EN-VILLE – CENTRE-VILLE - Fabienne CABORD (Martinique)

5- Cabord et le traitement du bord et des mondes BORDerline 

https://doi.org/10.25965/ebooks.370

p. 161-175

Texte

Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles, nous n’étions que des femmes ! Nous avons balisé les pistes pour les hommes
Paulette Nardal, Lettre à Jacques Louis Hymans (1960)

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Note de bas de page 1 :

Voir par exemple Karine Bennafla, Pour une géographie des bordures à l’heure globale : frontières et espaces d’activités ‘informelles’, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2012, tel-00850135.

Note de bas de page 2 :

Cf. Ophélie Naessens, « Aborder les bordures : l’art contemporain et la question des frontières », Critique d’art, 2015, http://journals.openedition.org/critiquedart/15500, consulté le 28 novembre 2021.

Note de bas de page 3 :

Cf. Jacques Derrida, La Vérité en peinture, Paris, Flammarion (coll. Champs), 1978.

Note de bas de page 4 :

Jacques Derrida note avec justesse dans Mimesis des articulations, Sylviane Agacinski (dir.), Aubier-Flammarion (coll. La philosophie en effet),1975, p. 57 : « Une politique et une économie politique sont impliquées (…) dans tout discours sur l’art et le beau ». 

Note de bas de page 5 :

Cf. Raymond Lamboley, « Derrida et la « différance » aux sources de notre culture », Revue d'éthique et de théologie morale, 2005/2, n°234, p. 47-62, https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-2-page-47.htm, consulté le 28 novembre 2021.

Questionner la b-ORdure, les marges, quelles que soient les époques et les espaces1, requiert décentrement et effort. Pour rendre à la b-ORdure ses ors et dépasser les freins des tensions sociétales et identitaires, les blessures des subjectivismes psychiques, les mises à l’écart accentués à l’heure de la mondialisation, les périphéries ont fort à faire. Il importe de franchir diverses frontières2, de dénouer les exils, de déjouer la perpétuation des inégalités économiques et de genre, de parler du sensible et donc d’esthétiques et pourquoi pas d’arts mercenaires à la suite de Jacques Derrida (1930-2004)3 pour mieux déconstruire les cloisonnements officiels4 et leurs disséminations subalternisantes ? Il nous faut alors la force de la différAnce5

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Note de bas de page 6 :

Jacques Derrida, « Le parergon », Digraphe – théorie fiction, n°2, Galilée, 1974, p. 21-57.

La philosophie nous y aide. Derrida nous propose ainsi de reprendre le « parergon »6 kantien de la Critique de la faculté de juger (1790), soit comme l’explicite Shun Sugino, ce que l’on ajoute en plus :

Note de bas de page 7 :

 Shun Sugino, « Diderot avec Derrida : une esthétique de la bordure », Francesca Manzari et Stéphane Lojkine (dir.), Derrida 2020 : frontières, bords, limites / Borders, Edges, Limits, 2020, https://cielam.univ-amu.fr/malice/articles/diderot-derrida-esthetique-bordure, hal-03175159, consulté le 28 novembre 2021.

Alors que l’ergon veut dire l’œuvre en grec, le parergon signifie littéralement le hors-d’œuvre : la partie supplémentaire de l’œuvre. Le parergon dans le lexique du discours sur l’art peut avoir plusieurs significations qui se lient étroitement : la partie subalterne dans la peinture par rapport à son sujet (la nature morte, ou le paysage dans la peinture d’histoire), l’ornement additionnel de l’œuvre d’art (le cadre luxueux de la peinture), et la bordure ou le cadre en général de l’œuvre7.

Aborder un questionnement ardu ne serait-il pas plus aisé en s’intéressant tout d’abord à ses limites, soit ses bouts, ses bords et rebords ? C’est en tous les cas dans l’œuvre de Fabienne Cabord un point récurrent que ces bordures réitérées, ces traits noirs qui comme autant de frontières – infranchissables et/ou poreuses ? –, autant de façons de marquer et faire remarquer, de joindre et de disjoindre, limitent et délimitent des mondes hétérogènes.

Il est frappant de noter combien ces bordures semblent encadrer tant d’ordures, de reliefs de repas festifs et prétentieux pour des gangues corporelles oublieuses du tréfonds de leur être. La goujate Langouste au beurre de maracuja de Fabienne Cabord est sans appel à cet égard. Petits cadres insérés dans un plus grand cadre dont les délimitations sont incertaines, doigts recouverts du jaune du beurre de ceux qui jouissent de tant de surplus sans interroger les difficultés de leur entour caribéen, et qui s’entourloupent eux-mêmes dans une perte de sens vital et identitaire.

Langouste au beurre de maracuja, 2016, acrylique et encre sur papier, 40 cm x 50 cm

Langouste au beurre de maracuja, 2016, acrylique et encre sur papier, 40 cm x 50 cm

De ces jeux de cadre dans le cadre sourdent aussi, comme chez le Guadeloupéen Michel Rovélas, des recherches identitaires liées aux mosaïques mythologiques des origines caribéennes.

Mythologies créoles (2013), huile sur toile, 200 cm x 200 cm8

Note de bas de page 8 :

Voir l’analyse proposée par Stéphanie Jariel sur le site de Canopé : « Les multiples quadrilatères qui les composent évoquent des entités qui coexistent et s’entremêlent à l’intérieur. Ainsi, ces deux figures sont multiples par essence et leur vibration évoque une évolution, une mutation », https://www.reseau-canope.fr/art-des-caraibes-ameriques/oeuvres/mythologies-creoles.html, consulté le 28 novembre 2021.

Mythologies créoles (2013), huile sur toile, 200 cm x 200 cm8

Toutefois, en cherchant à redonner un cadre à ce (et ceux.celles) qui n’en avait plus, il y a comme une proposition de réinitialisation, de nouvelle vie possible ; opportunité qui n’a pas été donnée à tou.te.s les marginalisé.e.s…

Note de bas de page 9 :

Térèz Léotin, La Panthère, roman en français et en créole, Fort-de-France, Éditions Exbrayat, 2016. Cette auteure majeure pour son travail de mise en valeur du créole a fait partie des créateurs de la revue Grif en tè, premier journal martiniquais en créole, publié de 1979 à 1983.

Note de bas de page 10 :

Voir par exemple « La panthère noire » : https://www.youtube.com/watch?v=-67uZ-Q3HcQ, consulté le 26 novembre 2019.

Cette mise en périphérie en contexte martiniquais a été fort bien décrite par Térez Léotin dans La panthère9, ouvrage qui nous conte, outre la vie de Pierre-Just Marny – celui qui a été le plus vieux prisonnier de France –, la situation de la Martinique des années 60, marquée par les changements de la modernité et les désarrois sociétaux qui l’accompagnent avec le début des sirènes du consumérisme10 que critique, cinquante ans plus tard, Fabienne Cabord. En rendant vie à ce qui est usagé, ce qui équivaut à postuler qu’il n’y pas de fin véritable, pas de bord définitif donc, l’art caBORDien remet en cause à la fois les centres et toutes les limites officielles et propose une défense de la « périphérisation » généralisée et pourtant (encore) critiquée.

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Note de bas de page 11 :

Voir https://www.potomitan.info/gletang/art.php, consulté le 26 novembre 2019.

Note de bas de page 12 :

De la ville du Lamentin.

Edmond Evrard Suffrin11, artiste marginal lamentinois12, ayant initié le « Dogme de Cham » avec notamment une interprétation nègre des éléments bibliques, avait justement développé dans son art un marronnage des mots et des objets, donnant à ceux-ci une deuxième vie, une seconde chance. Nombreux sont les artistes martiniquais à avoir été marqués, consciemment ou non, par ses « installations » imprévues et leur mixage des genres, ainsi que des matières et des textes. Cette « filiation » entre générations d’artistes ne saurait être éludée pour mieux comprendre l’œuvre de Fabienne Cabord.

Note de bas de page 13 :

Ces œuvres ont été présentées lors de l’exposition collective Expériences de femmes, Créole Art café, Saint-Pierre, 2021.

Note de bas de page 14 :

Voir à ce propos Cécile Bertin-Elisabeth, « Les Nardal : Textes, co-textes, contextes », Flamme (Fédérer Langues, Altérités, Marginalités, Médias, Éthique), n° 1, 2021, https://doi.org/10.25965/flamme.89. Cette communication avait été présentée oralement lors de l’hommage à Paulette Nardal rendu par la Collectivité Territoriale de Martinique le 13 mars 2020.

Et parmi les filiations ou plutôt sororités revendiquées par Fabienne Cabord, la figure de Paulette Nardal s’impose et se surimpose en différents collages13 comme dans Généalogie féminine de la négritude et ses dessous (2021) où une photo de Paulette Nardal, la bouche féminisée par un ajout de rouge à lèvres est rayée d’une croix symbolisant le silence forcé et par là même l’impossible reconnaissance, en son temps, des fulgurances nardaliennes, anticipatrices quant à la Négritude14.

Généalogie féminine de la négritude et ses dessous, 2021,acrylique et collage sur papier, 32 cm x 24 cm

Généalogie féminine de la négritude et ses dessous, 2021,
acrylique et collage sur papier, 32 cm x 24 cm

Note de bas de page 15 :

Pour mieux percevoir les liens entre Paulette Nardal et Joseph Zobel, se reporter au fonds Nardal des Archives départementales de la Martinique, remis par Catherine Bigon, nièce de Paulette Nardal (fille de Lucie), en janvier 2016.

Note de bas de page 16 :

Joseph Zobel, Et si la mer n’était pas bleue, Paris, Éditions Caribéennes, 1982.

Note de bas de page 17 :

Jane Nardal a notamment écrit des articles dans la Revue du Monde Noir et La Dépêche africaine. On retiendra en particulier sa critique de l’exotisation des femmes noires.

Cette mise au bord, au banc des intellectuels reconnus, a aussi concerné sa sœur, Jane Nardal, ce que semble évoquer Fabienne Cabord dans un générique Nardal représentant deux figures féminines. On rappellera à cet égard que l’un des rares à avoir valorisé, très tôt, le génie nardalien est Joseph Zobel15 qui dédia à cette famille une nouvelle intitulée Nardal16. Fabienne Cabord esquisse dans la partie basse et à gauche de son œuvre Nardal une double tracée discontinue formée de pas géométrisés, comme autant de carrés symbolisant l’ordre officiel… S’y surimposent des carrés de couleur rouge, comme pour souligner leur évolution en dehors des chemins reconnus. Ne pouvons-nous y voir les empreintes des pas de Paulette et de Jane Nardal (1900-1993)17, deux femmes marquées au fer rouge du rejet pendant tant d’années ?

Nardal, 2021, Acrylique sur papier, 29,7 cm x 21 cm

Nardal, 2021, Acrylique sur papier,
29,7 cm x 21 cm

Note de bas de page 18 :

Sur la deuxième œuvre, en partant de la gauche, de cette installation.

Ce qui est en jeu dans ce traitement des subalternisations récurrentes est le poids de la domination mâle qui inspire à Fabienne Cabord l’installation intitulée, comme pour renforcer ces déséquilibres, Parité mâle et où on retrouve18, avec l’humour qui caractérise les jeux sur le langage constamment insérés par cette plasticienne dans ses œuvres : « Même pas mâle » !

Parité mâle, 2021, installation, technique mixte, acrylique sur toile et bois.4 toiles et une étagère de 90 cm x 30 cm

Parité mâle, 2021, installation, technique mixte, acrylique sur toile et bois.
4 toiles et une étagère de 90 cm x 30 cm

La plasticienne Fabienne Cabord continue donc de sonder les mentalités de son île et les poids sociétaux qui rejoignent des cadres occidentalisés internationaux. L’image de la femme, ou plus exactement l’image imposée aux femmes, lui inspire l’œuvre Tropismes qu’elle explique de la façon suivante :

Trop vieille, trop grosse, trop maigre, trop moche, trop aguichante, d’où le terme « tropismes » que je me réapproprie pour décrire notre société où les femmes sont en permanence jugées, jaugées, provoquant chez certaines un manque de confiance, des complexes et parfois un mal-être pouvant déboucher sur des troubles comme la boulimie, l’anorexie, etc.

Le physique des femmes plus que celui des hommes est scruté en permanence. Les femmes ont cette obligation de plaire, leur corps est même au cœur des relations sociales.

Note de bas de page 19 :

Extrait d’une interview de Fabienne Cabord réalisée par Cécile Bertin-Elisabeth le 17 mars 2021.

Ici, je pointe du doigt les diktats de la beauté, et rend hommage à celles qui assument de s’en affranchir19.

Elle joue alors sur l’opposition traditionnelle rose/bleu pour dénoncer notre éducation à la domination masculine dans Quand je serai grand.e (2020). La Martinique, représentée par une carte de couleur rouge sang, partage ce poids judéo-chrétien. À nouveau, l’idée de la transmission générationnelle est revisitée, mais ici une large bande blanche rompt les relations entre un monde rose bonbon et clos, matrice-utérus revisité.e, et un monde aux pointes de phallus dressés, immergé dans un bleu mâle.

Il n’empêche que ce qui domine dans l’art cabordien ce sont plutôt des géométries transgénérationnelles, des reliances qui dessinent comme une forêt de signes et de rendus de matières où les êtres sont insularisés, reliés les uns aux autres et au Tout-Monde dans leur diversité que transcrivent les choix de couleurs.

Tropismes, 2021, acrylique sur toile, 90 cm x 30 cm

Tropismes, 2021, acrylique sur toile, 90 cm x 30 cm

Quand je serai grand.e, acrylique sur toile, 90 cm x 30 cm

Quand je serai grand.e, acrylique sur toile, 90 cm x 30 cm

Family 3, 2015, acrylique et encre sur papier, 32 cm x 26 cm (Photo Fabienne Cabord)

Family 3, 2015, acrylique et encre sur papier, 32 cm x 26 cm (Photo Fabienne Cabord)

Sans titre, 2015, acrylique sur papier, 29,7 cm x 21 cm (Photo Fabienne Cabord)

Sans titre, 2015, acrylique sur papier, 29,7 cm x 21 cm (Photo Fabienne Cabord)

Note de bas de page 20 :

Fabienne Cabord a obtenu en 2012 et en 2013 le 1er prix CTM au concours de talents « Empreintes Territoriales » (catégorie peinture) pour des représentations, de petite taille, aux corps géométrisés rappelant l’art amérindien de la Caraïbe. Ce choix d’un art fondé à partir d’une synthèse trans-épocale perdure donc jusqu’à aujourd’hui dans l’œuvre cabordienne et en constitue même un sous-bassement fondamental.

Fabienne Cabord développe en effet un art à la géométrie nourrie des formes des pétroglyphes amérindiens20, bord ou sous-bassement des cultures caribéennes, et revisitées à l’aune des outils de la modernité, avec par exemples des yeux-roues, quelque peu spiralés, qui traduisent étonnement, perplexité, comme vidés par les aspirations cycloniques de pertes réitérées. Cette transcription graphique des évolutions d’une société, de la maturation-macération antillaise et des statu quo actuels est renforcée dans la série Family par une palette plus réduite et une géométrisation des fonds comme autant de champs/chant d’îles et d’insularités, en un hymne à la recomposition de ce qui a été délié.

Note de bas de page 21 :

Victor Anicet a co-créé en 1984 le groupe Fwomajé réunissant six plasticiens : Ernest Breleur, François Charles-Edouard, Yves Jean-François, Renée Louise, Bertin Nivor et lui-même, à la recherche d’une esthétique caribéenne.

Note de bas de page 22 :

Voir à cet égard : http://www.manioc.org/fichiers/HASHe78de837df42a74fd559db, 2009.

À l’instar du plasticien, céramiste et sculpteur Victor Anicet21, marqué par les recherches pionnières du Père Pinchon22 et par la terre du Marigot, les sources d’inspiration multiculturelles sont prégnantes chez Fabienne Cabord. Comme une phase transitoire, sans travailler à proprement parler la terre d’autant qu’elle est plutôt adaptée au bitume, Fabienne Cabord dessine sur des fonds ocres-marrons, de la couleur des sols, de la terre qui n’a pas encore été recouverte par le macadam de la modernité, des personnages aux géométrisations amérindiennes, sortes d’inspirations de robots modernes formés ou entourés d’« enroulements », de glyphes-lacets comme autant de parties de labyrinthes.

N’est-ce pas justement ce que nous donne à voir Fabienne Cabord : le labyrinthe identitaire de son île et ses divers centres possibles ? Brassages identitaires et entrecroisements culturels soulignent l’importance des carrefours sur lesquels chacun de nous bute parfois, hésitant parmi les voies proposées, avant de reprendre sa route.

L’écrivaine et poétesse Nicole Cage-Florentiny a justement écrit un poème intitulé Carrefour, thème-leitmotiv dans son œuvre, et qui dit la folie d’une Histoire à reconquérir :

Note de bas de page 23 :

Extrait de « Carrefour », Nicole Cage, D’Îles je suis suivi de Où irait mon cri ?, Paris, Le Chasseur abstrait, 2012, v. 25-32, p. 13-14. Il s’agit d’un poème-clé chez Nicole Cage-Florentiny, présent pour le moins dans cinq recueils de cette auteure et poétesse, comme l’a montré Patricia Conflon-Gros-Désirs dans L’œuvre de Nicole Cage-Florentiny : de l’Antillanité à la Caribéanité en passant par l’Hispanité : une poétique de la Relation, op. cit.

Voici mes deux mondes déchirés croisée des chemins
J’appelle la pluie du ciel eaux vives salvatrices sur leurs têtes ployées
Voici mes deux enfants de l’ombre en quête d’un peu d’amour
Il n’y a que l’amour pour laver tant de haine
Feu, strangulation, fouets en érection et coutelas dressés cannes incendiées et folie des hommes
Après le feu ma terre à reconstruire, mon histoire étranglée
Voici les deux faces de ma folie
Ô Dieu, prends-les mêmement dans tes mains thaumaturges23

Fabienne Cabord devant certaines de ses œuvres. Photo du site France-Antilles, https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/culture/agents-territoriaux-et-artistes-talentueux-317343.php. Tous droits réservés.

Fabienne Cabord devant certaines de ses œuvres. Photo du site France-Antilles, https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/culture/agents-territoriaux-et-artistes-talentueux-317343.php. Tous droits réservés.

La palette de Fabienne Cabord a évolué en quelques années, mais en conservant des tracés marqués de noirs, des sortes d’idéogrammes noirs sur fonds blancs, puis noirs et blancs sur fonds ocres. Elle trace des entrelacs noirs emplis de couleurs vives, brutes en ce qu’elles ne sont pas mélangées, mais juxtaposées, voire superposées comme des tags, disant ainsi paradoxalement la difficulté de la relation que les bordures noires tissent pourtant dans le même temps.

On peut alors penser à l’influence des roches gravées, c’est-à-dire des pétroglyphes caraïbes, ainsi qu’à la marque des techniques employées dans les bandes dessinées, qui se combinent en transcendant les époques et les genres, formant des cadres où la couleur se glisse, se pose, s’impose pour dire une modernité blessée et des étapes de vie en difficulté.

Note de bas de page 24 :

Dominique Berthet, « Faire une œuvre avec le lieu », Une œuvre de Serge Goudin-Thébia, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 66.

Note de bas de page 25 :

Ce crabe, appelé aussi crabe violoniste (uca pugilator), est très fréquent dans les mangroves et marécages caribéens.

Les couleurs frappent autant que les mots. Se distingue par exemple un certain bleu. Influence du bleu si particulier de Serge Goudin-Thébia auto-qualifié par celui-ci de « bleu amniotique » ? Dominique Berthet avait écrit à propos de cet artiste qu’il était : « un arpenteur de paysages, cueilleur d’éléments naturels, collecteur de signes, découvreur d’inscriptions et de traces sur les roches, sur les rivages, sur les écorces (…) »24. Ce très bel hommage réuni en une phrase nous semble pouvoir être repris pour Fabienne Cabord – qui connaît d’ailleurs très bien et apprécie l’œuvre de cet illustre prédécesseur –, soit un héritage assumé, mais sur le mode urbain. Fabienne Cabord est arpenteuse du paysage foyalais, de sa mangrove urbaine, cueilleuse d’éléments citadins, collectant des signes, découvrant des inscriptions et des traces tant sur les roches gravées mémorielles que sur les trottoirs et le bitume des rues et des routes. Son environnement « naturel » à elle, le plus immédiat, c’est la mangrove urbaine, avec le gaz carbonique et ses files de véhicules, le marquage des panneaux de signalisation, les étranges personnages déjantés et si humains dans leur déliquescence que l’on ne peut manquer de côtoyer dans les rues foyalaises. Ces personnages ne sont pas faits de végétal et d’éléments humains comme les fameux Guerriers de l’absolu (1998-2000) de Serge Goudin-Thébia. Ils sont formés des éléments des routes et des cités entremêlés à des « restes » humains. Ils sont bien là ces êtres destructurés, en souffrance physique et psychique… – ne sont-ils pas NOUS d’ailleurs ? – et il s’agit de ne plus leur tourner le dos ou de faire semblant de ne pas les avoir vus en changeant de trottoir, en détournant le regard… Que de guerriers en guenilles de la drive, sémaphores dont les pores suent la misère d’une société en dérive, que de « cémafaute »25 dans ce marécage sociétal où les trémolos des violons ne s’entendent plus, où tous les mea culpa sont dépassés, quasiment déjà trépassés…

Note de bas de page 26 :

Livret de l’exposition « Là où nous allons tous », réalisé par le Conseil général de la Martinique, 1er trimestre 2011, in Prologue de Franck Doriac, p. 9.

Fabienne Cabord habite Fort-de-France dans tous les sens du terme ; c’est le lieu où, pour plagier Serge Goudin-Thébia, elle « (a) corps, là où (elle) voi(t), enten(d), sen(t), respire, marche (…) »26.

Fabienne Cabord complète sa palette avec un certain violet qui vire rarement au mauve. Quasi omniprésent, il nous renvoie aux deuils de nos identités et de nous-mêmes, aux crépuscules de notre époque. Ce violet est aussi assemblage de couleurs vives, entre-deux, liant, à placer entre bleu et rouge…

Note de bas de page 27 :

Voir la seconde partie de ce triptyque sur l’ART-mangrove caribéen.

Note de bas de page 28 :

La modernité est en effet plutôt vue sous le mode de la « banalité du mal » évoquée par Hannah Arendt (La condition de l’homme moderne, 1961 (The Human Condition, 1958) et Eichmann à Jérusalem, Pierre Bouretz (dir.), Paris, Gallimard, volume « Quarto », 2002). Nous empruntons ce terme « reliance » et sa dimension éthique à Edgar Morin, même si cette notion que d’aucuns hésitent à considérer comme un concept a en fait été introduite par le sociologue Roger Clausse (Les nouvelles, Bruxelles, Éd. de l’Institut de sociologie, 1963). Voir à propos de cette notion le très intéressant point réalisé par Marcel Bolle De Bal, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », Sociétés, 2003/2, no 80, p. 99-131, https://www.cairn.info/revue-societes-2003-2-page-99.htm, consulté le 26 novembre 2019 et de Maurice Lambilliotte, L’homme relié. L’aventure de la conscience, Bruxelles, Société générale d’édition, 1968.

Ressortent en effet les rouges, longtemps prégnants également dans l’œuvre de Luz Severino, artiste dominicaine qui développe depuis une vingtaine d’années les multiples facettes de son art innovant en Martinique27. Son installation lors de l’exposition « Derrière le voile » en 2011-2012 à la Fondation Clément offrait des couleurs tranchées et tranchantes de souliers aux vifs bleus, rouges, verts et jaunes, symbolisant tous ceux qui les avaient portés et leurs déplacements et mouvements citadins, entre espérance et désespérances, par manque de reliances28. Car, sérialiser et en fin de compte déshumaniser revient à désintégrer la communauté et l’individu qui s’y trouve, ce qui entraîne des frénésies infinies et autant de frustrations et d’apories.

Note de bas de page 29 :

La méthode, Tome IV, op. cit. , p. 269.

Note de bas de page 30 :

Op. cit., https://www.cairn.info/revue-societes-2003-2-page-99.htm, consulté le 26 novembre 2019.

Edgar Morin nous alertait en ce sens cherchant à relier à la fois tout individu et toute société à l’ensemble de l’espèce humaine : « Il faut, pour tous et pour chacun, pour la survie de l’humanité, reconnaître la nécessité de relier, de se relier aux nôtres, de se relier aux autres, de se relier à la Terre-Patrie »29. Face à une société qui encense la raison et introduit la « déliance »30 et ses clivages, Fabienne Cabord a compris qu’il nous reste la Folie pour tendre vers la reliance et plus de partage. En avant donc sur la Route de la Folie !

Note de bas de page 31 :

Op. cit., https://www.cairn.info/revue-societes-2003-2-page-99.htm, consulté le 27 novembre 2019.

Cette artère foyalaise serait alors un exemple-type de l’archipélisation de la mangrove urbaine où la déliance – en tant que paradigme de la modernité – pourrait être remplacée par la reliance, conçue comme espoir de la post-modernité ou hypermodernité31 ? Et comment cela se passerait-il en contexte insulaire et caribéen, où d’île en île la mise en lien ne saurait être qu’archipélique ? Sachant l’impossibilité de (se) représenter la périphérie, les bords, sans le centre qui délimite ce qui est borderline – ou l’île sans le continent –, la reliance dépend, de ce fait, de façon duelle, de la déliance. Il n’empêche que Fabienne Cabord interroge les différents filaments et pigments culturels, toutes ces branches-racines de la mangrove urbaine si prégnante à la Martinique, comme autant d’espérances d’une plus rapide reliance. Du moins, ses œuvres semblent tracer des liens sans fins en ce sens, devant l’urgence de nous relier à nous-mêmes et à la Terre qui nous abrite que l’on oublie sous la grise brume du bitume. Nos rhizomiques racines multiples devraient nous aider à développer cette énergie vitale et respectueuse et à tendre vers cette interrelation harmonieuse qui ne pourra bien sûr jamais abolir des séparations – parfois nécessaires et en tous les cas bien présentes dans la forme même de la génération du monde et des êtres vivants qui y cheminent.

Route de la Folie… Terrestre, maritime ou céleste, sylvestre, minérale ou aquatique, la route se trace et constitue autant de tracées de vies et de passages pour une Alliance. Large ou réduite, parfois sentier ou sente, elle creuse des sillons et participe au mitage des territoires caribéens tout en établissant les réseaux mangroviens qui unissent leurs populations. On les parcourt à pied, en voiture, en moto… avec souvent des casques considérés par beaucoup, au péril de leur vie, si superfétatoires sur les routes aux Antilles que Fabienne Cabord choisit d’en faire des œuvres d’art à part entière.

Motodidacte, 2016, acrylique sur métal

Motodidacte, 2016, acrylique sur métal

Note de bas de page 32 :

Jean-Marie Gustave Le Clézio, in Kréyol Factory : Des artistes interrogent les identités créoles, Paris, Gallimard, 2009, p. 4.

Ces Artères-Archipels pour une nouvelle Alliance donnent donc vie, ne serait-ce que parce qu’elles permettent les rencontres et fécondent ainsi les univers caribéens. Vivre sur une île crée sans nul doute une façon particulière d’être à soi et aux autres. Jean-Marie Le Clézio notait à cet égard : « Il y a un esprit des îles comme il y a un esprit des montagnes ou un esprit des forêts »32.

Note de bas de page 33 :

Une fois encore les écrits glissantiens demeurent prégnants. Voir à ce propos Dominique AuréliaAlexandre Leupin, Jean-Pierre Sainton (dir.), Édouard Glissant, l’éclat et l’obscur, Pointe-à-Pitre, Presses Universitaires des Antilles (coll. Écrivains de la Caraïbe), 2020.

Note de bas de page 34 :

Voir http://www.patrimoines-martinique.org/?id=notice&doc=accounts%2Fmnesys_cg972%2F datas%2Fir%2FArchives%20d%C3%A9partementales%2FFonds%20iconographiques%20%28Fi%29%2F34Fi_v2%2Exml&node_start=133&start=30&page_ref=a011276771432DLIlej, consulté le 25 novembre 2019.

Émiettement, fragmentation, éclats… Comme en résonance avec l’insularité, cette approche réunit des fragments33. La forme retenue par Fabienne Cabord se fait l’écho de cette archipélisation et nouvelle alliance de par l’introduction également de nombreux collages dans son œuvre, nourrie d’articles de journaux et de publicités. Il n’y manquerait pour « dire » Fort-de-France et la mentalité martiniquaise, entre passé et présent, entre ouverture et fermeture, « que » des photos du Martiniquais Marcel Mystille34 qui nous a légué des instantanés de bon nombre des artères et des lieux culturels foyalais…

Baby doll, 2016, acrylique, encre et collage sur papier, 80 cm x 60 cm

Baby doll, 2016, acrylique, encre et collage sur papier, 80 cm x 60 cm

Note de bas de page 35 :

Clin d’œil à l’ouvrage de Patrick Chamoiseau, Biblique des derniers gestes, op. cit.

Note de bas de page 36 :

Nous nous inspirons du titre d’Antonio Benítez Rojo, El mar de las lentejas, Barcelone, Plaza-Janés, 1984, qui conçoit une Caraïbe qu’il définit comme un méta-archipel. Il s’intéresse plus particulièrement dans cet ouvrage aux distorsions de l’Histoire, entre Europe et Amérique.

Fabienne Cabord introduit aussi des sortes de frises, qui comme des bas-reliefs rappellent, à l’instar des bibles de pierre qu’étaient les cathédrales d’antan, les points-clés d’une mythologie singulière. Pour que tout un chacun puisse y lire la « Biblique des gestes »35 à la martiniquaise, infime partie de tout l’arc antillais, lentille caribéenne36, le procédé est itératif et décline une logique qui ne cherche nullement à suivre les cheminements de la raison en décrivant une ville-poumon à l’économie dépendante où sue l’humide forfaiture et la pestilence de murs-urinoirs et où brillent un soleil et une résilience à toutes les colonialités.

« Comment es-tu vue Fort-de-France ? » est en somme la question qui nous taraude en découvrant l’œuvre cabordienne. Sous la lumière crue, émergent avec le regard d’une passante du quotidien, soucieuse de rester en contact avec la foyalaise « faune », erratique le jour, harassée des trafics de nuit, femmes et hommes déshumanisé.e.s par les bons pensants. Fabienne Cabord choisit de donner à tous ces marginaux une place de choix et nous invite ce faisant à prendre conscience de nos vides communs, de nos limites personnelles et sociétales, de nos exiguïtés mentales, de notre consumériste approche. Ces drives aux bordures de la mangrove foyalaise, de l’aube au crépuscule, ne redonnent-elles pas en fin de compte sens à nos vies oublieuses des riches apports de l’Altérité et prestes aux commérages ? Ne permettent-elles pas de relire les codes d’un vivre-ensemble si mis à mal ?

Feu rouge ; feu vert ; ligne continue ; passage clouté ; à gauche ; à droite… en route, au grand dam des bonnes gens. Sur le macadam valsent les pas de ceux qui parcourent Foyal dans l’infernale géhenne et la persistante déveine… Pourquoi tant de haine, entre non-dits et mal-dits, maudites fausses transparences ?

Fabienne Cabord réunit en conséquence une alerte sociétale et une façon, décoloniale, d’apprendre à se reconnaître désormais tou.te.s comme périphériques, bordeline, porteur.euse.s de blessures, de ruptures et de tant d’espoirs. Autrement dit, l’œuvre cabordienne convoque une interrogation critique sur elle-même, sur ces êtres pluriversels des mondes entrecroisés caribéens qui ne sont autres que nous-mêmes et sur notre difficile reliance avec notre territoire et tout autre lieu.

Heureusement, il y a la route, la Route de la Folie en particulier, pour initier sans trêve une dynamique socio-vitale et durable au cœur de la mangrove urbaine.

Note de bas de page 37 :

Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde. Poétique IV, op. cit., p. 69.

La mangle : l’eau et la terre dans leurs bordures, où nous avons vécu… Nous prenions à la mangle, sans prendre garde. Obscure compliquée, perdue de branchages de racines rouges, elle commençait au cimetière et elle mangeait le rivage d’eau jaune sur l’eau bleue, jusqu’au déboucher de la Rivière salée. Nous y voyions le monde : ces possibles que nos regards avaient levés37.

Note de bas de page 38 :

https://www.lexpress.fr/culture/livre/aime-cesaire-la-culture-c-est-tout-ce-que-l-homme-a-invente-pour-rendre-le-monde-vivable-et-la-mort-affrontable_809198.html, consulté le 18 novembre 2019.

Aimé Césaire, poète du cri nègre, mais aussi maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, nous prévenait : « La culture, c’est tout ce que le monde a inventé pour rendre le monde vivable et la mort affrontable »38. Que ces paroles résonnent en nous avant, pendant et après la découverte des œuvres de Fabienne Cabord, nourries d’autres artistes et d’auteurs du Divers en une chaîne de libertés, souvent difficilement arrachées, qui investit nos lieux de vie pour que nos réalités profondes affleurent et qu’ainsi, en toute dignité et pour chacun.e de nous – car périphérisé.e.s nous le sommes tou.te.s à un moment ou à un autre –, nous puissions savourer ces « armes miraculeuses », ces tags revisités, ces fragments en cours de métamorphose qui n’attendent que nos regards pour (re)prendre une (sur)vie spiralaire, ouverture-appel d’air, sur la Route de la Folie de nos quotidiens.

Ne pas agir en victimes, ne pas se dire simplement blessés par un passé que nous n’avons pas vécu même si son poids alourdit nos présents, mais être toujours des porteurs conscients d’une Histoire à revitaliser, au pied du mur des désespérances et des pertes de valeurs humaines, éthiques et identitaires. Recréer autre chose, une autre Liberté, d’égale Fraternité… « Folie miraculeuse » ?

Nous laisserons, avant de prendre la route, les derniers mots à Édouard Glissant qui renvoie à l’Histoire comme fondement de toutes ses interrogations… et donc des nôtres… :

Note de bas de page 39 :

On y ajoutera les arts.

Note de bas de page 40 :

Le discours antillais, op. cit. , p. 235.

C’est cet accompagnement que je voudrais suivre à la trace, pour montrer comment l’Histoire (qu’on la conçoive comme énoncé ou comme vécu) et la Littérature39 rejoignent une même problématique : le relevé, ou le repère, d’un rapport collectif des hommes à leur entour, dans un lieu qui change en lui-même et dans un temps qui se continue en s’altérant40.

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Pour citer ce document

Bertin-Elisabeth, C. (2023). 5- Cabord et le traitement du bord et des mondes BORDerline . Dans L’art mangrove caribéen : DLO*PIE BWA*EN-VILLE. Université de Limoges. https://doi.org/10.25965/ebooks.370

Bertin-Elisabeth, Cécile. « 5- Cabord et le traitement du bord et des mondes BORDerline  ». L’art mangrove caribéen : DLO*PIE BWA*EN-VILLE. Limoges : Université de Limoges, 2023. Web. https://doi.org/10.25965/ebooks.370

Bertin-Elisabeth Cécile, « 5- Cabord et le traitement du bord et des mondes BORDerline  » dans L’art mangrove caribéen : DLO*PIE BWA*EN-VILLE, Limoges, Université de Limoges, 2023, p. 161-175

Auteur

Cécile Bertin-Elisabeth
Agrégée d’espagnol et professeure des universités à Limoges (EHIC) où elle a co-créé la revue FLAMME, Cécile BERTIN-ELISABETH a œuvré pendant plus d’une vingtaine d’années au sein de l’université des Antilles(-Guyane) au développement de la recherche entre mondes américano-caraïbes et Europe, à la reconnaissance de l’apport de la pensée d’Édouard Glissant et à son inscription dans les enseignements universitaires ainsi qu’au développement de nouvelles formations comme le Master Arts caribéens, la licence d’Art et le Master Études culturelles. Spécialiste de la représentation des Noir·e·s et des picaro·a·s et des questions de marginalisation et de transferts culturels, elle a écrit et dirigé différents ouvrages sur le patrimoine artistique, historique et littéraire de la Martinique et de la Caraïbe comme Le grand livre de ma commune mon histoire, vol. I : Le sud de la Martinique, Orphie-Canopé Éditions, 2017, avec Léo ELISABETH ;  Histoire et mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions en Normandie – Libres de couleur, n° 8, Hommage à Léo ELISABETH, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, février 2019, avec Érick NOËL ;  Zobel’ ami – Lettres de Joseph Zobel, Éditions Ibis Rouge, 2020 ; L’Atlantique, machine à rêves ou cauchemar sans trêve ?, La Crèche, Presses Universitaires de Nouvelle Aquitaine, La Geste, 2021, avec Érick Noël ; Méditerranée-Caraïbe. Deux archipélités de pensées ?, Garnier, 2022, avec Franck COLLIN et  L’œuvre de Raphaël Confiant avant et après L’Éloge de la créolité, Scitep Éditions, 2023, avec Patricia CONFLON et Corinne MENCÉ-CASTER.
EHIC – Université de Limoges
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