frappée le plus.

17 Q. Est-ce que vous ou bien une quelconque des

18 femmes, est-ce que vous avez jamais osé refuser de sortir

19 avec les soldats qui vous faisaient sortir de Partizan ?

20 R. Personnellement, non. Je ne savais pas ce

21 qui m’attendait. DB, oui, une fois, elle s’est opposée et

22 quand elle est sortie devant la porte, c’est là qu’on l’a

23 giflée et ensuite, ils l’ont ramenée dans la salle.

24 Q. Est-ce que vous avez jamais vu des traces de

25 blessures sur les femmes à Partizan ?

Page 1485

1 R. Non.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez ou plutôt est-

3 ce que vous avez vu des brûlures de cigarettes sur une des

4 femmes ?

5 R. Je n’en ai pas vu, mais par la suite, j’en ai

6 entendu parler parce qu’au moment des faits, je n’étais pas

7 là-bas.

8 Q. Est-ce que vous pouvez me dire de quoi il

9 s’agissait, ce que vous avez entendu dire ?

10 R. J’ai entendu dire que 95, qu’on l’a fait

11 sortir et amener à Bijela, dans une conglomération et qu’il

12 y avait des Chetniks de Serbie, environ 500, qu’elle a été

13 amenée à Bijela, qu’on l’a tabassée et qu’on éteignait des

14 cigarettes sur elle.

15 Q. Est-ce que vous l’avez vue ? Est-ce que vous

16 avez vu des blessures, des brûlures ?

17 R. Non, parce qu’à partir du 2 août 1992, je

18 n’ai plus jamais revu cette personne.

19 Q. Mis à part l’incident que vous avez déjà

20 décrit lorsqu’on vous a fait sortir avec d’autres femmes,

21 est-ce que vous avez vu l’Accusé Kunarac ou ses hommes

22 lorsqu’ils étaient en train de faire sortir des femmes du

23 Partizan ?

24 R. Oui.

25 Q. Quand est-ce que vous avez vu ça et qui est-

Page 1486

1 ce qu’on faisait sortir ? Est-ce que vous vous en souvenez

2 ?

3 R. Eh bien, une fois, la première fois qu’ils

4 m’ont fait sortir, ensuite, ils sont revenus encore une

5 fois afin de me faire sortir de nouveau et ils ont fait en

6 sorte que je me lève, mais je crois qu’il y avait Tolja, je

7 pense que c’était lui, il a vu tout ça. Il leur a dit de

8 me ramener parce qu’il savait ce qui m’était déjà arrivé.

9 Ensuite, ils ont fait sortir DB, 87 et 50. Ils

10 les ont fait sortir. Ils les ont amenées quelque part.

11 Q. Vous avez décrit lorsque le 2 août 1992,

12 l’Accusé Kunarac vous a fait sortir et il ne vous a plus

13 jamais ramenée. Avant ce 2 août, est-ce qu’on vous a

14 jamais fait sortir de Foca pour vous amener dans une autre

15 municipalité ?

16 R. Non.

17 Q. Est-ce qu’on vous a jamais amenée à Cajnice ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand est-ce que ceci s’est produit ?

20 R. Ceci a eu lieu vers 10 ou 15 jours après le

21 début de mon séjour dans le Partizan. Mitar Sipcic et une

22 autre personne âgée, je ne sais pas comment il s’appelait

23 mais il portait plusieurs insignes de grade et ce leader

24 Chetnik de Cajnice est venu avec eux. Il s’appelait

25 Kornjaca. C’est comme ça qu’on l’appelait.

Page 1487

1 Ils sont d’abord venus un matin. Soi-disant un

2 car devait venir pour nous transporter jusqu’à Gorazde,

3 mais ceci ne s’est pas produit. Le lendemain, ils sont

4 revenus et notre groupe de 20, 25 peut-être, ils nous ont

5 placés dans une camionnette et ils nous ont amenés jusqu’à

6 Cajnice, et avant cela, ils ont placé dans ce camion 16

7 hommes de la prison de Foca, et donc, nous avons été

8 transportés ensemble dans le même camion.

9 Nous avons passé deux nuits à Cajnice dans une

10 école à Mijeljina. Le lendemain, ils ont amené encore deux

11 femmes et trois enfants. Lorsqu’ils nous amenaient à

12 Cajnice, lorsqu’ils nous conduisaient, j’ai entendu

13 lorsqu’ils se parlaient par le Motorola : « Tout va bien.

14 Il n’y aura pas de problème. Tout est arrangé. »

15 Soi-disant, un échange devait avoir lieu. Les

16 nôtres devaient faire venir quelques civils de Gorazde afin

17 de procéder à l’échange, mais il s’agissait simplement d’un

18 mensonge et lorsque j’ai entendu leur conversation, j’ai

19 entendu simplement qu’ils disaient : « Comporte-toi

20 conformément aux ordres », ce qui voulait dire que si

21 jamais il devait y avoir un échange, ils devaient tirer sur

22 nos dos.

23 Lorsqu’ils nous ont amenés à Cajnice, beaucoup

24 d’habitants locaux sont venus, des femmes, d’autres. Ils

25 apportaient de la nourriture, des cigarettes, des

Page 1488

1 sandwichs, du lait, et cætera, afin de prouver qu’ils sont

2 tellement gentils, accueillants, qu’ils regrettent vraiment

3 ce qui nous arrivait, mais peu de temps après, de nouveau,

4 la télévision est venue pour montrer à quel point ces gens

5 étaient merveilleux, comment ils nous accueillent, comment

6 ils sont gentils.

7 C’est comme ça qu’on a passé deux nuits et

8 ensuite, ils nous ont ramenés encore une fois en autobus

9 jusqu’au Partizan à Foca.

10 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ils vous ont

11 ramenés jusqu’à Partizan, pourquoi ils ne vous ont pas

12 laissé rester à Cajnice, pourquoi est-ce qu’ils ne vous ont

13 pas libérés ?

14 R. À Pljevlja, nous avons demandé qu’ils nous

15 relâchent puisque nous avons traversé le Monténégro. Il

16 s’agissait quand même d’un autre État du territoire libre,

17 mais ils ne nous ont pas laissé partir. Ils ont dit :

18 « Nous avons reçu les ordres de vous ramener jusqu’à

19 Foca. » De telle manière, ils ont ramené les 16 hommes à

20 la prison de Foca et nous, les autres, à Partizan.

21 Q. Je souhaite clarifier certains points

22 concernant la période que vous avez passée dans

23 l’appartement de Klanfa. Vous avez dit que l’Accusé Kovac

24 et Jagos Kostic vous ont violées toutes les quatre. Est-ce

25 que vous avez vu lorsque l’Accusé Kovac a violé AB ?

Page 1489

1 R. Non, je ne l’ai pas vu.

2 Q. Comment est-ce que vous le savez alors ?

3 R. Tout ce qui se passait, nous racontions ce

4 qui nous est arrivé l’une à l’autre.

5 Q. Vous avez dit également qu’au bout d’un

6 certain moment, l’accusé a arrêté de vous violer

7 personnellement mais qu’il a amené des hommes dans

8 l’appartement afin qu’ils vous violent et vous avez déjà

9 décrit cet incident concernant l’Accusé Vukovic.

10 Est-ce que vous vous souvenez si les accusés Kovac

11 et Vukovic sont venus ensemble cette fois-ci ou bien est-ce

12 que l’un d’eux y était déjà et un autre est arrivé par la

13 suite ? Est-ce que vous vous souvenez de ces détails ?

14 R. Non, je ne m’en souviens pas.

15 Q. Est-ce que l’Accusé Kovac vous a donné

16 l’ordre d’aller auprès de Vukovic ou bien comment est-ce

17 que vous avez fini par vous retrouver dans la cuisine avec

18 Vukovic ?

19 R. C’est lui qui m’a forcée à aller avec lui,

20 avec l’autre dans la cuisine.

21 Q. Lorsque vous dites « lui », vous parlez de

22 l’Accusé Vukovic ?

23 R. Je parle de Kovac.

24 Q. Mis à part les deux incidents que vous avez

25 décrits lorsque vous avez été violée et lorsqu’on vous a

Page 1490

1 dit d’aller avec d’autres hommes, est-ce que d’autres

2 hommes, mis à part Vukovic, vous ont violée également dans

3 l’appartement de Klanfa, les autres hommes, mis à part donc

4 Vukovic et l’autre personne que vous avez mentionné le nom

5 ?

6 R. Je sais simplement Slavo Ivanovic et Tarza.

7 Il les a amenés à moi. Puisque moi, je ne voulais pas

8 aller dans la chambre avec eux, tout d’abord, il m’a donné

9 des gifles. Je pleurais et ensuite, il a envoyé AB avec

10 Slavo Ivanovic dans la chambre et je ne me souviens plus si

11 quelqu’un d’autre m’a violée là-bas.

12 Q. Les accusés Kovac et Vukovic, à l’époque,

13 est-ce qu’ils portaient des uniformes ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu’ils appartenaient à une quelconque

16 unité particulière ?

17 R. Je pense qu’ils appartenaient au groupe de

18 Brane Cosovic appelé Dragan Nikolic.

19 Q. Comment avez-vous entendu parler de cela ?

20 R. C’est eux personnellement qui me l’ont dit

21 puisque ce Dragan Nikolic, au début de la guerre à Foca, il

22 est mort et soi-disant c’était un grand ami à eux, témoin

23 de mariage de Pero Elez et c’est d’après lui qu’ils ont

24 nommé le groupe Dragan Nikolic.

25 Q. Pendant que vous étiez dans l’appartement de

Page 1491

1 Klanfa, est-ce que vous deviez faire le ménage ?

2 R. Oui.

3 Q. Qu’est-ce que vous deviez faire ?

4 R. Eh bien, nous devions nettoyer, laver leur

5 linge sale. Nous ne devions pas cuisiner parce que de

6 toute façon, il n’y avait rien à cuisiner. De temps en

7 temps parfois, ils nous amenaient quelques boîtes de

8 conserve. C’est ce que nous mangions. Voilà !

9 Q. Vous avez dit que Kovac, l’Accusé Kovac était

10 la personne qui vous a tabassée le plus et vous avez déjà

11 décrit l’incident au cours duquel ceci s’est produit, l’un

12 de ces incidents. Est-ce que vous pouvez me dire à quelles

13 autres occasions il vous a battue et pourquoi ?

14 R. Eh bien, cette nuit-là, lorsqu’ils sont venus

15 ivres, lui et ce Serbe de Serbie, Vojkan Jadzic, ils sont

16 rentrés du café. Avant cela, moi et 87, nous avions bu un

17 peu d’alcool parce que nous avions l’impression que la vie

18 allait être moins dure comme ça, et lorsqu’il est entré

19 dans l’appartement et qu’il a vu que j’étais saoule, il a

20 commencé à me dire : « Pourquoi as-tu Busovaca ? », et il a

21 commencé à me frapper.

22 Q. Quand est-ce que ceci s’est produit ?

23 R. Eh bien, c’était une ou deux nuits avant que

24 moi et AB, on soit renvoyé, remis aux autres personnes.

25 Q. À la fin de l’audience jeudi, vous avez

Page 1492

1 décrit les événements qui se sont produits après que

2 l’Accusé Kovac vous a amenée avec 87 dans l’appartement de

3 Tuta et comment vous êtes rentrée dans l’appartement de

4 Klanfa. Est-ce que vous pouvez me dire ce qui est arrivé à

5 AS ?

6 R. C’est Jagos Kostic qui a amené AS dans un

7 appartement à Donje Polje puisqu’il y avait des coups de

8 feu et c’est pour ça qu’il l’a amenée à Donje Polje, dans

9 un appartement.

10 Q. Comment est-ce que vous le savez ?

11 R. Je le sais puisque le lendemain, après tous

12 ces événements, lorsque nous sommes rentrées dans cet

13 appartement, à ce moment-là, Jagos a amené AS dans

14 l’appartement et c’est ainsi qu’elle nous a dit qu’elle

15 avait été dans un appartement à Donje Polje.

16 Q. Est-ce qu’elle a continué à rester dans

17 l’appartement de Klanfa ou bien est-ce qu’on l’a amenée

18 ailleurs ?

19 R. Elle y est restée.

20 Q. Qu’est-ce qui est arrivé à AB ?

21 R. Le lendemain, lorsque nous nous sommes

22 levées, Klanfa est venu et il a dit que Dragec allait venir

23 afin d’amener AB et à moi, il a dit que Tuta et Zelja, ils

24 allaient venir afin de m’amener. Au bout d’un certain

25 temps, Dragec est venu, il a sonné à la porte et Klanfa a

Page 1493

1 vu à travers le judas, il a vu Dragec compter l’argent, il

2 a souri et il a dit : « Regarde-le compter l’argent. » Il

3 a ouvert la porte. Dragec est entré. J’ai vu qu’il a

4 donné 200 deutschmarks et il a pris la petite et il est

5 parti.

6 Au bout d’un certain temps, Tuta et Zelja se sont

7 arrêtés en voiture devant la porte et il a dit à moi que je

8 devais sortir, partir avec eux. Je suis sortie. Je me

9 suis mise dans la voiture. Ils m’ont conduite vers Aladze

10 et le premier bâtiment en sortant du parc, c’est là que la

11 voiture s’est arrêtée et ils sont montés à l’étage de cet

12 immeuble.

13 Ils sont restés assez longtemps dans l’immeuble et

14 lorsqu’ils sont revenus, ils ont dit que je devais aller

15 chez AB. Moi, je suis entrée. J’avais très peur, je

16 pleurais et Dragec, il a crié sur moi et il a dit :

17 « Pourquoi pleures-tu ? Ne sais-tu pas que je viens de te

18 sauver la vie ? Ils voulaient te tuer maintenant. Est-ce

19 que tu sais qu’ils voulaient te tuer ? » Quand il m’a dit

20 ça, je me suis calmée un peu. J’ai compris ce qui se

21 passait.

22 Q. Quand est-ce que vous avez vu AB la dernière

23 fois ?

24 R. Nous sommes restées ensemble pendant assez

25 longtemps encore, probablement encore deux mois puisque

Page 1494

1 Dragec, il nous vendait partout. Il faisait du commerce

2 avec nous. Un mois ou peut-être 15 jours avant, à ce

3 moment-là, ils nous ont séparées. C’est Jasko Gazdic qui

4 l’a amenée et je ne l’ai plus revue, plus jamais, mais je

5 suis sûre et je sais avec certitude que ce même Kovac sait

6 personnellement ce qui est arrivé à cette jeune fille. Il

7 s’agit d’une fille de 12 ans, d’un enfant de 12 ans.

8 J’avais oublié de dire qu’il y avait un verre

9 plein de dents en or dans son appartement. Quand j’ai vu

10 ça, je tremblais de froid et il m’a dit à ce moment-là :

11 « Qu’as-tu vu ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Moi, j’ai dit que

12 je n’avais rien vu.

13 Q. Vous-même, quand est-ce que vous avez quitté

14 Foca ?

15 R. Moi, j’ai quitté Foca le 5 mars 1993.

16 Q. Comment êtes-vous sortie ?

17 R. Deux Serbes m’ont aidée. Ils m’ont fait

18 sortir jusqu’au territoire libre.

19 Q. Vous nous avez décrit huit mois de détention

20 et de sévices sexuels. Est-ce que ceci a laissé des

21 séquelles sur votre état de santé ?

22 R. Oui.

23 Q. Comment ?

24 R. Je souffre toujours de traumatismes. Je

25 continue à rêver de ça. J’ai encore beaucoup de peurs. Je

Page 1495

1 pense que je ne me libérerai jamais de cela parce que si

2 j’ai peur à un moment, je commence à trembler tout de

3 suite.

4 Q. Jeudi, vous avez identifié l’Accusé Dragoljub

5 Kunarac dans le prétoire. Est-ce que les enquêteurs du

6 Bureau du Procureur vous avaient montré une série de

7 photographies ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous souvenez-vous quand cela s’est passé ?

10 Est-ce que c’était éventuellement en avril 1998 ? C’était

11 il y a deux ans, n’est-ce pas ?

12 R. Oui, c’est possible, mais je ne m’en souviens

13 pas exactement.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez

15 reconnu qui que ce soit sur la photo ?

16 R. Non.

17 Q. Pourquoi ?

18 R. Je pense qu’il s’agissait des copies, des

19 copies de photographies. C’est la raison pour laquelle je

20 ne pouvais pas reconnaître et il y a des années qui se sont

21 passées. Je ne pouvais pas véritablement m’en souvenir.

22 Q. Vous avez reconnu dans le prétoire Dragoljub

23 Kunarac, n’est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous en êtes sûre ?

Page 1496

1 R. Oui.

2 Q. Vous avez reconnu également l’Accusé Zoran

3 Vukovic dans ce prétoire, n’est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez dit que vous ne le connaissiez pas

6 avant la guerre, n’est-ce pas ?

7 R. C’est vrai.

8 Q. Est-ce que vous connaissiez un autre Zoran

9 Vukovic, une autre personne répondant au nom Zoran Vukovic

10 avant la guerre ?

11 R. Non. Je sais qu’il y avait une personne qui

12 répondait au même nom et qui habitait à Brod et ensuite, il

13 était à Foca et son surnom était Kifla.

14 Q. Vous connaissez ce Kifla ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît, nous

17 donner la description de cette personne répondant au surnom

18 Kifla, Zoran Vukovic, surnommée Kifla ?

19 R. Il était châtain clair et il était assez

20 gros, de taille moyenne.

21 Q. Quel âge avait-il ?

22 R. Je ne le sais pas exactement mais il avait

23 plus que 30 ans.

24 Q. Est-ce que vous avez vu cette personne

25 répondant au nom Zoran Vukovic et au surnom Kifla ? Vous

Page 1497

1 l’avez vue pendant la guerre ?

2 R. Oui.

3 Q. Quand ? À quel moment ?

4 R. Eh bien, je pense que c’était le mois de

5 février, février 1993. C’était peut-être en janvier,

6 janvier, février 1993. Dragec m’a vendue à Todovic et il

7 m’a gardée dans un studio à Mahala, et une nuit, lui-même

8 ainsi qu’un enseignant répondant au nom de Dzurovic qui

9 était venu jusqu’à ce studio et avant la guerre, il

10 enseignait la culture physique dans une école élémentaire,

11 donc, ils ont enfoncé la porte du studio que j’habitais.

12 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

13 R. À ce moment-là, Kifla m’a violée. Ensuite,

14 il m’a emmenée dans son appartement, chez sa mère, et je

15 sais qu’il proférait des injures à l’égard de sa mère.

16 C’était sa propre mère et elle était vieille, elle était

17 malade et puis je suis restée toute la nuit dans son

18 appartement. C’est là-bas également qu’il m’a violée. Le

19 lendemain matin à midi, il m’a ramenée dans ce studio.

20 Q. Ce Kifla, ce Zoran Vukovic, est-ce que vous

21 l’avez vu à Buk Bijela, au lycée ou bien à Partizan ?

22 R. Non, je ne m’en souviens pas.

23 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

24 Présidente, je n’ai plus de questions.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je pense que

Page 1498

1 maintenant, nous allons passer au contre-interrogatoire.

2 Me Prodanovic.

3 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

4 Présidente.

5 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me

6 PRODANOVIC (interprétation) :

7 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je voudrais vous

8 poser une première question. Vous avez donné combien de

9 déclarations aux enquêteurs du Tribunal à La Haye ?

10 R. Une seule.

11 Q. Est-ce que j’ai bien entendu : une seule ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment

14 vous avez donné cette déclaration ?

15 R. Je ne m’en souviens pas.

16 Q. Est-ce qu’entre-temps, vous avez donné des

17 déclarations à d’autres organes outre les enquêteurs du

18 Tribunal ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Est-ce que vous avez donné éventuellement une

21 déclaration au Service de sécurité à Sarajevo ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que c’était le 22 août 1996 ?

24 R. Je ne m’en souviens pas. Il est possible.

25 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vais demander

Page 1499

1 à l’Huissier de m’aider à remettre au témoin les

2 déclarations que le témoin a données aux enquêteurs du

3 Tribunal – il y a deux déclarations, pas une seule, comme

4 le témoin vient de nous dire – et de lui remettre également

5 une déclaration qu’elle a donnée aux représentants du

6 Service de sécurité à Sarajevo en date du 22 août 1996.

7 LA GREFFIÈRE : Alors, la déclaration du témoin en

8 date du 6 mars 1998 sera cotée D23 des pièces de la

9 Défense. La déclaration du témoin en date du 15 et du 18

10 novembre 1995 sera cotée D24 des pièces de la Défense.

11 En ce qui concerne la déclaration du témoin du 22

12 août 1996, celle-ci n’a été communiquée au Greffe qu’en

13 version B/C/S. Je voudrais savoir la position de la

14 Chambre quant à une cotation éventuelle.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

16 Prodanovic, comment ça se fait qu’il n’y a pas de version

17 anglaise ou éventuellement en français, notamment en

18 anglais parce qu’il s’agit de la Chambre qui suit

19 uniquement en anglais ?

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

21 Présidente, c’est l’Accusation qui nous a remis ces

22 déclarations. Je n’ai jamais vu la déclaration en langue

23 anglaise.

24 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui. Nous

25 avons une traduction mais officieuse et il faudrait que je

Page 1500

1 vérifie mais je pense que vous l’avez vérifiée.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon. Nous

3 allons par conséquent pouvoir attribuer la cote mais à

4 condition que la version en anglais nous soit remise

5 ultérieurement par l’Accusation.

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : D’accord.

7 Il n’y a aucun problème.

8 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …22 août 1996 en

9 version B/C/S portera la cote D25 des pièces du Procureur.

10 Toutes ces pièces seront enregistrées de façon

11 confidentielle.

12 La dernière pièce est cotée D25 des pièces du

13 Procureur et non D26 comme il est indiqué dans le

14 transcript.

15 Me PRODANOVIC (interprétation) :

16 Q. Je vous en prie, est-ce que vous pouvez, s’il

17 vous plaît, regarder ces déclarations et puis nous

18 confirmer s’il s’agit ou non de vos déclarations ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que nous pouvons constater que vous

21 avez donné les deux déclarations aux enquêteurs du Tribunal

22 et pas une seule, comme vous l’avez dit tout à l’heure ?

23 R. C’est possible, mais je ne me souviens pas.

24 Quand même, ça s’est passé il y a longtemps. Donc, je ne

25 m’en souviens pas. Je ne sais pas si j’en ai donné une

Page 1501

1 seule ou deux, mais de toute façon, je sais que je n’avais

2 pas honte de les donner. Je voulais tout simplement que le

3 monde entier sache ce que j’ai vécu.

4 Q. Excusez-moi. Est-ce que vous avez dit au

5 Service de sécurité que vous avez donné la déclaration aux

6 enquêteurs du Tribunal ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu’est-ce que les représentants du Service de

9 sécurité d’État vous ont dit et quelles étaient les raisons

10 pour lesquelles ils vous ont convoquée pour donner la

11 déclaration ?

12 R. Je ne m’en souviens pas.

13 Q. Est-ce qu’on vous a dit également qu’il

14 faudrait que vous donniez la déclaration parce que cette

15 déclaration serait utilisée également devant le Tribunal

16 international à La Haye ?

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Pourriez-vous nous dire comment s’est passé

19 l’interrogatoire auprès du Service de sécurité à Sarajevo ?

20 Est-ce que vous avez donné éventuellement ces déclarations

21 à Sarajevo ou dans un autre lieu ou une autre ville ?

22 R. Normalement, comme toutes les autres

23 déclarations, à Sarajevo, oui.

24 Q. Est-ce que les représentants du Service de

25 sécurité d’État vous ont posé des questions ou bien ils

Page 1502

1 vous ont dit de relater ce que vous connaissez sur les

2 événements qui avaient trait au conflit de Foca ?

3 R. Mais ils m’ont posé des questions, et puis

4 d’un autre côté, j’ai relaté également un certain nombre

5 d’événements. J’ai dit tout ce qui s’était passé.

6 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms des

7 personnes qui vous ont interrogée ? Est-ce que le Greffe

8 était présent lors de l’interrogatoire ?

9 R. Oui, mais je ne me souviens pas de noms.

10 Q. Est-ce que c’est vous qui avez dicté ce qui

11 allait être intégré dans la déclaration ou quelqu’un

12 d’autre éventuellement ?

13 R. Mais personne ne pouvait dicter ce que je

14 voulais dire et ce que j’ai eu à dire.

15 Q. Est-ce que ça veut dire que vous avez dit au

16 Greffe ce qui allait rentrer dans la déclaration ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous étiez d’accord avec ce qui a

19 été marqué dans la déclaration ? Éventuellement, vous

20 aviez des remarques, observations ?

21 R. Oui. J’ai signé la déclaration mais pour ce

22 qui est des remarques, je ne me souviens pas.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez ce que vous

24 avez déclaré à cette occasion ? Est-ce que vous maintenez

25 ce que vous avez dit à cette occasion ?

Page 1503

1 R. Je pense que je m’en souviens.

2 Q. Est-ce que vous avez dit la vérité à cette

3 occasion-là ?

4 R. Je pense que oui.

5 Q. Vous souvenez-vous si le Greffe a signé cette

6 déclaration ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Est-ce qu’à cette époque-là, vous aviez un

9 bon souvenir en ce qui concerne les événements qui se sont

10 passés ?

11 R. Oui, certainement.

12 Q. Est-ce que vous avez parlé de la même façon

13 de ces événements comme ce fut le cas au moment où vous

14 vous êtes entretenue avec les enquêteurs du Tribunal

15 international ?

16 R. Je pense que oui.

17 Q. Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.

18 R. Je pense que oui.

19 Q. Entendu ! Pourriez-vous me dire sur

20 l’initiative de qui vous avez participé à ce deuxième

21 interrogatoire ?

22 R. Je ne m’en souviens pas.

23 Q. Vous avez dit par ailleurs que vous avez

24 travaillé à la société Sipad de Maglic comme balayeuse ?

25 R. Oui, c’est exact.

Page 1504

1 Q. Vous avez dit dans vos déclarations

2 préalables que vous avez travaillé avec quatre Serbes.

3 Est-ce qu’elles étaient également des balayeuses ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que, outre ces quatre Serbes,

6 éventuellement il y avait des musulmans parmi vous qui

7 travaillaient avec vous ?

8 R. Oui, avec une seule.

9 Q. Excusez-moi.

10 R. Avec une musulmane. Avec une autre

11 musulmane.

12 Q. Vous avez dit par ailleurs que vos collègues

13 serves ne sont pas venus travailler ce jour-là ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que votre collègue musulmane est venue

16 au travail ?

17 R. Non, parce qu’elle était déjà à la retraite.

18 Q. Est-ce que c’était la centrale thermique qui

19 faisait partie de Sipad ?

20 R. Est-ce que je dois donner la réponse ?

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Vous

22 devez donner la réponse.

23 R. Oui.

24 Me PRODANOVIC (interprétation) :

25 Q. Qui était le directeur de la centrale

Page 1505

1 thermique ?

2 R. Nenad Matovic.

3 Q. Et Omer Hasanbegovic, qu’est-ce qu’il

4 occupait comme poste ?

5 R. Il était directeur également mais il était

6 chargé d’une nouvelle unité d’électricité qui était en

7 train d’être construite.

8 Q. Est-ce que vous savez qui avait un rang qui

9 était supérieur?

10 R. Non, je ne sais pas.

11 Q. Et Djordje Pavlovic, quel était le poste

12 qu’il avait occupé ?

13 R. Il était chef de l’équipe.

14 Q. Et qui était votre supérieur direct ? Qui

15 vous a affecté pour les activités diverses ? Vous étiez

16 responsable devant qui ?

17 R. Il y avait Hajrudin Selimovic qui était le

18 chef et puis, tous les deux jours, on avait des chefs des

19 équipes qui se reléguaient.

20 Q. Et Hajrudin, c’était un musulman ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous savez comment les partis

23 politiques ont été constitués ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous savez quel était le parti qui

Page 1506

1 était le premier à être mis en place en Bosnie ?

2 R. Je ne m’en souviens pas.

3 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que les

4 Serbes et les musulmans ont commencé à s’écarter les uns

5 des autres à partir de l’affaire de Focatrans ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit qu’il y avait des partis

8 nationaux qui ont été créés, que ça s’est passé par la

9 suite. La question que j’aimerais vous poser c’est de

10 savoir si vous êtes sûre que cet incident Focatrans avait

11 eu lieu après la création des partis politiques.

12 R. Je pense que c’était avant.

13 Q. Excusez-moi.

14 R. Avant.

15 Q. Mais dans votre déclaration, vous disiez que

16 c’était après.

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Est-ce qu’avant le 6 avril 1992, vous avez

19 entendu parler des problèmes dans l’ex-Bosnie-Herzégovine,

20 des problèmes qui surgissaient ?

21 R. Oui. Lors du dernier congrès à Sarajevo

22 quand Karadzic avait déclaré que si jamais la guerre allait

23 être déclenchée que des musulmans allaient disparaître,

24 oui, ça je l’ai appris.

25 Q. Est-ce que vous savez ce qui s’est passé

Page 1507

1 avant, avant que Karadzic ait déclaré ce que vous venez de

2 nous citer ?

3 R. Je ne m’en souviens pas.

4 Q. Est-ce que vous connaissez uniquement ce que

5 Karadzic a dit, donc cet extrait qui se rapporte à lui et

6 qui s’est passé lors de cette assemblée générale ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez appris qu’il y avait des

9 incidents qui ont eu lieu et qu’il y avait un conflit, un

10 conflit armé qui a eu lieu le 6 avril 1992 ?

11 R. Je ne m’en souviens pas.

12 Q. Pourriez-vous nous dire entre qui ce conflit

13 s’est déclenché ?

14 R. Je ne m’en souviens pas.

15 Q. Dans vos déclarations, vous utilisez le terme

16 « agression ». Est-ce que vous savez ce que ça couvre,

17 quelle est la notion que ce terme couvre ?

18 R. Bien, ce sont les Serbes qui se sont attaqués

19 sur la Bosnie, sur les musulmans et sur le peuple désarmé.

20 Q. Est-ce que vous utilisez ce terme normalement

21 quand vous parlez couramment ?

22 R. Non. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.

23 Q. Qui vous a dit qu’il n’y avait plus de

24 travail au moment où vous vous êtes rendue au travail le 6

25 avril 1992 ?

Page 1508

1 R. C’était Nenad Matovic.

2 Q. Il vous a dit où ?

3 R. Mais j’étais dans l’enceinte de la société où

4 je travaillais.

5 Q. Est-ce qu’il vous a rassemblé à un seul

6 endroit ou bien éventuellement il vous l’a dit à vous-même

7 dans les quat’z’yeux ?

8 R. Mais nous étions quatre. Nous étions quatre

9 dans toute l’entreprise et au moment où il est arrivé, nous

10 étions tous les quatre ensemble et on ne savait pas ce qui

11 se passait.

12 Q. Est-ce que ceci concernait aussi bien les

13 Serbes que des musulmans ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu’il y avait des problèmes entre les

16 musulmans et les Serbes dans votre entreprise ?

17 R. À ma connaissance, non, mais il y avait une

18 certaine séparation. Mais personnellement, je n’avais

19 aucun problème avec mes collègues.

20 Q. Vous avez dit que le 6 avril 1992, au moment

21 où on vous a informé qu’il n’y avait plus de travail, vous

22 vous êtes rendue à Foca : Est-ce que c’est exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de

25 l’heure ? Quand est-ce que vous êtes partie ?

Page 1509

1 R. Je pense que c’était 9 h 00, 9 h 00 ou peut-

2 être 8 h 30.

3 Q. Vous avez dit que vous êtes partie avec deux

4 camarades, deux amies filles à Foca ?

5 R. Moi, je pense que c’était plutôt deux hommes.

6 Q. Est-ce que c’était des musulmanes ?

7 R. C’était les deux musulmans.

8 Q. Excusez-moi mais c’est peut-être une erreur

9 de traduction, mais dans la déclaration, c’est marqué

10 « deux filles », « deux femmes ».

11 R. Non. C’était deux camarades, deux musulmans.

12 C’était mon cousin et puis un ami homme.

13 Q. Ce n’est pas important. Passons.

14 Dans votre déclaration que vous avez donnée en

15 1995, en novembre, la première phrase, paragraphe 4, vous

16 avez dit que c’est avec votre cousin que vous êtes allée à

17 Foca : Est-ce que c’est exact maintenant ?

18 R. Oui.

19 Q. Et comment êtes-vous partis : à pied ou par

20 un moyen de transport ?

21 R. Par le car.

22 Q. Et qu’est-ce qui s’est passé ce jour-là à

23 Foca ?

24 R. À Foca, il y avait des véhicules différents

25 qui circulaient. Il y avait également des gens qui

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1 criaient : « Nous sommes pour la paix. » Mais je n’étais

2 pas au clair. Je ne savais pas ce qui se passait.

3 Q. Vous avez dit qu’il y avait un groupe assez

4 nombreux de personnes et qu’ils affichaient : « Nous

5 souhaitons la paix. » Qui c’était, ces gens-là ?

6 R. Je pense que c’était des musulmans.

7 Q. Et maintenant, vous maintenez que c’était des

8 musulmans ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous pouvez savoir à peu près

11 combien de personnes étaient rassemblées ?

12 R. Mais il ne s’agissait pas d’une

13 manifestation. Il y avait des véhicules qui circulaient

14 mais il y avait également des haut-parleurs normalement

15 devant la mairie. Il fallait également prononcer un

16 discours mais rien ne s’est passé.

17 Q. Mais comment saviez-vous que la plupart

18 étaient des musulmans ?

19 R. Je sais parce que j’en connaissais beaucoup

20 parmi eux.

21 Q. Est-ce que vous, vous êtes restée jusqu’à la

22 fin de la manifestation ?

23 R. Non. Je suis partie à 10 h 15. J’ai pris le

24 car et je suis retournée chez moi.

25 Q. Vous avez dit que des musulmans affichaient

Page 1511

1 qu’ils voulaient la paix alors que les Serbes ont quitté

2 Foca. Est-ce qu’ils ont quitté massivement Foca ?

3 R. Oui.

4 Q. Et sur la base de quoi vous l’affirmez ?

5 R. Ils se sont préparés, puis ils faisaient

6 partir leurs familles au Monténégro, puis ils déployaient

7 des armes, des canons, et cætera, alors que les nôtres, ils

8 sont restés sur place. De toute façon, ils ne savaient

9 même pas ce qui se préparait parce que sinon, bien

10 évidemment, on n’aurait pas permis que ça se passe parce

11 qu’on aurait pu sauver nos propres vies. On aurait pu… on

12 ne serait pas à attendre les Chetniks pour qu’ils viennent

13 nous égorger.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez quels étaient

15 les Serbes qui sont partis ce jour-là ?

16 R. Oui, (expurgé) qui vivaient

17 (expurgé) dans le village.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous citer ici un

19 nom ?

20 R. Zivanovic, Rosa. Elle-même, elle est partie

21 avec ses enfants au Monténégro.

22 Q. C’est tout ce que vous savez ?

23 R. Je ne me souviens pas.

24 Q. Est-ce que vous savez si éventuellement une

25 famille musulmane a quitté Foca ?

Page 1512

1 R. Non.

2 Q. Mais qu’est-ce que ça veut dire : « Non » ?

3 Vous ne connaissez pas ou il n’y a pas une seule famille

4 qui ait quitté Foca ?

5 R. Je ne sais pas. Je ne connais pas parce que

6 je n’étais pas à Foca.

7 Me PRODANOVIC (interprétation) : C’est peut-être

8 le moment, Madame la Présidente. Je pense que nous sommes

9 à l’heure où normalement, on fait la pause et c’est après

10 la pause que je pourrais poursuivre si vous êtes d’accord

11 avec moi.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, jusqu’à

13 11 h 30.

14 — Suspension de l’audience à 11 h 02

15 — Reprise de l’audience à 11 h 30

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, vous pouvez poursuivre le contre-interrogatoire

18 du témoin.

19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

20 Présidente.

21 Q. Vous avez dit que cette manifestation avait

22 été organisée par des musulmans, un groupe de musulmans.

23 Savez-vous qu’à Foca, il y avait une association de civils

24 qui s’opposaient aux partis nationalistes ?

25 R. Non, je ne le savais pas.

Page 1513

1 Q. Savez-vous qu’à Foca, il y avait des

2 manifestations qui étaient organisées contre les partis du

3 SDA et du SDS ?

4 R. Oui, je le sais.

5 Q. Avez-vous jamais participé à une de ces

6 manifestations ?

7 R. Oui. À Foca où était formé le Parti du SDA.

8 Q. Je ne crois pas que nous nous soyons compris.

9 Moi, ce que je vous avais demandé, c’est si vous saviez

10 qu’à Foca, il y avait des manifestations montées par des

11 associations de personnes opposées aux partis nationalistes

12 et lors de ces manifestations, on insistait beaucoup sur le

13 caractère néfaste du SDS et du SDA.

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Avez-vous connaissance, lors de la

16 manifestation que vous avez mentionnée qui s’est déroulée

17 en face de l’immeuble de la municipalité, est-ce que cette

18 association a demandé à rencontrer les représentants de la

19 municipalité ?

20 R. Il n’y avait personne devant la mairie ou

21 devant l’immeuble municipal. Il y avait des micros, des

22 porte-voix, des haut-parleurs, mais il n’y avait personne

23 devant.

24 Q. Comment le savez-vous puisque vous n’êtes pas

25 restée jusqu’au bout ?

Page 1514

1 R. Quand j’y étais, en tout cas, il n’y avait

2 personne

3 Q. Donc, vous nous avez dit qu’il y avait des

4 micros et des haut-parleurs ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que Novica Kostovic, ça vous dit

7 quelque chose et Dr Janovic, ça vous dit quelque chose ?

8 L’un était serbe et l’autre musulman.

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous affirmez toujours aujourd’hui

11 que personne n’a prononcé de discours ?

12 R. Je n’ai pas dit que quelqu’un avait prononcé

13 un discours. Je ne sais pas, d’ailleurs, si ça a été le

14 cas. Je ne peux pas vous le dire.

15 Q. Passons à des choses plus précises et plus

16 concrètes. Quand avez-vous été transférée du lycée au

17 gymnase Partizan ?

18 R. À peu près une quinzaine de jours après mon

19 arrivée au lycée. Je ne peux pas vous dire la date exacte.

20 Q. Est-ce que vous affirmez toujours que vous

21 êtes restée au gymnase Partizan pendant 15 jours ?

22 R. Oui.

23 Q. Conviendrez-vous que si on vous a amenée à

24 l’école, au lycée le 3 juillet et si vous y êtes restée

25 jusqu’au 18 ou au 19 juillet, ça fait donc 15 jours, comme

Page 1515

1 vous nous l’avez dit, donc est-ce que ça correspondrait à

2 ce que vous nous dites, 18 ou 19 juillet ?

3 R. Oui, à peu près. Je ne peux pas vous dire

4 exactement. Je ne suis pas sûre des dates, mais je dirais

5 oui, environ 10 à 15 jours.

6 Q. Est-ce qu’on vous a dit pourquoi on vous

7 transférait au gymnase Partizan ?

8 R. Je ne m’en souviens pas.

9 Q. Est-ce que vous savez que des réfugiés serbes

10 sont arrivés et que c’est eux que l’on a installés dans le

11 lycée ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Savez-vous ou avez-vous entendu dire la chose

14 suivante : Il y a eu un massacre de la population civile

15 du village de Jabuka lors duquel plusieurs dizaines de

16 civils ont trouvé la mort ? Le saviez-vous ?

17 R. Non, je ne le savais pas.

18 Q. Étiez-vous libre de vos mouvements au gymnase

19 Partizan ?

20 R. Bien…

21 Q. Je parle des périodes de temps pendant

22 lesquelles on ne vous faisait pas sortir du gymnase.

23 R. Oui, oui. À l’intérieur, on pouvait se

24 déplacer, on pouvait aller aux toilettes, mais où est-ce

25 qu’on aurait pu aller d’ailleurs ?

Page 1516

1 Q. Est-ce que vous aviez le droit de sortir

2 devant le gymnase ?

3 R. C’est surtout les enfants qui sortaient.

4 Q. Vous, est-ce qu’il vous est arrivé de sortir

5 ?

6 R. Parfois pour de brefs instants. J’attendais

7 pour voir si les Chetniks allaient m’emmener. Donc, moi,

8 je préférais en fait me cacher plutôt que de sortir.

9 Q. Combien y avait-il de gardes dans le gymnase

10 Partizan ?

11 R. Chaque équipe de garde était composée de deux

12 hommes.

13 Q. Connaissiez-vous certains de ces gardes ?

14 R. Personnellement, non mais peu à peu, j’ai

15 appris à les connaître. Attendez un instant, s’il vous

16 plaît. Oui, j’en connaissais un, mais je ne me souviens

17 plus de son nom. C’était peut-être Bogdan.

18 Q. Comment se fait-il que vous le connaissiez,

19 parce qu’il était bon ou parce qu’il était mauvais ?

20 R. C’était quelqu’un de bien.

21 Q. Vous avez parlé de Bosko Partalo et du garde

22 Sonivoje.

23 R. Je ne les connaissais pas en arrivant, mais

24 après, j’ai appris à les connaître. C’était des gens biens

25 parce que quand c’est eux qui nous gardaient, personne ne

Page 1517

1 pouvait venir nous chercher. Aucun Chetnik ne pouvait

2 venir au gymnase nous chercher quand ces deux hommes

3 étaient de garde. Pour nous, quand eux, ils étaient de

4 garde, c’était vraiment formidable pour nous.

5 Q. Est-ce que les gardes vous empêchaient de

6 vous déplacer quand il y avait du danger ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la durée

9 de leur service ?

10 R. Bien, il y avait trois équipes. Je ne peux

11 pas vous dire exactement combien de temps ils restaient.

12 Enfin, je crois que c’était deux jours à peu près.

13 Q. Est-ce que cela veut dire que quand ces

14 hommes étaient de garde, vous étiez protégée ?

15 R. Oui. À ce moment-là, on ne nous embêtait

16 pas.

17 Q. Est-ce qu’il vous est arrivé de parler avec

18 les gardes ?

19 R. Oui. Avec ces deux-là en particulier, on a

20 souvent beaucoup parlé.

21 Q. De quoi parliez-vous avec eux ?

22 R. Je ne me souviens pas vraiment de toutes les

23 choses dont nous parlions ensemble. Je ne me souviens pas

24 des détails.

25 Q. Savez-vous quelle était leur fonction, leur

Page 1518

1 mission ?

2 R. Non, je ne sais pas.

3 Q. Vous souvenez-vous si une femme serbe

4 habitait à côté du gymnase Partizan ?

5 R. Oui.

6 Q. Connaissez-vous son nom ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous donner son nom ?

9 R. Elle s’appelait Vida. Je ne connais pas son

10 nom de famille.

11 Q. Est-ce que c’était quelqu’un de bien ?

12 R. Oui, oui. Une fois, elle nous a sauvés d’un

13 Chetnik. C’est un Chetnik qui était entré dans le gymnase.

14 Ils s’étaient tirés dessus. Il était en sang et il est

15 venu au gymnase avec un fusil. Il s’apprêtait à nous tuer

16 tous et elle, elle est venue au gymnase, elle l’a calmé,

17 elle l’a emmené prendre un café chez elle.

18 Q. Est-ce qu’il vous est arrivé à certains

19 d’entre vous d’aller chez elle pour prendre un café ?

20 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.

21 Q. Quand vous sortiez du gymnase, est-ce qu’il

22 arrivait à certaines d’entre vous d’aller acheter quelque

23 chose, d’aller dans un magasin ?

24 R. Oui. Les femmes à qui il restait un peu

25 d’argent, qui avaient réussi à le cacher aux Chetniks, à

Page 1519

1 qui on ne l’avait pas encore pris, elles sortaient et elles

2 essayaient d’aller acheter quelque chose, du pain parce

3 qu’on n’avait rien à manger au gymnase.

4 Q. Donc, ça veut dire que personne ne vous

5 empêchait de sortir pour aller faire des commissions ?

6 R. On ne nous arrêtait pas, mais celles qui y

7 allaient n’y allaient pas ouvertement. Moi, je ne suis

8 jamais sortie pour aller faire des courses mais je connais

9 des femmes qui sortaient discrètement.

10 Q. Nous avons déjà convenu que vous êtes restée

11 environ 15 jours au lycée et que c’est le 3 juillet que

12 vous y êtes arrivée. Pouvons-nous partir du principe que

13 vous avez été transférée le 18 ou le 19 juillet à partir du

14 gymnase Partizan ?

15 R. Je vous ai dit que je ne peux plus me

16 souvenir très bien des dates. Je vous ai dit que je suis

17 restée à peu près une quinzaine de jours dans le lycée et

18 que je suis restée à peu près autant de temps au gymnase.

19 Q. Oui, mais dans une de vos déclarations, vous

20 avez dit que vous êtes restée au lycée pendant une

21 quinzaine de jours et que vous êtes restée au gymnase

22 Partizan une quinzaine de jours. Donc, c’est pour ça que

23 j’essaie de déterminer les dates sur la base de vos

24 déclarations.

25 Au cours de ces 15 jours que vous avez passés au

Page 1520

1 gymnase Partizan, je voudrais savoir combien de fois on

2 vous a fait sortir, on vous a emmenée.

3 R. Pratiquement tous les soirs. Je ne peux pas

4 vous dire, je ne sais pas si même il y a une seule nuit où

5 je suis restée dans le gymnase. Peut-être la nuit où ma

6 grand-mère m’a cachée, où j’ai dormi sous son corps.

7 Q. La dernière fois, vous avez dit que vous avez

8 passé trois jours cachée sous les vêtements de votre grand-

9 mère.

10 R. Je ne me souviens pas de tous les détails.

11 Q. Je suis un petit peu préoccupé. Vous semblez

12 ne vous souvenir d’aucun détail quand moi, je vous pose des

13 questions, alors que vous vous souvenez de tous les détails

14 et que vous racontez en détail tout ce qui vous est arrivé

15 quand l’Accusation vous pose des questions. Pourquoi cette

16 différence ? Peut-être parce que je vous pose des

17 questions bien précises et bien concrètes.

18 R. Moi, je ne peux vous dire que ce dont je me

19 souviens et que je sais. Peut-être ai-je dit des choses

20 dont je ne me souviens pas. C’est une situation très

21 perturbante pour moi.

22 Q. Vous souvenez-vous quelle est la première

23 personne qui vous a fait sortir du gymnase, qui et quand ?

24 R. Je crois que c’était Stankovic, Dragec

25 Stankovic.

Page 1521

1 Q. Vous avez dit Dragec Stankovic ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans votre déclaration de 1995, à la page 10,

4 paragraphe 3, vous avez dit qu’on vous a fait sortir pour

5 la première fois à la mi-juillet 1992 et ensuite, vous avez

6 décrit Kunarac et ses hommes. Où est la vérité, s’il vous

7 plaît ?

8 R. Je ne me souviens pas. Je crois que tout est

9 dans les déclarations que j’ai données parce que, comme je

10 l’ai déjà dit, beaucoup de temps a passé depuis.

11 Q. Pouvez-vous me dire quand votre mémoire était

12 meilleure, il y a quelques années ou aujourd’hui ?

13 R. Bien entendu, il y a quelques années.

14 Aujourd’hui, j’essaie d’oublier tout ce qui est m’est

15 arrivé.

16 Q. Oui, mais vous devrez reconnaître que vous

17 avez fait preuve d’une excellente mémoire lorsque vous avez

18 répondu aux questions de l’Accusation. Vous vous êtes

19 souvenue de détails que vous n’aviez pas donnés lorsqu’on a

20 recueilli vos déclarations préalables.

21 R. C’est possible.

22 Q. Vous souvenez-vous de la date où pour la

23 dernière fois on vous a fait sortir du gymnase Partizan ?

24 R. C’était le 2 août.

25 Q. La première fois où on est venu vous

Page 1522

1 chercher, vous nous dites que c’est Dragec Stankovic qui

2 vous a fait sortir et ensuite, qui vous a fait sortir et où

3 vous a-t-on emmenée ?

4 R. Après, il y a eu Zaga qui m’a emmenée à

5 Aladze, je l’ai déjà dit, et puis il y en a quatre autres

6 dont je ne connais pas les noms, ils nous ont emmenées à

7 Masala. Ensuite, il y a eu Tuta et puis…

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

9 Prodanovic, il ne faut pas s’attendre à ce que le témoin

10 vous rappelle et répète tout ce qu’elle a dit dans le cadre

11 de l’interrogatoire principal. Dans le cadre du contre-

12 interrogatoire, si vous essayez de mettre en doute ce

13 qu’elle a dit, il faut lui poser des questions directes.

14 Il ne faut pas lui demander de répéter ce qu’elle a déjà

15 dit dans le cadre de l’interrogatoire principal.

16 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai pas bien

17 compris ce que vous avez dit. Je n’ai pas entendu

18 l’interprétation.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

20 J’étais en train de dire qu’il ne faut pas demander au

21 témoin de répéter ce qu’elle a dit.

22 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’entends pas

23 de traduction. C’est bon maintenant.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, je

25 vous dis qu’il ne faut pas demander au témoin de répéter ce

Page 1523

1 qu’elle a déjà dit dans le cadre de l’interrogatoire

2 principal. Nous avons tout entendu ce qu’elle a dit.

3 Donc, il convient de ne pas perdre de temps.

4 Donc, ce que vous devez faire, si vous contestez

5 ce qu’elle a dit, c’est de lui présenter votre version des

6 faits, la version de l’accusé, mais ne lui faites pas

7 répéter ce qui a été dit dans le cadre de l’interrogatoire

8 principal. Ne nous refaites pas un interrogatoire

9 principal, s’il vous plaît.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

11 Présidente. Je vais faire de mon mieux pour me conformer à

12 vos instructions.

13 Q. Madame le Témoin, pouvez-vous nous dire en

14 tout combien de fois on est venu vous chercher et on vous a

15 fait sortir entre le 18 juillet et le 3 août, période que

16 vous avez passée au gymnase Partizan ?

17 R. Je ne peux pas vous donner le chiffre exact.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quand vous êtes allée à

19 Cajnice où on devait normalement vous échanger ?

20 R. C’était au bout de cinq ou 10 jours au

21 gymnase Partizan.

22 Q. Est-ce qu’à cette occasion, il y avait

23 quelqu’un dont le nom figure sur la liste qui est devant

24 vous ?

25 R. Non.

Page 1524

1 Q. Vous souvenez-vous combien de jours vous avez

2 passés à Cajnice ?

3 R. Je l’ai déjà dit. J’ai passé deux nuits.

4 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que

5 vous avez passé une nuit dans l’école primaire et deux

6 autres dans la plus grande école.

7 R. C’est exact. En fait, non, je ne m’en

8 souviens pas vraiment. On a passé une nuit dans la

9 « petite école » et je ne me souviens pas combien de nuits

10 nous avons passées dans l’autre école. Je ne sais pas si

11 c’est une ou deux.

12 Q. Oui, mais dans cette déclaration, vous avez

13 dit qu’un certain nombre de personnes qui figurent sur les

14 listes devant vous ont fait partie de ce voyage. Où est la

15 vérité ?

16 R. Ah, vous voulez parler des femmes dont le nom

17 figure sur la liste ? Oui, oui, en effet, elles étaient

18 avec moi.

19 Q. Sans nous dire leurs noms, pouvez-vous nous

20 donner leurs numéros, s’il vous plaît ?

21 R. Eh bien, DB, 87, 189, 48, 74 et 88.

22 Q. Pouvez-vous nous dire avec précision combien

23 de fois on vous a emmenée dans le quartier de Aladze ?

24 Dans votre première déclaration, vous avez dit cinq fois,

25 mais pendant votre interrogatoire principal, vous avez dit

Page 1525

1 deux fois.

2 R. Deux fois. Deux fois dont je me souvienne.

3 Q. Conviendrez-vous qu’il est arrivé que vous

4 passiez plusieurs jours au gymnase Partizan sans que l’on

5 vous en fasse sortir ?

6 R. Je ne m’en souviens pas. Il est possible

7 qu’il y ait eu un jour ou deux où cela se soit passé comme

8 vous me dites.

9 Q. Oui. Dans votre déclaration, vous dites

10 qu’il vous est arrivé de vous cacher sous votre grand-mère

11 pendant trois jours. Plus tard, vous avez dit que c’était

12 deux nuits. Vous avez dit que pendant deux nuits, personne

13 n’était venu vous chercher. Je ne veux pas ainsi

14 répertorier tous les passages de vos déclarations où l’on

15 constate des discordances.

16 R. Je ne me souviens pas du nombre exact de

17 jours où on m’a laissée tranquille.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de

19 fois, pendant combien de périodes de temps on ne vous a pas

20 fait sortir du gymnase ?

21 R. Non, je ne peux pas vous le dire, mais en

22 tout cas, ce n’était pas très souvent.

23 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la tenue

24 vestimentaire des soldats qui venaient chercher des femmes

25 et des jeunes filles ?

Page 1526

1 R. Ils étaient habillés d’uniformes de

2 camouflage.

3 Q. Est-ce qu’ils avaient des insignes sur leurs

4 uniformes ?

5 R. Ils avaient la cocarde Chetnik.

6 Q. Pouvez-vous nous expliquer où cela se

7 trouvait sur leurs uniformes ?

8 R. Sur leur couvre-chef, sur leurs manches.

9 Q. Est-ce que Zaga avait une cocarde sur la tête

10 ?

11 R. Je ne crois pas. Il ne me semble pas qu’il

12 portait un couvre-chef. Il avait des cheveux très fournis

13 noirs ou foncés. Il semblait…

14 Q. Connaissez-vous les noms des soldats qui

15 venaient vous chercher au gymnase Partizan ?

16 R. Oui. Je connaissais la plupart d’entre eux.

17 Q. Pouvez-vous nous donner leurs noms ?

18 R. Je l’ai déjà dit.

19 Q. Comment se fait-il que vous connaissiez leurs

20 noms ?

21 R. Parce que je les ai appris. Je ne suis pas

22 restée là seulement une journée ou deux. Je suis restée là

23 huit mois. Donc, c’est normal que j’ai appris leurs noms.

24 Q. Vous avez parlé de soldats venant du

25 Monténégro et qui vous ont emmenée dans le quartier Aladze.

Page 1527

1 R. Oui.

2 Q. Qui en particulier ?

3 R. Il y avait Zaga et Bane. Ils étaient du

4 Monténégro et ils faisaient partie de l’escorte de Kunarac.

5 Q. Comment saviez-vous qu’ils venaient du

6 Monténégro ? Est-ce qu’ils avaient un accent ?

7 R. Oui. Je les ai entendu parler en dialecte.

8 Donc, j’ai tout de suite vu qu’ils étaient du Monténégro.

9 Q. Est-ce que Zaga, lui, avait le même type

10 d’accent ou est-ce qu’il parlait comme les gens de Foca ?

11 R. Lui, il n’avait pas d’accent particulier. Il

12 parlait comme tout le monde à Foca.

13 Q. Est-ce qu’ils vous ont agressée physiquement

14 lorsqu’ils vous ont emmenée dans la maison ? Je pense aux

15 deux incidents que vous avez mentionnés.

16 R. Comment ça physiquement ? Vous voulez dire

17 est-ce qu’ils m’ont frappée ?

18 Q. Oui.

19 R. Non, ils ne m’ont pas frappée.

20 Q. Est-ce qu’ils étaient saouls quand ils vous

21 ont violée ?

22 R. Je ne sais pas vraiment, mais en tout cas,

23 ils n’avaient pas un comportement normal parce qu’un homme

24 normal ne ferait jamais quelque chose comme ça. Je parle

25 d’un homme normal, d’un homme civilisé.

Page 1528

1 Q. Maintenant, parlons du deuxième incident,

2 celui du 2 août dont vous nous avez parlé. Est-ce qu’il

3 faisait déjà nuit quand on vous a emmenée dans la maison ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous étiez quatre. On vous a emmenées depuis

6 le gymnase Partizan. Donc, vous étiez quatre d’après vos

7 déclarations. Je voudrais savoir si à un moment donné,

8 vous vous êtes trouvées toutes dans la même pièce.

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous avez pu voir qui a fait

11 sortir le numéro 50 de la pièce où vous vous trouviez ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu’il y avait de la lumière, est-ce

14 qu’il y avait de l’électricité cette nuit-là ?

15 R. Oui, jusqu’à minuit moins 20. À ce moment-

16 là, la mosquée de Aladze a été plastiquée, a explosé, et du

17 fait de l’explosion, le courant a été coupé car les lignes

18 ont été coupées. Moi, ce que je sais c’est que les hommes

19 du Monténégro hurlaient parce qu’ils ne comprenaient pas

20 pourquoi on ne les avait pas prévenus à l’avance.

21 Q. Est-ce qu’il y avait des lampadaires qui

22 fonctionnaient dans la rue et qui fournissaient de la

23 lumière, qui éclairaient ce qui se passait dans la pièce ?

24 R. Je ne m’en souviens pas.

25 Q. Pouvez-vous nous dire ce que faisaient les

Page 1529

1 gens que vous avez trouvés dans cette pièce lorsque vous

2 êtes entrée ?

3 R. Ce qu’ils faisaient ? Bien, il y avait trois

4 filles, trois jeunes filles, et l’un d’eux – je crois qu’il

5 était de Capljina – il avait des traces de sang sur ses

6 bottes et il était armé jusqu’aux dents. Et elle venait de

7 Gacko…

8 Q. Non, je suis désolé, je ne vous ai pas posé

9 cette question-là.

10 R. Eh bien, il y avait trois personnes qui

11 étaient assises là dans cette pièce.

12 Q. Elles étaient dans la même pièce que vous

13 avant cet incident ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que l’une d’entre elles a également

16 été violée ?

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous, s’il vous plaît, écrire le nom

19 de la personne qui a également été violée ce soir-là ?

20 R. C’est le numéro 190. Puis, il y a également

21 le numéro 87.

22 Q. Oui. Nous avons entendu cela précédemment,

23 mais ma question a trait aux personnes qui se trouvaient là

24 quand vous êtes arrivée.

25 R. Oui. Le numéro 190.

Page 1530

1 Q. Pouvez-vous nous dire si vous vous souvenez

2 si la personne désignée par le numéro 50 vous a dit qui est

3 venu la chercher ce soir et quand ?

4 R. Je me souviens que c’est Gica qui l’a fait

5 sortir ce soir, mais quant à savoir qui l’a violée, ça, je

6 ne sais pas. Je ne sais même pas si elle a été violée. Je

7 ne sais pas.

8 Q. Dans votre déclaration, vous avez mentionné

9 un soldat blessé. Je voudrais savoir s’il était là la

10 première fois que vous vous êtes rendue à cet endroit, la

11 deuxième fois ou les deux fois.

12 R. Il était là la première fois.

13 Q. Pouvez-vous nous décrire cet homme ?

14 R. Je ne me souviens pas du tout maintenant.

15 Q. Est-ce qu’il est possible que ce soit Goran

16 Milicic cet homme ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quand le numéro 50 et

19 la jeune fille de Gacko ont été contraintes de sortir ?

20 R. Je sais que c’était un peu après minuit. En

21 tout cas, je suis sûre d’une chose : c’est qu’elles étaient

22 là au moment où la mosquée Aladze a sauté. Ensuite, ce

23 Gica est arrivé et il m’a dit de sortir. Je l’ai imploré.

24 Je lui ai dit de me laisser parce que je m’occupais de deux

25 enfants dont la mère avait été tuée au village. Donc, je

Page 1531

1 l’ai imploré de me laisser retrouver ces enfants au gymnase

2 Partizan.

3 Alors, ce type de Capljina ensuite a pris un bâton

4 et il s’apprêtait à me frapper. Il m’a insultée, il a

5 insulté ma mère et il m’a dit : « Ne t’occupe pas des

6 enfants », mais cependant, malgré cela, il m’a dit de

7 retourner d’où je venais et il a emmené le numéro 50.

8 Q. Est-ce que vous maintenez toujours que les

9 événements du 2 août se sont déroulés exactement de la

10 façon dont vous nous les avez décrits ici dans ce prétoire

11 ?

12 R. Oui.

13 Q. Nous avons appris ce matin que le Témoin DB

14 va venir déposer ici. Est-ce qu’elle sera en mesure de

15 confirmer vos dires ?

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, vous ne pouvez pas poser cette question au

18 témoin. Elle ne sait pas ce que le Témoin DB va dire à la

19 Chambre de première instance.

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vous présente

21 mes excuses, Madame la Présidente. Si j’avais reçu la

22 déclaration un peu plus tôt, j’aurais pu préparer des

23 questions au sujet de cette déclaration qui m’auraient

24 permis de m’assurer que ce témoin dit bien la vérité. Je

25 vous prie de m’excuser.

Page 1532

1 Q. Nous avons presque terminé. Est-ce que vous

2 avez fait une déclaration à Sarajevo le 1er septembre 1999

3 sur la base de laquelle une note officielle a été écrite ?

4 R. Oui.

5 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je demanderais à

6 l’Huissier de remettre au témoin cette note officielle.

7 LA GREFFIÈRE : Pourrais-je connaître la date de

8 cette note officielle, s’il vous plaît ? Le Greffe n’est

9 pas en possession de ce document.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : C’est le

11 Procureur qui nous a remis ce document.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le Procureur

13 peut-il nous aider ?

14 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je ne sais

15 pas en ce moment ce dont Me Prodanovic parle.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : S’il vous

17 plaît, est-ce que vous pouvez montrer ça par le biais de

18 l’Huissier pour que le Procureur puisse savoir si cela

19 rappelle quelque chose ou pas ?

20 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Il s’agit du

21 document que nous avons remis récemment aux conseils de la

22 Défense puisque nous-mêmes, nous avons reçu ce document il

23 y a une semaine seulement et nous avons été surpris, nous

24 aussi. Il s’agit du document émanant de la police locale

25 concernant une identification sur base de photos concernant

Page 1533

1 ce Dragan Stankovic, je crois.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Lorsque vous

3 dites la « police locale », vous parlez de qui ?

4 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : De Sarajevo.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et la date ?

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Le 29

7 janvier 1999, mais en haut du document, il est écrit le 1er

8 février 1999 et nous avons communiqué ce document à la

9 Défense dès que nous l’avons reçu.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ça veut dire

11 que les juges ne disposent pas de copie ?

12 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Non, et puis

13 nous n’avons pas encore de traduction de ce document.

14 Simplement, nous savons de quoi il s’agit.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous

16 connaissez le contenu général ?

17 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Nous avons

18 un projet de traduction, une ébauche de traduction.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

20 Prodanovic, vous comprenez quel est le problème ? Je vais

21 vous expliquer. Lorsque vous traitez de documents qui

22 n’existent qu’en serbo-croate et si les juges n’ont pas une

23 copie en anglais, lorsque vous utilisez un tel document

24 afin de contre-interroger le témoin, nous ne pouvons pas

25 suivre. Peut-être vous avez votre propre interprétation du

Page 1534

1 contenu du document. Peut-être nous pouvons entendre

2 d’autres interprétations.

3 Donc, s’il n’y a pas de texte en anglais, il nous

4 est difficile de contrôler la procédure, même de la suivre.

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Ce que nous

6 pouvons faire, Madame la Présidente, c’est vous remettre

7 dès à présent cette ébauche de traduction, mais j’ai une

8 seule copie de ceci.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Peut-

10 être l’Huissier pourrait photocopier cela. Vous pouvez

11 passer à autre chose et dès que l’Huissier reviendra avec

12 les copies, vous pourrez poser des questions concernant ce

13 document parce qu’il faut comprendre qu’il est nécessaire

14 pour nous, les juges, de connaître le contenu pour pouvoir

15 suivre et pour pouvoir protéger le témoin.

16 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je comprends ça

17 tout à fait, Madame la Présidente, mais moi, je m’attendais

18 à ce que le Procureur dispose de ce document dans une

19 version qui vous est disponible également.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De toute

21 façon, il est parti faire des photocopies. Le Procureur

22 peut parfois vous communiquer des documents qu’il n’a pas

23 l’intention d’utiliser et donc il considère qu’il n’est pas

24 nécessaire de le traduire et lorsque vous décidez

25 d’utiliser un tel document, veuillez vérifier avec le

Page 1535

1 Procureur si le document a déjà été traduit pour que ce qui

2 s’est passé aujourd’hui ne se reproduise plus.

3 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je comprends

4 tout à fait. Ceci ne se reproduira plus.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

6 vous avez d’autres questions qui ne sont pas liées au

7 document que nous attendons ? Ainsi, vous pouvez poser vos

8 autres questions et revenir au document que nous attendons

9 par la suite.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Tout à fait.

11 Q. Connaissez-vous ou plutôt savez-vous qu’à

12 Sarajevo, un livre a été publié contenant également votre

13 déclaration identique aux déclarations que vous avez

14 données aux enquêteurs de ce Tribunal ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce qu’on vous a consultée au moment de la

17 publication de ce livre ?

18 R. Non.

19 Q. Comment se fait-il que les personnes publiant

20 ce livre ont eu votre déclaration si elles ne vous ont pas

21 consultée ?

22 R. Je sais que j’ai donné la déclaration, mais

23 on n’en parlait pas.

24 Q. Je n’ai pas compris. Excusez-moi.

25 R. Lorsque j’ai fait la déclaration, personne ne

Page 1536

1 m’a parlé du livre, de l’intention de publier un livre.

2 Q. Est-ce que vous avez assisté à la promotion

3 de ce livre ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous avez été à la télévision de

6 Bosnie-Herzégovine au moment de la promotion de ce livre ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez eu une intervention

9 télévisée ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce qu’à la télé, on pouvait voir votre

12 nom et votre prénom ?

13 R. Oui.

14 Q. J’essaie de savoir pourquoi alors vous avez

15 demandé des mesures de protection ici.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, je souhaite encore une fois protéger le témoin.

18 Ça n’a absolument rien à voir avec ce qui s’est passé sur

19 le terrain. À l’époque, elle vivait dans un pays libre.

20 Il ne faut pas lui poser une telle question.

21 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Il y a une

22 grande différence entre des interventions télévisées de ce

23 témoin concernant les événements qui se sont produits et le

24 fait de révéler qu’elle apparaît en tant que témoin de

25 l’Accusation à l’encontre de certains accusés concrets.

Page 1537

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

2 nous avons le document maintenant ?

3 Me PRODANOVIC (interprétation) :

4 Q. Sur la base de cette déclaration où nous ne

5 voyons pas qui l’a rédigée, vous avez affirmé que le 2

6 août, c’est Dragan Stankovic, Dragec qui vous a violée.

7 Pourtant, vous n’avez pas raconté cela ici. Qu’est-ce qui

8 est vrai ? C’est vers la fin.

9 R. Je n’ai pas raconté tous les détails. Je ne

10 me souviens pas de ce que j’ai raconté là.

11 LA GREFFIÈRE : Donc, ce document daté du 1er

12 février 1999 prendra la cote D26 des pièces de la Défense

13 et sera enregistré de façon confidentielle.

14 Me PRODANOVIC (interprétation) :

15 Q. Est-ce que vous savez peut-être pourquoi Zaga

16 vous a fait venir le 2 août lorsqu’il est parti ?

17 R. Pourquoi ? Vous le savez très bien vous-

18 même.

19 Q. Je vous pose cette question parce que, comme

20 vous l’avez dit, chacun avait accès au Partizan.

21 R. C’est exact.

22 Q. Est-ce que vous pouvez me dire quand la

23 journaliste est-elle venue au Partizan et qui était avec

24 elle ?

25 R. Elle était toute seule. La date, je ne sais

Page 1538

1 pas. C’est après la première fois que Zaga nous a fait

2 sortir. Le lendemain, elle est venue, mais je ne sais pas

3 quelle était la date exacte.

4 Q. Est-ce que vous savez quelles sont les

5 personnes parmi vous qui ont parlé avec elle ?

6 R. Je ne sais pas qui lui a parlé, mais moi,

7 j’étais allongée sur le tapis de gymnastique lorsque j’ai

8 entendu qu’elle était une journaliste de la radio de

9 Sarajevo. Moi, je me suis dit : ce n’est pas possible.

10 Ensuite, elle s’est approchée de moi et elle m’a dit :

11 « N’ayez pas peur de rien. Dites-moi simplement ce qui

12 s’est passé. Dites-le librement. »

13 Q. Ce soldat blessé qui était là-bas,

14 s’agissait-il d’une personne jeune ou plutôt âgée, la

15 personne à Aladze ?

16 R. C’était quelqu’un de jeune.

17 Q. Vous avez dit que vous-même, vous vous seriez

18 enfuie si vous aviez su que la guerre allait éclater.

19 Pouvez-vous me dire où est-ce que vous vous seriez enfuie ?

20 R. Où ? Eh bien, sur le territoire libre, là où

21 j’aurais pu être sauvée.

22 Q. Ma dernière question concerne l’échange.

23 Lorsqu’on vous a amenée à Cajnice, vous avez dit qu’on vous

24 a amenée afin de vous échanger. Est-ce qu’il y a eu des

25 civils serbes capturés à Gorazde ?

Page 1539

1 R. Je ne sais pas. C’est ce que j’ai entendu

2 dire de la part de ce Kornjaca. Soi-disant ils y étaient,

3 on devait être échangé, soi-disant l’échange allait avoir

4 lieu, un accord était passé puis finalement, rien ne s’est

5 passé. Donc, je ne sais pas où est la vérité.

6 Q. Finalement, vous avez dit que vous avez

7 entendu que l’un d’eux disait par le biais de la Motorola

8 qu’il fallait exécuter les ordres ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourquoi est-ce que vous concluez que ça

11 voulait dire qu’ils s’apprêtaient à tirer sur vos dos ?

12 R. Que voulez-vous dire que ceci signifie

13 d’autre s’il dit les choses comme ça ?

14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai plus de

15 questions, Madame la Présidente.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 est-ce que vous avez des questions ?

18 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

19 Présidente.

20 Madame la Présidente, avant de commencer à poser

21 mes questions, je souhaite demander la chose suivante. Je

22 sais quelles sont les épreuves que ce témoin a traversées

23 pendant la guerre, je sais que c’est les juges qui décident

24 de quelle manière le témoin et les autres personnes

25 présentes dans ce prétoire seront assis, mais je

Page 1540

1 demanderais au témoin de ne pas ignorer la Défense en

2 tournant le dos aux représentants de la Défense au moment

3 où elle répond aux questions.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

5 les juges ne s’opposent pas à la manière dont le témoin est

6 assise, compte tenu des événements qu’elle a vécus.

7 Veuillez poursuivre. Ce qui est important c’est que le

8 témoin puisse vous entendre et que vous puissiez entendre

9 ses réponses.

10 Me KOLESAR (interprétation) : Merci, Madame la

11 Présidente.

12 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR

13 (interprétation) :

14 Q. Vous avez dit dans votre déclaration donnée

15 aux enquêteurs de ce Tribunal en novembre 1995 que rien de

16 particulier n’est arrivé dans votre village avant le 3

17 juillet 1992. Est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez dit également que votre village se

20 trouve à environ 10 kilomètres de Foca ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que dans votre village, on pouvait

23 entendre des coups de feu en général, des bruits de combats

24 qui se déroulaient à Foca et autour de Foca au début du

25 mois d’avril ?

Page 1541

1 R. Tout à fait et beaucoup.

2 Q. Est-ce que depuis votre village, on peut voir

3 Foca ou bien Brod sur la Drina qui est plus proche de votre

4 village ?

5 R. Brod, oui, mais pas Foca.

6 Q. Qu’avez-vous entendu pendant que ces combats

7 se déroulaient ?

8 R. Nous avons entendu des coups de feu, des

9 coups de pilonnage, de l’artillerie lourde, des mortiers.

10 De toute façon, je sais qu’on voyait de gros incendies à

11 Foca.

12 Q. S’il vous plaît, si depuis votre village,

13 vous ne pouvez pas voir Foca, comment est-ce que vous

14 pouviez voir le feu ?

15 R. Eh bien, pendant la nuit, pendant qu’on

16 tirait, on pouvait voir si l’artillerie lourde tirait. On

17 voyait la trace lumineuse.

18 Q. Est-ce que vous savez depuis quelle distance

19 il est possible d’entendre les tirs ou bien le son de

20 l’explosion d’un obus, qu’il provienne d’un char ou d’un

21 canon ?

22 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas quelle est la

23 distance, mais je sais qu’on entendait bien.

24 LA GREFFIÈRE : Me Kolesar, le Greffe vous prie de

25 bien vouloir éteindre votre microphone lorsque le témoin

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1 répond à votre question.

2 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi.

3 J’avais oublié et j’avais compris que les moyens techniques

4 fonctionnaient mieux ici que dans la salle d’audience

5 numéro III.

6 Q. Dans la même déclaration, à la page 3, vous

7 avez dit que vous avez continué à vous occuper de vos

8 tâches journalières, mais que vous aviez peur et que vous

9 dormiez dans la forêt. De quoi aviez-vous peur donc ?

10 R. De quoi ? Des Chetniks, de gens de Arkan, de

11 Seselj. Nous ne pensions même pas à nos voisins. Nous

12 espérions que nos voisins n’allaient pas nous attaquer,

13 mais pendant l’attaque, il n’y avait ni des gens de Arkan,

14 que nos voisins, les gens de Foca. De quoi voulez-vous

15 qu’on ait peur ? On entendait tous les jours par le biais

16 de Radio Sarajevo ce qui se passait ailleurs, dans d’autres

17 villes, dans d’autres endroits.

18 Q. Excusez-moi, je ne vous comprends pas si vous

19 vous acquittiez de vos tâches quotidiennes tous les jours

20 et vous passiez les nuits dans la forêt.

21 R. Oui. Le matin, on revenait chez nous et on

22 s’occupait de nos affaires normalement, mais nous, les

23 jeunes, nous restions surtout dans la forêt et ceux qui

24 étaient plus âgés, ils rentraient, ils préparaient de la

25 nourriture, ils cuisinaient et le soir, ils nous ramenaient

Page 1543

1 la nourriture.

2 Q. Dites-moi, après la reddition des armes,

3 après que les habitants du village ont rendu leurs armes à

4 certaines personnes, est-ce que vous avez été soumise aux

5 mauvais traitements ? Est-ce que quelqu’un vous a attaquée

6 physiquement ? Est-ce que quelqu’un vous a menacée ?

7 R. Non. Je pense que non. Non. Une fois, ils

8 sont venus au-dessus du village. Je l’ai déjà dit. Ils

9 tiraient. Ils tiraient de leurs pistolets, mais jusqu’au 3

10 juillet, jusqu’à l’attaque, il n’y avait rien d’autre qui

11 s’est passé.

12 Q. Est-ce que vous savez qui avait des armes

13 dans votre village ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez me le dire ?

16 R. Non.

17 Q. Pardon ?

18 R. Je ne peux pas.

19 Q. Pourquoi ?

20 R. Je ne peux pas.

21 Q. Vous êtes témoin ici, vous êtes sous serment

22 et vous avez l’obligation de dire la vérité et de répondre

23 aux questions posées.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-être

25 elle ne veut pas mentionner des noms à cause des mesures de

Page 1544

1 protection. Elle peut les écrire si vous le souhaitez.

2 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

3 Présidente, le témoin, dans sa déclaration donnée aux

4 autorités de la Bosnie-Herzégovine, a énuméré les personnes

5 qui disposaient des armes, qui avaient rendu leurs armes.

6 Moi, je voulais simplement vérifier cette déclaration.

7 R. La déclaration est correcte, mais moi, je ne

8 peux pas donner les noms.

9 Q. Vous ne pouvez pas donner leurs noms parce

10 que vous ne vous en souvenez pas ou bien parce que vous ne

11 souhaitez pas le faire ?

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Témoin, ne

13 répondez pas à cette question.

14 Posez une autre question, Me Kolesar.

15 [La Chambre discute]

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 comme je vous l’ai dit, si vous avez besoin de ces noms,

18 elle peut les écrire par la suite.

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

20 Présidente, j’ai la déclaration devant moi et au moins deux

21 de ces personnes sont des cousins à cette personne. Si

22 elle dit leurs noms, peut-être il sera plus facile de

23 deviner son identité.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est

25 justement ce que j’allais proposer. Donnez-lui un papier

Page 1545

1 et elle pourra écrire les noms et ceci sera versé au

2 dossier sous scellé.

3 Me KOLESAR (interprétation) : Je demanderais à

4 l’Huissier…

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

6 répéter la question pour qu’elle sache exactement ce

7 qu’elle doit faire.

8 Me KOLESAR (interprétation) :

9 Q. Est-ce que vous savez quelqu’un de votre

10 village qui avait des armes et, s’il vous plaît, veuillez

11 écrire leurs noms ?

12 R. Après que les armes ont été rendues ?

13 Q. Avant la reddition, le dépôt d’armes.

14 R. Avant ?

15 [Le témoin le fait]

16 LA GREFFIÈRE : Ce document sera coté D27 des

17 pièces de la Défense et sera enregistré de façon

18 confidentielle.

19 Me KOLESAR (interprétation) :

20 Q. Serions-nous d’accord que dans la déclaration

21 que vous avez donnée aux enquêteurs du Tribunal à La Haye,

22 deuxième page, dernier paragraphe et dernière phrase – je

23 ne sais pas si vous avez cette déclaration devant vous –

24 que vous avez déclaré que votre famille ne possédait pas

25 des armes mais que d’autres villageois ont restitué les

Page 1546

1 armes ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée le

4 22 août 1996 aux autorités de Bosnie-Herzégovine, vous avez

5 dit que votre frère [nom expurgé] a déposé un fusil

6 automatique M-48.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : On parle du

8 nom du frère.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Maître, est-

10 ce que vous vous souvenez ? C’est que vous parlez d’un

11 nom. Vous le citez. Il faut l’expurger de la

12 transcription, sinon on va pouvoir l’identifier.

13 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais reformuler

14 ma question si vous permettez. Excusez-moi, Madame la

15 Présidente, mais je ne peux pas éviter sans poser des

16 questions. Sur la liste que le témoin vient de déposer à

17 la Chambre figure également le nom de son frère.

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que devant les autorités de Bosnie-

20 Herzégovine devant lesquelles vous avez donné la

21 déclaration le 22-8-1996, vous avez également déclaré que

22 votre frère possédait un fusil ?

23 R. Je pense que oui, mais de toute façon, il

24 n’avait pas un fusil lui-même. C’est quelqu’un d’autre qui

25 lui avait donné ce fusil.

Page 1547

1 Q. Il s’agissait de quel fusil, s’il vous plaît

2 ?

3 R. Moi, je ne m’y comprends pas dans les armes

4 et par conséquent je ne sais pas de quel type de fusil il

5 s’agit.

6 Q. Vous dites que vous ne comprenez rien alors

7 que dans la déclaration, vous citez le type de fusil. Par

8 la suite, vous avez déposé devant la Chambre et vous avez

9 également parlé d’un certain nombre d’armes, de Scorpions,

10 de Kalashnikovs, de Zoljas, et cætera. Comment vous avez

11 pu citer tout ça ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Savez-vous que pour avoir le droit de garder

14 un fusil, il faut avoir également le permis de port d’armes

15 ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que votre frère disposait de ce permis

18 ?

19 R. Non, parce que quand la guerre s’est

20 déclenchée, c’est à ce moment-là qu’on lui avait donné

21 cette arme parce qu’on avait organisé les patrouilles

22 villageoises.

23 Q. C’est bien la première fois que nous

24 entendons de vous qu’il y avait des patrouilles

25 villageoises. Jusqu’à maintenant, vous avez toujours été

Page 1548

1 négative et vous avez toujours dit que les musulmans n’ont

2 pas organisé des patrouilles villageoises. Est-ce que

3 véritablement, vous avez organisé des patrouilles ou non ?

4 R. Moi, je ne me souviens pas avoir dit qu’ils

5 n’avaient pas organisé des patrouilles villageoises.

6 Q. En ce qui concerne les fusils automatiques,

7 d’autres personnes également avaient des permis ?

8 R. C’était les fusils qui étaient à la

9 disposition des policiers qui travaillaient au poste de

10 police.

11 Q. Est-ce que les armes et les uniformes ont été

12 confisqués aussi bien en ce qui concerne des unités

13 régulières que ceux qui appartenaient à la réserve ?

14 R. Oui.

15 Q. Si c’était le cas, comment ils avaient

16 possédé les armes ?

17 R. Je pense qu’il y avait une seule personne qui

18 avait caché son fusil dans la forêt et quand la guerre

19 s’est déclenchée, quand on a été attaqué, c’est là où il

20 est parti chercher. Donc, il est allé le soir chercher ce

21 fusil et le lendemain matin, quand nous avons été attaqués,

22 c’est quelqu’un d’autre qui s’est emparé de ce fusil, mais

23 on l’a tué sur place.

24 Q. Moi, je vous ai demandé au sujet des fusils

25 automatiques pour lesquels vous dites qu’ils appartenaient

Page 1549

1 aux unités de réserve et je ne parle pas de ce fusil très

2 particulier.

3 R. Je ne sais pas s’il y avait d’autres fusils,

4 si d’autres fusils ont été restitués.

5 Q. Moi, je parle de l’événement qui a eu lieu

6 fin mai, début juin avant que les armes aient été

7 restituées. Est-ce que vous pouvez me donner la réponse ?

8 R. Je ne vous ai pas compris.

9 Q. La dernière question que je vous ai posée

10 était la suivante : Nous discutons actuellement sur les

11 événements qui ont eu lieu fin mai, début juin, donc avant

12 que des villageois aient restitué des armes. Donc, ils ont

13 accepté à cette époque-là de restituer des armes, mais je

14 parle des événements qui ont précédé.

15 R. Oui, d’accord.

16 Q. Donc, je vais une fois de plus vous poser la

17 question. Avant que les villageois restituent, rendent les

18 armes, d’où viennent les fusils qui provenaient donc des

19 unités de réserve alors que vous avez dit qu’on avait

20 confisqué aussi bien des uniformes que des armes avant que

21 la guerre éclate ?

22 R. Tout premièrement, il n’y avait pas

23 d’uniformes et personne n’a parlé d’uniformes et en ce qui

24 concerne les fusils, les fusils ont été remis.

25 Q. À quel moment, s’il vous plaît ?

Page 1550

1 R. Je ne me souviens pas de la date et du jour.

2 Q. Avant que ces fusils soient rendus, comment

3 ça se fait qu’ils les ont possédés alors que tout ceci a

4 été restitué, comme vous l’avez dit ?

5 R. Je ne sais pas pourquoi vous utilisez le

6 terme que c’est « retiré », que les fusils « ont été

7 retirés ».

8 Q. Avant que la guerre soit déclenchée, soi-

9 disant les uniformes et les armes ont été retirés ?

10 R. Non. Je n’ai jamais utilisé le terme

11 « retirés ». Les armes n’ont pas été retirées.

12 Q. À ce moment-là, on ne se comprend pas.

13 R. Probablement.

14 Q. Je pense que la situation était totalement

15 différente.

16 Dans votre déclaration, phrase suivante, vous

17 dites qu’après que les armes aient été restituées, les

18 trois, y compris votre frère, sont partis du village. Si

19 j’ai bien compris, ils sont partis du village, ils ont

20 quitté le village ?

21 R. Oui. Ils sont partis une journée ou passer

22 deux journées dans les montagnes et puis ils sont

23 redescendus.

24 Q. Où ça à la montagne ?

25 R. Au-dessus de notre village, dans les

Page 1551

1 montagnes.

2 Q. Vous nous avez dit que vous ne savez pas

3 quelle est donc la date où les armes ont été restituées ?

4 R. Oui, c’est vrai.

5 Q. Est-ce que vous étiez présente ?

6 R. Non. Ce n’est pas aux femmes auxquelles on

7 avait permis d’assister à de tel type d’événement et puis,

8 de toute façon, les femmes, elles ne se mêlaient pas dans

9 ces affaires.

10 Q. Vous avez également dit qu’au moment où les

11 armes ont été restituées, il y avait également un papier

12 qui a été signé. Je ne sais pas comment vous l’avez appelé

13 exactement.

14 R. Oui. Il y avait une sorte de loyauté, comme

15 ils l’ont dit, qu’il fallait signer que soi-disant nous

16 allons poursuivre notre vie dans des conditions normales,

17 que personne n’allait nous attaquer, que nous allons

18 pouvoir poursuivre toutes nos activités, activités

19 agricoles, et cætera, même si le village manquait de

20 farine. Déjà la moitié des gens en manquaient puis on ne

21 pouvait pas quand même circuler librement, mais c’est ce

22 que la partie serbe nous a promis.

23 Q. Il s’agissait d’un document écrit ou bien

24 éventuellement c’était oralement qu’il y avait un accord

25 auquel les deux parties sont parvenues ?

Page 1552

1 R. Si j’ai bien compris, il y avait quelque

2 chose qui a été signée.

3 Q. Est-ce que vous avez vu ce document ?

4 R. Non.

5 Q. Mais avant que ce document soit signé, il y

6 avait des entretiens éventuellement entre les villageois

7 musulmans et ces gens-là qui sont arrivés pour négocier le

8 document, négocier tout ça ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Est-ce que vous savez qui a signé le document

11 au nom des villageois musulmans ?

12 R. Non.

13 Q. Vous ne savez pas ?

14 R. Non.

15 Q. Nous allons revenir maintenant à ce que vous

16 avez dit tout à l’heure en parlant de votre frère avec les

17 deux camarades. Il est parti à la montagne, n’est-ce pas ?

18 Je vous ai bien compris ?

19 R. Oui, c’est exact.

20 Q. Est-ce qu’éventuellement, ils sont allés à

21 Trebova ?

22 R. Non.

23 Q. Il y a des positions là-bas ?

24 R. Non, certainement pas.

25 Q. Mais est-ce que vous êtes au courant qu’à

Page 1553

1 Trebova, à ce moment-là, il y avait un bataillon Sutjeska,

2 un bataillon indépendant ?

3 R. Non, je n’étais pas au courant.

4 Q. Vous n’étiez pas au courant ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce que le nom « Taib Bekan » vous dit

7 quelque chose ?

8 R. Je pense qu’il était secrétaire ou

9 éventuellement enseignant à l’école primaire. Je ne suis

10 pas sûre.

11 Q. Mais est-ce que vous savez quelque chose

12 d’autre sur lui ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que « Zaim Besevic » vous dit quelque

15 chose ?

16 R. Non.

17 Q. C’est lui qui a été commandant de ce

18 bataillon indépendant Sutjeska. Est-ce que maintenant,

19 vous vous en souvenez ?

20 R. Non, car je n’ai jamais entendu parler de ça

21 et puis, je ne sais rien là-dessus.

22 Q. Est-ce que vous saviez que les unités des

23 Bérets Verts avaient posé des mines tout le long vers

24 Tjentiste ?

25 R. Mais comment voulez-vous que je le sache ?

Page 1554

1 Q. Vous ne le savez pas mais je vais vous poser

2 d’autres questions. Peut-être vous le sauriez.

3 À quelle distance se trouve votre village par

4 rapport à la route principale Tjentiste-Zelengora ?

5 R. Mais vous pourriez me poser d’autres

6 questions. Là, je ne suis absolument pas au courant et je

7 n’ai pas mesuré la distance entre Tjentiste et Bare.

8 Q. Mais combien à pied ?

9 R. Mais je n’ai jamais traversé à pied cette

10 route.

11 Q. Mais est-ce que cette route traverse ou

12 plutôt passe à côté de votre village ?

13 R. Non. Je ne le sais pas.

14 Q. Vous ne le savez pas ?

15 R. Je ne suis jamais allée à Zelengora.

16 Q. Et Tjentiste, Bare et ensuite Zelengora ?

17 C’est la route dont je vous parle.

18 R. Je pense que c’est une trentaine de

19 kilomètres, quelque chose comme ça par rapport à mon

20 village, et je ne sais pas. Je ne suis jamais allée par là

21 et puis… je ne suis jamais passée par là.

22 Q. Et la route qui est en contrebas par rapport

23 à Trosanj-Mjesaja, elle mène où ?

24 R. Elle mène à Foca, Tjentiste et Gacko.

25 Q. Est-ce qu’il y a, outre cette route

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1 principale, une autre, une route régionale ?

2 R. Oui. Je pense qu’il y en a beaucoup. Il y a

3 beaucoup de villages qui sont à côté. Je ne sais pas à

4 quelle route vous pensez de manière très précise, si vous

5 voulez bien me dire.

6 Q. Je pense à la route où le 2 juin 1992, entre

7 Potoka Suhoj et le village Suhoj, il y avait un véhicule

8 qui passait et les deux personnes se sont fait tuées à

9 cause d’une mine antichar qui y était placée.

10 R. Non. Je ne me souviens pas.

11 Q. Mais est-ce que vous vous souvenez qu’à

12 Potoka Suhoj, il y avait un pont, un pont qui a été

13 détruit ?

14 R. Eh bien, vraiment, je ne le sais pas.

15 Q. Mais est-ce que vous avez entendu dire

16 également qu’il y avait eu une embuscade également le 2

17 juillet et que Dzurovic, Dragan, et Banovic, Branko, deux

18 Serbes, ont été blessés. Ils y passaient dans leur

19 véhicule et il y avait un musulman qui a été blessé, et de

20 nom, Pekaz ?

21 R. Non. J’étais déjà au camp et je ne savais

22 strictement rien ce qui se passait en dehors.

23 Q. Le 20 juin, vous n’étiez pas au camp mais

24 vous perdez votre liberté le 3 juillet, tout au moins

25 d’après ce que vous avez relaté ici ?

Page 1556

1 R. Que Pekaz était blessé ? Je ne sais pas,

2 vraiment non. Je ne savais même pas qu’à cette époque-là,

3 il y avait Pekaz quelque part, mais de toute façon, c’est

4 possible. Je ne sais pas.

5 Q. (expurgée)

6 (expurgée)

7 R. (expurgée)

8 Q. (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

12 Présidente.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, je vous

14 en prie.

15 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Le Maître de

16 la Défense, une fois de plus, parle d’un certain nombre de

17 détails d’un témoin. Moi personnellement, je pense que ce

18 n’est pas bien.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

20 prie.

21 Me KOLESAR (interprétation) : Je n’ai pas parlé

22 du nom du témoin. Je n’ai pas parlé de son numéro. J’ai

23 tout simplement rappelé. Je n’ai certainement pas

24 identifié le témoin. Je ne l’ai pas mis en danger.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

Page 1557

1 prie.

2 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui, mais il

3 a parlé du nom. Le Maître a parlé du nom de l’époux.

4 Me KOLESAR (interprétation) : Est-ce que je peux

5 poursuivre ?

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais il

7 y a un certain nombre d’informations qui viennent dans le

8 cadre des questions. Il y en a beaucoup. Par conséquent,

9 il y a en a qui peuvent éventuellement identifier, à partir

10 de ces détails, identifier les témoins.

11 Est-ce que vous pouvez reformuler votre question,

12 s’il vous plaît ou bien si vous insistez sur le témoin très

13 concret, dans ce cas-là, une fois de plus, vous pouvez

14 marquer sur le papier le nom, vous le présentez au témoin,

15 elle répond par oui ou non. Voilà ! C’est de cette

16 manière-là, et ensuite, nous le mettons sous scellé.

17 Me KOLESAR (interprétation) : Non. On ne va pas

18 compliquer. Je vais retirer cette toute dernière question.

19 Par conséquent, ce n’est pas important. En ce qui concerne

20 les personnes qui ont été blessées, bien évidemment, ça

21 reste tel comme ceci a été formulé.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je

23 vous en prie. Allez-y, procédez.

24 Me KOLESAR (interprétation) : Merci.

25 Q. Est-ce que vous êtes au courant que deux

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1 jours plus tard, le 22 juin, il y avait un minibus où se

2 trouvaient des Serbes qui est tombé également sur un champ

3 de mines à Kosur et ce sont les musulmans qui ont placé ces

4 mines – Slavko Kovacevic, Radovan Drajic (ph.), Radenko

5 Milanovic, Joko Vukovic, Filipovic, Momir Kukic et Nenad

6 Maric ont été tués et beaucoup d’autres ont été blessés,

7 des invalides à perpétuité – et qu’au moment où les

8 personnes ont été tuées, le camion également qui avait

9 l’intention de les transférer a été victime d’un autre

10 événement ?

11 R. Je ne suis pas au courant.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais quelle

13 est la pertinence également de votre question et quel est

14 le rapport avec votre client ?

15 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

16 Présidente, on a bien précisé qu’il y avait le conflit armé

17 entre les communautés ethniques dans le territoire de Foca.

18 Ce n’est pas contestable.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais ceci a

20 déjà été accepté. C’est un fait. Par conséquent, il y a

21 eu ce conflit armé. Ce n’est pas contestable.

22 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, mais c’était à

23 titre d’introduction, Madame la Présidente, et je n’ai pas

24 terminé encore. Donc, le témoin essaie de présenter que

25 l’autre communauté ethnique qui a participé au conflit

Page 1559

1 n’était pas armée. Moi, j’essaie tout simplement de mettre

2 en question la crédibilité du témoin parce qu’elle affirme

3 que l’autre partie n’a pas été armée alors que moi,

4 j’affaire qu’il y avait également des attaques qui ont été

5 organisées par les musulmans et qu’il y avait des victimes

6 également du côté des Serbes.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui d’accord

8 mais ce n’est pas pertinent dans le cas concret. De toute

9 façon, ça n’aide pas la Défense dans le cas concret.

10 Je vous en prie, vous pouvez poursuivre.

11 Me KOLESAR (interprétation) :

12 Q. Si c’est comme ça, je vais passer à

13 l’événement du 3 juillet. Je voudrais tout simplement

14 faire une observation : c’est qu’il y avait également parmi

15 les victimes des Serbes qui étaient des victimes et qui

16 provenaient du village Mjesaja.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais il n’y

18 avait pas d’interprétation en langue anglaise.

19 Est-ce que vous pouvez répéter ? Excusez-moi,

20 parce qu’il n’y avait pas d’interprétation en anglais.

21 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

22 Présidente. J’ai dit tout simplement que je vais passer à

23 d’autres questions bien évidemment, des événements qui ont

24 eu lieu le 3 juillet. Mais moi, je fais une observation

25 selon laquelle je voulais tout simplement dire que parmi

Page 1560

1 les personnes qui ont été victimes, qui ont été tuées, il

2 s’agit donc des Serbes qui étaient dans ce car. Il y avait

3 par conséquent des villageois du village de Mjesaja, par

4 conséquent, des villageois du témoin, et il me semble que

5 ce n’est pas négligeable.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Entendu,

7 mais vous pouvez poursuivre, s’il vous plaît. On a noté ce

8 que vous avez dit.

9 Me KOLESAR (interprétation) :

10 Q. Je vais vous demander s’il vous plaît de

11 prendre la déclaration qui se trouve devant vous et qui

12 concerne donc ce qui a été dit par le témoin en novembre

13 1995. Est-ce que vous pouvez voir la page 2, s’il vous

14 plaît ?

15 Est-ce que vous avez trouvé la page 2, s’il vous

16 plaît ?

17 R. Oui.

18 Q. La page 2, dernier paragraphe qui commence :

19 « Moi, le 3 juillet… » [Hors microphone]

20 Je vais vous demander de bien vouloir lire ce

21 dernier paragraphe jusqu’à l’avant-dernière phrase.

22 R. Je ne peux pas lire.

23 Q. Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi, s’il

24 vous plaît ?

25 R. Parce qu’il y a un certain nombre de noms.

Page 1561

1 Q. Mais je pense que c’est déjà la pratique que

2 nous poursuivons. À partir du moment où vous voyez le nom,

3 vous utilisez tout simplement le numéro. Vous ne lisez pas

4 le nom. Par conséquent, je veux bien vous rappeler, mais

5 il n’y a pas de problème. Je pense que nous avons accepté.

6 Vous ne donner pas, lors de la lecture, le nom que vous

7 voyez ou bien vous les sautez carrément ou vous dites le

8 numéro.

9 R. « Le 3 juillet 1992, nous étions 50

10 villageois qui étions dans les bois. Il y avait mon frère,

11 ensuite ma cousine, 88, et mes parents. Dans ce premier

12 groupe, il y avait le numéro 48 et 74. Le matin à 6 h 30,

13 j’ai entendu les tirs. Beaucoup de soldats serbes en tenue

14 de camouflage descendaient d’en haut en tirant en notre

15 direction. Le matin était sous le brouillard et je ne

16 pouvais pas reconnaître les soldats. »

17 Q. Merci. Vous avez dit qu’il y avait du

18 brouillard et que vous n’avez pas pu reconnaître les

19 soldats ?

20 R. Oui.

21 Q. Pourriez-vous nous dire maintenant s’il vous

22 plaît si le brouillard était épais et est-ce que la

23 visibilité était bonne ou non ?

24 R. Moi, j’ai dit qu’il y avait du brouillard

25 mais je pensais bien évidemment, à une plus grande

Page 1562

1 distance, que nous ne pouvions pas les reconnaître, mais au

2 moment où ils se sont approchés de nous, nous les avons

3 vus. On les a vus très bien.

4 Q. Maintenant, je vous ai compris. Mais est-ce

5 que vous pouvez me dire, s’il vous plaît, si le brouillard

6 était très épais et quelle était la visibilité par rapport

7 au brouillard ?

8 R. Je pense qu’on pouvait reconnaître à cinq

9 mètres éventuellement.

10 Q. Par conséquent, c’est à cinq mètres que vous

11 pouviez reconnaître déjà les soldats parce que sinon, il y

12 avait un brouillard qui était épais ?

13 R. Oui. Vous m’avez bien compris.

14 Q. Merci. Il y avait combien de soldats dans ce

15 groupe et comment ils étaient vêtus ? Vous l’avez déjà dit

16 mais je vais quand même vous demander de me dire le nombre

17 de soldats.

18 R. Je ne les ai pas comptés, véritablement. Je

19 sais qu’ils étaient nombreux mais je ne sais pas quel était

20 le nombre. J’avais trop peur. J’étais terrifiée et je

21 n’avais même pas osé de les regarder, encore moins de les

22 compter.

23 Q. Au moment où vous êtes arrivée dans le pré,

24 vous en parlez dans votre déclaration, alors, le brouillard

25 s’est levé ou bien c’était pareil ?

Page 1563

1 R. Oui, il y avait encore du brouillard.

2 Q. Et la densité était la même ?

3 R. Non vraiment, je ne le sais pas. Vraiment,

4 je n’ai pas fait attention à ça.

5 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît me décrire la

6 grandeur de ce pré et où se trouvait ce rocher dont vous

7 avez parlé ? Vous avez dit qu’il y avait un groupe de

8 soldats qui étaient de ce côté-là. Est-ce que vous pouvez

9 me donner également approximativement la taille de ce

10 rocher ?

11 R. Le pré était assez grand, et pour ce qui est

12 le rocher, il se trouvait du côté des bois. Donc, il y

13 avait le pré, et du côté du bois, il y avait le rocher.

14 Q. Qu’est-ce que ça veut dire : « le pré assez

15 grand » ?

16 R. Ce n’était pas énorme mais de toute façon,

17 c’était un pré assez grand. Mais je ne peux pas vous dire

18 exactement combien de mètres. Je ne sais pas comment vous

19 expliquer de plus près.

20 Q. Mais bon, vous vous êtes rendue dans le pré

21 et d’après votre déclaration, vous avez vu ce groupe de

22 soldats ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous pouvez me donner un peu plus

25 d’explications ?

Page 1564

1 R. Ils nous ont emmenés jusqu’au pré et le

2 premier que j’ai vu c’était Radomir Kovac, et à deux, trois

3 mètres, Gojko Jankovic, Dragan Zelenovic, Tuta, et puis il

4 y avait encore d’autres soldats. Je ne sais pas combien

5 ils étaient au total.

6 Q. Par conséquent, vous vous êtes approchés à

7 deux mètres à peu près par rapport au groupe ?

8 R. Je ne sais pas exactement mais deux, trois

9 mètres.

10 Q. Et comment vous êtes tombée directement sur

11 Radomir Kovac ?

12 R. Mais c’est tout simplement parce qu’il s’y

13 trouvait. Moi, j’ignorais qui c’était. Ce n’est que plus

14 tard que je l’ai appris. C’est plus tard quand j’étais

15 dans son appartement et c’est là où j’étais au clair.

16 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

17 Présidente, j’ai une série de questions encore. Il est 1 h

18 00. Je ne sais pas si je poursuis ou bien on s’arrête.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non. Nous

20 allons avoir une pause-déjeuner et nous allons poursuivre à

21 14 h 30.

22 — Suspension de l’audience à 13 h 00

23 — Reprise de l’audience à 14 h 30

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

25 vous poursuivez donc le contre-interrogatoire du témoin.

Page 1565

1 Me KOLESAR (interprétation) :

2 Q. Madame le Témoin, avant la pause-déjeuner, je

3 vous avais demandé de nous expliquer à quelle distance vous

4 vous trouviez du groupe de soldats qui étaient contre le

5 rocher. C’est bien exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit que vous étiez à environ deux

8 ou trois mètres de l’Accusé Kovac. Est-ce bien exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourriez-vous me dire, s’il vous plaît, la

11 chose suivante : D’après ce que vous nous avez dit,

12 l’attaque a été très soudaine, les gens ont commencé à

13 s’enfuir vers le haut de la colline, la panique régnait

14 parmi les civils, mais je voudrais savoir, étant donné la

15 situation psychologique, si je puis dire, qui régnait,

16 comment avez-vous trouvé le courage de vous approcher des

17 soldats de deux ou trois mètres ?

18 R. Qu’est-ce que je pouvais faire puisqu’il y en

19 avait qui venaient derrière moi ? Qu’est-ce que j’aurais

20 pu faire, courir ?

21 Q. Oui. La logique aurait été pour vous de vous

22 éloigner au maximum de ces hommes.

23 R. Oui, mais ils nous poursuivaient.

24 Q. Oui, mais vous avez dit que le pré, le champ

25 était très vaste ?

Page 1566

1 R. Oui, oui, c’est vrai.

2 Q. Donc, il vous était possible d’aller vous

3 réfugier plus loin ?

4 R. Ce n’était pas à nous de décider où nous

5 allions. C’est eux qui décidaient où nous allions et où

6 nous nous arrêtions.

7 Q. Je vous demanderais de prendre votre

8 déclaration, celle que vous avez donnée en novembre aux

9 enquêteurs du Tribunal, en novembre 1995. Il s’agit de la

10 page 3 et du dernier paragraphe à la page 3. Je vais vous

11 demander de le lire, s’il vous plaît.

12 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Quel

13 paragraphe, Me Kolesar ?

14 Me KOLESAR (interprétation) : Je vous prie de

15 m’excuser. Ça commence par les mots :

16 « Radomir Kovac… »

17 R. « Radomir Kovac avait 32 ou 33 ans. Il était

18 grand, mince. Il avait des cheveux noirs et courts. Il

19 était laid et il était glabre. Je ne le connaissais pas

20 avant la guerre. »

21 Q. Pouvez-vous poursuivre, s’il vous plaît ?

22 R. « Plus tard pendant ma détention, lorsque

23 l’on m’a emmenée dans son appartement, j’y ai vu une photo

24 qui le représentait et en train de vendre des légumes à

25 Sarajevo. »

Page 1567

1 Q. Vous confirmez et vous maintenez que vous

2 avez vu une photographie dans son appartement ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous nous décrire cette photographie,

5 s’il vous plaît ?

6 R. Malheureusement, je ne m’en souviens plus

7 aujourd’hui.

8 Q. Vous souvenez-vous combien de personnes

9 figuraient sur cette photographie ?

10 R. Je crois qu’il était seul sur cette

11 photographie.

12 Q. À quoi ressemblait-il sur cette photographie

13 ?

14 R. Je ne me souviens pas.

15 Q. Quelle était sa tenue vestimentaire ?

16 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

17 Q. Avait-il une barbe, une moustache, avait-il

18 une barbe et une moustache ?

19 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

20 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous dire ce

21 qu’il portait et où il se trouvait sur ce rocher ?

22 R. Il n’était pas sur le rocher. Il se trouvait

23 à environ un ou deux mètres de là et il portait une

24 casquette noire, une veste de cuir noir, des pantalons

25 bigarrés et un fusil automatique ainsi que quelque chose de

Page 1568

1 noir sur l’œil, un œil noir.

2 Q. Justement, je voudrais savoir ce que vous

3 entendez par un « œil noir ».

4 R. Bien, c’est difficile à vous dire. En fait,

5 il avait une pièce de tissu ou quelque chose sur un œil,

6 sur un de ses yeux, donc sans doute pour qu’on ne puisse

7 pas le reconnaître.

8 Q. Est-ce que c’est le genre de chose que l’on

9 voit dans les films, que portent les pirates ou que portent

10 les gens qui ont perdu un œil dans les films ?

11 R. Oui.

12 Me KOLESAR (interprétation) : Je vous prie de me

13 donner quelques instants, Madame la Présidente.

14 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée aux

15 autorités de Bosnie-Herzégovine, vous dites qu’il portait

16 des lunettes à verres foncés, fumés et un des verres

17 manquait. Où est la vérité, s’il vous plaît ?

18 R. Un instant, s’il vous plaît. Je ne me

19 souviens plus aujourd’hui. Vraiment, je ne m’en souviens

20 plus.

21 Q. Fort bien ! Oui, mais il est intéressant de

22 voir, quand je vous pose mes questions, toutes les choses

23 dont vous ne vous souvenez plus. Pendant que vous étiez

24 dans l’appartement, que portait Kovac lorsqu’il n’était pas

25 de service, lorsqu’il ne devait pas se rendre sur le front,

Page 1569

1 mettons ? Disons les choses ainsi.

2 R. Je ne sais pas. Je sais juste que je l’ai

3 reconnu dans son uniforme. Je ne sais rien d’autre.

4 Q. Oui, mais je ne comprends pas comment ça se

5 fait que vous ne savez pas si vous avez passé une vingtaine

6 de jours dans l’appartement.

7 R. Je ne m’en souviens pas aujourd’hui.

8 Q. Bien ! Nous considérons que c’est votre

9 réponse. Pourquoi dans votre déclaration, la déclaration

10 que vous avez donnée aux enquêteurs, pourquoi dans cette

11 déclaration n’avez-vous pas décrit à quoi ressemblait

12 Monsieur Kovac, à savoir quelle tenue il portait le 3

13 juillet ? Cependant, vous l’avez fait dans la déclaration

14 donnée aux autorités de Bosnie-Herzégovine et puis vous

15 avez de nouveau donné cette description dans le prétoire il

16 y a quelques jours.

17 R. Je n’en ai aucune idée. Peut-être parce que

18 la première fois, ils ne m’ont pas posé la question. Je ne

19 m’en souviens plus.

20 Q. Connaissiez-vous le frère de Kovac qui est

21 connu sous le nom de Micko… (l’interprète se reprend) le

22 frère de Kovac qui s’appelle Micko ?

23 R. Non.

24 Q. Je vais vous demander de vous reporter à la

25 page 7 de votre déclaration, déclaration donnée aux

Page 1570

1 enquêteurs du Tribunal, page 7, deuxième paragraphe à

2 partir du haut qui commence par les mots suivants : « Je

3 me souviens que Slavo… »

4 R. Quelle page ?

5 Q. Page 7 de la déclaration que vous avez donnée

6 en novembre, deuxième paragraphe à partir du haut et cela

7 commence par une phrase : « Je me souviens que c’est

8 Slavo… »

9 Avez-vous trouvé ?

10 R. Non.

11 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais demander à

12 l’Huissier d’aider le témoin.

13 R. Oui, ça y est. J’ai trouvé.

14 « Je me souviens que Slavo Ivanovic et un certain

15 Kovac, alias Micko, le frère de Radomir Kovac, venaient

16 souvent chercher des femmes. Kovac choisissait souvent le

17 numéro 50. »

18 Q. Pourquoi, s’il vous plaît, avez-vous dit aux

19 enquêteurs du Tribunal que vous connaissiez le frère de

20 Radomir Kovac ? Or, aujourd’hui, vous nous dites que vous

21 ne le connaissez pas.

22 R. Je ne le connaissais pas d’avant. C’est au

23 centre scolaire, c’est au lycée que je l’ai rencontré.

24 Q. Je ne vous ai pas demandé si vous avez fait

25 la connaissance du frère de Radomir Kovac au lycée. Moi,

Page 1571

1 ce que je vous ai demandé c’est si vous aviez jamais

2 rencontré ou vu le frère de Radomir Kovac, alias Micko.

3 R. Pas avant cet événement, ce moment-là.

4 Q. Avant, que voulez-vous dire ?

5 R. Avant l’attaque. Enfin, je veux dire avant,

6 je ne le connaissais pas.

7 Q. Vous voulez dire que vous ne l’aviez jamais

8 vu, jamais ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

10 Q. [Hors microphone] Oui. Dans votre

11 déclaration, vous dites : « Je me souviens qu’il est venu

12 et qu’il est venu souvent et qu’il est venu chercher telle

13 ou telle personne. »

14 R. Ce que j’ai voulu dire c’est que jusqu’à ce

15 moment-là, je ne le connaissais pas, jusqu’à ce qu’il

16 commence à venir avec Slavo Ivanovic au lycée, mais je ne

17 m’en souviens plus de lui aujourd’hui, je ne me souviens

18 plus du tout de lui.

19 Q. Conviendrez-vous cependant que vous l’avez

20 vu, qu’il est venu au lycée ?

21 R. Oui.

22 Q. Comment savez-vous qu’il faisait souvent

23 sortir le Témoin numéro 50 ?

24 R. Je le sais parce qu’elle me l’a dit, parce

25 qu’elle me l’a dit elle-même.

Page 1572

1 Q. Est-ce que j’ai bien entendu, c’est elle-même

2 qui vous l’a dit ?

3 R. Oui.

4 Q. Donc, vous êtes en train de nous dire que

5 c’est elle qui vous l’a dit. Est-ce que vous savez que ce

6 témoin a déjà été entendue ?

7 R. Oui.

8 Q. Savez-vous qu’elle ne l’a jamais mentionné,

9 qu’elle n’a jamais mentionné cet homme ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Avant la guerre, vous ne connaissiez pas non

12 plus Radomir Kovac et vous ne connaissiez pas non plus

13 Micko ?

14 R. Oui, c’est exact. Je ne les connaissais pas.

15 Q. Vous avez donc vu Radomir Kovac, vous nous

16 l’avez dit, le 3. Est-ce que c’était la première fois que

17 vous le voyiez ? Vous l’avez vu habillé de cette façon

18 pour la première fois le 3. C’est bien exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous l’avez revu habillé de la

21 même façon ?

22 R. Oui.

23 Q. Quand ?

24 R. Quatre mois plus tard, lorsqu’ils nous ont

25 emmenées chez lui, lorsque je suis restée un certain temps

Page 1573

1 dans son appartement.

2 Q. Vous ai-je bien compris, est-ce que vous nous

3 dites que pendant votre séjour dans cet appartement, il

4 portait une casquette noire, un bandeau sur l’œil, des

5 pantalons de camouflage et une veste de cuir noir ?

6 R. Il ne portait pas de bandeau sur l’œil, mais

7 généralement, il portait en effet une veste noire, un

8 pantalon de camouflage ainsi qu’une casquette noire. Je le

9 sais.

10 Q. Est-ce qu’il lui arrivait de porter un béret

11 ?

12 R. Oui. C’est un béret qu’il portait, un béret

13 noir ou peut-être bleu. Je ne me souviens pas très

14 exactement. C’est ce que je mentionnais en parlant de

15 casquette.

16 Q. Est-il possible que cela ait été un béret

17 rouge ?

18 R. Je ne sais pas.

19 Q. Vous ne savez pas. Bien ! Étant donné les

20 circonstances, tout ce qui se passait le 3, le brouillard,

21 la peur, le fait que vous ne connaissiez pas ces gens, que

22 vous avez vu Micko plus tard, est-il possible que ce soit

23 Micko que vous ayez vu avec les soldats le 3 juillet, au

24 milieu du groupe de soldats près du rocher ?

25 R. Je ne sais pas.

Page 1574

1 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit qu’à

2 votre avis, il n’avait pas d’argent, pas assez d’argent

3 pour s’acheter des cigarettes ou du pain avant la guerre.

4 D’où sortez-vous cela ?

5 R. Ce sont ses collègues eux-mêmes qui me l’ont

6 dit, des gens qui le connaissaient très bien.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je

8 souhaiterais clarifier quelque chose en ce qui concerne la

9 traduction. Je ne parle pas B/C/S, mais moi, j’ai entendu

10 le témoin dire « ne » et pour moi, cela veut dire « non ».

11 Peut-être me suis-je trompée. Quand on lui a demandé si ça

12 pouvait être le frère, elle a dit « ne » et ça a été

13 traduit par : « Je ne sais pas ». Donc, je voudrais

14 clarifier cela, s’il vous plaît. Je suis un petit peu

15 surprise.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

17 les interprètes peuvent nous apporter des éclaircissements

18 à ce sujet ?

19 Me KOLESAR (interprétation) : Si vous me

20 permettez, Madame la Présidente, je souhaite dire, pour

21 ceux qui parlent serbo-croate, la réponse était : « Je ne

22 sais pas », « Ne Znam ».

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien !

24 Demandons au témoin de nous dire de quoi il retourne, de

25 clarifier les choses.

Page 1575

1 Me KOLESAR (interprétation) :

2 Q. Madame le Témoin, quand je vous ai demandé

3 s’il était possible que ça ait été Micko et non pas Radomir

4 qui se trouvait avec les soldats, je vous ai entendu

5 dire : « Je ne sais pas. »

6 R. Non. J’ai dit que ce n’était pas lui. J’ai

7 dit que ce n’était pas lui. Je n’ai pas dit : « Je ne sais

8 pas. » J’ai dit que ce n’était pas lui. J’ai dit :

9 « Non. » Je suis tout à fait sûre que c’était Klanfa.

10 Me KOLESAR (interprétation) : J’ai une demande à

11 formuler à l’intention du Greffe. Je voudrais savoir si la

12 procédure est enregistrée dans la langue originale ou non.

13 LA GREFFIÈRE : Nous avons effectivement des

14 cassettes que nous pouvons réécouter si vous le désirez

15 mais peut-être pas tout de suite, mais une vérification

16 peut être faite effectivement au niveau des cassettes, de

17 la retranscription des débats.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, en

19 effet, peut-être qu’on pourra faire ça plus tard, mais plus

20 tard, comme nous le dit bien Madame la Greffière

21 d’audience. Pouvons-nous poursuivre ?

22 Me KOLESAR (interprétation) : Merci. Je

23 souhaiterais demander la possibilité de pouvoir entendre

24 cette cassette aussi rapidement que possible.

25 Q. Madame le Témoin, vous avez dit que vous

Page 1576

1 aviez peur, donc, vous avez dormi dans les bois pour cette

2 raison ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous, s’il vous plaît, me dire sans

5 nous donner les noms des personnes s’il s’agit de personnes

6 protégées, je voudrais savoir, s’il vous plaît, qui était

7 là avec vous ce matin-là quand les soldats sont arrivés ?

8 R. Je l’ai déjà dit, je crois, mais bon, il y

9 avait donc DB, le numéro 87… un instant, s’il vous plaît.

10 Oui. Il y avait également le numéro 90, le numéro 48, le

11 numéro 74 ainsi que le numéro 88.

12 Q. Donc, à la page 4 de votre déclaration aux

13 enquêteurs du Tribunal, et je parle du sixième paragraphe

14 dans la version serbo/croate, cela commence par les mots

15 suivants : « Et ensuite, les soldats… »

16 R. « Et ensuite, les soldats nous ont obligés à

17 descendre de la colline et quand nous nous sommes approchés

18 du village, j’ai vu qu’il y avait des maisons qui étaient

19 complètement incendiées. J’ai entendu des tirs et j’ai su

20 qu’ils avaient tué les hommes qui avaient été appréhendés.

21 Ceci a été confirmé par mon père qui a vu leurs corps et

22 parmi eux se trouvait celui de mon frère de 20 ans. Mon

23 père a également trouvé le corps de ma mère de 42 ans. Il

24 a essayé de l’enterrer, mais il a entendu les Chetniks

25 approcher et il a fui. » Fin de la citation.

Page 1577

1 Q. [Hors microphone] Je voudrais vous demander

2 maintenant de vous référer à l’autre déclaration, celle que

3 vous avez donnée à l’AID et de vous pencher sur la page 1

4 de cette déclaration. Je parle du dernier paragraphe qui

5 commence par les mots : « Le 3 juillet… »

6 R. « Le 3 juillet 1992, à environ 6 h 20, il y a

7 eu des tirs dans la zone où nous nous trouvions. Nous

8 avons réalisé que nous étions encerclés. Nous avons

9 commencé à fuir vers la montagne et un homme, ma mère et

10 une autre femme ont été tués dans ces échanges de tirs.

11 Ils ont réussi à nous encercler et à nous capturer. Il y

12 avait environ 30 femmes, enfants et hommes âgés et environ

13 sept hommes plus jeunes. Mon frère a été blessé. Il a

14 également été capturé. Dans le groupe de ceux qui ont été

15 pris se trouvaient… »

16 Q. Ne dites pas les noms. Je vous prie donc,

17 Madame, de ne pas donner les noms des témoins puisqu’il

18 s’agit d’éléments d’identification. Donc, je voudrais

19 savoir d’où vient la différence entre ces deux

20 déclarations.

21 R. Ce n’est dû qu’à la traduction, à la façon

22 dont cela a été traduit.

23 Q. Oui, mais la déclaration que vous avez faite

24 aux autorités de la République de Bosnie-Herzégovine, vous

25 l’avez donnée en serbo-croate. Est-ce que cela signifie

Page 1578

1 que la traduction de la déclaration que vous avez donnée au

2 Tribunal ne correspond pas à ce que vous avez dit ?

3 R. Je ne vois pas de différence énorme.

4 Q. Puis-je passer à la question suivante ? Est-

5 ce qu’il est possible, d’après vous, que votre frère ait

6 été blessé dans les échanges de tirs qui ont opposé les

7 soldats serbes et les soldats musulmans étant donné qu’il

8 était armé, qu’il avait une arme, une arme qui été saisie,

9 c’est vrai, mais plus tard, apparemment, il a réussi à se

10 procurer une autre arme et donc il n’a pas été blessé

11 pendant qu’il fuyait ?

12 R. Il a été blessé alors qu’il fuyait dans le

13 groupe où moi-même, je me trouvais. À ce moment-là, il n’y

14 avait pas d’échange de tirs entre les musulmans et les…

15 Q. Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, combien

16 il y a de maisons dans votre village, combien il y a de

17 foyers, de familles sans tenir compte des appartenances

18 ethniques ?

19 R. Je ne peux pas vous dire exactement.

20 Q. Savez-vous combien il y avait de maisons

21 appartenant à des musulmans ?

22 R. Environ 30. Je n’ai jamais compté.

23 Q. Est-ce que j’ai bien compris : 30 maisons ou

24 30 familles ? C’est ça ?

25 R. Oui, à peu près.

Page 1579

1 Q. Sur ces 30 maisons, sur ces 30 foyers ou

2 familles, combien y avait-il d’hommes âgés de 16 à 60 ans ?

3 R. Je ne peux pas vous répondre non plus. Je ne

4 le sais pas.

5 Q. C’était vos voisins. Ce n’est quand même pas

6 trop vous demander.

7 R. Je sais, mais je n’ai jamais compté. Je n’ai

8 jamais écrit cela pour obtenir un chiffre exact. Ça ne

9 m’intéressait pas. Je n’ai jamais vraiment fait attention.

10 Je ne sais pas. Si je les passais en revue, si je le

11 notais comme ça sur une feuille de papier, peut-être je

12 pourrais vous le dire, mais comme ça de but en blanc, je ne

13 peux pas vous le dire.

14 Q. Bien ! Pouvez-vous me dire combien de gens

15 on a emmenés ce 3 juillet à la caserne de Buk Bijela ou aux

16 baraques de Buk Bijela (se reprend l’interprète) ?

17 R. Aux baraques, seulement un homme a été emmené

18 aux baraques.

19 Q. Je n’ai pas parlé des hommes. Je vous ai

20 parlé de tout le monde, femmes, enfants, hommes, jeunes

21 filles.

22 R. J’ai pensé que vous parliez uniquement des

23 hommes.

24 Q. Peu importe, mais pouvez-vous répondre à ma

25 question ?

Page 1580

1 R. Je ne peux pas vous dire. En tout cas,

2 disons que le premier jour, nous étions une trentaine de

3 femmes et d’enfants qui avons été rassemblés, appréhendés,

4 regroupés.

5 Q. Vous nous dites qu’il y avait combien

6 d’hommes ?

7 R. Un homme.

8 Q. Je vois, mais qu’en est-il des autres hommes

9 ?

10 R. Monsieur Kovac le sait parfaitement parce

11 qu’il m’a dit à moi personnellement ce qui leur était

12 arrivé.

13 Q. Moi, je vais vous demander, s’il vous plaît,

14 de répondre à mes questions et de ne pas faire ce que vous

15 êtes en train de faire, s’il vous plaît.

16 R. Sept d’entre eux ont été rassemblés, ils

17 étaient vivants et avant cela, un d’entre eux a été tué.

18 Q. Et les autres, ont-ils fui ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vais poursuivre. Comment est-ce que vous

21 savez que c’est Radomir Kovac qui a tué votre frère ?

22 R. Parce qu’il me l’a dit directement. Il me

23 violait chez lui dans son appartement. Il m’a dit : « Que

24 veux-tu ? C’est moi qui ai tué ton frère. » Et moi, je

25 suis venue assister à son procès.

Page 1581

1 Q. Est-ce que ça vous paraît logique que la

2 personne qui tue quelqu’un le dit, l’admet devant la

3 personne qui est plus proche à la victime, qu’il y ait viol

4 ou pas ?

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin ne

6 doit pas répondre à cette question. Ce n’est pas une

7 question qui doit être posée à ce témoin.

8 Me KOLESAR (interprétation) :

9 Q. Parlons maintenant de votre séjour dans

10 l’immeuble Lepa Brena. D’où êtes-vous venue dans cet

11 appartement ?

12 R. D’un appartement qui était dans le Ribarsko

13 Naselje, dans l’agglomération Ribarsko. Nous avons été

14 emmenés dans cet appartement par Klanfa et Cosovic.

15 Q. De quel appartement ?

16 R. Un appartement qui était dans la partie

17 Ribarsko.

18 Q. Comment est-ce que vous ne savez pas puisque

19 vous avez participé à ces événements ?

20 R. Eh bien, je ne sais pas.

21 Q. Pourquoi êtes-vous venue ?

22 R. Pourquoi ? Vraiment, je ne sais pas pourquoi

23 je suis venue.

24 Q. C’est moi qui vous pose cette question.

25 R. Parce qu’on m’a amenée là-bas.

Page 1582

1 Q. Voilà ! C’est une réponse. Qui est venu

2 avec vous ? Ne citez pas de noms, s’il vous plaît.

3 R. Je pensais aux hommes. Le numéro 87 et aussi

4 AB et AS.

5 Q. Vous maintenez l’affirmation que vous avez

6 été rendue dans un appartement à Lepa Brena ?

7 R. On a été rendu dans un appartement dans

8 l’agglomération Ribarsko. C’était des appartements de

9 Gojko Jankovic, de Zelenovic et… (Note de l’interprète :

10 d’une troisième personne dont l’interprète n’a pas entendu

11 le nom). Jagos Kostic et Klanfa sont venus et ils nous ont

12 amenés dans le groupe d’immeubles Brena.

13 Q. Je souhaite maintenant que vous regardiez

14 votre déclaration donnée aux enquêteurs de ce Tribunal, la

15 page 13. Avez-vous trouvé la page 13 ?

16 R. Oui.

17 Q. L’avant-dernier paragraphe qui commence par

18 les mots : « Le matin suivant… »

19 Est-ce que vous pouvez lire juste cette première

20 phrase ?

21 R. « Le matin suivant, Tuta et Zelja nous ont

22 rendus à Klanfa Kovac et Jagos Kostic qui sont venus et qui

23 nous ont amenés dans un appartement dans l’immeuble

24 résidentiel Brena où nous sommes restés 20 jours. »

25 Q. Veuillez trouver maintenant la page 8, s’il

Page 1583

1 vous plaît. Paragraphe 3, huitième ligne, la phrase qui

2 commence par : « Le lendemain matin est venu… »

3 Est-ce que vous pourriez nous lire cette partie-là

4 ?

5 R. Page 8 ?

6 Q. [Hors microphone] Page 8, paragraphe 4, la

7 huitième ligne à partir du début du paragraphe qui

8 commence par les mots : « Le lendemain matin… »

9 R. « Le lendemain matin est venu Kovac, Radomir,

10 surnommé Klanfa et Jagos Kostic. Soi-disant ce jour-là,

11 ils devaient être nos protecteurs. Gojko a donné son

12 accord pour faire ça et il a dit que ces jeunes hommes

13 allaient nous garder dans un appartement. »

14 Q. Finalement, devant le Tribunal, il a été dit

15 que Tuta, Gojko, Zelja et Pero vous ont rendues. Qu’est-ce

16 qui est vrai ? Quelle est la vérité parmi ces trois

17 versions ?

18 R. Eh bien, c’est Tuta et Zelja qui nous ont

19 rendues. En ce qui concerne ça, c’était Gojko, Tuta et

20 Zelja et je ne sais pas quels étaient les détails de leur

21 accord. Je sais qu’ils ont dit que ces jeunes hommes

22 allaient venir pour nous amener et nous protéger.

23 Q. Oui, mais dans vos trois déclarations, vous

24 mentionnez des personnes différentes. Pourriez-vous nous

25 expliquer ?

Page 1584

1 R. Ils étaient là ensemble tous les trois. Je

2 ne me souviens pas très exactement de qui a dit quoi.

3 Q. Donc, deux, trois, peut-être même quatre

4 personnes vous ont rendues à Kovac et à Kostic, mais

5 comment est-ce que vous êtes arrivées jusqu’à l’immeuble

6 Lepa Brena depuis l’endroit où vous avez été rendues ?

7 R. À pied.

8 Q. Est-ce qu’ils vous ont dit pourquoi vous y

9 alliez et ce à quoi la situation allait ressembler dans cet

10 appartement ?

11 R. Ils nous ont dit qu’à partir de ce jour-là,

12 ils étaient les seuls qui allaient s’occuper de nous, que

13 personne d’autre ne pourrait venir, que personne n’allait

14 nous toucher, personne d’autre.

15 Q. Ce jour-là où Kostic et Kovac sont venus vous

16 chercher, comment étaient-ils vêtus, en vêtements civils ou

17 en uniformes ?

18 R. En uniformes.

19 Q. Très bien ! Dites-moi, s’il vous plaît, est-

20 ce qu’il est exact qu’à ce moment-là, Kovac vous a dit que

21 vous alliez être protégée, que personne n’allait vous

22 toucher, qu’il n’allait faire venir personne ?

23 R. Oui.

24 Q. Et que vous alliez y rester jusqu’au moment

25 où vous pouviez sortir ?

Page 1585

1 R. Oui.

2 Q. Là, je cite vos mots. Sortir, que voulez-

3 vous dire par là ?

4 R. Eh bien, être transférée jusqu’au territoire

5 libre, transférée à partir de là jusqu’au territoire libre.

6 Q. Donc, vous avez fait ce chemin à pied entre

7 cet endroit et l’immeuble Lepa Brena. Sur le chemin, est-

8 ce que quelqu’un vous a maltraitée, est-ce que quelqu’un

9 vous a menacée, est-ce qu’on a abusé de vous ?

10 R. Non. Je ne me souviens pas de cela.

11 Q. Est-ce que vous vous êtes arrêtée pour aller

12 dans un magasin ?

13 R. Je ne m’en souviens pas.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez que dans

15 l’immeuble de Lepa Brena, il existe un magasin Maglic au

16 rez-de-chaussée ?

17 R. Je m’en souviens.

18 Q. Est-ce que vous y êtes entrée ?

19 R. Non.

20 Q. Vous ne savez pas ?

21 R. Nous n’y sommes pas entrées.

22 Q. Non ?

23 R. Non.

24 Me KOLESAR (interprétation) : Je souhaite que

25 l’on montre au témoin la photo dont la cote est 407401.

Page 1586

1 Elle a été versée en tant que pièce à conviction numéro 11

2 des pièces à conviction du Procureur, d’après le compte-

3 rendu.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de cette photo

5 ? Est-ce que vous vous souvenez que le Procureur vous a

6 montré cette photo pendant votre interrogatoire principal ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez dit que c’était l’immeuble de Lepa

9 Brena où vous avez été amenée ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez dit également et vous avez montré

12 l’appartement de Radomir Kovac. Est-ce que vous pouvez

13 faire la même chose ?

14 R. C’est l’appartement au quatrième étage.

15 Q. Revenons à la déclaration que vous avez

16 donnée aux autorités de la République de Bosnie-

17 Herzégovine, page 8 de nouveau, la phrase d’après celle que

18 vous avez déjà lue : « Ils nous ont emmenées… »

19 R. Page 8 ?

20 Q. Oui, page 8. Vous avez lu tout à l’heure la

21 phrase commençant par : « Le lendemain matin est venu… »

22 La phrase d’après, la phrase après celle-là :

23 « Ils nous ont emmenées… »

24 Est-ce que vous voulez que moi, je lise ça ?

25 R. Oui.

Page 1587

1 Q. « Klanfa et Jagos nous ont emmenées dans un

2 appartement au sixième ou septième étage de l’immeuble Lepa

3 Brena. »

4 Est-ce que vous avez trouvé ça ?

5 R. Oui, j’ai trouvé.

6 Q. Quelle est la vérité, le quatrième, cinquième

7 ou bien le sixième ou septième étage ?

8 R. Quatrième ou cinquième. Je ne me souviens

9 pas très exactement.

10 Q. Très bien ! Revenons à cette photo, s’il

11 vous plaît. Qu’est-ce que vous voyez au rez-de-chaussée ?

12 R. Je vois un magasin qui s’appelait Market.

13 Q. [Hors microphone] Pouvez-vous lire le nom ?

14 R. Je peux lire Market, mais l’inscription en

15 haut, je ne peux pas la lire.

16 Q. Ce que vous venez de nous montrer, est-ce que

17 vous êtes sûre qu’il s’agit de l’appartement dans lequel

18 vous avez séjourné, de l’appartement dans lequel Radomir

19 Kovac vous a amenée ?

20 R. Je pense que oui.

21 Q. Comment ça vous pensez que oui puisque avant,

22 vous avez montré exactement l’étage et l’immeuble ?

23 R. Oui, logiquement puisque si le magasin est au

24 rez-de-chaussée, ça veut dire que c’est le même immeuble.

25 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …l’attention de

Page 1588

1 la Chambre de première instance quant au fait qu’il ne peut

2 garantir à 100 pour cent une protection du témoin quant à

3 la déformation de sa voix si les avocats ne font pas

4 l’effort d’éteindre leur micro à chaque fois qu’ils ont

5 fini de poser leurs questions.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

7 l’Avocat, veuillez tenir compte de cela.

8 Me KOLESAR (interprétation) : Je comprends et

9 j’essaie d’appuyer, mais d’habitude, le témoin répond avant

10 que je débranche le micro et je demanderais au témoin

11 également de ne pas répondre tout de suite mais d’attendre

12 que je débranche mon micro d’abord.

13 Q. S’il vous plaît, cette porte en bois, où

14 porte-t-elle, où mène-t-elle ?

15 R. Aucune idée. Je ne me souviens pas avoir vu

16 cette porte. Tout comme à Partizan, il n’y avait jamais de

17 Croix-Rouge.

18 Q. S’il vous plaît, montrez-moi où se trouve

19 l’entrée de l’immeuble par laquelle on passe pour aller

20 dans l’appartement dans lequel vous avez séjourné.

21 R. Justement là où se trouve cette porte en

22 bois, mais à l’époque, cette porte n’existait pas.

23 Q. Pour votre information, cette porte en bois

24 constitue l’entrée du magasin.

25 R. Je pense que non. Pour autant que je sache,

Page 1589

1 c’est à partir de cet endroit de ce côté-là [indication du

2 témoin] qu’on entrait dans le magasin, si je m’en souviens

3 bien.

4 Q. Est-ce qu’à l’entrée, il y avait un ascenseur

5 près de l’escalier ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

7 Q. Si l’on examine cette photo, est-ce que vous

8 pouvez me dire si l’immeuble continue du côté gauche, est-

9 ce qu’il y a une entrée avec l’escalier là-bas aussi ?

10 R. Oui, ici [indication du témoin]. Il y a une

11 autre entrée aussi et je pense que devant l’immeuble, il y

12 avait un salon de coiffure, j’ai l’impression, si je m’en

13 souviens bien.

14 Q. En ce qui concerne cet immeuble Lepa Brena,

15 est-ce qu’il y a une partie de l’immeuble qui est de

16 moindre taille par rapport au reste de l’immeuble ?

17 R. Je n’ai pas compris.

18 Q. Je vous ai demandé si une partie de

19 l’immeuble Lepa Brena du côté gauche, si l’on se base sur

20 la photo, qui est de moindre taille vis-à-vis de l’immeuble

21 que l’on voit sur cette photo et, de toute évidence, il

22 s’agit de l’immeuble Lepa Brena ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Comment ça vous ne savez pas puisque vous y

25 êtes entrée plusieurs fois pendant votre séjour ?

Page 1590

1 R. Oui, j’y entrais, mais je ne l’ai

2 pratiquement pas vu parce que moi, je ne faisais pas

3 attention. Je n’essayais pas de voir autour de moi, mais

4 j’avais la tête penchée en avant et je regardais droit

5 devant moi.

6 Q. Très bien ! Parlons maintenant de

7 l’appartement lui-même. Quelle est la surface de cet

8 appartement ?

9 R. Je crois qu’il s’agissait d’un deux pièces.

10 Oui, deux pièces.

11 Q. Quelles étaient les pièces ?

12 R. Deux chambres, une cuisine, une salle de bain

13 et un couloir et un balcon.

14 Q. Le balcon se trouvait devant quelle pièce ?

15 R. La cuisine, je pense.

16 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire la

17 disposition des meubles dans la cuisine ?

18 R. Je n’ai vraiment aucune idée.

19 Q. Est-ce que vous pourriez me décrire la

20 disposition des meubles dans la salle de séjour ?

21 R. Dans la salle de séjour, il y avait un lit à

22 coucher, un lit double, il y avait une sorte de sofa, il y

23 avait une table ronde, et en face, il y avait une étagère.

24 Q. Quand vous dites « secia (ph.) », sofa, de

25 quoi parlez-vous ?

Page 1591

1 R. Ce n’est pas vraiment un canapé. Ça

2 ressemble à cela, mais il ne s’agit pas d’un canapé-lit.

3 Ça ne sert qu’à s’asseoir dessus.

4 Q. La table, est-ce que vous pouvez la décrire ?

5 R. Tout ce que je sais c’est que c’était une

6 table ronde.

7 Q. De quelle taille ?

8 R. Je ne l’ai vraiment pas mesurée.

9 Q. Table basse ou bien est-ce que c’était une

10 table de la salle à manger, table haute ?

11 R. Non. Une table basse.

12 Q. Quel était le matériel dont la surface de la

13 table était constituée ?

14 R. Vraiment, je ne m’en souviens pas.

15 Q. Dans la chambre à coucher, qu’est-ce qu’il y

16 avait ?

17 R. Ce n’était pas vraiment une chambre à

18 coucher. C’était une sorte de chambre d’enfant. Je crois

19 qu’il y avait deux lits l’un au-dessus de l’autre, ensuite,

20 une armoire et je ne sais pas très exactement s’il y avait

21 un canapé ou pas à gauche par rapport à l’entrée.

22 Q. Les fenêtres de cette chambre donnaient sur

23 quoi ?

24 R. Je ne sais pas.

25 Q. Est-ce que vous savez sur quoi donnaient les

Page 1592

1 fenêtres de la salle de séjour ?

2 R. Ici, ici même [indication du témoin], sur

3 cette rue. La fenêtre de la cuisine et du séjour, ces

4 fenêtres-là donnent sur cette rue, la rue devant.

5 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise, les

6 fenêtres de la cuisine et de la salle de séjour donnent sur

7 la rue ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci. Dites-nous, s’il vous plaît, qu’est-

10 ce qu’il y avait dans la salle de bain : une machine à

11 laver ?

12 R. Oui, il y avait une machine à laver. Ça, je

13 me souviens très bien puisqu’on lavait beaucoup de linge.

14 Q. Est-ce que vous aviez un poste de télé ou

15 bien un magnétoscope ?

16 R. Je crois que non. Je ne sais pas. Je ne

17 m’en souviens pas.

18 Q. Dites-moi, s’il vous plaît, lorsque vous êtes

19 venue dans cet appartement, quelle a été votre disposition

20 ? Je veux dire qui dormait où ? Donc, je parle de vous

21 qui avez été emmenée et les deux hommes.

22 R. Eh bien, puisque Monsieur Kovac m’a prise,

23 moi d’abord, et le numéro 87 afin de nous protéger, nous

24 dormions avec lui sur le canapé dans la salle de séjour,

25 alors que Jagos Kostic a amené dans la chambre AS et AB.

Page 1593

1 Q. Est-ce que vous avez gardé la même

2 disposition par la suite ou bien est-ce que ça a changé ?

3 R. Vous parlez de nous ou des meubles ?

4 Q. Je parle de la manière dont vous dormiez.

5 R. Bien sûr que ça a changé.

6 Q. Dans quel sens ?

7 R. Eh bien, Kovac avait l’intention de violer

8 toutes les quatre. Puisque Jagos Kostic avait dit qu’il

9 allait protéger AS, donc il ne pouvait pas puisque c’était

10 un collègue qu’il respectait beaucoup. Donc, il ne pouvait

11 pas la violer elle et nous, bien sûr, personne ne nous… je

12 veux dire nous, il pouvait le faire.

13 Q. Madame le Témoin, ce n’était pas ma question.

14 Je vous ai demandé si, pendant votre séjour dans cet

15 appartement, vous avez changé d’endroit où vous dormiez.

16 Est-ce que les places des gens qui séjournaient dans

17 l’appartement ont changé ?

18 R. Oui.

19 Q. Dites-moi comment ceci s’est produit.

20 Qu’est-ce qui a changé ?

21 R. Eh bien, il m’a rejetée et ensuite, il a pris

22 AB, mais elle non plus, il ne l’a pas gardée pendant

23 longtemps, il l’a rejetée elle aussi. Ensuite, il a pris

24 le numéro 87 et ensuite, il passait le plus de temps avec

25 elle.

Page 1594

1 Q. Je ne comprends pas ce terme, « rejetée ».

2 C’est un terme qui est employé lorsqu’on parle de l’amour

3 entre un homme et une femme. C’est là qu’un homme rejette

4 une femme.

5 R. Eh bien, pendant qu’il abusait de moi,

6 c’était comme ça. Ensuite, il en a eu assez et là, il ne

7 m’a plus gardée auprès de lui. Il m’a placée dans une

8 autre chambre et il a gardé AB, mais elle non plus, il n’a

9 pas eu besoin d’elle pendant longtemps et puis ensuite,

10 quand il en a eu assez d’elle, c’est là qu’il a pris le

11 numéro 87. C’est ce que j’ai voulu dire.

12 Q. Vous me répondez toujours à côté, mais ce

13 n’est pas la question que je vous ai posée.

14 R. À ce moment-là, je ne vous ai pas compris, je

15 n’ai pas compris la question.

16 Q. Vous m’avez dit que vous-même ainsi que 87,

17 vous étiez sur le grand lit ensemble avec Kovac et AB et AS

18 étaient dans une autre chambre avec Jagos. Est-ce que je

19 vous ai bien comprise ?

20 R. Oui.

21 Q. À partir du moment où il vous a rejetée,

22 qu’est-ce qui s’est passé avec vous ?

23 R. Je suis partie dans l’autre chambre ou à la

24 cuisine. Je ne me souviens plus exactement où je dormais

25 par la suite. Je ne sais plus, mais je pense que j’étais à

Page 1595

1 la cuisine.

2 Q. Est-ce que dans la cuisine, il y avait un lit

3 ?

4 R. Oui. Il y avait un lit, un canapé-lit,

5 enfin, quelque chose de ce type-là.

6 Q. Eh bien, c’est 87 qui est restée toute seule

7 dans la salle de séjour avec Kovac, n’est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Tout à l’heure, vous avez dit qu’ensuite, il

10 a pris AB.

11 R. Oui. AB était également avec lui, mais très

12 peu de temps. C’est ce que j’ai dit. Elle est restée peu

13 de temps. Ensuite, il a pris 87 avec lui.

14 Q. Au moment où il vous prenait, il ne prenait

15 pas en même temps 87 ? Je ne pense pas au moment même,

16 mais les mêmes jours.

17 R. Oui. Au début, oui. En même temps, il la

18 violait dans un même lit, 87 et moi-même.

19 Q. Et après ?

20 R. Après, il l’a prise toute seule mais il

21 emmenait d’autres femmes.

22 Q. Au moment où vous vous êtes rendue dans cet

23 appartement, qu’est-ce que vous avez emmené comme vêtements

24 ?

25 R. J’ai pris des vêtements dans l’appartement où

Page 1596

1 j’étais avant, où j’ai été emmenée par Tuta et Zelja.

2 Donc, c’était également indispensable de prendre quelques

3 vêtements pour pouvoir se changer parce qu’on n’avait pas

4 grand-chose. On avait peu de choses, pas trop.

5 Q. Est-ce que dans l’appartement où vous étiez

6 éventuellement, il y avait des vêtements que vous auriez pu

7 mettre ?

8 R. Non, je ne pense pas. Je ne me souviens pas.

9 Q. Vous en êtes sûre ? Il n’y en avait pas ?

10 R. Oui, j’en suis sûre parce qu’au bout d’un

11 certain temps, il y avait des personnes qui sont arrivées

12 et puis elles nous ont pris des vêtements et puis il n’y

13 avait pratiquement plus rien pour nous. Si, on a trouvé

14 quelque peu de vêtements qui étaient sales et c’est la

15 raison pour laquelle on a été obligé d’abord de le passer

16 au lave-linge pour ensuite mettre ces vêtements.

17 Q. Il y avait un lave-linge, n’est-ce pas ?

18 Vous l’avez dit.

19 R. Oui. J’ai dit qu’il y avait un lave-linge.

20 Q. Vous avez dit qu’effectivement il y avait ce

21 lave-linge, mais je ne vous ai pas posé la question si vous

22 aviez le droit de laver vos propres vêtements.

23 R. Oui, on avait le droit de laver nos

24 vêtements.

25 Q. Comment ça se passait avec d’autres affaires,

Page 1597

1 d’autres affaires d’hygiène enfin ?

2 R. Rien.

3 Q. Vous aviez du savon ? Vous pouviez vous

4 laver ? Est-ce que vous aviez également de la lessive ?

5 R. Oui, quelque peu. Pas trop. Quand il n’y en

6 avait plus, bien, on n’avait plus rien.

7 Q. Est-ce que vous pouviez également vous

8 préparer à manger quelque chose ? Est-ce que ceci vous a

9 été permis ?

10 R. Il n’y avait rien. Il y avait quelques

11 conserves éventuellement qu’on a ouvertes et puis c’était

12 tout.

13 Q. Vous l’affirmez ?

14 R. Oui.

15 Q. Pendant que les deux en question étaient sur

16 place dans l’appartement, est-ce que vous avez mangé

17 ensemble à une même table, vous preniez des repas ensemble

18 ou bien vous mangiez à part, vous quatre ?

19 R. Je ne me souviens pas.

20 Q. Combien de temps en continuité êtes-vous

21 restée dans cet appartement ?

22 R. Un mois à peu près. Un mois.

23 Q. Je vais vous rappeler ce que vous avez dit

24 devant les enquêteurs du Tribunal et où vous avez dit que

25 vous avez passé dans cet appartement une vingtaine de jours

Page 1598

1 et vous l’avez dit également au moment où vous avez donné

2 les déclarations devant les autorités de Bosnie-

3 Herzégovine. Est-ce que vous voulez me dire ce qui est

4 vrai, ce qui est exact ?

5 R. C’est exact que j’ai dit comme je l’ai dit,

6 mais il nous a remis aux gens qui sont arrivés de Serbie.

7 Ensuite, il nous a ramenées de nouveau dans cet

8 appartement. Par conséquent, tout ceci a duré à peu près

9 un mois, un mois et demi parce qu’il nous avait remises à

10 un moment donné aux autres personnes.

11 Q. Est-ce que vous pouvez me dire également

12 autre chose ? Pendant que vous étiez dans cet appartement,

13 pendant que vous étiez donc dans l’appartement, combien de

14 fois Kovac a passé dans cet appartement, combien de nuits

15 il était dans l’appartement étant donné qu’il allait quand

16 même remplir un certain nombre de missions qui lui ont été

17 confiées ?

18 R. Je ne me souviens pas véritablement. Je ne

19 m’en souviens pas.

20 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire

21 approximativement le nombre de nuits qu’il avait passées

22 dans l’appartement ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Seriez-vous d’accord avec moi que sur le

25 nombre total de jours que vous étiez dans cet appartement,

Page 1599

1 il y a passé la moitié du temps ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas exactement.

3 Q. Dites-moi, s’il vous plaît, pendant leur

4 absence, est-ce que l’appartement était fermé à clé, est-ce

5 que vous-même, vous aviez des clés de l’entrée principale,

6 est-ce que vous pouviez vous déplacer, aller chez des

7 voisins et aller faire des courses dans les magasins ?

8 R. On a été enfermé à clé.

9 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise que

10 pendant qu’il n’était pas dans l’appartement, vous ne

11 pouviez pas sortir parce que la porte a été fermée à clé ?

12 R. Oui, c’est ce que j’ai dit.

13 Q. Vous souvenez-vous que vous étiez de temps à

14 autre partie voir les voisins pour prêter du café, du sucre

15 ?

16 R. Non, pas moi.

17 Q. Et d’autres jeunes filles qui étaient avec

18 vous ?

19 R. Pendant que moi, j’étais dans l’appartement,

20 certainement pas, mais je ne peux pas vous dire en dehors

21 du temps où je n’étais pas dans cet appartement comment ça

22 s’est passé.

23 Q. Est-ce que les voisines venaient vous voir ?

24 R. Une vieille dame a enfoncé l’appartement,

25 elle nous a demandé de prendre tout et de laisser rien dans

Page 1600

1 l’appartement et je me souviens que Gojko Jankovic était

2 venu parce que Klanfa était enfermé à l’établissement

3 pénitentiaire de Foca et Gojko était venu et il l’avait

4 expulsée.

5 Q. Je ne vous ai pas tellement bien comprise.

6 Qui était à l’établissement pénitentiaire à Foca ?

7 R. Klanfa était au KP Dom.

8 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous savez quelle était la raison

11 et combien de jours il y est resté ? Je parle de la

12 prison.

13 R. Deux, trois nuits. Je ne sais pas

14 exactement.

15 Q. Au moment où Kovac et Kostic n’étaient pas en

16 mission, est-ce que vous les avez accompagnés, est-ce que

17 vous étiez dans des cafés, est-ce que vous avez pris des

18 boissons avec eux en ville ?

19 R. Avec eux-mêmes, non, personnellement. Étant

20 donné qu’ils nous ont mises à la disposition des hommes de

21 Serbie, une nuit, il y avait l’homme de Serbie qui m’a

22 emmenée dans un café et à cette époque-là, il y avait

23 Klanfa qui était avec 87 dans ce même café. Donc, c’est

24 une nuit que nous avons effectivement passée ensemble dans

25 un café.

Page 1601

1 Q. Vous étiez ensemble à une table, n’est-ce pas

2 ?

3 R. Oui.

4 Me LOPICIC (interprétation) : Je vous en prie, je

5 suis le compte-rendu et il n’y a pas donc de nom ou surnom

6 Klanfa au KP Dom. Je pense qu’il y a le nom qui manque.

7 C’est donc 15:38:22, page 1234, donc quatorzième ligne.

8 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Lopicic,

9 est-ce que vous voulez dire que c’est la réponse qui n’a

10 pas été entendue par l’interprète qui se trouvait à

11 l’établissement pénitentiaire ? Est-ce que la réponse

12 était que justement, c’était Klanfa ?

13 Me LOPICIC (interprétation) : Effectivement, la

14 transcription ne comprend pas le nom et le nom n’est pas

15 marqué. Je ne sais pas si vous avez entendu qu’il

16 s’agissait de Klanfa.

17 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Merci.

18 Me LOPICIC (interprétation) : C’était bien ça.

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je vous en

20 prie, est-ce qu’on peut demander éventuellement au témoin

21 de la répéter ? Les interprètes ne l’ont pas entendue.

22 Par conséquent, il faut peut-être reposer la question.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

24 est-ce que vous voulez bien poser la question une fois de

25 plus ? Le témoin pourrait nous donner la réponse et tout

Page 1602

1 le monde pourrait entendre la réponse de manière claire et

2 nette.

3 Me KOLESAR (interprétation) :

4 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise que

5 l’Accusé Kovac a passé un certain temps au KP Dom ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous savez combien de temps il est

10 resté à la prison ?

11 R. Je ne sais pas. Deux, trois nuits. Je ne

12 suis pas sûre.

13 Q. Pendant votre séjour dans l’appartement, est-

14 ce qu’une de vos cousines proches vous a visitée ? La

15 cousine proche de l’accusé ainsi que sa mère se rendaient

16 chez vous pour vous apporter de la nourriture pendant que

17 Kovac remplissait sa mission ?

18 R. Pas à moi.

19 Q. Peut-être pas à vous, mais éventuellement,

20 elles apportaient de la nourriture aux quelques autres ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Vous étiez toutes les quatre dans le même

23 appartement ?

24 R. Pendant que moi-même, j’étais dans

25 l’appartement, personne n’est venu pour m’apporter quoi que

Page 1603

1 ce soit et je ne peux rien dire d’autre.

2 Q. Vous avez mentionné qu’il y avait un certain

3 homme dont le surnom est Tarza qui s’était rendu dans

4 l’appartement. Est-ce que vous pouvez nous dire de qui il

5 s’agissait ?

6 R. Je sais qu’il a travaillé à Sipad de Maglic.

7 On l’appelait Tarza. Je ne connais pas son prénom, son nom

8 à l’époque. Je connaissais son nom, mais de toute façon,

9 là maintenant, je ne m’en souviens plus. Je connais son

10 surnom.

11 Q. Vous avez travaillé dans la même société ?

12 Vous avez travaillé au sein de la même organisation de

13 travail ?

14 R. C’était la même entreprise mais ce n’était

15 pas la même unité, le même département. Il y avait la

16 centrale thermique et il y avait également la chaudière.

17 Donc, il s’agissait d’un même département mais au sein du

18 département, il y avait deux sections et tout ça dans une

19 seule entreprise.

20 Q. Ce Tarza, qu’est-ce qu’il a fait ? Combien

21 de fois il s’était rendu dans l’appartement ? Quelles

22 étaient les raisons pour lesquelles il est venu ?

23 R. Je me souviens qu’une fois, c’est Klanfa qui

24 l’a emmené et puis je lui ai demandé s’il se souvenait de

25 moi. Il m’a dit qu’il ne se souvenait pas de moi et

Page 1604

1 depuis, je n’ai jamais parlé avec cet homme.

2 Q. C’est comme ça que vous avez terminé votre

3 discussion entre Tarza et vous-même ?

4 R. Il a parlé d’un certain nombre de choses,

5 mais de toute façon, je ne me souviens plus des sujets et

6 je ne me souviens plus des détails.

7 Q. En ce qui concerne Slavo Ivanovic, est-ce que

8 vous connaissiez avant Slavo Ivanovic ?

9 R. Oui.

10 Q. Je n’ai pas bien compris votre réponse.

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous pouvez donner la description

13 de cet âge, quel âge avait-il, comment il se présentait ?

14 R. Il avait des cheveux gris. Il avait un peu

15 plus que 50 ans. Je sais qu’il travaillait comme chauffeur

16 de taxi à Foca. Je sais qu’il est de taille moyenne, gros.

17 Q. Il vous a apporté un cadeau quand il est venu

18 vous voir ?

19 R. Non. Je ne me souviens vraiment pas du tout.

20 Je ne me souviens pas du tout.

21 Q. C’est peut-être de la charcuterie qu’il avait

22 apportée, prcut (ph.) ?

23 R. Non, je ne me souviens pas.

24 Q. Il était l’ami de Kovac ou de Jagos ?

25 R. Je ne me souviens pas.

Page 1605

1 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi, Madame

2 la Présidente, juste un petit moment pour consulter mes

3 notes.

4 Q. Pouvez-vous trouver la page 13, s’il vous

5 plaît, et jeter un coup d’œil sur la page 13 de votre

6 déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs du Tribunal

7 au mois de novembre 1995 ? Avant-dernier paragraphe, vous

8 avez donc la phrase, troisième ligne, qui commence : « Les

9 deux, trois premiers jours… »

10 R. « Les deux, trois premiers jours, Klanfa nous

11 a violées et ensuite, il a pris… »

12 Q. Je vous en prie, ne dites pas les noms. Je

13 vous en prie.

14 R. Excusez-moi. Tout est de ma faute.

15 « …il a pris donc AB, Kostic a pris AS et 87 et

16 moi-même, on nous a laissées tranquilles pendant une

17 dizaine de jours, alors que les deux autres jeunes filles

18 ont été violées de manière permanente. Moi-même et 87,

19 nous étions tranquilles. Rien ne s’est passé avec nous. »

20 Q. Merci. Je vous en prie, ça me suffit.

21 Maintenant, je vais vous demander de regarder votre

22 déclaration, page 8, donc la déclaration que vous avez

23 donnée aux autorités de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que

24 vous avez trouvé ?

25 Seizième ligne, dernier paragraphe et qui

Page 1606

1 commence : « Nous y étions pendant une vingtaine de

2 jours… »

3 Est-ce que vous pouvez nous donner lecture ?

4 R. « Klanfa nous a violées de manière

5 permanente, alors que Jagos dormait uniquement avec AS.

6 Ceci se passait en général pendant les nuits, pratiquement

7 chaque nuit, et au bout d’une vingtaine de jours, Klanfa a

8 pris pour lui numéro 87 et en ce qui me concerne et AB, il

9 nous a dit que nous devons aller pour satisfaire les hommes

10 qui sont venus de Serbie. »

11 Q. Merci. Ça suffit. Par conséquent, il y a

12 les deux déclarations. Il y en a une première que vous

13 avez donnée en 1995, l’autre en 1996. L’autre jour, lors

14 de votre déposition, vous avez relaté différemment ce qui

15 s’était passé. Au cours du contre-interrogatoire de cet

16 après-midi, vous avez dit que vous aviez la meilleure

17 mémoire bien évidemment avant.

18 Par conséquent, si vous comparez les trois

19 déclarations, pouvez-vous me dire maintenant quelles sont

20 les raisons pour lesquelles il y a eu de telles

21 contradictions, de telles discordances ? À mon sens, il

22 s’agit véritablement de discordances qui sont très, très

23 grandes.

24 R. Je n’ai aucune idée. Je n’en ai pas la

25 moindre idée.

Page 1607

1 Q. Il me semble que ce n’est pas véritablement

2 la réponse. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous donner la

3 réponse ?

4 R. Je ne sais pas quoi vous dire. De toute

5 façon, je ne pouvais pas me souvenir de tous les détails et

6 bien évidemment ça ne pouvait pas concorder à 100 pour

7 cent.

8 Q. Madame le Témoin, ce ne sont pas des détails

9 qui ne sont pas importants. Ce sont des choses qui, si

10 ceci vous est arrivé, c’est de telle nature que vous ne

11 pouvez pas oublier. C’est la raison pour laquelle je vais

12 vous demander, s’il vous plaît, de bien vouloir essayer de

13 vous en souvenir et de nous dire quelles sont les raisons

14 pour lesquelles vous avez donné les trois déclarations et

15 les trois sont différentes d’une manière drastique.

16 R. Je n’en ai pas la moindre idée. Je l’ai déjà

17 dit. Je répète que je ne me souviens pas quand j’ai dit

18 quoi, mais je me souviens d’un certain nombre de détails

19 quand même.

20 Q. Vous donnez des réponses non pas seulement à

21 cette question mais en général qui ne sont pas

22 permissibles. Faites un effort, s’il vous plaît, essayez

23 de m’expliquer. Dites-moi quelles sont les raisons pour

24 lesquelles ces trois déclarations sont aussi différentes.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

Page 1608

1 le témoin vient de dire qu’elle ne sait pas plus. Elle ne

2 peut pas satisfaire votre curiosité. Vous pouvez donc

3 continuer. Il s’agit par conséquent d’un certain nombre

4 d’arguments que vous allez utiliser lors de votre

5 plaidoirie. Par conséquent, vous ne pouvez pas obtenir des

6 réponses que le témoin ne veut pas et ne peut pas peut-être

7 vous donner. Vous accélérez, s’il vous plaît.

8 Me KOLESAR (interprétation) : Je n’insiste pas.

9 Je ne force pas le témoin de me répondre comme moi, je

10 souhaiterais recevoir la réponse, mais il n’y a aucune

11 réponse. Elle ne me donne aucune réponse.

12 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Kolesar,

13 vous avez essayé donc d’insister sur un certain nombre de

14 points lors du contre-interrogatoire. Le témoin vous dit

15 qu’elle ne peut dire rien de plus. Par conséquent, je

16 pense que vous pouvez passer à d’autres sujets, s’il vous

17 plaît.

18 Me KOLESAR (interprétation) : Merci.

19 Q. Je vais vous demander maintenant de bien

20 vouloir regarder la page 14 de votre déclaration,

21 déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs du

22 Tribunal, premier paragraphe…

23 R. Quatorzième page ?

24 Q. Oui. Premier paragraphe qui commence : « On

25 nous a emmené passer une nuit dans l’appartement de

Page 1609

1 Klanfa. »

2 R. « Une nuit, on nous a emmenées dans

3 l’appartement de Klanfa. Il y avait des soldats serbes qui

4 buvaient et qui tiraient par les fenêtres. Cette nuit,

5 Klanfa avec Dragan Stankovic a négocié la vente de AB.

6 J’ai entendu que Klanfa a vendu AB à Stankovic pour un prix

7 de 200 deutschmarks. Cette nuit, le soldat serbe répondant

8 au nom Zeljko a emmené AB dans le quartier Pod Masala alors

9 que AS a été emmenée dans l’appartement à Donje Polje. »

10 Jagos Kostic n’existe pas. Ce n’est pas bien fait. « Tuta

11 m’a emmenée ainsi que 87 dans son appartement qui se

12 trouvait dans l’immeuble Brena. »

13 Q. Est-ce que vous avez déclaré la même chose

14 aux autorités de la République de Bosnie-Herzégovine au

15 moment de votre interrogatoire ou bien c’était différent ?

16 R. Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas

17 exactement quand est-ce que j’ai dit des choses exactes.

18 Q. D’accord. Ça ne fait rien. On va y revenir

19 plus tard.

20 Maintenant, j’ai une autre question que j’aimerais

21 vous poser. D’après ce que vous avez déclaré jusqu’à

22 maintenant, disons ensemble que compte tenu donc de la

23 déclaration que vous avez donnée au Tribunal en novembre

24 1995, vous avez passé donc 20 jours dans l’appartement de

25 Klanfa. Est-ce que nous sommes bien d’accord jusque là ?

Page 1610

1 R. Oui, approximativement.

2 Q. Ensuite, vous avez dit que vous avez passé 20

3 jours dans l’appartement qui se trouvait dans l’immeuble à

4 côté de l’hôtel Zelengora ?

5 R. Je ne me souviens pas exactement combien de

6 jours j’ai passés dans ces deux endroits différents.

7 Q. J’essaie d’attirer votre attention sur ce que

8 vous avez dit dans vos déclarations respectives. Si vous

9 ne me faites pas confiance, on peut vérifier.

10 R. Moi, je me souviens que j’ai dit des choses

11 qui sont exactes, mais la moitié de ce que j’ai dit, je ne

12 m’en souviens plus.

13 Q. Est-ce que vous pouvez voir maintenant la

14 page 14 de votre déclaration que vous avez donnée au mois

15 de novembre devant les enquêteurs du Tribunal ? Deuxième

16 paragraphe d’en haut, la phrase qui commence avec : « Nous

17 sommes restées là-bas… »

18 R. « Nous sommes restées une quinzaine de

19 jours. »

20 Q. Vous parlez de l’appartement qui se trouvait

21 dans le quartier Pod Masala ?

22 R. Oui, je le pense.

23 Q. Revenez à la page 13, s’il vous plaît.

24 Dernier paragraphe qui commence : « De l’immeuble… »

25 R. « De l’immeuble Brena, Klanfa et AB ainsi que

Page 1611

1 moi-même, on nous a transférés jusqu’à la maison à côté de

2 l’hôtel Zelengora où nous sommes restés une vingtaine de

3 jours avec un certain nombre de soldats qui sont venus de

4 Serbie et qui appartenaient au groupe. »

5 Q. Ça suffit. Merci. Nous pouvons conclure que

6 vous avez déclaré que vous avez passé une vingtaine de

7 jours dans l’appartement de l’immeuble Brena, une vingtaine

8 dans un appartement qui est à côté de l’hôtel Zelengora et

9 une vingtaine auprès des hommes qui sont arrivés de Serbie.

10 Ça fait 55 jours à peu près. Est-ce que j’ai bien compté ?

11 R. Je ne peux pas vous dire exactement.

12 Q. Est-ce que 20, en plus 20 et en plus 15, ça

13 fait 55, n’est-ce pas ?

14 R. Oui, exactement, c’est 55.

15 Q. C’est la question que je vous posais.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 je pense que maintenant, c’est le temps de lever

18 l’audience. Vous avez eu une partie de l’après-midi, une

19 partie ce matin. Est-ce que vous avez encore d’autres

20 questions à poser ?

21 Me KOLESAR (interprétation) : Oui.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Combien de

23 temps vous avez besoin pour demain matin ?

24 Me KOLESAR (interprétation) : Une demi-heure au

25 moins.

Page 1612

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, Me

2 Kolesar, c’est un peu trop. Vous ne gérez pas très bien

3 votre temps, mais on vous laisse 15 minutes. Nous allons

4 commencer à 9 h 30 et j’espère que vous allez vraiment

5 planifier les questions que vous voulez poser. Donc, ça ne

6 doit pas aller au-delà d’un quart d’heure. Vous avez eu

7 beaucoup de temps, plus que ce qui est normalement permis.

8 Me KOLESAR (interprétation) : D’accord.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Demain, 9 h

10 30.

11 — L’audience est levée à 16 h 02

12 pour reprendre le mardi

13 4 avril 2000 à 9 h 30

14

15

16

17

Le mardi 4 avril 2000

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 [Le témoin entre dans la Cour]

5 — L’audience débute à 9 h 30

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

7 donner le numéro de l’affaire, s’il vous plaît.

8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T,

9 Le Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et

10 Zoran Vukovic.

TÉMOIN : TÉMOIN 75

11 (SOUS LE MÊME SERMENT)

12 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR (Suite)

13 (interprétation) :

14 Q. Madame le Témoin, nous avons terminé hier

15 notre contre-interrogatoire au moment où nous avons essayé

16 de voir combien de temps vous avez passé dans l’appartement

17 de Monsieur Kovac, ensuite dans l’immeuble à côté de

18 l’hôtel Zelengora et enfin dans le quartier Pod Masala,

19 mais nous nous sommes mis d’accord que c’était 55 jours.

20 R. Nous ne nous sommes pas mis d’accord. J’ai

21 dit que je ne suis pas tout à fait au courant, que je ne

22 sais pas, mais approximativement.

23 Q. Mais vous avez dit que ce que vous avez

24 déclaré déjà et ce qui est contenu dans vos déclarations

25 est la vérité ?

Page 1618

1 R. Je répète une fois de plus : Mais je ne suis

2 pas sûre. Je l’ai dit à cette époque-là également quand

3 j’ai donné des déclarations. Je le répète maintenant

4 également : Je ne suis pas tout à fait sûre.

5 Q. Est-ce que ça peut être 55 jours ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Mais supposons que c’est 55 jours, à ce

8 moment-là, c’est le 25 décembre que ces 55 jours se sont

9 écoulés ?

10 R. Je ne me souviens pas.

11 Q. Par conséquent, ça serait le 25 décembre :

12 Est-ce que vous êtes d’accord avec moi ?

13 R. J’ai dit que je ne m’en souvenais pas. Je ne

14 peux pas vous dire quoi que ce soit dont je ne me souviens

15 pas. Je ne peux pas vous dire que c’était vraiment à ce

16 moment-là. Je ne m’en souviens pas et puis c’est tout.

17 Q. La deuxième moitié du mois de décembre, vous

18 étiez encore à Foca, n’est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous savez que dans la deuxième

21 moitié du mois de décembre, à St-Nicholas – c’est une fête

22 orthodoxe – je suppose que vous savez qu’il y a eu une

23 attaque qui a été organisée sur Foca ?

24 R. Je ne me souviens pas.

25 Q. Mais vous ne vous souvenez pas qu’il y avait

Page 1619

1 une alerte par sirène et puis ensuite, il y avait des

2 combats et qu’on entendait les tirs ?

3 R. Non. Je ne sais pas. Je n’ai pas entendu.

4 Dans le studio où j’étais, il n’y avait ni radio ni

5 télévision. Je ne pouvais absolument rien entendre.

6 Q. Mais vous avez pu entendre des tirs, et en

7 dehors de la radio et de la télévision ?

8 R. Je ne l’ai pas entendu. J’ai entendu les

9 tirs uniquement quand ils fêtaient le Jour de l’An ou Noël.

10 C’est dans la ville que j’ai entendu qu’on tirait en l’air.

11 C’est tout ce que j’ai entendu comme tirs et pas en dehors

12 de ça.

13 Q. Est-ce que vous savez où se trouvait Klanfa à

14 cette époque-là ? Est-ce qu’il était sur le front ?

15 R. Je ne sais pas.

16 Q. Est-ce que vous savez qu’à ce moment-là, il a

17 été blessé, que c’était les jours où il a été blessé ?

18 R. Non.

19 Me KOLESAR (interprétation) : Mais si le témoin

20 continue comme ça, Madame la Présidente, j’aurai besoin de

21 moins de 10 minutes.

22 Q. Devant la Chambre, vous avez déclaré

23 concernant donc cet incident qui s’est passé dans

24 l’appartement où on vous a chassée pour vous conduire vers

25 la rivière de la Drina, c’est Kovac qui vous a fait sortir,

Page 1620

1 c’est Jagos Kostic qui vous a ramenée dans l’appartement et

2 puis ensuite, ils vous ont fait ressortir jusqu’au

3 confluent de Cehotina et de la Drina ?

4 R. Vous ne l’avez pas compris, tout au moins pas

5 ce que j’ai dit. Au moment où il nous a fait sortir de

6 l’appartement de Tuta, il nous a emmenées jusqu’au quartier

7 de Masala, il nous a demandé d’enlever les vêtements,

8 ensuite, il nous a fait revenir vers l’appartement et ce

9 n’est qu’en troisième temps qu’il nous a demandé d’aller au

10 confluent de Cehotina et de Drina. Je ne pense pas que

11 vous avez bien lu ce que j’ai dit.

12 Q. Excusez-moi mais je vous demande quand même

13 d’être un peu plus correcte parce que moi, je suis correct

14 vis-à-vis de vous quand je vous pose des questions.

15 R. Je ne sais pas. Moi, je pense que je suis

16 polie également.

17 Q. Est-ce que vous pouvez prendre la page 14 de

18 votre déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs du

19 Tribunal ? Page 14, deuxième paragraphe. Vers le milieu

20 de ce deuxième paragraphe, vous pouvez lire, si vous voulez

21 bien, la phrase – c’est l’avant-dernière – « Il nous a

22 forcées… » C’est l’avant-dernière phrase.

23 R. « Il nous a forcées d’aller jusqu’à Drina,

24 jusqu’au confluent de Drina et Cehotina. À ce moment-là,

25 c’est Jagos qui est arrivé. Il a échangé quelques mots

Page 1621

1 avec Klanfa et ensuite, il nous a fait revenir dans

2 l’appartement. »

3 Q. Merci. Maintenant, je vais vous demander de

4 trouver la déclaration que vous avez donnée devant les

5 autorités respectives de la République de Bosnie-

6 Herzégovine, page 9, quinzième par rapport… enfin, vers le

7 milieu d’en haut.

8 R. Mais je n’ai pas cette déclaration.

9 Q. Mais hier, vous l’aviez ?

10 R. Maintenant, je ne l’ai pas.

11 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Est-ce que

12 vous pouvez s’il vous plaît donner lecture de ce

13 paragraphe, Me Kolesar ?

14 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, bien sûr.

15 Q. « Il nous a forcées de sortir de

16 l’appartement. On était nu. Il a rencontré devant

17 l’immeuble Jagos. Il a parlé quelque peu avec lui.

18 Ensuite, il nous a fait revenir dans l’appartement. Nous

19 nous sommes habillées. Une fois que nous étions habillées,

20 nous sommes ressorties. Nous sommes passées à côté de la

21 mairie et nous sommes allées du côté du pont. Il avait un

22 fusil automatique. Il avait le couteau. Il nous a dit

23 qu’il allait nous égorger. Nous ne pouvions pas nous

24 approcher de la Drina et c’est la raison pour laquelle nous

25 sommes allées jusqu’au confluent Cehotina et Drina dans un

Page 1622

1 village qui s’appelle Sastovci. Jagos est venu nous voir.

2 Il a parlé quelque peu. Alors, il nous a giflées. Il nous

3 a demandé également de retourner dans l’appartement et que

4 de toute façon, par la suite, il allait voir ce qui allait

5 se passer avec nous. »

6 Est-ce que vous avez déclaré ceci ?

7 R. Oui, c’est exact.

8 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner quelque

9 peu plus de précisions ? Vous avez donné deux différentes

10 déclarations aux enquêteurs et vous avez également donné

11 une autre déclaration devant les autorités. Quand est-ce

12 qu’on vous a frappée ?

13 R. Mais au moment où nous sommes allées pour la

14 première fois vers Masala et puis sur le chemin de retour

15 également, on nous a frappées.

16 Q. Est-ce que vous êtes passées par le

17 confluent ?

18 R. Oui.

19 Q. Mais est-ce que vous avez passé également

20 devant l’immeuble de SUP ?

21 R. Oui.

22 Q. Il n’y a personne qui vous a protégées ?

23 R. Certainement pas les gens qui étaient à côté

24 sur la route. Ils riaient. Personne ne nous a pris en

25 protection. Personne ne nous a protégées.

Page 1623

1 Q. Est-ce qu’on peut revenir sur la page 13,

2 s’il vous plaît, de votre déclaration que vous avez donnée

3 aux enquêteurs du Tribunal ?

4 Vous dites… c’est l’avant-dernier paragraphe et

5 vous dites : « Les deux, trois premiers jours, Klanfa nous

6 a violées. Ensuite, il a pris AB et Kostic a pris AS. 87

7 et moi-même, nous n’avions pas été abusées. Puis, rien ne

8 s’est passé pendant 10 jours. Ensuite, Klanfa a amené un

9 soir… », et cætera, et cætera.

10 R. Je pense qu’il y a une différence dans la

11 traduction. Il n’y a pas véritablement une grande

12 différence.

13 Q. Mais devant la Chambre, vous avez donné une

14 autre description par rapport à ce qui s’est passé avec

15 vous au moment où vous vous êtes rendue dans l’immeuble de

16 Lepa Brena dans l’appartement qui a été utilisé par Kovac

17 et puis, vous avez également donné une autre description en

18 ce qui concerne la manière dont il a procédé quand il avait

19 violé, l’ordre par lequel il a violé ?

20 R. Je l’ai dit et je le redis. Pour ce qui est

21 les incidents et les détails, je ne peux pas m’en souvenir

22 aujourd’hui.

23 Q. En ce qui concerne les autorités

24 d’investigation de la République de Bosnie-Herzégovine,

25 vous avez dit que vous étiez pendant 20 jours sur place,

Page 1624

1 qu’il vous a violées : « Que Jagos dormait avec AS, qu’au

2 bout de 20 jours, Klanfa a pris pour lui-même 87 alors que

3 moi-même et AB, on nous a envoyées chez des hommes qui sont

4 arrivés de Serbie. »

5 Vous avez deux déclarations totalement

6 différentes sur les événements qui sont importants.

7 R. La première déclaration est certainement la

8 plus exacte, celle que j’ai donné aux enquêteurs du

9 Tribunal. Je ne peux pas véritablement me souvenir de

10 chaque détail de ce que j’ai dit à ce moment-là, de ce que

11 je dis en ce moment.

12 Q. À un moment donné au cours de notre contre-

13 interrogatoire, vous avez dit que vous êtes venue ici dans

14 le prétoire pour juger vous-même. Malheureusement, nous

15 n’avons pas le transcript et nous ne pouvons pas contrôler,

16 mais la question que je vous pose : Est-ce que c’est ça ce

17 que vous avez dit ?

18 R. C’est possible.

19 Q. Qui devait vous juger ? Est-ce que c’est

20 bien vous qui devez juger qui que ce soit ?

21 R. Non. Ce n’est pas moi qui dois juger. C’est

22 moi qui dois témoigner.

23 Q. Conviendrez-vous avec moi que pour ce qui

24 concerne la jalousie, si quelqu’un est pris par la

25 jalousie, à ce moment-là, la personne en question est

Page 1625

1 disposée, prête à entreprendre quelques démarches à l’égard

2 d’un certain nombre de personnes alors que d’autres

3 personnes qui ne sont pas jalouses ne l’entreprennent pas

4 et ne sont pas dans cette mesure de le faire ?

5 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi vous

6 parlez de la jalousie.

7 Q. Tout simplement parce que vous avez dit

8 qu’après quatre ou cinq jours, Klanfa vous a rejetée, et

9 hier, je l’ai dit : Moi, je sous-entends que tout

10 simplement, il s’agissait de quelqu’un qui a été rejeté

11 mais qui a été aimé.

12 R. Non. Je ne pouvais pas être une personne

13 aimée par Kovac et Klanfa. Je ne sais pas d’où vous sortez

14 ça.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

16 ne perdez pas votre temps. Une fois que le témoin aura été

17 contre-interrogée, on verra ce qu’elle avait sous-entendu

18 ou pas par « rejeté ».

19 R. Mais ce n’est pas possible. Moi, je ne

20 pouvais pas être une personne aimée par Klanfa. Sinon,

21 c’est mieux d’être morte que d’être une personne aimée par

22 lui.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais je vous

24 en prie, vous pouvez poursuivre, Me Kolesar.

25 Me KOLESAR (interprétation) : J’ai encore

Page 1626

1 quelques questions mais de toute façon, les 10 minutes se

2 sont écoulées. Par conséquent, je vais m’arrêter. Je ne

3 vais plus poursuivre.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

5 vous savez que votre client est sujet à des accusations qui

6 sont assez importantes.

7 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, bien

8 évidemment, Madame la Présidente.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais vous

10 pouvez poursuivre si vous voulez.

11 Me KOLESAR (interprétation) : J’en ai terminé,

12 Madame la Présidente.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Êtes-vous

14 sûr ?

15 Me KOLESAR (interprétation) : Absolument !

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais votre

17 client vous regarde, vous observe. Est-ce que vous le

18 comprenez ?

19 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

20 Présidente. J’ai obtenu le papier avec un certain nombre

21 de questions qui seraient des questions répétitives. Par

22 conséquent, vous pouvez demander à mon client si

23 éventuellement vous avez des choses à lui poser comme

24 questions.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord.

Page 1627

1 Me Jovanovic, est-ce que vous avez des questions à

2 poser ?

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Quelques

4 questions.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

6 prie.

7 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me JOVANOVIC

8 (interprétation) :

9 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je vais être le

10 plus rapide possible.

11 Madame, est-ce que vous êtes d’accord avec moi

12 pour dire, comme vous l’avez dit, que vous ne connaissiez

13 pas Zoran Vukovic avant la guerre ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous connaissez quelque chose sur

16 les membres de sa famille ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce qu’éventuellement, vous avez donné

19 d’autres informations à un autre témoin sur Zoran Vukovic,

20 sur les membres de sa famille, ce qu’ils font, quelles sont

21 leurs activités, où ils vivent, et cætera ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce qu’on vous a montré un album de

24 photographies et qu’il fallait éventuellement identifier

25 Zoran Vukovic sur ces photographies ?

Page 1628

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous avez réussi à identifier

3 Zoran Vukovic ?

4 R. Non.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je vais prier

6 l’Huissier de nous aider maintenant.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

8 Jovanovic, excusez-moi mais ralentissez le rythme. Tenez

9 compte également de l’interprétation.

10 Me JOVANOVIC (interprétation) : Il s’agit d’une

11 série de photographies, d’un album de photographies que le

12 témoin a déjà vu. Il y a également un autre témoin qui a

13 vu cette série de photographies, et ceci en vue

14 d’identifier Zoran Vukovic. Je n’ai pas plusieurs

15 exemplaires. Je n’ai pas été en mesure de photocopier

16 parce que deux minutes avant que nous commencions, la

17 photocopieuse ne fonctionnait pas. C’est la raison pour

18 laquelle je donne mon exemplaire et je vais demander au

19 témoin de bien vouloir identifier ce document.

20 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …tout d’abord

21 coté 60 des pièces du Procureur ?

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

23 vous pouvez donner la réponse ?

24 Ah ! c’est peut-être le Procureur. Peut-il nous

25 aider ?

Page 1629

1 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Il s’agit de

2 la pièce à conviction 60. Il s’agit d’un album de

3 photographies mais ça se rapporte à Dragoljub Kunarac. Le

4 Procureur n’a jamais montré la série de photographies qui

5 porte sur Zoran Vukovic.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous

7 remercie.

8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Moi, je pense

9 avoir dit que le Procureur n’avait pas montré ce document

10 mais que ça s’est passé devant d’autres autorités, pas

11 l’Accusation. Nous avons obtenu ce document du Procureur,

12 du Bureau du Procureur.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord,

14 c’est clair maintenant. Vous pouvez poursuivre. Je vous

15 en prie, poursuivez votre contre-interrogatoire.

16 Je vous en prie.

17 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

18 Présidente, Messieurs les Juges, nous aussi, on

19 souhaiterait pouvoir voir cette série de photographies.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais avant

21 donc de la montrer au témoin, le Procureur également

22 devrait pouvoir voir cette photographie et puis la Chambre

23 également souhaiterait voir la série de photographies.

24 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Mais il

25 s’agit toujours de la pièce à conviction 60. Ce n’est pas

Page 1630

1 de ce que nous parlons.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Excusez-moi,

3 est-ce que l’Huissier peut prendre l’exemplaire auprès du

4 Me Jovanovic et vous voyez d’abord, s’il vous plaît, au

5 niveau du Bureau du Procureur, et ensuite, c’est nous qui

6 allons le voir ?

7 Est-ce que vous pouvez nous dire s’il vous plaît

8 de quoi il s’agit ?

9 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui.

10 Effectivement, il s’agit du même document. Nous l’avons.

11 Nous l’avons reçu récemment de la part du gouvernement

12 bosniaque. Au moment où le témoin s’était rendue à

13 Sarajevo, où elle avait essayé d’identifier par les

14 photographies d’autres personnes, on lui a montré d’autres

15 photographies. Une de ces photographies concernait

16 Monsieur Zoran Vukovic.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien, de

18 quoi il s’agit, s’il vous plaît ? Qu’est-ce que vous

19 avez ?

20 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Il s’agit

21 d’un document, d’un document qui n’est pas accompagné d’une

22 légende et d’un rapport, le document du gouvernement de

23 Bosnie-Herzégovine qui concerne la procédure

24 d’identification. En passant par la photographie, ils ont

25 été en contact avec le témoin. Par conséquent, il n’y

Page 1631

1 avait pas, si vous voulez, un échange entre le Procureur et

2 le témoin mais c’était le témoin avec les autorités

3 bosniaques.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord,

5 j’ai compris.

6 Vous pouvez montrer, Me Jovanovic, maintenant ce

7 document au témoin.

8 R. Oui.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

10 prie, vous pouvez poursuivre.

11 Me JOVANOVIC (interprétation) :

12 Q. Est-ce que vous avez pu identifier Zoran

13 Vukovic à cette occasion-là ?

14 R. À peu près mais je n’en étais pas sûre.

15 Q. Merci.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

17 nous pouvons avoir maintenant le numéro ? Est-ce qu’on

18 peut attribuer un numéro ?

19 LA GREFFIÈRE : Coté D28 des pièces de la Défense,

20 D28.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ce n’est pas

22 encore admis comme pièce à conviction au dossier.

23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, oui, oui.

24 Absolument, Madame la Présidente. Je comprends bien.

25 Q. Madame, je vais vous demander maintenant, si

Page 1632

1 vous voulez bien m’aider pour essayer d’éclaircir également

2 ce point sur Zoran Vukovic. Par moments, on le voit dans

3 vos déclarations, dans d’autres cas, pas du tout. Il y a

4 une pièce à conviction D24. C’est une déclaration qui a

5 été donnée du 15 au 18 novembre 1995, et dans cette

6 déclaration, vous parlez de l’Accusé Zoran Vukovic dans une

7 seule phrase. Est-ce que c’est vrai ?

8 R. C’est possible.

9 Q. Entendu ! Il y a une autre déclaration sous

10 la cote D25, déclaration que vous avez donnée à l’AID.

11 Vous ne parlez pas du tout de Zoran Vukovic. Vous ne dites

12 pas un seul mot sur lui ?

13 R. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.

14 Q. Est-ce que c’est vous qui avez donné cette

15 déclaration ?

16 R. Oui, c’est possible, mais de toute façon, je

17 ne me souviens pas de chaque détail, et même à ce moment-

18 là, je ne m’en souvenais pas.

19 Q. Je vais vous rappeler que dans cette

20 déclaration, vous avez donné plus de 80 noms et surnoms des

21 personnes différentes.

22 R. Oui.

23 Q. Mais il n’y a que Zoran Vukovic qui manque,

24 dont le nom manque ?

25 R. C’est possible.

Page 1633

1 Q. Merci. Il y a la déclaration également sous

2 la cote D23. Vous ne parlez pas de Zoran Vukovic. C’est

3 une déclaration que vous avez donnée au Bureau du

4 Procureur. Est-ce que vous serez d’accord avec moi que

5 vous n’en parlez pas dans cette déclaration ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui est

7 marqué dans cette déclaration. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Je vais vous rappeler que ce sont les

9 déclarations que vous avez données entre le mois de

10 novembre et mars 1998.

11 R. Oui.

12 Q. Les déclarations dont on a parlé.

13 R. D’accord.

14 Q. Maintenant, il y a quelque chose qui est

15 quand même intéressante. Le procès est en cours et Zoran

16 Vukovic, nous en avons parlé de plus en plus. Est-ce que

17 le 24 septembre 1999, vous avez dit que Radomir Kovac vous

18 a emmené Zoran Vukovic pour le viol et que vous étiez

19 emmenée au quatrième étage à l’hôtel Zelengora et tout ceci

20 se passait au moment où vous étiez dans l’appartement à

21 Foca ?

22 R. Mais j’étais déjà dans l’appartement au

23 moment où il m’a emmené… quand Klanfa a emmené Vukovic,

24 moi, j’étais déjà sur place dans l’appartement.

25 Q. Vous ne me comprenez pas. Je vous demande si

Page 1634

1 vous avez déclaré ça à l’enquêteur Robert Kempf le 24

2 septembre 1999.

3 R. Ça, je ne m’en souviens pas si je l’ai fait

4 ou pas.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

6 Présidente, je souhaite demander à l’Huissier de nous aider

7 concernant… ça c’est un exemplaire en serbo-croate pour

8 Madame et voici les exemplaires pour les juges et les

9 collègues de l’Accusation, la version en anglais. Donc, la

10 première version est en serbo-croate et l’autre en anglais.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De quelle

12 déclaration ?

13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

14 Présidente, il s’agit de parties du mémorandum que nous

15 avons reçu du Procureur qui concerne la procédure avant le

16 procès et au cours du procès et qui concerne les contacts

17 entre l’Accusation et le témoin dans le cadre de cette

18 procédure. Ce que j’essaie c’est d’établir si de telles

19 affirmations sont vraies. C’est pour cela que je

20 demanderais au témoin d’abord de lire le document et

21 ensuite, nous allons poursuivre.

22 LA GREFFIÈRE : Ce document sera coté D29 des

23 pièces de la Défense.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) :

25 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ça

Page 1635

1 maintenant ?

2 R. Je me souviens mais pas comme ça. Ça c’est

3 certainement une erreur de traduction.

4 Q. Merci.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

6 Présidente, peut-on verser cela au dossier en tant que

7 pièce à conviction de la Défense ?

8 R. Parce que moi, j’étais déjà au quatrième

9 étage lorsqu’il l’a amené dans l’appartement. Ce n’est pas

10 lui qui m’a amenée au quatrième étage.

11 Q. Il faut clarifier quelque chose. Ce n’est

12 pas moi qui ai donné ces déclarations. Je n’ai fait que

13 les lire. C’est pour cela que moi, je vous pose des

14 questions à ce sujet.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il n’y a pas

16 d’objection apparemment. Donc, c’est versé au dossier avec

17 la même cote.

18 Me JOVANOVIC (interprétation) :

19 Q. Le 17 mars 2000, trois jours avant le début

20 du procès, est-ce que vous avez déclaré aux personnes

21 travaillant pour le Bureau du Procureur que Zoran Vukovic

22 s’est identifié lui-même en se présentant comme personne

23 qui a tué votre oncle ?

24 [Indication au conseil de ralentir]

25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci de cet

Page 1636

1 avertissement. Je vais répéter.

2 Q. Le 17 mars 2000, trois jours avant le début

3 du procès, est-ce que vous avez déclaré aux personnes

4 travaillant pour le Bureau du Procureur que Zoran Vukovic

5 s’est présenté lui-même devant vous en disant qu’il était

6 la personne ayant tué votre oncle et vous n’avez pas

7 mentionné à cette occasion de sévices sexuels et vous avez

8 dit que le tout s’est passé dans l’appartement du coaccusé

9 Kovac ? Est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Merci.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

13 Présidente, ici, nous avons un autre document, un autre

14 mémorandum que nous avons reçu du Procureur. J’ai

15 suffisamment d’exemplaires en anglais et en serbe et si

16 vous me le permettez, nous pouvons montrer ce document aux

17 collègues de l’Accusation et, s’il vous plaît, le verser au

18 dossier également.

19 LA GREFFIÈRE : Ce document daté du 17 mars 2000

20 sera coté D30 des pièces de la Défense, D30.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Apparemment,

22 il n’y a pas d’objection. Donc, il est admis.

23 Me JOVANOVIC (interprétation) :

24 Q. Dans votre déposition devant ce Tribunal le

25 30 mars 2000, en ce qui concerne ces deux événements, vous

Page 1637

1 les avez sublimés d’une certaine manière : le tout se passe

2 au même endroit et en même temps. Est-ce que vous pourriez

3 me dire laquelle de ces trois versions que je viens

4 d’exposer est conforme à la vérité ? Je ne vous entends

5 pas.

6 R. C’est vrai ça.

7 Q. Quoi ?

8 R. Ça.

9 Q. Quoi, s’il vous plaît ? Je ne vois pas bien

10 d’ici.

11 R. Le 17 mars 2000.

12 Q. Si je vous comprends bien, ça, c’est vrai et

13 le reste n’est pas vrai ?

14 R. C’est à peu près la même chose, mais en ce

15 qui concerne la traduction, ça, je ne peux pas clarifier

16 les différences.

17 Q. Donc, il s’agit d’une erreur de traduction ?

18 Très bien ! Poursuivons.

19 Maintenant, je vous demanderais que l’on revienne

20 l’espace d’un instant au moment où vous avez été emmenée à

21 Buk Bijela. Je souhaite que l’on clarifie… tout d’abord,

22 j’ai une autre question avant.

23 Est-ce que c’était la première fois que vous avez

24 vu Zoran Vukovic cette fois-ci à Buk Bijela ?

25 R. Oui.

Page 1638

1 Q. Merci. Je souhaite que l’on clarifie où vous

2 avez vu Zoran Vukovic pour la première fois, et là, je vous

3 propose deux versions : tout d’abord, la pièce à conviction

4 24, page 5, sur le chemin de baraques lorsque vous y êtes

5 amenée et ensuite, votre déposition, page 1387, ligne 25,

6 et page 1388, ligne 1, en date du 30 mars 2000, et dans

7 cette deuxième version, vous dites que ceci s’est produit

8 dans la même baraque de chantier lorsqu’on vous déplaçait

9 d’un endroit à un autre.

10 Laquelle des deux versions est vraie ?

11 R. Ce qui est vrai c’est qu’ils me déplaçaient

12 d’une baraque à l’autre et quand je suis sortie d’une

13 baraque, Zoran Vukovic est passé juste à côté de moi avec

14 mon oncle.

15 Q. Est-ce que ça veut dire que ce que vous avez

16 dit ici dans ce prétoire n’est pas vrai ?

17 R. Tout ce que j’ai dit est vrai. Ils

18 m’amenaient dans l’autre baraque. C’était devant l’entrée

19 de l’autre baraque.

20 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

21 Présidente, je pense qu’il serait utile pour nous si le

22 témoin répondait directement à mes questions et rien qu’à

23 mes questions. Ceci nous permettrait d’accélérer la

24 procédure.

25 Q. Il existe deux versions complètement

Page 1639

1 différentes : d’un côté, que ceci s’est passé à l’extérieur

2 et de l’autre côté, que ceci s’est passé à l’intérieur.

3 R. Pour autant que je m’en souvienne, c’était à

4 l’extérieur. Ils m’ont fait sortir d’une pièce, j’étais

5 dehors et c’est là que j’ai rencontré Zoran Vukovic avec

6 mon oncle et c’est là qu’ils m’ont amenée à l’autre

7 baraque.

8 Q. Je vais vous rafraîchir la mémoire.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

10 Jovanovic, veuillez attendre que le témoin termine sa

11 réponse. Attendez toujours.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

13 Présidente.

14 Q. Si j’ai bien compris, ceci est vrai :

15 « Ensuite, un soldat m’a amenée jusqu’à l’autre baraque.

16 Sur le chemin, je suis passée à côté de Zoran Vukovic et

17 mon oncle. »

18 Ça, c’est vrai, n’est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Pourquoi est-ce que vous avez proposé une

21 autre version devant les juges ?

22 R. Je ne me souviens pas avoir déclaré autre

23 chose.

24 Q. Merci. Est-ce que vous avez relaté cet

25 événement à qui que ce soit ?

Page 1640

1 R. C’est possible.

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Monsieur

3 l’Huissier, j’ai besoin de votre aide de nouveau.

4 Q. Maintenant, avec l’aide de Monsieur

5 l’Huissier, je vous montrerai le nom d’une personne et

6 veuillez me dire si vous connaissez cette personne ou non.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

8 répéter votre question, s’il vous plaît.

9 Me JOVANOVIC (interprétation) : Le témoin

10 connaît-elle cette personne ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que c’est l’épouse de la personne qui

13 a été tuée à Buk Bijela ?

14 R. C’est exact.

15 Q. En ce qui concerne cette personne dont vous

16 venez de lire le nom, est-ce que vous lui avez raconté ce

17 qui s’est passé à Buk Bijela ?

18 R. C’est exact.

19 Q. Est-ce que vous avez déclaré : « Zoran

20 Vukovic et Zoran Vilota étaient toujours avec lui et le

21 visage de mon mari était couvert de sang. Elle a vu que

22 ses oreilles étaient coupées. Elle m’a dit qu’ils ont

23 amené mon mari jusqu’à la rivière et qu’ils lui ont tiré

24 sur le dos. Elle a vu quand Zoran Vukovic est tombé dans

25 la rivière. Elle lui a demandé pourquoi Zoran Vukovic a

Page 1641

1 fait ça et il a dit que c’est parce que c’était un

2 vieillard. »

3 Est-ce que vous lui avez dit ça ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc, vous avez effectivement vu ça

6 conformément à ce qui est décrit ici ?

7 R. Non, pas tout ça. J’ai vu l’oncle. J’ai vu

8 ce à quoi il ressemblait. Mais par la suite, Vukovic, il

9 m’a tout raconté parce qu’il se disait que nous n’allions

10 pas sortir de là, nous n’allions pas sortir vivantes.

11 Donc, c’est pour ça qu’il m’a raconté tout ça.

12 Q. Si j’ai bien compris, vous saviez quelque

13 chose et donc vous avez construit l’événement tel qu’il a

14 dû se produire et ensuite, vous relatez cet événement à

15 quelqu’un d’autre ?

16 R. Lorsque j’ai vu mon oncle, lorsque j’ai vu ce

17 à quoi il ressemblait…

18 Q. Un moment, s’il vous plaît. Est-ce que vous

19 avez vu que Zoran Vukovic a tiré sur votre…

20 R. Non, je ne l’ai pas vu mais il m’a dit qu’il

21 l’a chassé jusqu’à la Drina et quand l’autre voulait

22 s’échapper, qu’à ce moment-là, il a tiré sur lui.

23 Q. Je vous ai lu quelque chose. Je vous ai

24 demandé si c’était vrai. Sur la base de ceci, l’on peut

25 supposer que vous avez des connaissances directes

Page 1642

1 concernant cet événement. C’est ce que je vous demande.

2 Répondez par oui ou non et en ce qui concerne ce que Zoran

3 Vukovic a dit, nous en parlerons plus tard. Ma question

4 porte uniquement sur ça maintenant.

5 R. Oui.

6 Q. Donc, vous avez dit ça ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

10 nous pouvons avoir un numéro pour cela ?

11 LA GREFFIÈRE : Le document sera coté D31 des

12 pièces de la Défense.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci et

14 c’est admis sous scellé pour que ce soit clair pour le

15 compte-rendu.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

17 Présidente, j’ai oublié de le dire, il s’agit d’une pièce à

18 conviction qui a déjà été versée comme pièce à conviction

19 D14, la partie que je viens de citer. Si vous vérifiez les

20 choses, vous pourrez voir que ça a déjà été admis. Je

21 m’excuse vraiment et à la Chambre et à la représentante du

22 Greffe. J’ai oublié de dire qu’il s’agit d’un document qui

23 a déjà reçu une cote, la cote D14.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je souhaite

25 que la Greffière nous le confirme.

Page 1643

1 LA GREFFIÈRE : Le document coté D14 des pièces de

2 la Défense était une déclaration d’un témoin protégé en

3 date du 8 et du 11 septembre. C’est un document donc

4 différent de ce que vient de nous donner Me Jovanovic.

5 Donc, le document, cette feuille de papier sur laquelle

6 porte le nom de ce témoin protégé, portera la cote D31.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

8 Présidente, il s’agit d’un malentendu. Je pensais à un

9 autre document.

10 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à ce moment,

11 lorsque vous voyez votre cousin, ça a duré pendant combien

12 de temps ?

13 R. Ça n’a pas duré du tout, peut-être quelques

14 secondes. On s’est croisé, c’est tout.

15 Q. Combien de personnes se trouvaient autour de

16 votre cousin à ce moment-là ?

17 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Quelle était la position de Zoran Vukovic à

19 ce moment-là par rapport à vous et votre oncle ?

20 R. Exactement.

21 Q. Excusez-moi, mais je n’ai pas compris la

22 réponse.

23 R. C’est exact. Il était debout ou plutôt, ce

24 n’est pas qu’il était debout, il passait avec lui puisque

25 nous ne pouvions pas être là calmes en train de parler.

Page 1644

1 Q. Je vous ai posé la question de savoir quelle

2 était la position de Zoran Vukovic par rapport à vous et

3 votre oncle.

4 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

6 Jovanovic, il faut parfois expliquer vos questions parce

7 que peut-être le témoin ne vous a pas bien compris. Donc

8 parfois, il est important de clarifier vos questions.

9 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

10 Présidente. Mon intention lorsque j’ai posé cette

11 question, c’était de voir quelle était la possibilité

12 d’identification de la part du témoin vis-à-vis de

13 l’accusé. Je souhaitais que le témoin explique combien de

14 temps cette rencontre a duré, dans quelles circonstances

15 elle a eu lieu, quelles étaient les personnes présentes

16 pour que l’on puisse voir s’il est possible que dans ces

17 quelques secondes, puisque le témoin dit que ceci s’est

18 produit pendant quelques secondes, si ceci a pu suffire

19 pour que le témoin puisse identifier par la suite avec

20 certitude la personne, surtout étant donné que c’était une

21 personne que le témoin a vue pour la première fois.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

23 Me JOVANOVIC (interprétation) :

24 Q. Juste avant d’avoir vu Zoran Vukovic et votre

25 oncle, qu’est-ce qui vous est arrivé ?

Page 1645

1 R. Je l’ai déjà dit.

2 Q. Est-ce qu’il est exact que l’on vous a amenée

3 après l’interrogatoire dans une autre pièce ?

4 R. C’est exact.

5 Q. Après cet interrogatoire que vous avez vécu,

6 comment vous sentiez-vous ?

7 R. Je pense que je l’ai déjà dit.

8 Q. Veuillez répéter ça parce que moi, je ne peux

9 pas me souvenir de tout.

10 R. Comment voulez-vous que je me sente ?

11 J’étais meurtrie. J’étais minable. J’étais horrible.

12 J’étais à moitié morte.

13 Q. Donc, vous étiez à moitié morte. Vous avez

14 vu votre oncle pendant quelques secondes dans un groupe de

15 personnes et vous reconnaissez Zoran Vukovic ?

16 R. Je m’excuse. Il n’y a pas eu de viol. Cette

17 rencontre a eu lieu avant mon viol. Je pense que c’est

18 bien écrit dans ma déclaration.

19 Q. Si l’on vérifie ce que j’ai dit, moi, j’ai

20 parlé de « l’interrogatoire » et non pas du « viol ».

21 R. Eh bien, moi, j’avais répondu à la question

22 concernant comment je me sentais après le viol et non pas

23 après l’interrogatoire.

24 Q. Je pense que ce serait très utile si vous

25 prêtiez attention à mes questions. Je vous ai posé une

Page 1646

1 question : Comment vous sentiez-vous psychologiquement

2 après l’interrogatoire que vous avez subi concernant

3 l’existence des armes, l’endroit où se trouvaient les

4 hommes, et cætera, et cætera ?

5 R. J’étais choquée.

6 Q. Merci. Je n’ai que deux, trois questions

7 brèves concernant un événement ou plutôt la nuit au cours

8 de laquelle la mosquée Aladza a été détruite. Voici mes

9 questions.

10 Pendant cette nuit-là, on vous a conduite en

11 véhicule, en voiture jusqu’à l’appartement près de Aladza :

12 Est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Zoran Vukovic était-il dans cette voiture ?

15 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

16 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui était dans

17 la voiture ?

18 R. Zaga et Gaga. Ça, je m’en souviens.

19 Q. Combien de vous, du Partizan ?

20 R. Quatre.

21 Q. Ça fait six ? Six personnes, je veux dire.

22 R. Je pense. Je ne sais pas avec exactitude.

23 Q. Il s’agissait de quel type de voiture ?

24 R. Je pense qu’on les appelait Pezeac. Il n’y

25 avait pas d’échappement.

Page 1647

1 Q. Puisque les juges, ni les collègues de la

2 Défense ne connaissent pas les voitures que l’on conduit

3 chez nous…

4 R. C’est Zaga qui la conduisait.

5 Q. Est-ce que vous diriez que c’est une grande

6 voiture ?

7 R. Non. Petite. J’ai oublié comment ça

8 s’appelle.

9 Q. Merci.

10 R. Je sais simplement que ça s’appelait Pezeac.

11 Q. Est-ce que c’était la première fois que vous

12 êtes allée à Aladza ?

13 R. Non.

14 Q. Merci. Je n’ai que quelques autres

15 questions, si vous êtes d’accord, concernant l’appartement

16 dans lequel, comme vous le dites, vous avez été détenue.

17 Lorsque vous employez le terme « amené », quand vous

18 dites : « Radomir Kovac a amené Zoran Vukovic », est-ce que

19 vous voulez dire qu’ils sont venus ensemble tous les deux ?

20 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

21 Q. Vous ne vous souvenez pas s’ils sont venus

22 ensemble dans l’appartement à ce moment-là ?

23 R. Je ne m’en souviens pas.

24 Q. Très bien. Pourquoi étiez-vous dans la

25 cuisine ? Est-ce qu’on vous a donné l’ordre d’y être ?

Page 1648

1 Qui vous a donné l’ordre dans ce cas-là ou bien comment ?

2 R. Certainement pas de mon propre gré. Demandez

3 à Klanfa. Il sait très bien.

4 Q. C’est ce qui me pousse à conclure que c’est

5 lui qui vous a donné l’ordre d’aller dans la cuisine ?

6 R. C’est exact.

7 Q. Il vous a donné l’ordre d’aller dans la

8 cuisine avec Zoran Vukovic ?

9 R. C’est exact.

10 Q. Très bien. Est-ce que vous vous souvenez par

11 hasard quels sont les mots qu’il a prononcés à ce moment-là

12 ?

13 R. Non, je ne m’en souviens pas.

14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

15 Présidente, je pose ces questions puisque dans la partie de

16 sa déclaration, lorsque le témoin parle des circonstances

17 dans lesquelles Zoran Vukovic s’est présenté lui-même en

18 tant que personne qui a tué son oncle, le témoin a dit :

19 « Je crois que c’était après qu’il a entendu mon nom. »

20 C’est justement pour cela que je pose ces questions, pour

21 savoir à quel moment et comment Zoran Vukovic a appris que

22 cette personne qui était devant lui était la cousine de

23 cette autre personne.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

25 Me JOVANOVIC (interprétation) :

Page 1649

1 Q. Si j’ai bien compris, vous ne vous souvenez

2 pas que Radomir Kovac vous a dit à peu près : « Madame XY,

3 toi, tu vas aller dans la cuisine maintenant avec

4 Vukovic », et ce en employant votre prénom et votre nom,

5 permettant à Vukovic de vous identifier ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

7 Q. Lorsque vous êtes entrée dans la cuisine,

8 est-ce que vous vous êtes présentée à Zoran Vukovic ?

9 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

10 Q. Très bien !

11 Me JOVANOVIC (interprétation) : À la page 1450,

12 lignes 23 et 25, Madame la Présidente, l’on y parle de la

13 conversation qui a eu lieu entre l’accusé et le témoin.

14 Q. Si j’ai bien compris, vous parlez des

15 personnes vivantes et des personnes mortes ?

16 R. C’est exact.

17 Q. Après cela, la conversation commence à

18 concerner directement le détail du meurtre de votre cousin

19 ?

20 R. C’est exact.

21 Q. Zoran Vukovic s’identifie lui-même en tant

22 que personne qui a tué votre oncle en tirant sur lui ?

23 R. En ce qui concerne tous les détails de cet

24 événement, je ne m’en souviens pas. Tout ce dont je me

25 souviens, c’est le détail lorsqu’il a dit qu’il est venu

Page 1650

1 jusqu’à la Drina et qu’à ce moment-là, il a tiré sur lui

2 quand l’autre a commencé à courir en entrant dans la

3 rivière, mais je ne me souviens pas d’autres détails.

4 Q. Est-ce que vous savez qu’il ne l’a pas tué en

5 tirant sur lui ?

6 R. Ah oui, certainement pas. Il est

7 certainement resté vivant. Je suppose qu’il nous aurait

8 contactés entre-temps.

9 Q. Je ne parle pas de la question de savoir si

10 votre cousin est vivant ou mort mais je voulais savoir si

11 vous êtes au courant du fait que la mort de votre cousin a

12 été provoquée différemment.

13 R. Je ne me souviens pas.

14 Q. Je vais vous rafraîchir la mémoire. À la

15 même page de la même déclaration, vous dites que vous savez

16 que votre oncle a été égorgé. Il s’agit d’un acte

17 extrêmement brutal.

18 R. Je n’ai pas déclaré. C’est ce que j’ai

19 supposé parce que lorsque j’ai entendu à Buk Bijela à quel

20 point il hurlait, il criait, tout d’abord, il tabassait

21 tellement, donc c’est ce que j’ai supposé et c’est ce que

22 j’ai dit. Je suppose qu’il est égorgé puisque sept ou huit

23 autres des nôtres ont déjà été égorgés. C’est pour cela

24 que je l’ai supposé.

25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

Page 1651

1 Présidente, il s’agit vraiment ici de situations étranges.

2 Permettez-moi que je vous explique la raison pour laquelle

3 je pose une question concernant la manière dont le cousin

4 du témoin est mort. Ceci ne prendra pas beaucoup de temps.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y.

6 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci. La raison

7 pour laquelle je pose ces questions est la chose suivante.

8 Le témoin, quoi qui se soit réellement passé, nous parle de

9 brutalités qui ont eu lieu soi-disant pour que nous tous

10 qui l’écoutons puissions nous faire une idée de ce qui

11 s’est passé. C’est justement pour cette raison que je lui

12 pose cette question et je voudrais rappeler au témoin une

13 déclaration qu’elle a donnée et qu’elle confirme. Il

14 s’agit de la pièce à conviction numéro 24, je crois. Il

15 s’agit de la déclaration qui a été donnée en 1995.

16 Q. À la fin de votre déclaration, vous dites :

17 « Alors, pendant que l’on me violait, j’ai entendu mon

18 oncle crier à l’extérieur puis ensuite, j’ai entendu un tir

19 et le silence. À ce moment, j’ai compris qu’il avait été

20 tué. »

21 Donc, à ce moment-là, vous avez compris, vous

22 savez qu’il a été tué par une arme à feu et ultérieurement,

23 vous savez qu’il a été tué parce qu’on l’a égorgé ?

24 R. Je n’ai pas dit que je le savais. Je suis

25 partie de ce principe. C’est ce que j’ai pensé à cause des

Page 1652

1 hurlements que j’ai entendus parce qu’il y avait tout le

2 temps des cris et des hurlements. Il n’y avait pas que lui

3 et ça ne se passait pas qu’à ce moment-là.

4 Q. Merci. Vous conviendrez qu’il est assez

5 douloureux de parler des gens qui sont encore en vie, de

6 ceux qui ont trouvé la mort et surtout de quelqu’un qui a

7 été tué dans les circonstances où a été tué votre oncle et

8 dont vous nous dites donc que c’était des circonstances

9 d’une très grande brutalité. J’estime que ça ne vous

10 faisait pas tellement plaisir d’en parler ?

11 R. Bien évidemment. Qu’est-ce que vous vouliez

12 que je fasse ? J’aurais dû chanter peut-être et me

13 réjouir.

14 Q. Sur la base de votre déclaration, il me

15 semble que Zoran Vukovic, lui, ne semblait pas se sentir

16 très bien non plus, si bien qu’il a eu besoin de votre

17 assistance pour pouvoir vous violer ?

18 R. Oui, c’est exact.

19 Q. Est-ce que vous diriez que Zoran Vukovic est

20 un massacreur, un tueur, un violeur sujet à des émotions ?

21 R. Oui.

22 Q. Plusieurs fois à ce jour, vous nous avez dit,

23 vous avez confirmé que vous vous souveniez mieux des

24 événements précédemment qu’aujourd’hui, ce qui est tout à

25 fait normal, n’est-ce pas ?

Page 1653

1 R. Oui.

2 Q. À ce moment-là, je voudrais que vous nous

3 expliquiez pourquoi, dans le cas de Zoran Vukovic et

4 uniquement en ce qui concerne Zoran Vukovic, on constate

5 que votre mémoire s’améliore au fil du temps. Plus de

6 temps s’écoule, plus vous vous souvenez de choses.

7 R. Je ne crois pas que ce soit exact. Au fil du

8 temps, j’essaie d’oublier. J’essaie d’effacer de ma

9 mémoire ce que j’ai vécu.

10 Q. Oui, mais jusqu’en 1999, on ne voit jamais

11 Zoran Vukovic dans vos déclarations, il n’y apparaît

12 absolument pas ou il n’apparaît que dans une seule phrase,

13 mais plus tard, vous dites qu’il vous a violée, qu’il a

14 reconnu devant vous qu’il était un meurtrier, et cætera.

15 R. C’est exact. Peut-être qu’au moment où je me

16 suis entretenue avec je ne sais plus qui, peut-être que je

17 ne me souvenais pas de tous les détails parce qu’il y a

18 beaucoup de détails dont je me souvenais mais que je n’ai

19 pas mentionnés quand on m’a interrogée.

20 Q. Le nom de « Zoran Vukovic », est-ce que cela

21 suscite en vous une réaction émotionnelle particulière ?

22 R. Pas seulement celui de Zoran Vukovic, celui

23 de tous les autres.

24 Q. Oui, mais moi, ma question se rapporte à

25 Zoran Vukovic.

Page 1654

1 R. Oui. Le simple fait de penser à lui me rend

2 malade.

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Avant de poser ma

4 dernière question, je voudrais faire une petite remarque.

5 C’est qu’en plus de Zoran Vukovic qui a été accusé dans ce

6 procès, le témoin a mentionné un autre Zoran Vukovic

7 surnommé Kifla si je me souviens bien.

8 R. C’est exact.

9 Me JOVANOVIC (interprétation) : Donc, ma question

10 est la suivante : Zoran Vukovic, alias Kifla, avant que

11 l’on ne prononce son nom ici, ce nom n’apparaît qu’une

12 seule fois dans les déclarations du témoin et le témoin

13 l’identifie comme étant une personne dont elle l’a vu

14 entrer par effraction dans une maison musulmane afin de la

15 piller, mais ici lors de l’audience, le témoin nous dit que

16 c’est ce même Zoran Vukovic, alias Kifla, qui est entré par

17 effraction dans la maison où elle se trouvait, l’a violée,

18 l’a emmenée chez sa mère où il l’a violée de nouveau.

19 Donc, ma question est de savoir si le nom de Zoran

20 Vukovic et le simple fait de mentionner ce nom n’ont pas

21 des conséquences un peu inexplicables sur le témoin.

22 Q. Ce Zoran Vukovic, alias Kifla, vous ne l’avez

23 jamais mentionné jusqu’à il y a deux jours ?

24 R. Je pense que si.

25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je n’ai plus de

Page 1655

1 questions.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avez-vous

3 d’autres questions à poser, Madame Uertz-Retzlaff ?

4 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui, Madame

5 la Présidente.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y.

7 RÉINTERROGÉE PAR Me UERTZ-RETZLAFF

8 (interprétation) :

9 Q. Ma première question a trait à la pièce à

10 conviction de la Défense numéro 29. Madame le Témoin, vous

11 souvenez-vous qu’avant l’arrestation de Zoran Vukovic, vous

12 avez été appelée par un enquêteur du Tribunal au téléphone

13 ?

14 R. Je crois en effet m’en souvenir.

15 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, il vous a posé des

16 questions au sujet de ce que vous saviez sur Zoran Vukovic

17 ?

18 R. Je crois qu’oui, en effet.

19 Q. Avez-vous vu ou parlé des notes qu’a prises

20 l’enquêteur suite à la conversation qu’il a eue ainsi avec

21 vous ? Est-ce que vous avez, par exemple, signé, apposé

22 votre signature au bas de ces notes ?

23 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas. Je

24 crois qu’on s’est parlé au téléphone. J’ai parlé au

25 téléphone avec quelqu’un, mais je ne me souviens pas.

Page 1656

1 Q. Ma question suivante a trait à la pièce à

2 conviction de la Défense numéro 30. Madame le Témoin, vous

3 souvenez-vous qu’en mars 2000, vous avez rencontré des

4 enquêteurs du Tribunal à Sarajevo au Bureau du Procureur à

5 Sarajevo ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous souvenez-vous de la raison de cette

8 rencontre ?

9 R. Je ne sais pas exactement.

10 Q. S’agissait-il de questions administratives

11 relatives à vos déplacements et d’autres choses relatives à

12 vous-même ?

13 R. Oui.

14 Q. En dehors de vous-même et des enquêteurs, qui

15 était présent à cette réunion ?

16 R. Qui était là ? Je ne sais pas. Vous me

17 demandez…

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez que celui qui

19 allait devenir votre mari était présent ?

20 R. Oui.

21 Q. En la présence de votre futur mari, est-ce

22 que nous avons parlé à aucun moment d’agression sexuelle ?

23 R. Oui, je crois qu’on en a effectivement parlé.

24 Q. Je vous demande d’essayer de vous souvenir ce

25 qui s’est passé à ce moment-là. Vous souvenez-vous que

Page 1657

1 nous avons parlé de Zoran Vukovic, alias Kifla ?

2 R. Oui, je m’en souviens.

3 Q. Et est-ce que nous avons parlé de l’accusé,

4 de Zoran Vukovic l’accusé ?

5 R. Oui. Je crois qu’oui. Je crois qu’on en a

6 parlé.

7 Q. Vous a-t-on demandé de raconter les viols

8 commis par ces deux hommes à ce moment-là, alors qu’était

9 présent votre futur mari ?

10 R. Je ne pense pas.

11 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

12 Présidente et Messieurs les Juges, je souhaite vous

13 signaler que dans le document D30, on ne fait référence à

14 aucun moment à des agressions de type sexuel.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

16 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

17 Q. Au début du contre-interrogatoire, le conseil

18 de la Défense Me Prodanovic a fait référence à deux

19 déclarations que vous avez données à l’Accusation. Il a

20 fait référence à une déclaration que vous avez donnée aux

21 autorités de Bosnie et ces déclarations, en dehors du jour

22 où vous les avez données et vous les avez signées, je

23 voudrais savoir si on vous a jamais donné à lire ces

24 déclarations afin que vous puissiez les examiner et les

25 étudier.

Page 1658

1 R. Non, jamais.

2 Q. Dans le contre-interrogatoire quand vous avez

3 parlé du gymnase Partizan, vous avez dit que certaines

4 femmes arrivaient à se glisser dehors pour aller acheter du

5 pain. Est-ce qu’elles sortaient en secret ou est-ce

6 qu’elles parlaient auparavant avec les gardes ?

7 R. Elles parlaient aux gardes. Elles leur

8 demandaient si elles pouvaient aller acheter du pain pour

9 les enfants.

10 Q. Est-ce que tous les gardes leur permettaient

11 de sortir ou est-ce que c’était uniquement le cas de ceux

12 dont vous nous avez dit qu’ils étaient bons et qu’ils vous

13 ont protégées ?

14 R. Uniquement les deux dont j’ai parlé qui nous

15 ont protégées.

16 Q. Ces femmes qui sortaient ainsi du gymnase,

17 est-ce que c’était des jeunes filles ?

18 R. En fait, il n’y avait qu’une seule femme qui

19 ait vraiment sorti. Elle, elle avait deux enfants. Elle

20 ramenait cinq ou six pains pour tout le monde.

21 Q. S’agit-il d’une des femmes dont le nom figure

22 sur la liste ?

23 R. Oui.

24 Q. Laquelle ?

25 R. Le numéro 95.

Page 1659

1 Q. Lors du contre-interrogatoire mené par Me

2 Kolesar, vous nous avez parlé en détail de votre séjour

3 dans l’appartement de Klanfa et on a parlé de la façon dont

4 les uns et les autres dormaient et avec qui, et je voudrais

5 savoir si l’une des jeunes filles ou plusieurs des jeunes

6 filles ont volontairement voulu dormir avec Radomir Kovac,

7 en a exprimé le souhait.

8 R. Non, c’est impossible. Je n’aurais jamais pu

9 faire ça. Un Chetnik qui avait tué mon propre frère, mon

10 frère de 20 ans, coucher volontairement avec un tel homme,

11 même si j’étais morte, je ne l’aurais jamais fait.

12 Q. Est-ce que les jeunes filles qui étaient avec

13 vous, est-ce que vous-mêmes vous pouviez prendre des

14 décisions quant à l’endroit où vous vous trouviez ? Est-ce

15 que vous pouviez décider d’aller ailleurs et décider avec

16 qui vous dormiez ?

17 R. Non.

18 Q. Qui prenait ce genre de décision ?

19 R. Eh bien eux, bien entendu ! Qui voulez-

20 vous ? Klanfa et son acolyte, Jagos.

21 Q. Vous nous avez dit qu’à un certain moment,

22 Klanfa s’est trouvé au KP Dom. Est-ce que vous savez quand

23 et pour quelle raison ?

24 R. Pourquoi ? Mais je ne peux pas vous dire

25 exactement. Je sais juste qu’il a été emprisonné et sans

Page 1660

1 doute pas parce qu’il avait quelque chose de bien. Et puis

2 quand cette femme âgée est entrée de force dans notre

3 appartement pour nous en chasser, à ce moment-là, Gojko

4 Jankovic est venu pour la chasser, lui à son tour, et il a

5 dit que Klanfa était en prison, il a hurlé, il a interpellé

6 cette femme, il lui a dit : « Et tu crois que Klanfa

7 sortira jamais de prison ? », et c’est ainsi que j’ai su

8 qu’il était au KP Dom à Foca.

9 Q. Et lorsqu’il est revenu, est-ce qu’il vous a

10 parlé de la raison pour laquelle il avait été emprisonné ?

11 R. Non. Je ne m’en souviens pas.

12 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je n’ai plus

13 de questions, Madame la Présidente.

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

15 Merci, Madame le Témoin, d’être venu déposer

16 devant cette Chambre. Vous pouvez maintenant quitter le

17 prétoire.

18 [Le témoin se retire]

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

20 Présidente, nous avons maintenant un nouveau témoin que

21 nous allons interroger. Je pense qu’il serait peut-être

22 utile de faire la pause maintenant parce qu’il va falloir

23 prendre des dispositions techniques pour entendre ce témoin

24 suivant.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, en

Page 1661

1 effet. Donc, il convient de prendre certains arrangements

2 techniques.

3 Je suis en train de regarder l’horloge, et donc,

4 nous allons faire la pause et nous reprendrons nos travaux

5 à 11 h 20 ici même.

6 — Suspension de l’audience à 10 h 50

7 — Reprise de l’audience à 11 h 20

8 [Le témoin entre dans la Cour]

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

10 Madame le Témoin. Je vais vous demander de prononcer la

11 déclaration solennelle.

12 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

13 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

14 rien que la vérité.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

16 TÉMOIN : TÉMOIN 87 (ASSERMENTÉE)

17 INTERROGÉE PAR Me KUO

18 (interprétation) :

19 Me KUO (interprétation) : Je souhaiterais que

20 l’on montre au témoin la pièce à conviction 192 qui a été

21 également remise aux juges et à la Défense.

22 Q. Madame le Témoin, sur la pièce à conviction

23 192, est-ce que vous pouvez voir votre nom ?

24 R. Oui.

25 Q. À côté de votre nom, est-ce que vous voyez un

Page 1662

1 numéro ?

2 R. Oui.

3 Q. Numéro 87 ?

4 R. Oui.

5 Q. Pendant les débats qui vont suivre, nous

6 parlerons de vous en utilisant ce nombre : 87. Comprenez-

7 vous ?

8 R. Oui.

9 Me KUO (interprétation) : Peut-on demander au

10 témoin de s’approcher du micro ?

11 Q. En dessous de votre nom, est-ce que vous

12 pouvez voir votre date de naissance ?

13 R. Oui.

14 Q. Et à la ligne de dessous, est-ce que vous

15 voyez le nom de votre père ?

16 R. Oui.

17 Q. Et à la ligne suivante, celui de votre mère ?

18 R. Oui.

19 Q. Et enfin, le nom de votre sœur ?

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les

22 initiales qui figurent à côté du nom de votre sœur ?

23 R. DB.

24 Q. Merci. Madame le Témoin, quel âge avez-

25 vous ?

Page 1663

1 R. J’ai 23 ans et demi.

2 Q. En avril 1992, quel âge aviez-vous ?

3 R. J’avais à peu près 15 ans et demi.

4 Q. Où êtes-vous né ?

5 R. À Foca.

6 Q. Et où viviez-vous à l’époque ?

7 R. À Trosanj.

8 Q. Est-ce que vous habitez dans un quartier bien

9 précis de Trosanj ?

10 R. À Trosanj.

11 Q. Est-ce que c’est un endroit où habitaient à

12 la fois des Serbes et des musulmans ?

13 R. Trosanj n’était habité que de musulmans.

14 Enfin, je parle de la partie qui va jusqu’à la route, et

15 Mjesaja, vous aviez là aussi bien des Serbes que des

16 musulmans.

17 Q. Quelle est votre appartenance ethnique ?

18 R. Musulmane.

19 Q. En 1992, avec qui viviez-vous ?

20 R. Avec ma mère, mon père, ma sœur et mon frère.

21 Q. Quel âge avait votre frère ?

22 R. Il avait 10 ans.

23 Q. Quel âge avait votre sœur ?

24 R. Il faut que je fasse le calcul.

25 Q. Est-ce qu’elle était plus jeune ou plus

Page 1664

1 vieille que vous ?

2 R. Elle était plus vieille de quatre ans.

3 Q. En 1992, est-ce que vous alliez toujours à

4 l’école ?

5 R. Oui.

6 Q. En quelle classe étiez-vous ?

7 R. J’étais à l’école secondaire, la deuxième

8 classe de l’école secondaire.

9 Q. Et où alliez-vous à l’école ?

10 R. C’était au lycée Nikola Tesla à Foca.

11 Q. Est-ce que c’est l’établissement scolaire qui

12 se trouve dans le quartier Aladza de Foca ?

13 R. Oui.

14 Q. Savez-vous quand la guerre s’est déclarée à

15 Foca ?

16 R. Je crois que c’est le 8 avril mais je ne suis

17 pas tout à fait sûre.

18 Q. À ce moment-là, est-ce que vous avez été en

19 mesure de voir ou d’entendre quoi que ce soit de

20 particulier ?

21 R. Oui. Oui. On a entendu des tirs, des

22 explosions. Parfois, il y avait des maisons qui étaient

23 incendiées. Enfin, on voyait ce genre de choses.

24 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats ?

25 R. Je n’ai pas vu de soldats jusqu’au 3 juillet

Page 1665

1 à peu près.

2 Q. Avant le 3 juillet, dans quelle mesure étiez-

3 vous affectée par la guerre ? Est-ce que vous avez

4 continué à aller à l’école ?

5 R. Non. Non. Il n’y avait plus d’école. Je

6 crois que ça s’est passé au début avril.

7 Q. Est-ce que vous êtes restée chez vous ? Est-

8 ce que vous avez continué à habiter dans votre maison ?

9 R. Pendant une très brève période parce

10 qu’ensuite, on a dû aller se cacher dans les bois.

11 Q. Et pourquoi avez-vous dû aller vous cacher

12 dans les bois ?

13 R. Parce qu’on avait peur. On avait peur d’être

14 tué ou que quelque chose nous arrive.

15 Q. Est-ce que vous aviez le sentiment que l’on

16 vous visait vous tout particulièrement parce que vous étiez

17 des musulmans ?

18 R. Oui.

19 Q. Et quand vous étiez dans les bois, qui était

20 avec vous ?

21 R. Ma famille et puis deux autres familles

22 aussi. C’était au début ça, parce que plus tard, peu de

23 temps avant que l’on ne soit attaqué, en fait, il y avait

24 plusieurs familles qui constituaient un groupe.

25 Q. Et ces gens qui étaient avec vous dans les

Page 1666

1 bois, quelle était leur appartenance ethnique ?

2 R. C’était tous des musulmans.

3 Q. Quand votre village a-t-il été attaqué ?

4 R. Le 3 juillet 1992.

5 Q. Vous souvenez-vous à quel moment de la

6 journée cela s’est produit ?

7 R. Je ne peux pas vous dire l’heure exacte.

8 Enfin, disons que c’était très, très tôt le matin, vers 6 h

9 00 du matin.

10 Q. Et où vous trouviez-vous quand le village a

11 été attaqué ?

12 R. Nous dormions sous une tente dans les bois.

13 Q. Qu’avez-vous entendu ?

14 R. Nous avons entendu des tirs.

15 Q. Qu’avez-vous fait ?

16 R. Eh bien, quand nous avons entendu les tirs,

17 tout le monde a paniqué et puis les gens ont commencé à

18 fuir mais personne ne savait trop bien où aller, dans

19 quelle direction, et quand le premier homme a été touché ou

20 plutôt blessé, à ce moment-là, nous avons été pris de

21 terreur.

22 Q. Est-ce que vous avez vu qui avait tiré ?

23 R. Au début, non. Par la suite, en très peu de

24 temps, j’ai pu voir.

25 Q. Qui a tiré ?

Page 1667

1 R. Il s’agissait des soldats qui portaient des

2 uniformes de camouflage. Je savais qu’il s’agissait des

3 Serbes.

4 Q. Est-ce que vous avez reconnu l’un d’eux ?

5 R. Pas au premier moment. Je n’ai pas regardé.

6 Ce n’est que plus tard.

7 Q. Est-ce que maintenant, vous vous en

8 souvenez ? Est-ce que vous savez qui étaient ces soldats ?

9 R. Ce matin, et actuellement, je me souviens

10 uniquement d’un seul soldat en ce qui concerne ce premier

11 matin et je ne pourrais pas me souvenir des autres.

12 Q. Est-ce que vous pouvez me dire quel est le

13 nom dont vous vous souvenez ?

14 R. Est-ce que je dois prononcer le nom ?

15 Q. Le nom du soldat. Oui, vous pouvez le

16 prononcer.

17 R. C’était Jagos Kostic.

18 Q. Vous avez également dit qu’il y avait un

19 homme qui a été touché. Est-ce que vous avez vu qu’il y en

20 avait d’autres qui ont été touchés ?

21 R. Oui. J’ai vu trois hommes, trois personnes

22 qui ont été tuées, pas touchées mais tuées. Il y avait un

23 homme, un homme âgé, et puis deux femmes.

24 Q. Est-ce que vous savez approximativement quel

25 était l’âge de cet homme ?

Page 1668

1 R. Je ne sais pas exactement. Peut-être 50 ans.

2 Q. Et qu’est-ce que vous avez vu encore et

3 qu’est-ce que les soldats ont fait ?

4 R. Au moment où ils ont commencé à tirer, nous,

5 on essayait de s’enfuir et eux, ils nous couraient après.

6 Ensuite, ils ont encerclé un groupe. Ils ont frappé des

7 hommes. Ils leur ont demandé de dire où se trouvaient des

8 armes, où ils avaient caché des armes. C’est quelque chose

9 dans ce sens-là.

10 Q. Est-ce que vous-mêmes vous avez eu des armes,

11 vous qui étiez dans les bois ?

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que votre père était parmi ces hommes

14 qui ont été frappés ?

15 R. Oui.

16 Q. Et qu’est-ce que les soldats ont fait après ?

17 R. Vous pensez à après ? Quand après ?

18 Q. Oui.

19 R. Ils ont séparé les hommes des femmes.

20 Ensuite, ils nous ont fait sortir du bois et ils nous ont

21 demandé de nous rendre, de descendre vers un champ. Ce

22 n’était pas très loin. Et puis, ils nous ont alignés. Ils

23 nous ont demandé si on avait de l’or, si on avait de

24 l’argent sur nous et à peu près des questions de ce type-

25 là. Ils ont trouvé sous les tentes nos documents, des

Page 1669

1 photographies également qu’on avait, et puis ensuite, ils

2 nous ont montré des photographies, ils nous ont demandé qui

3 c’était les personnes qui figuraient sur les photos, et

4 cætera, voilà, où se trouvaient-elles. Voilà !

5 Q. Mais en ce qui concerne ce champ, ce pré où

6 vous vous trouviez, il y avait des femmes et des enfants ou

7 bien il y avait des hommes également ?

8 R. En gros, c’était des femmes et des enfants.

9 Les hommes n’étaient pas avec nous. On les a mis à

10 l’écart. Si mes souvenirs sont bons, ils étaient séparés.

11 Ils n’étaient pas dans la même ligne avec nous. Ils

12 étaient séparés, ça, je m’en souviens. Ça, c’est sûr.

13 Q. Est-ce que vous avez appris ce qui s’était

14 passé avec des hommes par la suite ?

15 R. Après, on nous a dit qu’ils allaient nous

16 emmener quelque part. Enfin, ils avaient dit qu’ils

17 allaient emmener les femmes et les enfants, et puis, on

18 n’était pas très loin par rapport à ce champ quand nous

19 avons entendu les tirs. Je pense que – ça, c’est mon point

20 de vue – que ces hommes ont été tués à ce moment-là.

21 Q. Est-ce que vous avez revu votre père ?

22 R. Non.

23 Q. Et où est-ce qu’on a emmené les femmes et les

24 enfants par la suite ?

25 R. Nous avons été emmenés à Buk Bijela.

Page 1670

1 Q. Quand vous dites « Buk Bijela », est-ce que

2 vous pensez à un village, à une agglomération très

3 précise ?

4 R. Buk Bijela est une autre désignation. Buk

5 Bijela ou Mjesaja. Buk Bijela est connue… je ne sais pas

6 comment vous expliquer. Il y avait un hôtel ou c’était une

7 pension, un motel, je ne me souviens pas exactement, qui

8 était désigné comme ça, mais je sais qu’avant la guerre,

9 c’est à cet endroit-là qu’on avait organisé l’entraînement

10 militaire ou quelque chose de ce type-là, enfin, de ce

11 genre-là. Buk Bijela, c’était un motel ou un hôtel.

12 Enfin, je ne peux pas vous le dire exactement.

13 Me KUO (interprétation) : Je vais demander à

14 l’Huissier maintenant de nous aider pour montrer la pièce à

15 conviction numéro 11. Il s’agit des photographies qui sont

16 numérotées 7415 et 7416.

17 Q. Est-ce que vous reconnaissez la photographie

18 7415 ?

19 R. Je ne suis pas sûre.

20 Q. Pourriez-vous maintenant voir la photographie

21 7416 ?

22 R. Non, je ne peux pas être sûre.

23 Q. Merci. Qu’est-ce qu’on vous a dit que vous

24 deviez faire une fois quand vous êtes arrivée à Buk Bijela

25 ?

Page 1671

1 R. Tout d’abord, on a été aligné, on a été

2 aligné contre un mur et c’est là où on nous a demandé

3 d’attendre. Je ne sais pas ce qu’il fallait attendre

4 d’ailleurs et pourquoi, mais de toute façon, il y avait un

5 certain nombre de personnes qu’ils sont venus chercher et

6 puis on les a passées aux interrogatoires. C’est ce qu’on

7 avait dit.

8 Q. Quand vous dites « ils », vous pensez à qui ?

9 R. Je pense aux soldats serbes.

10 Q. Comment ils les faisaient sortir ?

11 R. Bien, c’est tout simplement qu’ils venaient,

12 ils appelaient les noms. Au début, c’était deux personnes,

13 deux noms.

14 Q. Est-ce que vous-même, vous avez été emmenée à

15 ce moment-là pour l’interrogatoire ?

16 R. Moi, j’ai été emmenée mais pas pour

17 l’interrogatoire.

18 Q. Qui vous a emmenée ?

19 R. Je ne connaissais pas cet homme auparavant,

20 mais je sais qu’il répondait au nom Pero. Je ne connais

21 pas son nom de famille. C’était son prénom. Il m’a

22 emmenée dans une pièce. C’est une chambre, une pièce. Je

23 pense que je peux appeler ça comme ça. D’abord, il ne m’a

24 pas appelée par mon nom. Il est venu tout simplement me

25 chercher. Il m’a prise par la main et puis il m’a emmenée

Page 1672

1 dans cet endroit-là.

2 Q. Est-ce qu’il vous a dit pourquoi, pourquoi il

3 vous emmène ?

4 R. Non, non, il ne m’a rien dit.

5 Q. Qu’est-ce qu’il vous a dit quand il vous a

6 emmenée dans cette pièce ?

7 R. Au moment où il m’a emmenée dans cette pièce,

8 il m’a tout simplement demandé d’abord d’enlever mes

9 vêtements. Moi, je n’ai pas refusé tout de suite, je ne

10 l’ai pas dit tout au moins, mais je n’ai pas enlevé mes

11 vêtements et c’est à ce moment-là que c’est lui qui a

12 enlevé mes vêtements et ensuite, il m’a violée.

13 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous décrire

14 ce qu’il a fait exactement ?

15 R. C’est pénible pour moi. Il y avait le

16 rapport sexuel et contre ma volonté, il a eu ce rapport

17 sexuel avec moi. Voilà, c’est ça.

18 Q. Est-ce qu’il a placé son pénis dans votre

19 vagin ?

20 R. Oui.

21 Q. Qu’est-ce qu’il a fait après ça ?

22 R. Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens

23 pas des détails mais je pense qu’il y avait quelqu’un

24 d’autre qui se trouvait devant la porte et qui m’a emmenée

25 de nouveau dans un bureau où se trouvaient d’autres jeunes

Page 1673

1 filles ou plutôt dans la ligne parmi les autres filles.

2 Q. Qu’est-ce qui s’est passé une fois quand vous

3 avez été ramenée dans cette ligne ?

4 R. Je ne pense pas que quoi que ce soit se soit

5 passé. Je pense que, de toute façon, je ne comprenais plus

6 rien. Je ne savais pas ce qui se passait autour de moi.

7 Ensuite, il y a deux autres personnes qui sont arrivées peu

8 après et qui m’ont appelée par mon nom et puis une autre

9 personne également a été appelée, enfin, un autre nom et on

10 nous a convoquées, on nous a demandé d’aller assister à cet

11 interrogatoire.

12 Q. Cette autre personne, c’était votre sœur ?

13 R. Oui.

14 Q. Qu’est-ce qui s’est passé avec vous quand

15 vous avez été emmenée de nouveau à l’endroit où on vous a

16 emmenée ?

17 R. On m’a emmenée dans une pièce. Ce n’était

18 pas une grande pièce mais c’en était une petite. Il y

19 avait un lit, il y avait une table, il y avait quelques

20 chaises. Je pense qu’il y avait quatre soldats qui s’y

21 trouvaient déjà mais il y avait tout le temps quelqu’un qui

22 rentrait et d’autres qui sortaient.

23 Q. Est-ce que vous savez qui étaient ces quatre

24 soldats ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

25 R. Je ne connaissais pas avant tous ces soldats-

Page 1674

1 là mais je connaissais le nom d’un soldat. L’autre

2 également, je le reconnaissais. Je ne connaissais pas le

3 nom mais je le reconnaissais par physionomie et les deux

4 derniers sur quatre, je ne les connaissais pas du tout.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire maintenant

6 les noms des soldats que vous connaissiez ?

7 R. Dragan Zelenovic, surnommé Zelja, et l’autre,

8 je pense, Miletic.

9 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait quand ils vous ont

10 emmenée dans cette chambre ?

11 R. D’abord, ils m’ont interrogée.

12 Q. Quel type de questions ?

13 R. Ils m’ont demandé d’abord sur d’autres

14 villageois de Trosanj et ils m’ont demandé où les

15 villageois cachaient des armes, si je connaissais les

16 endroits où d’autres villageois de Trosanj éventuellement

17 pouvaient s’enfuir et où ils pouvaient éventuellement se

18 cacher. Ensuite, on m’a demandé quel âge j’avais et si

19 j’allais à l’école.

20 Q. Est-ce que vous avez répondu à ces questions

21 ?

22 R. Pour ce qui est des premières questions, je

23 ne pouvais pas donner la réponse parce que je n’étais pas

24 au courant et j’ai répondu à la dernière question, quand

25 ils m’ont demandé quel âge j’avais et si j’allais à l’école

Page 1675

1 ou non.

2 Q. Est-ce qu’ils vous ont demandé encore quelque

3 chose d’autre sur vous-même ?

4 R. Ils m’ont demandé si j’étais vierge. Là-

5 dessus, j’ai dit que je l’étais quelques moments

6 auparavant, quelque chose dans ce sens-là.

7 Q. Quelle était la réaction de ces soldats quand

8 vous avez répondu à cette question ?

9 R. Je ne m’en souviens pas.

10 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

11 R. Zelenovic m’a demandé d’enlever mes vêtements

12 et comme moi, je ne l’ai pas fait, c’est lui qui l’a fait.

13 Ensuite, il m’a violée. Ensuite, c’est Miletic également

14 qui m’a violée et puis deux autres dont les noms, j’ignore.

15 Q. Qu’est-ce qui s’est passé après ce viol ?

16 R. Je ne me souviens pas exactement. Je ne sais

17 pas qui m’a fait sortir dehors jusqu’au car. Il y avait

18 d’autres personnes qui s’y trouvaient déjà. Je sais que ma

19 mère était à l’extérieur encore. Elle ne voulait pas

20 partir avant que j’arrive et au moment où je suis arrivée,

21 je suis montée dans le car et c’est là où on nous a

22 emmenées jusqu’au lycée.

23 Q. Est-ce que vous avez dit à votre mère ce qui

24 vous est arrivé ?

25 R. Non.

Page 1676

1 Q. Pourquoi pas ?

2 R. À ce moment-là, je n’avais pas de force et je

3 ne pouvais même pas la regarder droit dans les yeux et pas

4 uniquement elle, mais personne d’autre.

5 Q. Comment vous sentiez-vous à ce moment précis

6 ?

7 R. C’est très dur de l’expliquer, de l’exprimer.

8 Je sais que j’avais été terrifiée. J’avais très peur et

9 puis j’avais honte d’une façon ou d’une autre et puis je me

10 sentais sale.

11 Q. Où on vous a emmenée par la suite ?

12 R. C’est au lycée qui était désigné, appelé

13 comme Nikola Tesla à Aladza.

14 Q. C’est l’école où vous étiez auparavant

15 l’élève ?

16 R. Oui.

17 Me KUO (interprétation) : Je vais demander à

18 l’Huissier pour montrer au témoin la pièce à conviction 11,

19 les deux photographies 7418 et 7419.

20 Q. Est-ce que vous reconnaissez 7418 ?

21 R. Oui. C’est le lycée. C’est le lycée Nikola

22 Tesla à Aladza.

23 Q. Et 7419 ?

24 R. Oui. C’est le lycée Nikola Tesla à Aladza.

25 Q. Merci. Une fois quand vous êtes arrivée au

Page 1677

1 lycée, où vous avez été emmenée ?

2 R. Au moment où nous étions au lycée, enfin,

3 devant le lycée, on nous a d’abord fait rentrer. On était

4 à un moment donné dans le couloir. Je ne me souviens pas

5 exactement. De toute façon, c’était dans le couloir. On

6 est resté un petit moment et ensuite, on nous a emmenés

7 dans une classe au premier étage. Dans cette classe, il

8 n’y avait pas de banc, pas de chaise, mais il y avait des

9 matelas par terre.

10 Q. Vous dites « ils », ils vous ont emmenée.

11 Vous pensez à qui, s’il vous plaît ?

12 R. Je pense aux soldats serbes, à ces mêmes

13 soldats serbes, mais à ce moment-là, ils étaient quatre ou

14 cinq à peu près.

15 Q. Est-ce que les soldats arrivaient dans

16 d’autres occasions également au lycée pendant que vous y

17 étiez ?

18 R. Oui.

19 Q. Qu’est-ce qu’ils faisaient au moment où ils

20 venaient au lycée ?

21 R. Chaque fois, quand quelqu’un venait, il

22 prenait des jeunes filles. Enfin, normalement, ils

23 appelaient soit les femmes, soit les jeunes filles et ils

24 les emmenaient avec eux.

25 Q. Ça, ça se passait combien de fois, enfin, à

Page 1678

1 quelle fréquence ?

2 R. Je ne pourrais pas dire que ça s’est passé

3 chaque nuit, mais de toute façon, peut-être une nuit sur

4 deux à peu près.

5 Q. Est-ce que vous-même, vous avez été emmenée

6 par des soldats ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui

9 vous est arrivé par la suite ?

10 R. En général, quelqu’un venait et appelait les

11 noms des femmes ou des jeunes filles puis on nous emmenait

12 dans un appartement ou bien dans un autre immeuble et une

13 fois, je me souviens, j’ai été emmenée d’une classe dans

14 une autre. Je suis restée au lycée.

15 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner la

16 description et nous dire ce qui se passait au moment où on

17 vous a emmenée d’une classe pour vous demander de rentrer

18 dans une autre ? Commencez par dire qui vous a fait sortir

19 de cette classe pour vous emmener dans l’autre.

20 R. Moi, je pense qu’ils étaient cinq à cette

21 occasion-là, cinq soldats. Ils ont appelé les noms de cinq

22 jeunes filles. Peut-être sur les cinq, il y avait une

23 femme mais je ne suis pas sûre. Une jeune fille, on l’a

24 fait revenir et puis on en a pris une autre. Je ne sais

25 pas quelles étaient les raisons de cette démarche.

Page 1679

1 Ensuite, on nous a emmenées dans la classe qui

2 était avoisinante, toutes les cinq. Un des soldats a fait

3 sortir une jeune fille devant la classe alors que nous

4 autres, nous sommes restées avec les quatre soldats.

5 Q. Est-ce que je peux vous interrompre ici, s’il

6 vous plaît ? Je voudrais demander l’aide de l’Huissier

7 pour vous montrer la pièce à conviction 193.

8 Me KUO (interprétation) : C’est une pièce à

9 conviction dont les conseils de la Défense et la Chambre

10 possèdent déjà.

11 Q. Vous avez dit que vous étiez cinq

12 sélectionnées. Est-ce que vous voyez les noms d’autres

13 filles sur le papier qui vous a été présenté ? Si vous

14 voyez les noms de ces filles, vous direz tout simplement

15 les numéros qui correspondent aux noms, s’il vous plaît.

16 Ne prononcez pas les noms.

17 R. C’était le numéro 75, 50, 88 et DB. Ensuite,

18 DB, on l’a fait ramener et puis c’est 95 qui a été emmenée

19 à sa place.

20 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

21 je voudrais tout simplement m’assurer que la pièce à

22 conviction 192 qui a été montrée au témoin et la pièce à

23 conviction 193 sont admises.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le numéro,

25 s’il vous plaît.

Page 1680

1 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …comme pièce à

2 conviction. Il est enregistré de façon confidentielle

3 ainsi que le document 193 qui est aussi enregistré de façon

4 confidentielle.

5 Me KUO (interprétation) :

6 Q. Madame le Témoin, vous avez dit qu’une des

7 filles, on l’a fait sortir devant la classe. Est-ce que

8 vous pouvez nous dire son numéro ?

9 R. Je suis désolée mais je ne comprends pas tout

10 à fait votre question.

11 Q. Excusez-moi. Je vais répéter la question.

12 Tout à l’heure, vous avez dit qu’une fois que vous étiez

13 toutes dans cette deuxième classe, une sur vous, on l’a

14 fait sortir devant la porte ou dans une autre classe. Qui

15 c’était ?

16 R. C’était le numéro 50.

17 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui étaient ces

18 soldats qui vous ont emmenées dans cette classe ?

19 R. Il y a un certain nombre de soldats dont je

20 ne me souviens, d’autres pas.

21 Q. Pourriez-vous maintenant nous donner des noms

22 ou des surnoms des personnes dont vous vous souvenez, des

23 soldats dont vous vous souvenez ?

24 R. Il y avait Dragan Zelenovic, Zelja, et le

25 deuxième, c’était Zoran Vukovic et le troisième était Tuta.

Page 1681

1 C’était son surnom. Je pense que c’était Janko Janjic. Je

2 suis sûre que le nom était Janjic, mais pour le prénom, je

3 ne me souviens pas tout à fait. « Janko », je ne suis pas

4 sûr qu’il était Janko, mais Janjic, je suis sûre.

5 Q. Vous connaissiez Zoran Vukovic ? Est-ce que

6 vous le connaissiez auparavant, avant la guerre ? Est-ce

7 que vous avez entendu parler de lui ?

8 R. Non. Je ne le connaissais pas avant la

9 guerre mais il y avait dans le groupe dans lequel j’étais

10 des personnes qui le connaissaient. C’est comme ça

11 d’ailleurs que j’ai appris également qu’il s’appelait comme

12 ça parce que sinon, moi, je ne connaissais pas son nom non

13 plus.

14 Q. Vous voulez dire : des « personnes parmi

15 vous ». Vous pensez bien évidemment aux jeunes filles et

16 aux femmes qui étaient avec vous dans le groupe ?

17 R. Non. Je ne pense pas directement à une

18 personne mais il y avait des personnes qui étaient âgées,

19 il y avait des personnes qui étaient plus jeunes et je me

20 souviens que quelqu’un avait dit mais je ne me souviens pas

21 exactement qui avait prononcé son nom.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez comment vous

23 avez appris son nom ?

24 R. C’était à cette occasion, à l’occasion où il

25 était venu sur place et puis quand il a quitté les lieux.

Page 1682

1 Alors, je ne sais pas, comme je dis, qui l’avait dit, qui

2 avait raconté ça mais quelqu’un avait dit qu’il le

3 connaissait, connaissait de qui il s’agissait, il

4 connaissait son nom, son prénom.

5 Q. Quelqu’un qui l’avait déjà vu auparavant ou

6 ce jour-là ?

7 R. C’est ce jour-là qu’ils sont rentrés dans la

8 classe et tous ceux qui étaient dans la classe l’ont vu.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez que vous avez

10 donné une déclaration aux enquêteurs du Tribunal en janvier

11 1996 et vous avez dit que vous connaissiez de vue Zoran

12 Vukovic et d’avant la guerre ?

13 R. Oui, je me souviens.

14 Q. Est-ce que vous savez pourquoi vous avez dit

15 ça, ce que vous vouliez dire par là ?

16 R. Ça, je ne peux pas vous dire. Beaucoup de

17 temps s’est écoulé. Je ne sais pas très exactement ce que

18 je voulais dire par là, mais je ne connaissais pas Zoran

19 Vukovic avant. Il est possible que je l’aie vu à Foca,

20 mais je n’en suis pas sûre.

21 Q. Lorsqu’on vous a amenée dans l’autre salle de

22 classe, qu’est-ce qui s’est passé ?

23 R. Zelenovic a ordonné d’une certaine manière à

24 chacune des filles où elle devait aller. À moi, il m’a

25 donné l’ordre de me mettre dans un angle où Zoran Vukovic

Page 1683

1 était déjà assis. Il a donné l’ordre à une autre fille, à

2 l’autre fille d’aller dans l’angle où se trouvait déjà

3 Janjic. Tuta et Zelenovic et un autre dont je ne connais

4 pas le nom, ils sont restés avec deux autres filles.

5 Q. Que s’est-il produit lorsque vous êtes allée

6 dans l’angle où était assis Zoran Vukovic ?

7 R. À ce moment-là, la lumière a été éteinte, je

8 ne sais pas par qui. Vukovic m’a dit de me coucher sur le

9 matelas. Ensuite, il a enlevé mes vêtements et m’a violée.

10 Q. Je m’excuse de devoir vous poser cette

11 question mais est-ce que vous pouvez dire aux juges

12 concrètement ce qu’il a fait ?

13 R. Il a placé son pénis dans mon vagin de

14 manière forcée, de force.

15 Q. Est-ce que vous avez entendu ce qui arrivait

16 aux autres filles dans l’autre pièce ?

17 R. Tout ce que j’ai pu entendre, c’était dans

18 l’angle où se trouvait Janjic, Tuta et le numéro 95. L’on

19 a entendu des coups de frappe, quelque chose comme ça. Je

20 pense que Janjic jurait. C’est tout ce que j’ai entendu.

21 Q. Quand vous dites les coups, vous voulez dire

22 que quelqu’un frappait quelqu’un d’autre ?

23 R. Oui.

24 Q. Zoran Vukovic, est-ce qu’il vous a dit quoi

25 que ce soit pendant qu’il vous violait ?

Page 1684

1 R. Non.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez s’il était

3 armé, s’il avait une arme sur lui ?

4 R. Ça, je ne m’en souviens pas, mais de toute

5 façon, eux, ils étaient toujours armés.

6 Q. Que s’est-il produit après que Zoran Vukovic

7 vous a violée dans cette salle de classe ?

8 R. Tout simplement, ils nous ont ramenées dans

9 la salle de classe.

10 Q. La même que celle où se trouvaient les autres

11 femmes et les enfants ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez raconté à votre mère ce

14 qui vous était arrivé ?

15 R. Non.

16 Q. Est-ce qu’elle aurait pu conclure sur la base

17 de votre apparence ce qui vous était arrivé ?

18 R. Je crois qu’oui. Elle ne m’a jamais posé la

19 question et moi, je ne lui ai jamais dit mais je pense

20 qu’elle le savait. Je suis assez sûre.

21 Q. Comment vous sentiez-vous ?

22 R. Comme à chaque fois.

23 Q. Est-ce que vous avez jamais revu Zoran

24 Vukovic ?

25 R. Je pense que je l’ai vu peut-être deux, trois

Page 1685

1 fois, mais je ne me souviens pas exactement pour quelle

2 raison ni quand. Je me souviens une fois lorsque j’étais

3 dans l’appartement à Brena à Foca, mais ceci a été une

4 rencontre brève.

5 Q. Vous parlez de la période pendant laquelle

6 vous étiez dans l’appartement de Klanfa ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous pourriez décrire comment se

9 fait-il que vous avez vu Zoran Vukovic à l’époque ? Que

10 faisait-il ?

11 R. Cette fois-ci, lorsqu’il est venu dans

12 l’appartement de Klanfa, je pense qu’il est venu avec des

13 vêtements de Klanfa. Ses vêtements étaient souillés de

14 sang. Je sais qu’il a dit que Klanfa avait été blessé aux

15 combats, quelque chose comme ça, qu’on avait tiré sur lui

16 et qu’on l’a blessé dans sa jambe.

17 Q. Est-ce qu’il vous a donné quoi que ce soit à

18 ce moment-là ?

19 R. Je ne comprends pas la question.

20 Q. Est-ce que Zoran Vukovic vous a dit quoi que

21 ce soit d’autre lorsque vous l’avez vu dans l’appartement

22 cette fois-ci ?

23 R. Tout ce dont je me souviens c’est qu’il a

24 expliqué que Klanfa avait été blessé, qu’il avait passé une

25 période dans l’hôpital et que les vêtements de Klanfa

Page 1686

1 devaient être lavés. Je ne me souviens pas d’autres

2 choses.

3 Q. Est-ce que vous pourriez reconnaître Zoran

4 Vukovic aujourd’hui ?

5 R. Peut-être.

6 Q. Veuillez regarder autour de vous dans le

7 prétoire, prenez votre temps et dites-nous si vous

8 reconnaissez Zoran Vukovic.

9 R. Je pense qu’oui.

10 Q. Est-ce que vous pourriez décrire ce qu’il

11 porte sur lui et où il est assis ?

12 R. Il est la deuxième personne dans le dernier

13 rang, de ce côté-là.

14 Q. Vous voulez dire à partir du côté droit ?

15 C’est ce que vous semblez indiquer.

16 R. Oui. Si on regarde de mon point de vue,

17 c’est de droite [indication du témoin].

18 Q. Est-ce que vous pouvez décrire ce qu’il porte

19 sur lui ?

20 R. Eh bien, une chemise blanche. Je pense qu’il

21 porte une veste bleu marin et une cravate bleu marin avec

22 quelques couleurs.

23 Me KUO (interprétation) : Peut-on indiquer dans

24 le compte-rendu que le témoin a reconnu Zoran Vukovic ?

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

Page 1687

1 Me KUO (interprétation) :

2 Q. Est-ce qu’on vous a fait sortir de la salle

3 de classe du lycée de nouveau ?

4 R. Oui. Je ne me souviens pas très bien de

5 cela. Je me souviens une fois, Zelenovic nous a amenées

6 dans un appartement dans l’immeuble de Lepa Brena et je ne

7 me souviens pas d’autres occasions, même si je sais que

8 ceci n’était pas la seule fois qu’on nous a fait sortir du

9 lycée.

10 Q. À chaque fois qu’on vous a fait sortir de ce

11 centre, du lycée, qu’est-ce qui vous est arrivé ?

12 R. À chaque fois qu’on me faisait sortir du

13 lycée, on me violait à chaque fois.

14 Q. Est-ce que vous avez vu que d’autres filles

15 ont été amenées quelque part du lycée ?

16 R. Oui. Ils ne m’ont jamais fait sortir toute

17 seule. Il y avait toujours quelqu’un avec moi, une autre

18 fille.

19 Q. Combien de temps êtes-vous restée dans le

20 lycée ?

21 R. Je ne me souviens pas très bien de ça, mais

22 je pense que ceci n’a pas duré très longtemps, peut-être

23 deux semaines, mais je ne suis pas sûre.

24 Q. Pendant cette période, est-ce que vous vous

25 sentiez libre de partir tout simplement ?

Page 1688

1 R. Non.

2 Q. Est-ce que vous pouvez décrire pourquoi pas ?

3 R. Vous parlez du lycée ?

4 Q. Oui.

5 R. Tout d’abord, il y avait toujours des soldats

6 dans le lycée. Dans l’entrée, il y avait toujours des

7 soldats qui gardaient l’entrée même si à Foca, à l’époque,

8 il n’y avait déjà plus beaucoup de musulmans dans la ville.

9 Donc, nous n’étions pas en sécurité si nous sortions dans

10 la rue.

11 Q. Est-ce que toutes les personnes détenues dans

12 le lycée étaient des musulmans ?

13 R. Oui.

14 Q. Où est-ce qu’on vous a amenés lorsqu’on vous

15 a fait partir du lycée au bout de ces deux semaines ?

16 R. Ils nous ont amenés dans la salle de sports

17 Partizan. Tout d’abord, ils nous ont amené nettoyer cette

18 salle et ensuite, ils nous ont transférés là-bas.

19 Q. Est-ce qu’ils ont amené tout le monde, tous

20 ceux qui avaient été détenus avec vous dans le lycée ?

21 R. Oui.

22 Q. Combien de personnes y avait-il

23 approximativement avec vous dans la salle de sports

24 Partizan ?

25 R. À l’époque, il n’y avait au début que des

Page 1689

1 gens de Trosanj. Je ne sais pas combien de personnes de

2 là-bas, pas beaucoup. De toute façon, nous pouvions tous

3 dormir dans une même salle de classe dans le lycée. Par la

4 suite, on a amené d’autres personnes que je ne connaissais

5 pas qui venaient des environs de Foca.

6 Q. Est-ce qu’il y avait des hommes parmi vous ?

7 R. Je pense qu’il y a eu des hommes âgés mais je

8 ne me souviens que de deux. L’un d’eux était très vieux,

9 l’autre était malade.

10 Q. Pendant que vous étiez dans Partizan, est-ce

11 que vous vous sentiez libre de partir ?

12 R. Non. C’est pareil que dans le lycée et

13 ailleurs. Les gardes y allaient et le fait de sortir dans

14 la rue ou quoi que ce soit entraînait des risques.

15 Me KUO (interprétation) : Avec l’aide de

16 l’Huissier, je demande que l’on montre la pièce à

17 conviction 11 au témoin, la photo 7302.

18 Q. Reconnaissez-vous cette photo ?

19 R. Oui. C’est la salle de sports Partizan.

20 Q. Merci. Est-ce que les soldats venaient au

21 Partizan aussi pour vous faire sortir, pour faire sortir

22 les filles ?

23 R. Oui.

24 Q. Ils le faisaient avec quelle fréquence ?

25 R. Parfois chaque soir, parfois un soir sur

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1 deux. Je ne me souviens pas très exactement.

2 Q. Que faisaient-ils lorsqu’ils venaient dans la

3 salle de sports afin de faire sortir les filles ?

4 R. Ils entraient simplement. Ils faisaient le

5 tour en cherchant certaines personnes, certaines jeunes

6 filles. Ensuite, ils choisissaient les personnes qu’ils

7 voulaient, le nombre de personnes qu’ils voulaient et

8 simplement, ils les amenaient avec eux.

9 Q. Est-ce que vous connaissez les noms ou les

10 surnoms des soldats qui ont fait ça ?

11 R. Je me souviens de Gojko Jankovic. Je me

12 souviens d’un certain nom appelé Zaga, qu’on appelait Zaga.

13 Son nom de famille est Kunarac. Je ne suis pas sûre en ce

14 qui concerne son prénom. Je crois que c’est Dragan ou

15 quelque chose comme ça. Puis Janjic, surnommé Tuta, il

16 venait lui aussi. Je pense que Gagovic y est venu deux

17 fois. Je ne me souviens pas. Je pense…

18 Q. La personne que vous avez identifiée en tant

19 que Zaga dont le nom de famille est Kunarac, est-ce que

20 vous le connaissiez avant la guerre ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce que vous pourriez le décrire ?

23 R. C’est un peu difficile. Je sais qu’il

24 n’était pas très grand, ni très gros, ni très mince. Je

25 crois que ses cheveux étaient marrons foncés. Je ne

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1 saurais pas donner plus de détails.

2 Q. Il venait au Partizan avec quelle fréquence,

3 lui ?

4 R. Je pense qu’il ne venait pas chaque soir,

5 mais peut-être tous les trois jours mais je ne suis pas

6 sûre.

7 Q. Lorsque Zaga venait, était-il seul ou bien

8 était-il accompagné d’autres soldats ?

9 R. Il était avec d’autres soldats.

10 Q. Que faisait-il lorsqu’il venait au Partizan ?

11 R. D’habitude, il prenait quelques filles, une,

12 deux, trois. Simplement, il les choisissait et il les

13 amenait avec lui.

14 Q. Est-ce que Zaga dont le nom de famille est

15 Kunarac, est-ce qu’il vous a jamais fait sortir du Partizan

16 ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez où il vous a

19 amenée ?

20 R. Je me souviens seulement de deux fois. Je me

21 souviens très exactement de deux occasions. En ce qui

22 concerne les autres fois, je ne m’en souviens pas. L’une

23 de ces fois, c’était dans une maison à Aladza et une autre

24 fois, l’autre fois, c’était dans une maison près de la gare

25 routière.

Page 1692

1 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire la

2 première fois qu’il vous a amenée dans la maison à Aladza ?

3 Tout d’abord, où était cette maison ?

4 R. La maison était près du lycée, pas loin de la

5 mosquée de Aladza. La maison se trouve à droite si on va

6 vers le lycée. À droite, il y a une petite rue et ensuite,

7 la première maison qui fait l’angle est celle-là. Toutes

8 les fenêtres donnaient sur la rue.

9 Q. Est-ce que vous pourriez dire qui vivait dans

10 cette maison ?

11 R. Je ne suis pas sûre, quoique dans le jardin,

12 dans le rez-de-chaussée, quelque chose comme ça, de cette

13 maison, il y avait une sorte d’atelier. Je pense que

14 c’était quelque chose concernant le fait de coudre, peut-

15 être faire des vêtements ou des chaussures, mais je ne suis

16 pas tout à fait sûre.

17 Q. Lorsque Zaga Kunarac vous a amenée dans cette

18 maison, qu’est-ce qu’il a fait ?

19 R. Zaga Kunarac n’était jamais seul ou plutôt,

20 moi, je n’étais jamais seule quand il m’a amenée. Il y

21 avait d’habitude plusieurs jeunes filles avec moi.

22 D’habitude, il y avait plusieurs soldats là-bas et ensuite

23 – peut-être il faut que je dise, bien sûr – ensuite, il

24 nous violait toutes.

25 Q. Cette fois-ci, est-ce que vous vous souvenez

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1 quelles sont les autres jeunes filles qui ont été amenées

2 avec vous ?

3 R. Oui. C’était 75, 50, DB et moi.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand ceci

5 s’est produit ?

6 R. Ça, je ne m’en souviens plus, mais je me

7 souviens, j’ai l’impression que c’était la veille de notre

8 départ à Miljevina, la veille du jour où ils nous ont

9 emmenés à Miljevina.

10 Q. Est-ce que c’était la première fois qu’on

11 vous a amenée dans cette maison à Aladza le jour avant

12 qu’on vous a amenée à Miljevina ?

13 R. Non. C’était la dernière fois que j’ai été

14 dans cette maison à Aladza, quoique avant, lorsqu’on me

15 faisait venir dans cette maison à Aladza, je ne me souviens

16 pas exactement avec qui j’y étais ni quand.

17 Q. Est-ce que vous pourriez dire d’où venaient

18 les soldats qui se trouvaient dans cette maison à Aladza ?

19 R. Je pense qu’ils venaient du Monténégro. Ils

20 avaient un accent différent du nôtre, quoique eux aussi,

21 ils ont dit d’où ils venaient. Je pense que la plupart

22 d’entre eux venaient de Niksic.

23 Q. Lorsqu’on vous a amenée dans la maison à

24 Aladza, qui vous a amenée là-bas ?

25 R. D’habitude, c’était Kunarac, Zaga. Je ne

Page 1694

1 sais pas qui nous ramenait. Je ne suis pas sûre quelle

2 était la personne qui nous ramenait.

3 Q. La dernière fois qu’on vous a amenée ou bien

4 plutôt avant la dernière fois qu’on vous a amenée dans la

5 maison à Aladza, donc ces autres fois, est-ce que Zaga vous

6 a violée ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez dit que Zaga vous a amenée

9 également dans une vieille maison près de la gare routière.

10 Est-ce que vous vous souvenez quand ceci s’est produit ?

11 R. Je ne me souviens pas de la date exacte mais

12 c’était avant qu’on ne soit amené dans la maison, avant

13 cette occasion que j’ai décrite quand on a été amené dans

14 la maison à Aladza, mais je ne me souviens pas très

15 exactement quand.

16 Q. Est-ce qu’on vous a amenée toute seule ou

17 bien avec d’autres jeunes filles à la vieille maison près

18 de la gare routière ?

19 R. Il y avait deux autres filles avec moi, le

20 numéro 50 et DB.

21 Q. Qu’est-ce qui vous est arrivé dans cette

22 maison ?

23 R. Deux soldats m’ont violée. Je ne connais pas

24 le nom d’un d’eux et l’autre était Dragan Kunarac.

25 Q. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé aux

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1 autres jeunes filles lorsqu’elles ont été amenées dans

2 cette maison ?

3 R. Je ne sais pas en ce qui concerne DB. Le

4 numéro 50, elle m’a dit que Dragan ou plutôt Zaga Kunarac

5 l’a violée elle aussi.

6 Q. Vous avez dit que Zaga Kunarac vous a amenée

7 à d’autres endroits dont vous ne vous souvenez plus. Est-

8 ce exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce qu’à ces occasions, il vous a

11 également violée ?

12 R. Je ne m’en souviens pas.

13 Q. Vous vous souvenez qu’il est venu vous

14 chercher au gymnase Partizan, n’est-ce pas ?

15 R. Oui, oui. Je me souviens qu’il est venu me

16 chercher plusieurs fois. Je me souviens de deux fois, deux

17 occasions avec précision.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez d’une

19 journaliste qui est venue au gymnase ?

20 R. Oui, je m’en souviens.

21 Q. Vous souvenez-vous de quoi elle avait l’air ?

22 R. Elle était blonde. Elle était très mince.

23 Elle était très maquillée. C’est à peu près tout.

24 Q. Est-ce que Kunarac, alias Zaga, était avec

25 elle quand elle est venue ?

Page 1696

1 R. Je ne me souviens pas, mais en tout cas, elle

2 a posé des questions à son sujet.

3 Q. Quelles questions a-t-elle posées à son sujet

4 ?

5 R. La première chose qu’elle nous a demandé,

6 c’était sur la façon dont on était traité au gymnase

7 Partizan, à savoir est-ce qu’on était maltraité, est-ce que

8 des soldats venaient s’en prendre à nous, et cætera. Je ne

9 me souviens pas exactement comment elle en est venue à

10 mentionner le nom de Zaga, mais je me souviens que

11 quelqu’un dans ce groupe a dit que lui, il viendrait

12 chercher des jeunes filles.

13 Q. Vous souvenez-vous qui s’est entretenu avec

14 cette journaliste ?

15 R. Non, je ne m’en souviens pas.

16 Q. Est-ce que vous lui avez parlé, vous ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce que vous l’avez revue ensuite ?

19 R. Oui. Je l’ai vue une fois à Miljevina

20 ensuite.

21 Q. Où à Miljevina ?

22 R. Dans la maison de Karaman, là où on nous a

23 emmenés après la nuit, la fameuse nuit dans la maison de

24 Aladza.

25 Q. Que faisait-elle dans la maison de Karaman ?

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1 R. Je ne me souviens pas qu’elle ait fait quoi

2 que ce soit de particulier. Elle était simplement assise

3 là. Elle n’a pas beaucoup parlé, je ne crois pas, mais en

4 fait, je ne me souviens pas très, très bien. Je ne me

5 souviens pas très bien des détails.

6 Q. Quand vous l’avez revue, est-ce qu’elle se

7 comportait comme une journaliste ?

8 R. Non, non. Elle avait l’air d’une femme tout

9 à fait ordinaire. Elle n’avait pas l’air d’une

10 journaliste. C’est difficile d’expliquer pourquoi mais

11 elle ne se comportait pas comme une journaliste et puis

12 elle n’a pas dit qu’elle était là à cause de son travail.

13 Q. Vous avez parlé de la dernière fois où on

14 vous a emmenée à la maison de Aladza et c’était la veille

15 du jour où on vous a emmenée à Miljevina. Vous en

16 souvenez-vous ?

17 R. Je ne peux pas être sûre à 100 pour cent,

18 mais je crois que c’est le lendemain du jour où on nous a

19 emmenées à la maison de Aladza pour la dernière fois.

20 Q. Que s’est-il passé ce jour-là ?

21 R. Je ne vous ai pas comprise.

22 Q. J’ai très mal formulé ma question. Je

23 reprends donc. La dernière fois où on vous a emmenée à la

24 maison du quartier de Aladza, c’était la veille du jour où

25 on vous a emmenée à Miljevina. C’est bien ça ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce qu’il s’est passé quelque chose qui a

3 trait à la mosquée cette nuit-là qui fait que vous vous

4 souveniez très, très bien de cette nuit ?

5 R. Je sais qu’il y a une nuit où il y a eu une

6 explosion dans la mosquée. La mosquée a sauté, enfin, je

7 crois, mais je ne peux pas vous dire vraiment que ça se

8 soit passé cette nuit-là en particulier. Je me souviens

9 pourtant bien de cette nuit parce que… enfin, je ne sais

10 pas exactement comment mais je sais que cette nuit-là,

11 alors que nous étions dans la maison de Aladza et le

12 lendemain, à Miljevina, je crois… enfin, j’ai l’impression

13 qu’il y a un lien entre ces deux jours.

14 Q. Bien ! Alors, parlons de cette dernière nuit

15 que vous avez passée à la maison avant que l’on vous emmène

16 à Miljevina. Qui vous a emmenée à la maison ?

17 R. Kunarac.

18 Q. Étiez-vous seule ou y avait-il d’autres

19 jeunes filles avec vous que l’on a emmenées dans cette

20 maison ?

21 R. J’étais avec d’autres.

22 Q. Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous dire quel

23 est leur numéro ?

24 R. 75, 50, DB et moi-même.

25 Q. Lorsque vous êtes arrivée dans la maison,

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1 est-ce qu’il y avait d’autres jeunes filles ?

2 R. Je me souviens simplement d’une jeune fille.

3 Elle était déjà là lorsque nous sommes arrivées. C’était

4 le numéro 190.

5 Q. Y avait-il également des soldats dans la

6 maison ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous a-t-on violée cette nuit-là dans la

9 maison ?

10 R. Oui.

11 Q. Qui vous a violée ?

12 R. Je me souviens de Kunarac, un homme plus

13 vieux dont je ne me souviens pas de son nom et puis il y

14 avait aussi un homme plus jeune qui s’appelait Toljic de

15 son nom de famille et son surnom, c’était Tolja. Voici les

16 trois dont je me souviens qu’ils m’ont violée.

17 Q. Dans quelle pièce Kunarac vous a-t-il violée

18 ?

19 R. Quand on entre dans l’appartement, à gauche,

20 vous avez la cuisine et à droite, la pièce, une pièce et

21 c’est dans cette pièce qu’il m’a violée.

22 Q. Étiez-vous en mesure de dire si Kunarac

23 commandait ces autres soldats ou quelle était leur relation

24 ?

25 R. J’avais l’impression que lorsque Zaga venait

Page 1700

1 au gymnase Partizan ou lorsqu’il nous emmenait à la maison

2 de Aladza, moi, j’avais l’impression que c’était lui qui

3 commandait et j’avais le sentiment que les soldats qui se

4 trouvaient là lui obéissaient, l’écoutaient.

5 Q. Cette nuit-là, combien de temps êtes-vous

6 restée dans la maison de Aladza ?

7 R. Je crois que j’y suis restée jusqu’au matin.

8 Le lendemain matin, on nous a emmenés à Miljevina et je

9 n’en suis pas sûre à 100 pour cent.

10 Q. Vous n’êtes pas sûre du moment où on vous a

11 emmenée à Miljevina ou vous n’êtes pas sûre qu’on vous y

12 ait emmenée effectivement ?

13 R. Non. Ce dont je ne suis pas sûre, c’est du

14 moment où on nous a emmenés.

15 Q. Vous souvenez-vous de qui vous a emmenée à

16 Miljevina ?

17 R. Bien, je me souviens de Pero Elez. Il y

18 avait deux autres hommes. Je crois qu’il y avait deux

19 autres hommes, mais je ne sais plus quels étaient leurs

20 noms.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu’on vous ait

22 dit pourquoi on vous emmenait à Miljevina ?

23 R. Non, non. Ils ne nous l’ont pas dit. Ils ne

24 nous ont d’ailleurs pas dit où nous allions et pourquoi

25 nous y allions.

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1 Q. Qui d’autre a-t-on emmené à part vous ?

2 R. Avec moi, il y avait le numéro 75, DB et le

3 numéro 190.

4 Q. Où vous a-t-on emmenée exactement à Miljevina

5 ?

6 R. On nous a emmenés dans une maison. Je ne

7 sais pas pourquoi mais c’est une maison finalement que tout

8 le monde appelait la maison de Karaman, mais je crois que

9 c’est parce que Karaman, c’était le nom de famille du

10 propriétaire de cette maison, du propriétaire à ce moment-

11 là ou du propriétaire avant la guerre.

12 Me KUO (interprétation) : Je souhaiterais que

13 l’on montre au témoin la photographie 7355 de la pièce à

14 conviction numéro 11.

15 Q. Reconnaissez-vous ce qui figure sur cette

16 photographie ?

17 R. Oui. Il s’agit de la maison de Karaman à

18 Miljevina.

19 Q. Merci. Lorsque vous êtes arrivée à la maison

20 de Karaman, y avait-il quelqu’un déjà ?

21 R. Oui. Il y avait une autre jeune fille mais

22 aujourd’hui, je ne me souviens plus de son nom, et

23 d’ailleurs, je ne crois pas que son nom figure sur la liste

24 que j’ai devant moi.

25 Q. Y avait-il également des soldats ?

Page 1702

1 R. Oui. Je ne saurais dire exactement combien

2 ils étaient. Je crois qu’ils étaient peut-être deux ou

3 trois quand on est arrivé.

4 Q. Ces soldats, que faisaient-ils ?

5 R. Je ne comprends pas votre question.

6 Q. Est-ce qu’il y avait des gens qui habitaient

7 dans la maison de Karaman ?

8 R. Oui. C’est l’impression qu’on avait. Il y

9 en avait deux ou trois qui résidaient dans cette maison.

10 Enfin, c’est l’impression que ça donnait.

11 Q. Vous souvenez-vous qui étaient ces deux ou

12 trois soldats qui habitaient dans cette maison ?

13 R. L’un d’eux était Radovan Stankovic, alias

14 Raso. L’autre, c’était Nedzo Samardzic, je crois. Et le

15 troisième, c’était Nikola, je crois qu’il s’appelait Brcic

16 de son nom de famille mais je ne suis pas trop sûre.

17 Q. Est-ce que d’autres soldats sont venus dans

18 cette maison ?

19 R. Oui.

20 Q. Que faisaient-ils quand ils venaient dans la

21 maison ?

22 R. Eh bien, généralement, ils choisissaient une

23 des jeunes filles et ils l’emmenaient au deuxième étage.

24 Q. Pendant combien de temps avez-vous été ainsi

25 détenue dans cette maison ?

Page 1703

1 R. Je ne me souviens pas exactement. Un mois et

2 demi, deux mois peut-être, mais je ne suis pas tout à fait

3 sûre.

4 Q. Pendant cette période, que vous est-il arrivé

5 dans cette maison ?

6 R. Eh bien, moi, comme toutes les autres jeunes

7 filles qui se trouvaient dans la maison de Karaman, j’ai

8 été violée par les soldats serbes. Je crois qu’après un

9 certain temps, on a amené deux ou trois jeunes filles. En

10 tout cas, toutes les jeunes filles ont été violées soit

11 chaque soir, chaque nuit, soit une nuit sur deux, mais en

12 tout cas, très souvent.

13 Q. Avez-vous pu compter le nombre de fois où on

14 vous a violée dans cette maison ?

15 R. Je ne crois pas que ce soit possible.

16 Q. Kunarac, Zaga, est-ce qu’il lui est arrivé de

17 venir dans la maison de Karaman ?

18 R. Je ne me souviens que d’une occasion où il

19 est venu. Je me souviens qu’il était blessé, il avait un

20 plâtre et puis il avait un bandage. Je ne me souviens plus

21 très bien. Je me souviens donc de cette fois-là, mais

22 quant à savoir s’il est venu plusieurs fois, je ne sais

23 pas.

24 Q. Lorsqu’il est venu à cette occasion dont vous

25 vous souvenez, qu’est-ce qu’il a fait ?

Page 1704

1 R. Je ne me souviens pas exactement pourquoi il

2 est venu, ce qu’il faisait exactement dans la maison. Tout

3 ce dont je me souviens c’est qu’il m’a amenée à l’étage

4 supérieur, l’étage le plus haut et qu’il m’a violée.

5 Q. Est-ce qu’il y a quelque chose dans cet

6 incident qui vous soit resté en mémoire plus

7 particulièrement ?

8 R. Je crois que je me suis demandée comment

9 quelqu’un qui était blessé pouvait commettre un acte de ce

10 genre.

11 Q. Est-ce que vous seriez en mesure de

12 reconnaître Zaga ou Kunarac aujourd’hui ?

13 R. Peut-être.

14 Q. Je vais vous demander de parcourir des yeux

15 le prétoire pour me dire si vous le voyez.

16 R. Oui.

17 Q. Pouvez-vous me dire où il est assis et quels

18 vêtements il porte ?

19 R. Il est assis à gauche. C’est le deuxième à

20 partir de la gauche. Il a un blazer bleu foncé, une

21 chemise blanche. Il a une cravate, une cravate bigarrée

22 dans les tons de rouge.

23 Me KUO (interprétation) : Je souhaiterais que

24 soit porté au compte-rendu le fait que le témoin a reconnu

25 l’Accusé Kunarac, Dragoljub.

Page 1705

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien !

2 Me KUO (interprétation) :

3 Q. Pendant la période que vous avez passée à la

4 maison de Karaman, est-ce que vous étiez en compagnie

5 d’autres jeunes filles, et si c’est le cas, pouvez-vous

6 nous donner leurs initiales ou leurs pseudonymes tels

7 qu’ils figurent sur la feuille que vous avez devant vous ?

8 R. Oui. Il y avait d’autres jeunes filles avec

9 moi. Moi, je connaissais celles qui étaient venues avec

10 moi, 75, DB, 190 également, bien qu’en ce qui concerne 190,

11 au bout de quelque temps, au bout d’une assez courte

12 période, on l’a fait partir. Puis ensuite, au bout d’un

13 moment, il y a d’autres jeunes filles qui sont venues, à

14 savoir AB, AS et une autre dont je ne vois pas le nom sur

15 cette feuille, ah oui ! également le numéro 132 ainsi

16 qu’une autre jeune fille dont je ne vois pas le nom sur la

17 liste.

18 Me KUO (interprétation) : Je souhaiterais que

19 l’on donne une feuille de papier à ce témoin qui pourra

20 porter la cote 194 et je souhaiterais demander au témoin

21 d’inscrire sur cette feuille de papier le nom de la jeune

22 fille qu’elle ne voit pas sur la liste qu’elle a sous les

23 yeux.

24 LA GREFFIÈRE : Cette feuille de papier portera le

25 numéro 194 et sera enregistrée de façon confidentielle.

Page 1706

1 Me KUO (interprétation) :

2 Q. Madame le Témoin, vous avez identifié ou

3 parlé de quelqu’un qui est désigné sous les initiales AB.

4 Savez-vous quel âge elle avait à l’époque ?

5 R. Je ne pourrais pas vous dire exactement mais

6 je crois qu’elle avait 12 ou 13 ans.

7 Q. Pouvez-vous dire qui était responsable de la

8 maison de Karaman ?

9 R. Je crois que c’était Pero. C’est d’ailleurs

10 ce qu’il a dit. Il a dit que seules des personnes bien

11 particulières avaient le droit d’entrer dans la maison ou

12 que seuls ceux qui l’autorisaient à le faire pouvaient y

13 venir.

14 Q. Est-ce qu’on vous a dit ce que vous deviez

15 faire si d’autres personnes essayaient d’entrer dans la

16 maison ?

17 R. Je crois que Pero nous a donné le numéro de

18 téléphone de l’hôtel de Miljevina. C’est là qu’ils

19 habitaient, enfin, j’ai l’impression. Donc, il nous a

20 donné ce numéro de téléphone au cas où quelqu’un vienne à

21 la maison. Il nous a dit que si quelqu’un venait, il

22 fallait l’appeler pour le prévenir.

23 Q. Les soldats qui sont venus vous violer, est-

24 ce que c’était des gens qui paraissaient avoir

25 l’autorisation, comme vous nous dites, l’autorisation de

Page 1707

1 venir à la maison ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que la porte de la maison de Karaman

4 était fermée à clé ?

5 R. Non, elle n’était pas fermée à clé. C’est le

6 genre de porte qu’on peut ouvrir de l’intérieur, mais pas

7 de l’extérieur. Pour l’ouvrir de l’extérieur, il faut

8 avoir une clé. Au début, on n’avait pas le droit de sortir

9 de la maison, même si plus tard, on a pu sortir sur la

10 terrasse ou dans le jardin.

11 Q. Pourquoi est-ce que vous n’êtes pas partie ?

12 R. Pour les mêmes raisons. On ne savait pas où

13 aller puis on ne savait pas à quoi ça mènerait cette

14 tentative d’évasion et il n’y avait de sécurité nulle part.

15 Q. Est-ce que vous deviez vaquer à des tâches

16 ménagères également dans cette maison ?

17 R. Oui. On devait faire la cuisine, on devait

18 faire la vaisselle, la lessive. On devait faire le ménage.

19 Q. Quand vous a-t-on emmenée de cette maison de

20 Karaman ?

21 R. Je ne me souviens pas non plus de la date

22 exacte mais c’était peut-être à la fin septembre, début

23 octobre, mais je n’en suis pas tout à fait sûre.

24 Q. Où vous a-t-on emmenée alors ?

25 R. À Foca. Tout d’abord, on nous a emmenées

Page 1708

1 dans un appartement dans le quartier de Ribarsko et puis le

2 lendemain, on nous a emmenées dans l’appartement de Klanfa

3 qui se trouve dans l’immeuble d’habitation Brena.

4 Q. Qui est venu vous chercher à la maison de

5 Karaman ? Vous en souvenez-vous ?

6 R. Oui. Zelenovic. Gojko Jankovic, je crois,

7 était là également et Tuta, mais je ne peux pas l’affirmer

8 avec certitude.

9 Q. Étiez-vous seule ou étiez-vous accompagnée

10 d’autres jeunes filles ?

11 R. Il y avait d’autres jeunes filles. Ils sont

12 venus me chercher moi, le numéro 75, AB et AS.

13 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

14 il est l’heure de la pause-déjeuner. Peut-être le moment

15 est-il bien choisi pour suspendre l’audience.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous

17 allons suspendre l’audience et nous reprendrons les débats

18 à 14 h 30.

19 — Suspension de l’audience à 12 h 59

20 — Reprise de l’audience à 14 h 29

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

22 Madame le Témoin. Nous allons poursuivre maintenant avec

23 l’interrogatoire principal.

24 Me KUO (interprétation) : Merci, Madame la

25 Présidente.

Page 1709

1 Q. Madame le Témoin, avant la pause-déjeuner,

2 vous avez donné la description d’un certain nombre

3 d’incidents quand Kunarac vous a violée et il vous a

4 emmenée du gymnase Partizan. Pourriez-vous dire de manière

5 très concrète ce qu’il avait fait ou bien éventuellement ce

6 que vous avez sous-entendu sous le terme « viol » ?

7 R. Quand j’ai dit « viol », c’est-à-dire qu’il a

8 placé son pénis dans mon vagin et de force.

9 Q. Quand Kunarac vous a violée dans la maison de

10 Karaman, c’était exactement la même chose ?

11 R. Oui.

12 Q. Pendant que vous étiez détenue au lycée, est-

13 ce que Zelenovic vous a fait sortir ainsi que 75 et est-ce

14 que lui-même vous a violées ensemble avec Zoran Vukovic ?

15 R. Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît,

16 reformuler votre question ?

17 Q. Au moment où vous étiez au lycée, est-ce que

18 vous vous souvenez si éventuellement il y avait une

19 occasion où Zelenovic vous a fait sortir ainsi que le

20 numéro 75 et qu’il vous a violées ainsi que Zoran Vukovic ?

21 R. Oui. Je me souviens qu’une fois, Zoran m’a

22 emmenée ainsi que le numéro 75 et c’est à ce moment-là que

23 nous avons été violées, mais je ne me souviens pas si

24 Vukovic était présent.

25 Q. Pendant que vous étiez détenue au gymnase

Page 1710

1 Partizan, est-ce que quatre hommes vous ont fait sortir et

2 ils vous ont violée, y compris Zelenovic et Vukovic ?

3 R. Non, je ne m’en souviens pas.

4 Q. Avant la pause, Madame le Témoin, vous nous

5 avez décrit un événement, un moment où on vous a emmenée de

6 la maison Karaman jusqu’à Foca, à Ribarsko dans un

7 appartement. Vous vous souvenez de ça ?

8 R. Oui.

9 Q. Qu’est-ce qui s’est passé dans cet

10 appartement ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

11 R. Je me souviens de Zelenovic et je pense que

12 Gojko Jankovic et Tuta également y étaient. Je me souviens

13 que j’ai été violée par Zelenovic. Pour ce qui concerne

14 Jankovic et Janjic, je ne me souviens pas.

15 Q. Est-ce que vous savez si d’autres jeunes

16 filles également ont été violées ?

17 R. Oui, oui. Les autres jeunes filles également

18 ont été violées.

19 Q. Est-ce qu’on vous a emmenée de cet

20 appartement quelque part ailleurs ?

21 R. Oui. Le lendemain matin, on nous a prises

22 dans cet appartement et on nous a emmenées dans un autre.

23 Q. Qui est-ce qui vous a fait sortir de cet

24 appartement pour vous emmener ailleurs, dans un autre

25 appartement ?

Page 1711

1 R. C’est Radomir Kovac, surnommé Klanfa, et

2 Jagos Kostic.

3 Q. Où vous ont-ils emmenée ?

4 R. Ils nous ont emmenées dans l’immeuble Brena,

5 dans un appartement qui se trouve au quatrième étage.

6 Q. Est-ce que vous quatre, vous étiez emmenées

7 toutes les quatre ?

8 R. Oui, je pense ça.

9 Q. Je vais demander l’aide de l’Huissier pour

10 vous montrer la pièce à conviction 11 et la photographie

11 7401. Est-ce que vous reconnaissez ce qui se trouve sur

12 cette photographie ?

13 R. Non. Je pense qu’il s’agit de l’immeuble

14 intitulé Brena, enfin, appelé Brena.

15 Q. Est-ce que vous pouvez voir également

16 l’appartement, l’appartement où on vous a emmenée ou bien

17 éventuellement vous voyez la terrasse, le balcon ? Est-ce

18 que vous le reconnaissez sur la photographie ?

19 R. Je suis sûre que c’est l’immeuble appelé

20 Brena, mais je ne suis pas sûre véritablement de l’entrée.

21 Je ne sais pas si c’est véritablement l’entrée, l’entrée où

22 se trouve l’appartement dont je parle parce qu’il y avait

23 plusieurs entrées dans cet immeuble.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel était

25 l’étage, l’appartement se trouvait à quel étage ?

Page 1712

1 R. Au quatrième.

2 Q. Par conséquent, le quatrième étage en plus du

3 rez-de-chaussée ?

4 R. Non. C’est le quatrième y compris le rez-de-

5 chaussée. À partir d’en bas, c’est le quatrième.

6 Q. Merci.

7 Me KUO (interprétation) : Je vais tout simplement

8 demander d’éteindre la lumière sur le rétroprojecteur pour

9 ne pas gêner le témoin.

10 Q. Au moment où vous avez été emmenée dans cet

11 appartement dans l’immeuble Lepa Brena, qu’est-ce que Kovac

12 vous a-t-il fait ?

13 R. Kovac et Kostic nous ont emmenées dans cet

14 appartement et au moment où ils nous ont emmenées dans

15 l’appartement, moi, je me souviens que j’ai été violée par

16 Kovac. Je me souviens également que 75 avait été violée

17 par lui-même. Pour ce qui est des deux autres jeunes

18 femmes ou filles, je sais que AS a été violée par Kostic et

19 pour la quatrième, je ne sais pas ce qui s’est passé. Je

20 ne sais pas.

21 Q. Combien de temps êtes-vous restée dans cet

22 appartement ?

23 R. Je ne me souviens pas exactement. Peut-être

24 quatre mois approximativement.

25 Q. Au cours de ces quatre mois, combien de fois,

Page 1713

1 à quelle fréquence vous avez été violée par Radomir Kovac ?

2 R. Ça dépendait. Il y avait des nuits qui se

3 suivaient, chaque nuit, et il y avait d’autres nuits où

4 Kovac n’était pas dans l’appartement, il était absent

5 quelques jours, mais s’il était dans l’appartement, dans ce

6 cas-là, c’était toutes les nuits.

7 Q. Excusez-moi, mais je suis obligée de vous

8 poser encore une fois la même chose. Quand vous dites que

9 vous étiez violée, pourriez-vous dire à la Chambre à quoi

10 pensez-vous ?

11 R. Je dis que c’est par force qu’il a placé son

12 pénis dans mon vagin. C’est ce que je sous-entends sous le

13 terme « viol ».

14 Q. Est-ce qu’il a placé son pénis également de

15 force dans votre bouche ?

16 R. Oui.

17 Q. Outre des viols, est-ce que Klanfa

18 éventuellement a fait autre chose à votre encontre ou

19 d’autres jeunes filles ?

20 R. Je me souviens que Klanfa et Kostic nous ont

21 demandé une fois d’enlever tous nos vêtements, donc d’être

22 nues et une fois, Kovac m’a demandé d’enlever tous mes

23 vêtements, de monter sur la table et de danser.

24 Q. L’incident dont vous venez de donner la

25 description, quand Kovac et les autres vous ont demandé

Page 1714

1 d’enlever vos vêtements, qu’est-ce qu’il vous a dit de

2 faire ? Est-ce que vous pouvez le dire à la Chambre ?

3 R. Il nous a demandé d’abord d’enlever tous nos

4 vêtements, de nous aligner l’une à côté de l’autre. Je ne

5 me souviens pas s’il fallait se tenir sur le lit ou sur le

6 sol, sur le plancher. Je ne me souviens plus exactement.

7 Il fallait s’aligner mais je sais qu’il a fallu qu’on reste

8 nu, qu’on enlève tous les vêtements.

9 Q. Est-ce qu’il a également mis de la musique ?

10 R. Cette fois-ci, non, je ne m’en souviens pas.

11 Je ne me souviens pas si cette fois-ci, véritablement, il a

12 mis de la musique.

13 Q. Qu’est-ce qu’il a fait une fois quand il vous

14 a forcée d’enlever vos vêtements ?

15 R. Je pense qu’ils étaient assis et ils nous

16 observaient mais j’avoue que je n’ai pas vraiment regardé.

17 Je ne sais pas ce qu’ils faisaient. Je n’ai pas vraiment

18 observé.

19 Q. Est-ce que Kovac ou Kostic avait des armes à

20 ce moment-là ?

21 R. Oui. Ils portaient toujours des armes.

22 Q. Quel type d’armes ?

23 R. Je pense qu’ils avaient des fusils et des

24 pistolets et puis ils avaient des couteaux également.

25 Q. Est-ce qu’il y avait une autre occasion où

Page 1715

1 Kovac vous a demandé d’enlever vos vêtements, enfin, toutes

2 les filles étaient obligées de les enlever ?

3 R. Oui. C’était dans un appartement mais dans

4 un autre appartement. C’était à Gornje Polje, mais je n’en

5 suis pas tout à fait sûre. Il nous a demandé d’enlever les

6 vêtements et puis de monter sur la table, de rester debout

7 comme ça et c’est à ce moment-là qu’il a dit qu’il allait

8 nous emmener traverser la ville comme ça toutes nues, qu’il

9 allait nous conduire jusqu’à la rivière et qu’au niveau de

10 la rivière, il allait nous tuer.

11 Q. Quand vous dites « lui », vous pensez à qui,

12 s’il vous plaît ?

13 R. Je pense à Kovac.

14 Q. Quand vous dites : « Il a dit qu’il allait

15 nous emmener à travers la ville jusqu’à la rivière », il

16 l’a fait ou non ?

17 R. Il a dit qu’il allait le faire. Moi, je ne

18 me souviens plus véritablement si c’était lui ou Kostic qui

19 a dit qu’il fallait quand même qu’on s’habille. Eh bien, à

20 ce moment-là, on s’est habillé et c’est là où il nous a

21 emmenées jusqu’à la rivière.

22 Q. Qu’est-ce qui s’est passé à la rivière ?

23 R. J’avoue que je ne me souviens pas

24 véritablement de très près ce qui s’est passé. Je sais que

25 j’étais terrifiée et j’avais été angoissée et je ne savais

Page 1716

1 pas comment ils allaient procéder, comment ils allaient le

2 faire et je sais que beaucoup de temps ne s’est pas écoulé

3 et ensuite, il nous a ramenées dans son appartement.

4 Q. Quand vous dites « lui », vous pensez à

5 Kovac, n’est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez également mentionné un autre

8 incident, un incident lors duquel Kovac vous a demandé –

9 vous étiez seule – d’enlever vos vêtements. Est-ce que

10 vous pouvez décrire à la Chambre ce qui s’est passé à ce

11 moment-là précis ?

12 R. Moi, j’étais seule à ce moment-là, seule dans

13 une pièce et il m’a demandé d’enlever mes vêtements, de

14 monter sur la table et de danser. Il a mis de la musique

15 et lui, il était sur le lit et il pointait son pistolet sur

16 moi.

17 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel type de

18 musique vous avez entendue ?

19 R. Je ne sais pas mais je pense que c’était

20 notre musique type folklorique.

21 Q. Quand vous dites « notre », à quoi pensez-

22 vous ?

23 R. Bien, je pense à la musique de Bosnie.

24 Q. Quand on vous a forcée de vous conduire de

25 cette manière-là, comment vous sentiez-vous ?

Page 1717

1 R. C’est très difficile, pénible de l’expliquer.

2 J’avais peur. J’avais honte également. Je ne sais pas

3 quoi vous dire.

4 Q. Est-ce que vous avez tout simplement eu le

5 sentiment que vous pouviez maîtriser d’une façon ou d’une

6 autre tout ce qui se passait autour de vous ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous vous sentiez comme si vous

9 étiez la propriété de Kovac ?

10 R. Oui.

11 Q. Eh bien, pourriez-vous nous dire pourquoi

12 vous vous sentiez comme ça ?

13 R. Ça aussi, c’est pénible et dur de

14 l’expliquer. Dans l’appartement, il n’y avait que Kovac et

15 Kostic et dans cet appartement, je me trouvais avec AS

16 également. On n’avait pas le droit de sortir. La porte a

17 été fermée à clé et on savait que Kovac allait me prendre

18 dans une chambre alors que Kostic prendrait AS dans l’autre

19 chambre et ça se passait toujours comme ça jusqu’à la fin.

20 Q. Avant, vous avez dit qu’au moment où vous

21 avez été emmenée dans cet appartement, juste au moment où

22 vous étiez emmenée, à part vous-même et AS, il y avait 75

23 et AB. Est-ce que c’est exact ? Est-ce que je vous ai

24 bien comprise ?

25 R. Oui.

Page 1718

1 Q. À quel moment 75 a-t-elle été emmenée

2 ailleurs et AB également ?

3 R. Je ne me souviens pas exactement quel était

4 le moment, mais peu de temps après être arrivée dans cet

5 appartement de Klanfa, mais je ne peux pas vous dire

6 exactement combien de jours elles sont restées dans

7 l’appartement avec nous deux.

8 Q. Est-ce que vous vous souvenez des

9 circonstances dans lesquelles elles ont été emmenées ?

10 R. Je ne me souviens pas tout à fait bien, mais

11 je pense qu’ils sont arrivés tout simplement, ils les ont

12 prises et puis ils les ont emmenées. Je ne me souviens pas

13 véritablement d’un détail très caractéristique, non.

14 Q. Outre le temps que vous nous avez décrit et

15 de cet incident quand on vous a emmenée jusqu’à la rivière,

16 est-ce que normalement, les jeunes filles sortaient de

17 l’appartement ? Est-ce qu’on vous a fait sortir de

18 l’appartement ?

19 R. Je me souviens qu’au moment où moi-même et

20 AS, nous étions toutes seules dans l’appartement, je me

21 souviens que nous avons été emmenées en dehors de

22 l’appartement à plusieurs reprises et quand les deux autres

23 se sont jointes à nous, peut-être deux ou trois fois, on

24 nous a fait sortir. Je ne me souviens pas exactement.

25 Q. Quand vous dites que vous étiez vous-même et

Page 1719

1 AS et que vous avez quitté l’appartement, vous êtes sorties

2 toutes les deux ou bien on vous a fait sortir ?

3 R. On nous a emmenées. On ne pouvait pas sortir

4 de l’appartement toutes seules parce qu’on était toujours

5 enfermé à clé.

6 Q. À cette occasion, où est-ce qu’on vous a

7 emmenée ?

8 R. Moi, je me souviens qu’une fois, on a été

9 emmené dans un appartement à Donje Polje. Une autre fois,

10 nous avons été emmenées dans un autre appartement, mais je

11 ne me souviens pas avec précision ce qui s’était passé et

12 plusieurs fois, nous sommes sorties avec eux dans des

13 cafés, dans des pubs. Voilà !

14 Q. Qu’est-ce qu’ils faisaient au moment où on

15 vous emmenait dans des pubs et dans des cafés ?

16 R. On nous a tout simplement demandé de nous

17 habiller. On nous forçait également de mettre sur nos

18 têtes des couvre-chefs. Il y avait des signes également de

19 leur armée ou quelque chose comme ça et puis je me souviens

20 qu’une fois, on nous a emmenées dans un café. Rien de très

21 caractéristique, enfin. C’était un café tout simple et

22 puis donc on était resté comme ça dans ce café et puis on

23 revenait à la maison.

24 Q. Quand vous dites « ils », est-ce qu’il

25 s’agissait de Kovac et Kostic ?

Page 1720

1 R. Oui.

2 Q. Pendant que vous étiez dans cet appartement,

3 est-ce que Kovac ou Kostic vous ont frappée ? Est-ce

4 qu’ils vous ont passée à tabac ?

5 R. Kostic m’a frappée une fois. Ça, je me

6 souviens, il m’a frappée une fois. Une autre fois, il m’a

7 menacée avec son couteau. Il a dit qu’il allait me couper

8 le visage. Ça, je me souviens. Non, je ne me souviens pas

9 en ce qui concerne Kovac qu’il m’avait frappée.

10 Q. Est-ce que Kostic ou Kovac vous a menacée

11 d’une autre façon ?

12 R. Oui. Il y avait peut-être une ou deux fois

13 où ils nous ont menacées qu’ils allaient nous tuer, qu’ils

14 allaient nous égorger. Oui, quelque chose dans ce sens-là.

15 Q. Avant qu’ils emmènent AB et 75, est-ce que

16 vous avez pu voir quelles étaient les séquelles que ceci a

17 laissées sur AB ?

18 R. Je ne comprends pas la question.

19 Q. Est-ce que vous avez vu ou éventuellement

20 vous avez appris dans quel état physique et mental était AB

21 au moment où elle a été emmenée de l’appartement ?

22 R. Non. Sur le plan physique, je ne sais pas.

23 Non. Il n’y avait rien que je voyais, tout au moins des

24 traces concrètes, visibles, mais en ce qui concerne l’état

25 psychique, on a pu bien évidemment constater qu’elle

Page 1721

1 n’était pas en bon état. Elle ne parlait pas beaucoup.

2 Elle se comportait d’une manière assez bizarre de temps à

3 autre et déjà à la maison de Karaman, à Miljevina, elle ne

4 pouvait pas dormir ou bien si elle dormait, elle faisait

5 des cauchemars.

6 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de reconnaître

7 Kovac aujourd’hui ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, regarder

10 autour de vous très attentivement et me dire si vous le

11 voyez dans le prétoire ?

12 R. Oui, je le reconnais.

13 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner sa

14 description, enfin, dire comment il est, comment il est

15 habillé ?

16 R. Je pense qu’il porte un costume gris foncé.

17 Je pense qu’il a une chemise blanche, mais je ne suis pas

18 sûre et puis une cravate grise, une cravate grise peut-être

19 foncée, peut-être claire. Je ne vois pas très bien.

20 Me KUO (interprétation) : Je vais demander à la

21 Chambre de bien vouloir constater que le témoin a identifié

22 l’Accusé Radomir Kovac.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, nous en

24 prenons note.

25 Me KUO (interprétation) :

Page 1722

1 Q. À quel moment vous êtes partie définitivement

2 de l’appartement de Kovac ?

3 R. Je ne me souviens pas exactement de la date.

4 Je pense que c’était au mois de février, peut-être mi-

5 février ou éventuellement à la fin. Je ne me souviens pas

6 exactement.

7 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelles étaient

8 les circonstances dans lesquelles ils ont décidé de vous

9 emmener, de vous faire partir de cet appartement ?

10 R. Oui. Je me souviens qu’il y avait deux

11 personnes, deux soldats du Monténégro. Ils se sont

12 entretenus avec Kovac et Kostic et ils voulaient nous

13 prendre, mais je dois dire que Kovac et Kostic voulaient

14 recevoir en retour de l’argent. Je pense que moi-même

15 ainsi que AS, nous étions vendues par Kovac et Kostic à ces

16 deux Monténégrins. Je pense qu’il s’agissait de 500

17 deutschmarks pour chacune.

18 Q. Qu’est-ce qui s’est passé avec vous par la

19 suite ?

20 R. Vous pensez à moi et à AS ?

21 Q. Oui, tout à fait.

22 R. Je ne sais pas si c’était le lendemain matin,

23 mais peu après cet entretien, on nous a transférées dans un

24 autre appartement et je pense que c’était également un

25 appartement dans l’immeuble Brena. C’est dans cet

Page 1723

1 appartement que se trouvaient les Monténégrins en question

2 et nous avons passé une nuit là-bas, à ma connaissance.

3 Ensuite, ils nous ont transférées jusqu’à un autre

4 appartement qui se trouvait dans le quartier de Brod et

5 c’est là où normalement, on était censé attendre pour que

6 les Monténégrins nous emmènent quelque part derrière la

7 frontière et en direction du Monténégro.

8 Q. Vous avez mentionné que AS a été vendue pour

9 500 deutschmarks. Est-ce que vous également, vous avez été

10 vendue ?

11 R. Oui. Nous avons été vendues toutes les deux,

12 chacune 500 deutschmarks.

13 Q. Est-ce que vous avez entendu cet entretien

14 quand ils ont négocié, ces deux Monténégrins et Kostic avec

15 Kovac ?

16 R. Oui. On l’avait entendu. Nous n’étions pas

17 dans la même pièce AS et moi-même, nous n’étions pas dans

18 la même pièce avec eux deux, mais nous avons entendu une

19 partie de cette conversation.

20 Q. Ils vous ont emmenée au Monténégro et vous

21 avez dépassé la frontière ?

22 R. Oui. Je ne sais pas combien de temps nous

23 avons entendu dans cet appartement à Brod, mais ces

24 Monténégrins nous ont conduites à travers la frontière

25 jusqu’à Niksic, pour parler très précisément.

Page 1724

1 Q. Vous dites que vous avez été escortée.

2 Comment vous avez passé la frontière ? Comment ça s’est

3 passé ?

4 R. Nous sommes partis en voiture. Il y avait

5 encore un autre Monténégrin avec nous. Lui également, il

6 était de Niksic. Je pense qu’à ce moment-là également, ils

7 se sont approvisionnés en armes. Ils achetaient des armes

8 parce que, de toute façon, ils ont caché des armes un petit

9 peu partout, sous le siège dans la voiture, dans le coffre

10 de la voiture et un petit peu partout et ils nous ont dit

11 qu’une fois quand on arrivera au poste frontalier qui

12 sépare la Bosnie du Monténégro, qu’à ce moment-là, il

13 faudrait qu’on dise qu’on était des Serbes, des jeunes

14 filles serbes et ils nous ont également donné des noms

15 qu’il fallait emprunter et ils nous ont dit également qu’il

16 fallait dire au poste frontalier qu’on ne disposait pas de

17 cartes d’identité, de rien, que tout a été détruit, enfin,

18 un petit peu ce genre-là.

19 Une fois quand on était au poste frontalier, il

20 n’y avait pas véritablement de problème. On est resté une

21 quinzaine de minutes et ce n’est que par la suite, donc une

22 fois passé la frontière, nous sommes allés jusqu’à Niksic.

23 Q. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite à

24 Niksic ?

25 R. À Niksic, nous nous sommes installées dans un

Page 1725

1 appartement de ces Monténégrins, d’un de ces Monténégrins.

2 Quelques jours plus tard, nous avons commencé à travailler

3 au bar comme serveuses dans un café. Nous avons travaillé

4 tout le temps pratiquement dans ce bar et ensuite, on nous

5 a transférées jusqu’à Podgorica.

6 Q. Vous avez dit que vous avez commencé à

7 travailler comme serveuses dans un café. Est-ce qu’on vous

8 a forcée de le faire ou bien c’est vous-même qui avez pris

9 la décision de le faire ?

10 R. Non. Bien évidemment, ce n’était pas

11 volontaire, ce n’était pas bénévole. On nous a forcées de

12 le faire.

13 Q. Est-ce qu’on vous a payée pour ce travail ?

14 R. Non, absolument pas. On ne nous a pas

15 rémunérées, mais AS et moi-même, nous avons réussi à

16 économiser un petit peu d’argent parce que les invités nous

17 laissaient le pourboire un peu plus que normalement ça

18 coûtait, enfin, ce qu’ils donnaient au-delà de la facture.

19 Q. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite avec

20 vous une fois que vous avez été transférée à Podgorica ?

21 R. On nous a emmenées dans un appartement à

22 Podgorica, dans un immeuble. Je ne sais pas très

23 exactement quel était l’étage. Je me souviens qu’un autre

24 homme, un Monténégrin, s’y trouvait, mais lui, il

25 travaillait. Donc, il était dans cet appartement peut-être

Page 1726

1 seulement à partir de 3 h 00 ou 4 h 00 de l’après-midi.

2 Q. Est-ce que vous avez fini par réussir à vous

3 échapper ?

4 R. Oui. Au bout de pas très longtemps à

5 Podgorica, je ne sais pas combien de temps nous y sommes

6 restées, les Monténégrins qui nous ont emmenées jusqu’à

7 Niksic et Podgorica n’étaient pas là. Peut-être ils sont

8 venus une seule fois et puisqu’il n’y avait personne à la

9 maison avant 3 h 00 d’habitude et l’appartement n’était pas

10 fermé à clé, moi et AS, nous avons pu sortir à l’extérieur.

11 Je me souviens que la première fois, nous avions

12 très peur en nous demandant qui nous allions rencontrer

13 dans la rue, et cætera, mais la deuxième fois, c’était déjà

14 plus facile. Je crois qu’il n’y avait pas de guerre à

15 Podgorica. Ce n’était pas l’état de guerre. Les gens se

16 comportaient normalement dans les rues. Donc, nous étions

17 quelque peu soulagées.

18 Donc, une fois par la suite, nous avons essayé de

19 trouver un moyen nous permettant de partir de là-bas. Je

20 me souviens que nous avons trouvé la gare routière. Nous

21 avons réussi à savoir à quelle heure les autobus partaient,

22 quel était le prix des billets, et cætera, et donc nous

23 avons choisi un jour où nous avons décidé de partir de là-

24 bas un jour.

25 Q. Est-ce que vous l’avez fait ?

Page 1727

1 R. Oui, c’est ce qu’on a fait. Je pense que

2 c’était vers le 5 avril lorsque nous avons quitté Podgorica

3 pour aller à Rozaje.

4 Q. Les deux Monténégrins qui vous ont achetées

5 de Kostic et Kovac, est-ce qu’ils vous ont agressée

6 sexuellement ?

7 R. Oui, toutes les deux, moi et AS. Ils nous

8 ont violées tous les trois, tous ces trois Monténégrins et

9 même ce quatrième qui vivait à Podgorica.

10 Q. En conséquence de tous les viols que vous

11 avez subis pendant tous ces mois, est-ce que vous avez

12 continué à souffrir ?

13 R. D’une certaine manière, oui. Je pense que là

14 j’arrive encore une fois à un moment où il m’est difficile

15 d’expliquer ce que je pense. Je pense qu’en ce qui

16 concerne beaucoup de choses, j’ai décidé d’essayer de les

17 laisser de côté derrière moi, quoique dans moi, il y a

18 toujours et il y aura toujours, bien sûr, des traces de

19 tout cela.

20 Je pense que pendant toute ma vie, certaines

21 pensées, certaines douleurs que je ressentais et que je

22 ressens toujours, ceci ne disparaîtra jamais.

23 Me KUO (interprétation) : Je n’ai plus de

24 questions, Madame la Présidente.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le conseil

Page 1728

1 de la Défense. Qui va commencer ?

2 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

3 Présidente, je demanderais que le témoin s’approche un peu

4 du micro puisque j’ai eu des problèmes de l’écouter pendant

5 toute sa déposition puisqu’elle ne parle pas à haute voix.

6 Merci.

7 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me PILIPOVIC

8 (interprétation) :

9 Q. D’après les données dont l’Accusation

10 dispose, vous avez donné aux enquêteurs de ce Tribunal deux

11 déclarations. Est-ce que vous vous souvenez s’il y en a eu

12 deux ou bien…

13 R. Oui, je me souviens. Il y en a eu deux.

14 Q. Est-ce que vous avez donné d’autres

15 déclarations à quelqu’un d’autre ?

16 R. Non.

17 Q. Donc, juste ces deux-là.

18 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je demanderais au

19 Procureur de présenter au témoin…

20 LA GREFFIÈRE : Le Greffe voudrait savoir s’il

21 s’agit bien des déclarations de témoin des 19 et 20 janvier

22 1996 et des 4 et 5 mai 1998.

23 Me PILIPOVIC (interprétation) : Oui.

24 LA GREFFIÈRE : Donc, la déclaration de témoin

25 datée du 19 et 20 janvier 1996 sera cotée D32 des pièces de

Page 1729

1 la Défense et la déclaration de témoin datée du 4 et 5 mai

2 1998 sera cotée D33 des pièces de la Défense, ces deux

3 documents étant enregistrés de façon confidentielle.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

5 Poursuivez, Me Pilipovic.

6 Me PILIPOVIC (interprétation) :

7 Q. Selon la déclaration que vous avez donnée aux

8 enquêteurs de ce Tribunal en 1996, vous avez dit que vous

9 avez vécu à Buk Bijela avec votre famille.

10 R. Oui.

11 Q. Avec votre père, mère, frères et sœurs ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez vécu dans un appartement

14 ou dans une maison ?

15 R. Une maison.

16 Q. Votre maison familiale ?

17 R. Oui.

18 Q. Aujourd’hui, au cours de la déposition, vous

19 avez dit que vous avez vécu à Trosanj. Est-ce que vous

20 pourriez m’expliquer ?

21 R. Quoi ?

22 Q. Est-ce que vous avez vécu à Trosanj, à Buk

23 Bijela ou bien peut-être je n’ai pas compris quelque chose,

24 la distance entre Buk Bijela et Trosanj ou bien peut-être

25 vous êtes allée ensuite à Trosanj ?

Page 1730

1 R. Non. Moi, j’ai vécu à Trosanj. Si vous

2 regardez par rapport à l’autoroute, Trosanj est en haut

3 vers les montagnes. Mjesaja, c’est autour de la route.

4 Mjesaja et Buk Bijela, je dirais qu’il n’y a pas vraiment

5 de différence entre les deux. Par exemple, si vous écrivez

6 l’adresse, vous allez écrire Trosanj et ensuite, vous

7 ajoutez Buk Bijela.

8 Q. Merci. Quel est le métier de votre père et

9 où travaillait-il ?

10 R. (expurgée)

11 (expurgée)

12 Q. Et votre mère ?

13 R. Ma mère est une femme de foyer.

14 Q. À quoi ressemblaient les rapports dans votre

15 famille ou bien plutôt avec qui aviez-vous le rapport le

16 plus intime dans votre famille ?

17 R. Je pense que c’était ma sœur.

18 Q. Merci. Est-ce que vous parliez de vos

19 problèmes avec votre sœur avant le début des conflits, des

20 problèmes dans la région de Foca ?

21 R. Pas toujours, parfois.

22 Q. Quelle était l’attitude de votre sœur ? Est-

23 ce qu’elle essayait, par exemple, de vous conseiller lors

24 de ce genre d’entretiens ?

25 R. Oui. C’est ce qu’elle essayait toujours de

Page 1731

1 faire.

2 Q. Est-ce que votre sœur vous demandait de lui

3 donner votre avis à vous concernant ses propres problèmes,

4 des problèmes quotidiens auxquels peuvent faire face deux

5 sœurs de votre âge à l’époque ?

6 R. Pas tellement. Elle était plus âgée que moi.

7 Donc, je pense qu’elle ne m’a jamais demandé mon avis, mon

8 conseil.

9 Q. Vous m’avez dit que sur le territoire de la

10 municipalité de Foca, des choses bizarres se passaient

11 avant avril 1992. Est-ce que vous pourriez m’expliquer ou

12 bien expliquer aux juges et à tout le monde ce que vous

13 vouliez dire en disant qu’il s’agissait de quelque chose de

14 bizarre ?

15 R. Bizarre ? Eh bien, par exemple, moi,

16 j’allais à l’école à l’époque, mais les cours se

17 terminaient plus tôt que d’habitude, surtout au cours de la

18 période juste avant le 8 avril, avant que les coups de feu

19 commencent. Les journées de travail et l’école étaient

20 raccourcies. Ils nous disaient de rentrer à la maison.

21 Parfois, il y avait des barrages routiers. Une

22 fois, je ne suis pas rentrée chez moi, je n’ai pas pu

23 rentrer chez moi à cause du barrage routier puis quelques

24 jours avant que les coups de feu ont commencé, il y a eu

25 une sorte de rassemblement devant la municipalité, quelque

Page 1732

1 chose comme ça.

2 Q. Ce rassemblement devant la municipalité a eu

3 lieu quand et est-ce que vous savez quoi que ce soit

4 concernant ce rassemblement ?

5 R. Je ne sais pas très exactement quand ce

6 rassemblement a eu lieu, peut-être juste quelques jours

7 avant que le conflit n’a éclaté, avant les coups de feu,

8 mais je ne sais pas très exactement pourquoi ce

9 rassemblement était organisé.

10 Q. Au cours de cette période, est-ce que vous

11 avez entendu parler de l’affaire Focatrans ? Par exemple,

12 est-ce qu’on parlait de cela dans votre famille ou bien

13 est-ce que vous avez eu d’autres sources d’informations

14 concernant cette affaire ?

15 R. Ça ne me dit rien du tout l’affaire

16 Focatrans.

17 Q. Comment alliez-vous à l’école jusqu’à ce

18 moment-là, jusqu’au moment où vous avez arrêté d’aller à

19 l’école ?

20 R. Je prenais un autobus toujours.

21 Q. Quel autobus ?

22 R. Qu’est-ce que vous voulez dire ?

23 Q. Est-ce qu’il y avait quelque chose de

24 caractéristique concernant ces autobus ou bien est-ce qu’il

25 s’agissait des autobus que vous preniez d’habitude ?

Page 1733

1 R. C’était des autobus que je prenais

2 d’habitude, que je prenais toujours. Je ne peux pas citer

3 quelques caractéristiques particulières.

4 Q. Je sais que vous êtes jeune, mais est-ce que

5 vous avez des connaissances ou bien est-ce que dans votre

6 maison, on parlait du fait que certains partis politiques

7 ont été créés et qu’à partir du moment où ces partis ont

8 été créés, des rapports particuliers ont été créés entre

9 eux ?

10 R. Non. Je ne savais rien du tout à ce sujet.

11 Q. Tout à l’heure, lorsque j’ai posé une

12 question, vous avez mentionné un barrage routier.

13 R. Oui.

14 Q. Où se trouvait ce barrage routier ?

15 R. Je ne me souviens pas très exactement où se

16 trouvait ce barrage routier.

17 Q. Est-ce que vous savez qui l’a érigé ?

18 R. Je ne sais pas. Je ne pourrais pas vous le

19 dire non plus.

20 Q. Dans ce village où vous avez vécu, est-ce que

21 vous pouvez me dire combien de Serbes il y avait et combien

22 de musulmans ?

23 R. Je ne pourrais pas vous le dire.

24 Q. Est-ce que par hasard, vos voisins étaient

25 des Serbes et si oui, quels étaient les rapports entre vous

Page 1734

1 et vos voisins ?

2 R. Mes premiers voisins étaient musulmans.

3 Quand je parle du village de Trosanj, on peut parler de la

4 population musulmane. À Mjesaja, par exemple, la

5 population était mixte, musulmane et serbe, et aux

6 alentours aussi, je pense que la population était serbe.

7 Il y a eu des Serbes dans la population.

8 En ce qui concerne les rapports, je n’ai rien à

9 dire. Je n’ai rien remarqué. Rien a changé par rapport à

10 avant.

11 Q. Vous avez dit que vous-même et votre famille,

12 vous êtes allés dans les bois ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouvez me dire ce que ça veut

15 dire ?

16 R. Je ne connais pas la date exacte. Je ne

17 pourrais pas vous dire la date exacte.

18 Q. Peut-être je peux vous aider. Par rapport à

19 cet événement qui a eu lieu dans votre village le 3

20 juillet, c’était quand par rapport à cette date-là du 3

21 juillet ?

22 R. Je ne comprends pas.

23 Q. Combien de temps avant ce jour-là êtes-vous

24 partie dans les bois ?

25 R. Ça non plus, je ne suis pas sûre. Je pense

Page 1735

1 que pendant une certaine période, nous étions dans les

2 bois, nous dormions avec deux autres familles et pendant

3 une certaine période, nous sommes rentrés à la maison, nous

4 étions à la maison et ensuite, nous sommes repartis dans

5 les bois de nouveau, mais quant à la question de savoir

6 combien de temps avant l’attaque ceci s’est produit, je ne

7 peux pas vous le dire avec exactitude.

8 Q. Est-ce que vous pouvez me dire pendant la

9 période que vous avez passée dans les bois, est-ce que vous

10 étiez dans les bois toute la journée, jour et nuit, ou bien

11 est-ce que c’était différent ?

12 R. D’habitude, on restait toute la journée et

13 toute la nuit dans la forêt, quoique ma mère et mon père

14 rentraient à la maison pendant la journée afin de

15 s’acquitter de certaines tâches, de s’occuper de leurs

16 affaires.

17 Q. Pendant cette période que vous avez passée

18 dans les bois, comme vous dites, et que vous rentriez à la

19 maison, est-ce que quelque chose se passait aux alentours,

20 autour de votre village et aussi autour de l’endroit où

21 vous étiez dans les bois ?

22 R. Dans les environs de notre village ou bien

23 dans notre village, je pense que rien ne se passait, sauf

24 que nous n’osions aller nulle part en dehors de ce village,

25 mais rien de typique ne se produisait avant le 3 juillet,

Page 1736

1 rien de caractéristique.

2 Q. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi

3 vous n’osiez pas vous déplacer librement ? Est-ce qu’il y

4 a eu des menaces ? Qui est-ce qui vous a dit qu’il fallait

5 que vous vous cachiez ?

6 R. Je ne me souviens pas très bien de tout ça.

7 J’avais 15 ans et demi. D’habitude, à cet âge-là, on

8 écoute ce que quelqu’un d’autre dit, mais je crois qu’une

9 sorte de peur existait. Je pense que tout le monde savait

10 ou bien ils ont entendu parler de cela dans les médias, par

11 exemple, en ce qui concerne les événements qui se sont

12 produits dans un autre village, et cætera.

13 Q. Vous avez dit à un moment qu’il n’y a pas eu

14 d’électricité dans votre village. Comment est-ce que vous

15 avez pu apprendre ce genre de choses, alors, ce que vous

16 venez de dire ?

17 R. Eh bien, en ce qui concerne la radio, vous

18 n’avez pas besoin nécessairement de l’électricité. Ça peut

19 fonctionner avec des piles aussi ou bien il y a d’autres

20 moyens que je ne connais pas tellement bien.

21 Q. Vous avez dit que vous étiez sous une toile

22 de tente dans la forêt, vous, votre famille et encore une

23 famille ?

24 R. Encore deux familles.

25 Q. Encore deux ?

Page 1737

1 R. Oui.

2 Q. Compte tenu des mesures de protection

3 concernant ces personnes, est-ce que vous pouvez me décrire

4 ces deux autres familles ? Est-ce que vous pouvez écrire

5 leurs noms sur un papier ?

6 R. [Le témoin le fait]

7 LA GREFFIÈRE : Ce document prendra le numéro D34

8 des pièces de la Défense.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, Madame

10 Pilipovic.

11 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci.

12 Q. Vous avez dit en ce qui concerne ces deux

13 familles… ou plutôt, d’où viennent ces deux familles ?

14 R. C’était nos premiers voisins.

15 Q. Combien de membres y avait-il dans la

16 première et combien dans la deuxième famille ?

17 R. Dans la première famille, il y a eu quatre

18 membres et c’était la même chose en ce qui concerne la

19 deuxième.

20 Q. Combien d’hommes au total qui avaient le même

21 âge à peu près que votre père y avait-il ?

22 R. Je ne sais pas l’âge exact, mais en ce qui

23 concerne les hommes un peu plus âgés, ils étaient au nombre

24 de trois.

25 Q. Combien y avait-il de personnes de votre âge

Page 1738

1 ?

2 R. De mon âge, il n’y avait personne. Il n’y

3 avait personne de mon âge.

4 Q. Sauf vous et votre sœur ? Je dis cet âge-là

5 approximativement en parlant de jeunes. Les autres, ils

6 étaient tous plus jeunes que vous ?

7 R. En ce qui concerne l’une des deux familles,

8 ils étaient plus jeunes. Je pense que l’enfant aîné avait

9 peut-être 10 ans, 12 ans peut-être. Dans l’autre famille,

10 il y a eu deux hommes adultes, âgés d’environ 25 ans peut-

11 être.

12 Q. Vous avez dit que vous avez passé la nuit

13 dans la forêt, que vous passiez les nuits dans la forêt.

14 Est-ce que quelqu’un vous gardait pendant la nuit ou bien

15 est-ce que quelqu’un de ces hommes portaient des armes au

16 cas où quelqu’un vous attaquerait ?

17 R. Personne de nous n’avait d’arme et je pense

18 que les personnes âgées qui étaient avec nous restaient

19 éveillées pendant toute la nuit.

20 Q. Vous avez dit que vous y êtes restée pendant

21 combien de temps avant le 3 juillet, 15 jours, un mois,

22 plus, moins ?

23 R. Je ne peux pas vous le dire.

24 Q. Vous ne pouvez pas ?

25 R. Non, je ne peux pas.

Page 1739

1 Q. Très bien ! Merci. Je souhaite vous poser

2 maintenant quelques questions concernant votre arrivée dans

3 le Partizan.

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous pourriez me dire quand est-ce

6 que vous êtes venue au Partizan ?

7 R. En ce qui concerne la date, je ne m’en

8 souviens pas très bien. C’était peut-être deux semaines

9 après le 3 juillet à peu près. Je pense qu’on a passé deux

10 semaines peut-être dans le lycée avant d’aller au Partizan.

11 Peut-être deux semaines. Je ne suis pas sûre.

12 Q. Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour

13 dire que c’était vers le 17, 18 juillet ?

14 R. Oui. On peut dire comme ça, mais comme je

15 l’ai dit, je ne suis pas tout à fait sûre.

16 Q. Est-ce que vous pourriez me dire ce 17 ou 18

17 juillet, lorsque vous êtes venue, qu’est-ce qui se passait

18 au Partizan ?

19 R. Vous voulez dire…

20 Q. Je parle des conditions, de vos rapports

21 mutuels.

22 R. Avant qu’on ne vienne au Partizan, il a fallu

23 qu’on nettoie, qu’on range tout ça. Nous dormions sur les

24 tapis de gymnastique. Les conditions de vie étaient très,

25 très difficiles. En ce qui concerne les conditions

Page 1740

1 hygiéniques, elles étaient minables. La nourriture était

2 très mauvaise aussi. Je ne sais pas quoi dire exactement.

3 Q. Selon votre déclaration donnée aux enquêteurs

4 de ce Tribunal qui a été versée au dossier comme pièce à

5 conviction D32, à la page 9… si ce n’est pas un problème,

6 veuillez prendre votre déclaration. Paragraphe 3, ça

7 commence par : « Dans Partizan… »

8 R. Oui.

9 Q. Veuillez lire cette première phrase : « Dans

10 le Partizan… »

11 R. Vous voulez dire la phrase : « Nous étions

12 les premiers détenus dans le Partizan… »

13 Q. Non. Le troisième paragraphe.

14 R. Vous voulez dire : « Il y a eu parfois de

15 l’électricité dans le Partizan… », et cætera ?

16 Q. Non. Le paragraphe suivant.

17 R. « J’ai été détenue dans le Partizan environ

18 un mois. »

19 Q. Continuez.

20 R. « Pendant les trois ou quatre premiers jours,

21 ils nous laissaient seuls. »

22 Q. Merci. Cela suffit. Vous comprenez ce que

23 vous avez lu. Dites-moi maintenant, s’il vous plaît,

24 combien de temps avez-vous passé au Partizan ?

25 R. Ça non plus, je ne suis pas tout à fait sûre

Page 1741

1 en ce qui concerne la période, les dates.

2 Q. Est-ce que ceci a duré un mois ou plus ou

3 moins ?

4 R. Je crois que ceci a duré environ un mois,

5 mais je ne suis pas sûre si c’était plus ou moins que ça.

6 Q. Est-ce que vous pouvez m’expliquer cette

7 autre partie : « Les trois ou quatre premiers jours… »

8 R. « …ils nous laissaient seuls. »

9 En fait, je ne comprends pas, moi, ce à quoi on

10 fait référence ici. Donc, je ne peux pas expliquer.

11 Q. Mais c’est votre déclaration ?

12 R. Oui. Bien sûr que oui, mais comme je dis, je

13 ne vois pas ce à quoi on fait référence ici en disant qu’on

14 nous laissait seuls.

15 Q. Est-ce que vous pouviez sortir de cette salle

16 de sports ? Est-ce que vous pouviez vous déplacer à

17 l’extérieur, par exemple ?

18 R. Nous pouvions sortir, par exemple, dans la

19 cour, aux alentours donc du Partizan mais pas plus loin.

20 Q. Donc, si j’ai bien compris, vous pouviez

21 sortir dans la cour ?

22 R. Oui. Je veux dire devant l’entrée à peu

23 près.

24 Q. Est-ce que devant cette salle, ce gymnase de

25 Partizan, est-ce qu’il y avait des gardes ?

Page 1742

1 R. Oui, il y a eu des gardes.

2 Q. Est-ce qu’ils étaient là pendant la journée

3 et pendant la nuit aussi ?

4 R. Oui. Je pense qu’ils y étaient jour et nuit.

5 Q. Est-ce que vous savez et est-ce que vous y

6 avez rencontré une femme de nationalité serbe et est-ce que

7 vous avez parlé avec elle ?

8 R. Je ne me souviens pas de ça.

9 Q. Est-ce que le nom Vida vous dit quelque chose

10 ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce que vous pouvez me dire combien de

13 gardes y avait-il dans chaque équipe ?

14 R. Je ne me souviens pas. Je crois que peut-

15 être deux, mais je ne suis pas sûre.

16 Q. À quoi ressemblaient vos rapports avec les

17 gardes ou plutôt comment les gardes vous traitaient-ils ?

18 R. Je n’ai jamais remarqué ça. Je n’ai jamais

19 parlé avec eux. Alors, je ne sais pas vraiment.

20 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, me dire

21 combien de fois on vous a fait sortir du gymnase Partizan ?

22 R. Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas

23 combien de fois.

24 Q. Permettez-moi de vous aider et d’essayer de

25 rafraîchir votre mémoire pour vous rappeler les endroits

Page 1743

1 où, d’après vos déclarations, on vous a emmenée. Est-ce

2 que je peux ainsi vous permettre de rafraîchir vos

3 souvenirs ?

4 R. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis ces

5 événements. Je me souviens de certaines occasions où on

6 m’a fait sortir du gymnase, mais pas d’autres. Tout ce que

7 je sais c’est qu’on m’a fait souvent sortir.

8 Q. Permettez-moi de vous rappeler qu’en 1996,

9 vous avez fait une déclaration et vous en avez fait une

10 autre en 1998. Pourriez-vous, s’il vous plaît, me dire

11 quand vous vous souveniez mieux des événements dont vous

12 nous parlez aujourd’hui ? Est-ce que votre mémoire était

13 meilleure maintenant ou aujourd’hui ?

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ce témoin

15 avait 15 ans et demi. Donc, elle n’est pas en mesure de

16 répondre au genre de questions que vous lui posez, à savoir

17 si sa mémoire était meilleure ou pas. Il n’est pas juste

18 de lui poser ce genre de questions.

19 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

20 Présidente, je vous prie de m’excuser, mais en 1996, le

21 témoin a donné une déclaration extrêmement détaillée au

22 sujet des événements. Donc, je voulais simplement vérifier

23 si ce qu’elle a dit à l’époque était conforme à la réalité.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais

25 vous n’avez pas à lui demander quel est l’état de sa

Page 1744

1 mémoire. Vous avez simplement à peut-être lui rappeler ce

2 qu’elle a dit à l’époque, mais pas à lui poser des

3 questions de ce genre.

4 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je vais demander

5 au témoin de passer à la page 9 de la déclaration de 1996.

6 Q. Dernier paragraphe sur cette page : « Très

7 souvent à partir du gymnase, on nous emmenait généralement

8 dans des appartements et des maisons qui se trouvaient

9 autour de Foca. »

10 R. Oui. Le plus souvent, j’étais emmenée avec

11 75.

12 Q. Est-ce que vous pouvez continuer la lecture ?

13 R. « On nous emmenait à différents endroits

14 comme Brena, Donje Polje, Gornje Polje, Trnovace, près de

15 l’école primaire de Foca et dans le quartier de Aladza. »

16 Q. Vous souvenez-vous de combien de fois on vous

17 a emmenée à l’immeuble Brena ?

18 R. À partir de Partizan ?

19 Q. Oui.

20 R. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact.

21 Q. Est-ce qu’on vous a emmenée à partir du

22 gymnase à Brena ?

23 R. Je ne peux pas vous le dire non plus.

24 Q. Vous avez parlé de Donje Polje. Est-ce qu’il

25 s’agissait d’un appartement ou d’une maison ? Pouvez-vous

Page 1745

1 nous décrire cet endroit ?

2 R. Je ne m’en souviens pas.

3 Q. Donje Polje, est-ce que vous vous souvenez

4 qui vous a emmenée ?

5 R. Non.

6 Q. Pourriez-vous m’expliquer en ce qui concerne

7 le gymnase où se trouve Donje Polje par rapport au gymnase

8 Partizan ?

9 R. C’est une partie de la ville qui s’appelle

10 Donje Polje.

11 Q. Est-ce que c’est une partie urbaine de la

12 ville de Foca ?

13 R. Oui.

14 Q. Là-bas, est-ce qu’on trouve plutôt des

15 immeubles ou des maisons individuelles ?

16 R. Les deux, je crois, aussi bien des maisons

17 que des immeubles d’habitation.

18 Q. En ce qui concerne Gornje Polje ?

19 R. Je ne peux pas vous le dire.

20 Q. Où se trouve Gornje Polje par rapport au

21 gymnase Partizan ?

22 R. Je ne peux pas vous le dire.

23 Q. Est-ce que c’est une partie de la ville de

24 Foca ?

25 R. Oui. Gornje Polje et Donje Polje sont des

Page 1746

1 parties de Foca.

2 Q. Qu’en est-il de Trnovace ?

3 R. Trnovace, c’est plutôt un village. En tout

4 cas, c’est un peu plus éloigné de Foca.

5 Q. Est-ce qu’on vous y a emmenée également

6 pendant que vous séjourniez au gymnase Partizan ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, combien

9 de fois on vous a emmenée à Aladza ?

10 R. Je me souviens qu’on m’y a emmenée une fois.

11 Je pense qu’on m’y a emmenée plusieurs fois, mais je ne me

12 souviens précisément que d’une fois.

13 Q. Vous nous dites plusieurs fois. Pouvez-vous

14 nous dire combien de fois, une fois, deux fois, trois fois

15 ?

16 R. Non, je ne peux pas.

17 Q. Vous souvenez-vous qui vous a emmenée

18 plusieurs fois ?

19 R. À Aladza ?

20 Q. Oui.

21 R. Je crois que c’était toujours Kunarac.

22 Enfin, je pense que vous voulez parler de la maison de

23 Aladza.

24 Q. Oui. Cette maison à Aladza, où se trouve-t-

25 elle par rapport au gymnase Partizan, à quelle distance ?

Page 1747

1 Est-ce qu’on peut s’y rendre à pied ou est-ce qu’il faut y

2 aller en voiture ?

3 R. Bien entendu, on peut y aller à pied.

4 Aladza, c’est un quartier de la ville de Foca, mais je ne

5 peux pas vous dire exactement quelle est la distance.

6 Q. Oui, mais vous avez dit qu’on pouvait y aller

7 aussi bien à pied qu’en automobile. Vous, comment vous y

8 rendiez-vous ?

9 R. Le plus souvent, en voiture.

10 Q. La première fois qu’on vous a emmenée à

11 Aladza, c’était quand ?

12 R. Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens

13 que de cette occasion. C’était la veille du jour où on

14 nous a emmenées à Miljevina.

15 Q. Donc, je comprends. Vous vous souvenez de ce

16 jour. Je vous demanderais donc de vous référer à la page 9

17 de votre déclaration une fois encore. Vous dites :

18 « Pendant les deux ou trois premiers jours, on nous a

19 laissées tranquilles. »

20 Donc, si j’ai bien compris, cela signifiait que

21 vous étiez libre, personne n’est venu au gymnase Partizan ?

22 R. Je ne sais pas trop quoi dire à ce sujet.

23 Q. Après ces trois ou quatre jours, où vous a-t-

24 on emmenée pour la première fois et quand ?

25 R. Je ne sais pas exactement combien de jours se

Page 1748

1 sont écoulés entre ce moment-là et notre arrivée, mon

2 arrivée au gymnase Partizan et je ne me souviens pas

3 exactement où on m’a emmenée cette première fois où on m’a

4 fait sortir.

5 Q. Donc, en ce qui concerne votre arrivée au

6 gymnase Partizan, ces trois ou quatre premiers jours et

7 puis le moment où on vous a emmenée à Miljevina, est-ce que

8 vous vous souvenez quand vous avez quitté le gymnase ?

9 R. Je ne comprends pas.

10 Q. Je veux parler des moments où on vous a

11 emmenée à d’autres endroits de manière organisée.

12 R. Vous voulez parler de moi ou d’autres

13 personnes ?

14 Q. Moi, je ne sais pas combien de personnes.

15 C’est à vous de nous le dire combien d’entre vous sortaient

16 du gymnase Partizan pour se rendre ailleurs.

17 R. Je n’ai eu connaissance que personne soit

18 sorti sans avoir été emmené.

19 Q. Oui, mais je voudrais vous rappeler qu’un

20 échange a été organisé pendant cette période pour aller à

21 Cajnice.

22 R. Oui.

23 Q. Vous souvenez-vous quand cela s’est produit ?

24 R. Non, je ne m’en souviens pas.

25 Q. Vous avez dit qu’il y avait plusieurs

Page 1749

1 personnes. Vous souvenez-vous qui étaient ces personnes,

2 les personnes qui sont allées avec vous ?

3 R. Je ne me souviens pas qui ils étaient.

4 Q. Est-ce que vous pouvez utiliser la liste que

5 vous avez sous les yeux ou écrire sur une feuille de papier

6 le nom des gens qui sont partis avec vous, qui sont sortis

7 avec vous ?

8 R. Je ne pourrais pas écrire le nom de tous ces

9 gens parce qu’ils étaient très nombreux et puis je ne me

10 souviens pas exactement qui c’était.

11 Q. Oui, mais vous pourriez écrire les gens dont

12 vous vous souvenez à partir de la liste que vous avez sous

13 les yeux.

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pourquoi ne

15 peut-elle pas utiliser les pseudonymes, les numéros ? Il

16 s’agit bien, n’est-ce pas, de la pièce à conviction 193, de

17 la liste ?

18 Me PILIPOVIC (interprétation) : Oui. Elle peut

19 tout à fait utiliser la liste si elle souhaite le faire.

20 Elle peut nous donner les noms de code, les pseudonymes qui

21 figurent sur cette liste.

22 R. Bien, je ne suis pas vraiment sûre. Je me

23 souviens uniquement avec certitude du numéro 75 et aussi du

24 numéro 50, je crois. En ce qui concerne les autres, je ne

25 peux rien dire avec certitude.

Page 1750

1 Q. Vous avez donc dit 75 et 50 ?

2 R. Oui.

3 Q. Pouvez-vous nous donner une idée du moment où

4 cela s’est passé ? Est-ce que c’était avant le 2 août 1992

5 ?

6 R. Je ne peux pas vous le dire.

7 Q. Pouvez-vous nous dire combien de nuits vous

8 avez passées à l’extérieur ?

9 R. Je ne m’en souviens pas très bien non plus,

10 mais nous n’avons pas passé beaucoup de temps.

11 Q. Est-ce que c’était une nuit, deux ou trois ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Aujourd’hui, vous avez dit que vous vous

14 souveniez d’un moment où on vous a emmenée à Aladza.

15 R. Oui.

16 Q. Quand est-ce que c’était ?

17 R. Si vous me demandez encore une fois une date,

18 je dois vous répéter que je ne le sais pas. En ce qui

19 concerne cette fois où on nous a emmenées à Aladza, je me

20 souviens que c’était la veille du jour où on nous a

21 emmenées à Miljevina, mais je ne peux pas vous donner la

22 date exacte.

23 Q. Quand est-ce que c’était ? Je veux dire est-

24 ce que c’était pendant la journée ou pendant la nuit ?

25 R. Dans l’après-midi, je crois, mais je n’en

Page 1751

1 suis pas sûre à 100 pour cent.

2 Q. L’après-midi. Donc, est-ce que c’était à 5 h

3 00, 6 h 00, 7 h 00 du soir ?

4 R. Peut-être vers ces heures-là, mais comme je

5 l’ai déjà dit, je n’en suis pas sûre. En tout cas, ce que

6 je veux dire c’est que je ne pense pas qu’il faisait nuit

7 déjà, mais je ne peux pas vous le dire avec certitude.

8 Q. Qui est venu au gymnase Partizan ?

9 R. Je me souviens uniquement de Kunarac. Je ne

10 me souviens pas des autres.

11 Q. Est-ce qu’il y avait d’autres soldats avec

12 lui et combien ?

13 R. Je ne m’en souviens pas.

14 Q. Comment est-il venu au gymnase Partizan ?

15 R. Je crois qu’il est venu en voiture.

16 Q. Vous souvenez-vous quelle automobile il

17 conduisait ?

18 R. Non.

19 Q. Vous souvenez-vous de la couleur de la

20 voiture ?

21 R. Non.

22 Q. Quand il est arrivé, comment était-il habillé

23 à cette occasion ?

24 R. Je ne sais pas. Je crois qu’il portait

25 toujours une tenue de camouflage, un uniforme de

Page 1752

1 camouflage, bien que je n’en suis pas sûre non plus.

2 Enfin, ce que je veux dire, je ne me souviens pas

3 exactement et je ne suis pas trop sûre de la tenue qu’il

4 avait ce jour-là.

5 Q. Est-ce que sur cette tenue de camouflage, il

6 y avait des insignes ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Qu’en était-il des personnes qui

9 l’accompagnaient ? Vous souvenez-vous de quoi elles

10 avaient l’air ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce qu’elles aussi étaient vêtues

13 d’uniformes militaires ?

14 R. Je ne m’en souviens pas.

15 Q. Quand il est venu, et vous nous dites qu’il

16 est venu en automobile, vous ne vous souvenez pas qui était

17 avec lui, de quoi ils avaient l’air. Lesquelles d’entre

18 les femmes et les jeunes filles sont allées avec lui ?

19 R. Le numéro 75, 50, DB et moi-même.

20 Q. Quand vous êtes arrivée à la maison à Aladza,

21 qui y avez-vous trouvé ?

22 R. Je me souviens qu’il y avait des soldats et

23 qu’il y avait également quelqu’un d’autre, le numéro 190.

24 Q. Quand vous êtes arrivée dans cette maison, il

25 y avait des soldats. Pouvez-vous vous souvenir du nom de

Page 1753

1 certains de ces soldats ? Je veux parler de leur nom, de

2 leur surnom ou d’éléments particuliers en ce qui les

3 concernait que vous avez remarqués à votre arrivée.

4 R. Eh bien, pour ce qui est des soldats, il n’y

5 en a qu’un dont je me souvienne. Son nom était Goran. Je

6 me souviens d’un autre. Son surnom était Tolja. Son nom

7 de famille, je crois, était Toljic, mais je ne me souviens

8 pas des noms des autres. Où j’étais assise, je ne peux pas

9 vous le dire exactement.

10 Q. Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît, nous

11 décrire ce Goran ? À quoi ressemblait-il ?

12 R. Je ne l’ai vu qu’une fois ce jour-là et tout

13 ce dont je me souviens c’est qu’il était grand, il avait

14 les cheveux châtains ou blonds foncés.

15 Q. Est-ce que vous lui avez parlé ?

16 R. Oui, je crois, mais quant à vous dire de quoi

17 nous avons parlé, je ne m’en souviens absolument pas.

18 Q. Est-ce qu’il vous a dit qu’il avait été

19 blessé ?

20 R. Je ne m’en souviens pas.

21 Q. Combien de temps êtes-vous restés assis

22 ensemble dans la maison et pouvez-vous me décrire un petit

23 peu cette maison, la disposition des pièces ?

24 R. Qu’est-ce que vous voulez dire par combien de

25 temps on est resté là assis ?

Page 1754

1 Q. Quand vous êtes entrée dans la maison, vous

2 dites que vous avez parlé à Goran. Est-ce que vous parlez

3 à quelqu’un d’autre et combien de temps êtes-vous restée là

4 assise avec lui ?

5 R. On est arrivé là, on y a passé toute la nuit.

6 Le lendemain, on nous a emmenées à Miljevina. En ce qui

7 concerne la disposition des pièces dans cette maison, au

8 rez-de-chaussée… je ne me souviens pas, en fait, si c’était

9 le rez-de-chaussée ou un garage ou une partie attenante à

10 la maison. C’était même peut-être dans la cour. Il y

11 avait une sorte d’atelier. Ça ressemblait à un atelier.

12 On montait des escaliers à partir de là pour entrer dans la

13 maison et quand on arrivait en haut, à gauche, si je me

14 souviens bien, il y avait une cuisine, à droite, il y avait

15 une pièce et en face, il y avait la salle de bain et à

16 gauche de la salle de bain, il y avait une autre pièce.

17 Q. Où étiez-vous assise ? Dans laquelle de ces

18 pièces ?

19 R. Je ne me souviens pas, mais je crois que j’ai

20 passé la plupart du temps dans la pièce située à gauche de

21 la salle de bain et les fenêtres de cette pièce donnaient

22 sur la rue.

23 Q. Est-ce qu’il y avait de l’électricité dans la

24 maison ?

25 R. Je ne me souviens pas.

Page 1755

1 Q. Vous nous dites que vous étiez dans la pièce

2 située à gauche ?

3 R. Oui. Je crois que c’était à gauche de la

4 salle de bain.

5 Q. Quand est-ce que vous vous êtes rendue dans

6 cette pièce ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. À partir du moment où vous êtes arrivée ?

9 R. Non. Je ne sais pas exactement. Je ne sais

10 pas exactement dans quelle pièce j’étais, combien de temps,

11 et cætera.

12 Q. Les autres jeunes filles qui y sont venues

13 avec vous, où étaient-elles ?

14 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

15 Q. Vous souvenez-vous du numéro 75, vous

16 souvenez-vous où elle était ?

17 R. Non.

18 Q. Et DB, votre sœur ?

19 R. Non.

20 Q. Et le numéro 50 ?

21 R. Je crois que le numéro 50, on l’a emmenée

22 ailleurs quand on est arrivé à la maison. Je crois que

23 quelqu’un d’autre l’a emmenée ailleurs.

24 Q. À partir du moment où vous êtes arrivée

25 jusqu’au moment où on l’a emmenée ailleurs, combien de

Page 1756

1 temps s’est écoulé ? Est-ce que c’est avant que vous ne

2 montiez à l’étage ?

3 R. Oui, je crois.

4 Q. Vous souvenez-vous qui l’a emmenée ?

5 R. Non.

6 Q. Pendant cette soirée, est-ce que vous êtes

7 revenue dans la maison ?

8 R. Autant que je le sache, non.

9 Q. Qui vous a emmenée dans la pièce à gauche ?

10 Si j’ai bien compris, elle se trouve au dernier étage de la

11 maison ?

12 R. Bien, toutes ces pièces, la cuisine, cette

13 pièce, celle qui se trouve à gauche de la salle de bain se

14 trouvent à un étage supérieur.

15 Q. Donc, tout se trouvait à l’étage. Qui vous a

16 emmenée à l’étage ?

17 R. Je ne me souviens pas.

18 Q. Combien de temps avez-vous passé dans cette

19 pièce ?

20 R. Je ne peux pas vous le dire non plus. Je ne

21 sais pas.

22 Q. Vous souvenez-vous de quelque chose

23 d’inhabituel qui s’est passé cette nuit-là ?

24 R. Non, non, je ne me souviens pas.

25 Q. Est-ce qu’il s’est passé quoi que ce soit,

Page 1757

1 est-ce qu’il vous est arrivé quoi que ce soit cette nuit-là

2 dans cette maison ?

3 R. Qu’est-ce que vous voulez dire, qui m’est

4 arrivé ?

5 Q. Quand vous êtes allée dans la pièce située à

6 l’étage, je vous ai demandé combien de temps vous aviez

7 passé dans cette pièce à l’étage.

8 R. Je ne sais pas combien de temps j’y ai passé.

9 Q. Avec qui étiez-vous dans cette pièce ?

10 R. Je ne m’en souviens pas non plus. Tout ce

11 dont je me souviens c’est qu’alors que je me trouvais dans

12 la maison, j’étais dans une pièce, une autre pièce et j’ai

13 également été dans l’atelier qui se trouve dans la cour.

14 Q. Dans la première pièce, avec qui étiez-vous ?

15 R. Dans la première pièce à droite, j’étais avec

16 Kunarac.

17 Q. Quand est-ce que c’était par rapport au

18 moment où vous êtes arrivée ?

19 R. Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens

20 pas du tout.

21 Q. Avec qui étiez-vous dans la deuxième pièce

22 après ?

23 R. Je crois que j’étais dans l’atelier avec

24 Toljic, bien que je ne sois pas très sûre. Je ne me

25 rappelle plus de la séquence des événements, de l’ordre

Page 1758

1 dans lequel ils se sont déroulés.

2 Q. Pendant la nuit, est-ce qu’on vous a fait

3 sortir de la maison ?

4 R. Non, non. On ne m’a pas fait sortir plus

5 loin que la cour.

6 Q. Est-ce que vous avez pris une voiture cette

7 nuit-là ? Est-ce que vous êtes montée dans une voiture ?

8 R. Je ne m’en souviens pas.

9 Q. Est-ce que le nom de Bane vous dit quelque

10 chose ?

11 R. Je ne me souviens pas.

12 Q. Est-ce que vous pourriez, s’il vous plaît,

13 nous décrire la pièce qui est à gauche dans cette maison ?

14 À quoi ressemblait-elle et que trouvait-on à l’intérieur de

15 cette pièce ?

16 R. Je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette

17 pièce, je ne m’en souviens pas, mais je crois qu’il y avait

18 une sorte de buffet ou une sorte d’armoire ou de vitrine et

19 puis il y avait deux lits ou divans. Enfin, c’est tout.

20 Je ne me souviens de rien d’autre maintenant.

21 Q. Sur quoi donnaient les fenêtres de cette

22 pièce ?

23 R. Sur la rue.

24 Q. Est-ce qu’il y avait de la lumière dans cette

25 pièce quand vous y êtes entrée ?

Page 1759

1 R. Je ne me souviens pas.

2 Q. Vous avez dit que vous vous êtes trouvée dans

3 cette pièce. Je voudrais savoir comment vous y êtes

4 entrée. Est-ce que vous y êtes entrée toute seule ou avec

5 quelqu’un d’autre ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Vous avez dit que vous étiez dans cette pièce

8 avec Kunarac. Est-ce qu’il est entré dans cette pièce ?

9 R. Je ne me souviens pas.

10 Q. Ce jour-là, cette nuit-là, à quoi

11 ressemblait-il ?

12 R. Que voulez-vous dire ?

13 Q. Quand il est entré dans la pièce, quelle

14 était son apparence ?

15 R. Je ne me souviens pas.

16 Q. Je sais bien que pour vous, tout ceci est

17 très, très pénible et je sais que toutes ces choses qui

18 vous sont arrivées sont extrêmement pénibles, mais je

19 souhaiterais que vous nous disiez un peu plus en détail

20 comment s’est déroulé ce contact entre vous-même et

21 Monsieur Kunarac.

22 R. Il n’y a pas eu de contact. Il est tout

23 simplement venu et il m’a emmenée dans l’autre pièce.

24 Q. Combien de temps avez-vous passé avec lui

25 dans cette pièce ?

Page 1760

1 R. Je ne m’en souviens pas.

2 Q. Est-ce que quelqu’un est entré ?

3 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

4 Q. Quand avez-vous quitté cette pièce et quand

5 êtes-vous allée dans l’autre pièce ?

6 R. Je ne me souviens pas.

7 Q. Je voudrais de nouveau vous demander s’il est

8 arrivé quelque chose de particulier cette nuit-là. Est-ce

9 que vous avez entendu une explosion, une détonation ?

10 R. Je me souviens qu’il y a effectivement eu une

11 explosion. J’ai pensé que c’était la mosquée de Aladza,

12 bien que je ne me souviens pas si cela s’est passé cette

13 nuit-là ou une autre nuit avant. En fait, je ne me

14 souviens pas bien.

15 Q. Pouvez-vous me dire si Kunarac s’est

16 déshabillé quand il est entré dans la pièce ?

17 R. Je ne vois pas ce que vous voulez dire par il

18 s’est déshabillé. Je vous ai déjà dit qu’il m’a violée.

19 Il a bien dû enlever ses vêtements.

20 Q. Dans quelle déclaration avez-vous dit qu’il

21 vous avait violée ?

22 R. Au cours de ma déposition aujourd’hui.

23 Q. Je voudrais maintenant vous demander de vous

24 référer à la déclaration que vous avez faite aux enquêteurs

25 du Tribunal en 1996.

Page 1761

1 R. Oui.

2 Q. Je vais vous demander de regarder la page 9.

3 R. Oui.

4 Q. Au paragraphe ou à la phrase qui commence par

5 les mots suivants, ça se trouve à la sixième ligne dans le

6 dernier paragraphe. On peut lire : « Il y avait une

7 machine à coudre. »

8 R. Oui, des machines à coudre. Je crois que le

9 propriétaire était tailleur. Je ne sais pas exactement.

10 Q. Allez-y, lisez.

11 R. « C’est toujours Dragan Kunarac qui m’y a

12 emmenée. Les deux premières fois, il n’y avait que deux

13 soldats dans la maison et ils étaient tous deux

14 Monténégrins. Je sais que l’un d’entre eux était Dragan

15 Toljic ou Tolja. Il venait de Niksic. L’autre était plus

16 âgé, mais je ne connais pas son nom. Ces deux hommes m’ont

17 violée. La troisième fois que je vais décrire en détail

18 plus tard, cette maison était pleine de Monténégrins. Je

19 n’ai jamais vu les membres de la garde de Cosa à

20 l’intérieur de la maison. Kunarac ne m’a jamais emmenée

21 dans une autre maison que celle-là. Il ne m’a pas violée

22 les deux premières fois, seulement la troisième fois. »

23 Q. Pourriez-vous me dire, s’il vous plaît, sur

24 la base de cette déclaration combien de fois Kunarac vous a

25 emmenée dans la maison ?

Page 1762

1 R. Non, je ne le sais pas.

2 Q. Je voudrais maintenant vous rappeler votre

3 déclaration donnée en 1998. À la page 4 dans la version en

4 B/C/S, dernier paragraphe, je souhaiterais que vous nous le

5 lisiez, s’il vous plaît.

6 R. « Je ne me souviens pas si Zaga m’a violée la

7 dernière fois où j’ai été emmenée à la maison de Aladza.

8 Je me souviens maintenant clairement que j’ai été violée

9 par un homme qui s’appelait Goran. Il y avait plus de

10 soldats dans la maison cette fois-là que les autres fois.

11 Ils buvaient dans la cuisine. Zaga n’était pas là tout le

12 temps. Il allait et venait. »

13 Q. Je voudrais savoir ce qui est conforme à la

14 réalité, vos deux déclarations ou ce que vous nous dites

15 aujourd’hui parce qu’en 1998, vous avez dit que c’était

16 Goran qui vous avait violée.

17 R. Qu’est-ce que vous voulez dire par où est la

18 vérité ?

19 Q. Où est la vérité ? Quelle est la vérité ?

20 R. Qu’est-ce que vous voulez dire, quelle est la

21 vérité ?

22 Q. Qu’est-ce qui s’est passé cette nuit-là ?

23 Qui vous a violée ?

24 R. Ma première déclaration a été recueillie en

25 1996, la deuxième deux ans plus tard et aujourd’hui, je

Page 1763

1 vous parle et je vous dis ce qui s’est passé il y a huit

2 ans. Donc, il y a beaucoup de ces choses dont je ne me

3 souviens plus, mais je me souviens que cette nuit-là, Goran

4 et Zaga étaient présents tous les deux dans cette maison.

5 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

6 Présidente, je suis en train de regarder l’horloge…

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Il est

8 temps en effet de suspendre l’audience et nous allons

9 reprendre demain à 9 h 30.

10 — L’audience est levée à 16 h 02

11 pour reprendre le mercredi

12 5 avril 2000 à 9 h 30

13

14

15

 

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