ADŒNO
Analyse du Discours Œnologique : descripteurs sémiolinguistiques pour les vins nature

Audrey Moutat

Porteuse du projet - Maître de conférences

GEOLAB (UMRCNRS 6042)

  • Université́ Bordeaux Montaigne – MICA (UR4426)

  • Université́ Bordeaux – Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (UMR 1366 OENO INRAE)

La production de vins « méthode nature », qui se caractérise par des pratiques dites « non interventionnistes » et la réduction des intrants, témoigne non seulement d’une prise de conscience sanitaire et écologique mais également d’une évolution des goûts et de la demande. Cette culture émergente renouvelle notamment la question de la description œnologique et lui confère aujourd’hui des enjeux sociétaux sans précédents dans l’histoire de la viticulture.

La question de la description, de la mise en mots et en discours des propriétés organoleptiques de ces vins, concerne non seulement l’ensemble des acteurs de la filière viti-vinicole mais également les consommateurs eux-mêmes, confrontés à l’appréhension de goûts en partie nouveaux. L’élaboration de descriptions adaptées, à la fois aux spécificités organoleptiques de ces vins et aux diverses situations de communication où elles ont cours, devient ainsi nécessaire. Ces descriptions plus adéquates sont alors susceptibles de rendre possible une meilleure compréhension et une meilleure promotion de ces vins « méthode nature ».

Le projet ADŒNO se fixe donc pour objectif central d’élaborer des descripteurs sémiolinguistiques (textuels et/ou iconiques) des vins « méthode nature ».

Ces descripteurs doivent à la fois tenir compte :

1.    Des spécificités organoleptiques de ces produits : se pose alors la question centrale du degré d’adéquation des discours actuels, et des grilles lexicales qui les sous-tendent plus ou moins consciemment, et des modifications à apporter.

2.    Des protocoles de la dégustation et des grilles lexicales en vigueur, qui sont ancrés dans une tradition culturelle forte, à portée patrimoniale évidente, mais inégalement partagés par les consommateurs.

3.    Des rhétoriques descriptives associées aux diverses situations et supports de communication impliquant ces discours : étiquettes, bouteilles, sites commerciaux, descriptions spécialisées, d’œnologues, de sommeliers ou de producteurs, commentaires profanes, commentaires d’œnophiles, presse générale et spécialisée, et salons dédiés aux vins « méthode nature ».

Sur le plan théorique, ces trois types de contraintes rencontrent des problématiques sémiolinguistiques spécifiques, au centre des recherches du CeReS. Le premier point implique la construction d’une sémantique lexicale des vins « méthode nature » qui doit répondre à la fois à des exigences de discrimination (grain descriptif) et d’accessibilité sémantique (interprétabilité). Le second consacre, dans la perspective d’une sémiotique des pratiques, la rencontre entre d’une part la sensorialité́ et la processualité́ de la dégustation et d’autre part les règles spécifiques de la mise en discours de la perception. Cette contrainte, à laquelle doivent satisfaire les descripteurs, croise donc une thématique forte de la recherche en Sciences du Langage, à savoir l’interaction entre le langage et le sensible, au cœur de la sémiotique du sensible. Le dernier point, enfin, convoque le champ recherche de la médiation, et plus généralement le problème de la mise en signes iconiques et textuels en fonction des supports médiatiques et des genres discursifs.

Enfin, la problématique des descripteurs des vins dits « méthode nature », qui concerne l’ensemble du territoire et du terroir français, est plus spécifiquement traitée dans les limites de l’aire de la Nouvelle Aquitaine et de ses productions vinicoles revendiquant explicitement le statut de vin « méthode nature ». Il en résulte ainsi des questions d’ordre culturel et géographique, qui élargissent le questionnement initial et s’interrogent sur les transformations sociétales associées au développement de la culture des vins « méthode nature ». À travers l’analyse des différents corpus, le projet interroge également les relations entre discours (textuels et iconiques) et éléments extra-discursifs culturels, constitutifs de la vitiviniculture « naturelle » : le milieu environnemental, le territoire, les terroirs, le patrimoine, la nature des vins et leur image, leur réputation, les goûts, les accords avec les mets, etc.