Les Homeless Games : contrer l’itinérance des personnes aînées par un programme d’activités physiques et sportives1 Homeless Games: using a physical activity and sports program to assist seniors living in itinerant conditions

Catherine Sonier 
et Roger G. Leblanc 

https://doi.org/10.25965/trahs.3894

L’itinérance est une problématique grandissante au Canada. Elle est engendrée par les inégalités et les injustices sociales envers les populations vulnérables telles que les personnes aînées. Les bénéfices du sport et de l’activité physique pour contrer l’itinérance sont mal compris autant par les intervenants en santé que de la classe élue. Les politiques en place actuellement ne comportent pas de solutions claires et permanentes à ce phénomène. C’est pourquoi nous proposons une solution innovatrice qui permet de toucher le cœur du problème de l’itinérance. L’activité physique et le sport (APS) a des répercussions considérables sur toutes les sphères du bien-être en plus d’être un véhicule de valeurs et d’habiletés essentielles. Ces apprentissages favorisent le développement personnel, limitent l’utilisation de substances illicites et permettent de construire un réseau de soutien de qualité, ce qui contribue à la réintégration efficace à la société et l’accès à un logement abordable. Ce sont les Homeless Games, un évènement sportif annuel qui permet aux personnes vivant dans l’itinérance (PVI) de pratiquer un sport compétitif, qui a inspiré cette proposition. De plus, bien que les ressources soient limitées, l’intérêt des PVI et des organismes de bienfaisance est énorme. Les résultats sont positifs, l’implantation d’un programme d’activités physiques et sportives communautaires est possible et augmente le capital social. Il est possible de mettre un terme à l’itinérance en utilisant l’activité physique et le sport comme un outil d’intervention au sein des équipes interdisciplinaires qui s’attardent à réduire ou du moins ralentir l’itinérance.

Homelessness is a growing problem in Canada. Its causes stem from inequalities and social injustices towards vulnerable populations such as that of seniors. The benefits of sport and physical activity to counter homelessness are misunderstood by both health care providers and elected officials. The current policies do not include a clear and permanent solution to this phenomenon. Therefore, we are proposing an innovative solution that touches the heart of the homelessness problem. Physical activity and sport (PSA) can have a significant impact on all areas of well-being and is a vehicle of values and essential skills. These learnings promote personal development, limit the use of illicit substances, and build a quality support network, which contributes to effective reintegration into society and access to affordable housing. The Homeless Games, an annual sporting event that encourages the homelessness to participate in sport and leisure programs, that inspired this proposal. In addition, although resources are limited, the interest of homeless individuals and charitable organisations is remarkable. The results are positive, the implementation of a program of physical activities and sports in the community should be made possible and would increases social capital. It is possible to end homelessness by using physical activity and sport programming as an intervention tool within interdisciplinary teams that focus on reducing or at least slowing down the phenomenon of homelessness.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

Mise en contexte de la problématique

Depuis des décennies, nous regardons notre monde se développer et nos sociétés faire preuve d’innovations sans limites. Nous vivons dans un monde de changement où tout semble évoluer « pour le mieux ». Mais qu’en est-il des gens vivant dans la pauvreté ? Qu’en est-il des gens qui ne peuvent profiter d’un domicile ? Des itinérants ? Ont-ils accès à tous les avantages sociaux ? L’itinérance est un problème grandissant, présent aux quatre coins du monde et représente l’un des résultats les plus marquants des injustices sociales et structurelles (Gaetz et al., 2013). Les démarches pour remédier à l’itinérance sont vagues, c’est un problème mal compris. Elles mènent difficilement à des résultats probants et rendent la problématique de plus en plus ardue à gérer.

Pour la ville de Moncton dans la province du Nouveau-Brunswick (Canada), le phénomène de l’itinérance s’est accéléré en flèche depuis les dernières décennies. Moncton comporte 3 communautés distinctes : Dieppe, Moncton et Riverview. Les communautés de Moncton et Riverview sont majoritairement anglophones tandis que Dieppe est plutôt francophone. La ville de Moncton comprend un aéroport international, un des plus gros centres commerciaux dans les provinces de la région Atlantique ainsi que de nombreux hôtels des plus compétitifs (Ville de Moncton, s. d.). La région du grand Moncton métropolitain possède une population grandissante dont 160 000 habitants actuellement et 10000 de plus d’ici 5 ans. Moncton est le plus grand centre urbain dépassant la ville de Saint-John :

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Source : https://www.bourse-des-voyages.com/guide-voyage/vacances/pays-nouveau-brunswick-1.html

En effet, le phénomène des personnes vivant dans l’itinérance (PVI) affecte négativement l’achalandage des rues prisées de la ville de Moncton. Ainsi la gestion de cette problématique s’avère de plus en plus nécessaire puisque la frustration des gérants d’entreprises au centre-ville et des résidents s’accentue. Tous ces acteurs veulent voir fleurir leurs commerces, autant les professionnels qui veulent gérer leurs cliniques, que les touristes qui veulent explorer la ville, et les consommateurs qui veulent profiter des services. Nombre d’entre eux souhaitent le départ des itinérants, car ces derniers semblent influencer négativement les ventes et font fuir les clients et les touristes. Certains affirment aussi que les itinérants rendent les quartiers ou les rues moins propices au développement économique en plus d’augmenter le taux de criminalité et la consommation de substances (McFadden et al., 2019). Cependant, les itinérants eux, ont besoin de ces rues et ne veulent pas ou ne peuvent pas y renoncer. Il en va de même pour les ressources allouées pour les divers services de santé, de logement, de nutrition, de sécurité. L’ensemble de la population revendique plus de ressources destinées aux PVI, bien que ces ressources et certains programmes d’intervention soient limités et parfois mal administrés. Qui seront les chanceux qui les obtiendront ? Ceci est une question qui semble simple, mais qui cache une grande complexité. D’ailleurs, il existe des individus qui ne sont pas d’accord avec ceux qui viennent en aide aux itinérants, sous prétexte que l’argent provisoire ne fera pas profiter la société et qu’en réalité les programmes d’intervention attirent de plus en plus de PVI au lieu d’en réduire le nombre. Mais est-ce le cas ?

C’est ce que souligne le journaliste Justin Dupuis, dont les articles portent sur le sujet de l’itinérance à Moncton. Il insiste sur le fait que la criminalité ne cesse d’augmenter dans les endroits où se situent les centres d’aide aux itinérants, ce qui a surtout été remarqué depuis l’ouverture de la maison Nazareth au cœur de la ville : « On investit et on étudie, mais on n’a toujours pas trouvé de manière à régler la situation. », avoue également le conseiller municipal de la ville de Moncton, Bryan Butler (Dupuis, 2021). Il est ainsi possible d’en retirer que les problèmes concernant l’itinérance dans la ville de Moncton ne s’améliorent pas malgré les multiples efforts déployés par la municipalité.

Contrairement à la croyance actuelle, c’est un problème complexe qui nécessite un changement d’approche fondamental. En bref, les méthodes utilisées pour résoudre l’itinérance ne sont pas pertinentes et ne ciblent pas les facteurs au cœur du problème. Selon Marie-Pier Rivest, professeur à l’Université de Moncton, il s’agit d’un phénomène engendré par le désengagement social. Présentement, le principal plan d’action est d’offrir des lits ou des abris temporaires, des repas et des vêtements. Évidemment, ces services sont indispensables. Mais ce ne sont pas des solutions définitives qui visent à contrer l’itinérance de façon permanente. Ces moyens permettent aux itinérants de survivre et de subvenir à leurs besoins les plus rudimentaires (Dupuis, 2021). Ceci ne permet toutefois pas de les sortir de la rue et de diminuer le nombre de sans-abris.

Nous proposons donc, par ce travail, une idée solutionniste qui permettra d’atteindre le cœur du problème de l’itinérance : l’aspect socio-psychologique. Notre vision : conter l’itinérance en réinvestissant l’argent déjà prévu pour le problème de l’itinérance, de façon à créer ultimement un retour sur investissement. Selon Gaetz et al. (2013), le coût annuel au gouvernement canadien pour tout ce qui touche l’itinérance est de 7,05 millions de dollars. Ce montant comprend les frais liés aux services d’urgence, tels que le coût des refuges itinérants, les services sociaux ainsi que les soins de santé.

L’auteur insiste sur le fait que les coûts, qui ne cessent d’augmenter, pourraient être considérablement réduits si des solutions à long terme étaient adoptée avec succès ailleurs, telles que l’inclusion d’activités physiques et sportives (APS) dans les programmes de lutte contre l’itinérance. (Akyurek et al., 2019 ; Claes et al., 2020 ; Koch et al., 2018 ; Scherer et al., 2016 ; Sherry, 2010 ; Sherry & Virginia, 2012)

Parmi tous les organismes mis en place pour venir en aide aux itinérants dans le monde, l’un d’eux se démarque de par son unicité et son innovation : The Homeless World Cup. Il s’agit d’une fondation créée au Royaume-Uni en 2010 (Frack Free TV, 2019) qui rassemble des gens de Liverpool jusqu’en Écosse, qui voit l’activité physique comme étant un élément moteur dans la transition des sans-abris vers un logement stable. Cette fondation utilise le soccer pour promouvoir l’activité physique et la santé auprès des personnes vivant en situation d’itinérance.

Deux membres de cette fondation ont créé l’évènement nommé The Homeless Games (THG) qui, en 2019, a réuni plus de 620 athlètes vivant de l’exclusion sociale et nécessitant l’aide de refuges. L’évènement des THG est d’une durée de deux jours pendant lesquels les participants provenant de refuges, de centres de vétérans, de centres LGBTQ2+ et de centre de services de santé mentale, participent à des compétitions, dans une foulée d’épreuves variées et de sports menant à une finale grandiose (Frack Free TV, 2019).

L’objectif de ce travail est de s’inspirer de ces jeux européens dans le but de reproduire de tels évènements dans la ville de Moncton, afin de contrer l’itinérance. De façon générale, on remarque que les différentes populations d’itinérants, un peu partout au Canada, s’engagent dans des comportements similaires. On fait référence, ici, surtout, aux comportements nocifs qui mettent à risque la santé physique et mentale suivante : la consommation de drogues et d’alcool, le tabagisme, l’obésité, la sédentarité ainsi que la malnutrition (Taylor et al., 2016).

Or, la pratique d’une activité physique ou d’un sport a de grands avantages sur un individu. En effet, la pratique de sport permet de toucher à chacun des facteurs mentionnés ci-haut. La pratique d’APS permet d’obtenir des bénéfices pour la santé autant du côté de la dimension physique, que mentale, spirituelle et relationnelle. Pratiquer un sport d’équipe permet de développer les notions de respect des autres, de l’autorité, la gestion des émotions (colère et frustration), le respect de l’obligation, de la responsabilité, des réalisations personnelles et donc l’accomplissement de soi, la témérité, et bien plus. Sans parler des bienfaits au niveau de la santé physique et mentale, du développement de relations de confiance avec les autres, du développement relationnel, du développement des aptitudes sociales, de l’amélioration de la confiance et de l’estime de soi que procure la pratique d’un sport ou de l’activité physique (Akyurek et al., 2019).

Pour Corvinelli, (2012) et Marshall et al., (2019), la pratique d’une activité gratifiante instaure un impact positif sur la réduction de la consommation abusive d’alcools ou de drogues - ce problème de consommation est d’ailleurs un problème majeur chez les personnes itinérantes à Moncton. Effectivement, selon MacKinnnon (2018), les deux problèmes de santé les plus répandus au Nouveau-Brunswick chez les PVI sont les troubles de santé mentale et les troubles dus aux abus de substances. Les services d’aide concernant ces derniers points sont les plus en demande chez la population itinérante de la ville de Moncton.

Justement, l’un des grands facteurs positifs de l’itinérance sur la société est la naissance d’organismes qui luttent contre l’itinérance au Canada. Pour en nommer quelques-uns, il y a : Homelessness Partenering Secretariat, Street Need Assesment, End Homelesness Toronto, The Homeless World Cup Foundation ainsi que Point-In-Time. Ces organismes sont un exemple formidable d’entraide et d’empathie. Ceci démontre que, malgré la complexité et l’ampleur du problème qu’est l’itinérance au Canada, il est possible d’observer une tendance auprès des acteurs principaux de se réunir autour de cette cause, dans le but de s’en occuper en société. On peut comprendre que les citoyennes et les citoyens préoccupés ou dérangés par cette problématique sont conscients de leurs rôles dans la société et qu’ils sont aussi conscients que l’un des devoirs des personnes plus riches est d’aider les personnes plus pauvres.

Définition de l’itinérance

Afin d’améliorer la compréhension de ce texte, voici la définition de l’itinérance utilisée dans le rapport Point-In-Time de MacKinnnon :

L’itinérance décrit la situation d’une personne ou d’une famille sans logement stable, permanent et approprié, ou la perspective, les moyens et la capacité immédiats de l’acquérir. Elle est le résultat d’obstacles systémiques ou sociétaux, d’un manque de logements abordables et appropriés, des défis financiers, mentaux, cognitifs, comportementaux ou physiques de la personne ou du ménage, et/ou du racisme et de la discrimination. La plupart des gens ne choisissent pas d’être sans-abri, et l’expérience est généralement négative, désagréable, stressante et pénible (2018 : 10).

L’itinérance est un terme complexe qui est mal compris ou mal interprété par la population en général. Il existe en fait plusieurs types d’itinérance qui varient en fonction d’une série de conditions de logement ou d’hébergement. On identifie alors trois types : a) l’itinérance non logée, c’est-à-dire que les individus qui n’ont accès à aucun logement et doivent donc dormir dans les rues. b) l’itinérance abritée, ce qui signifie que l’individu a accès à un abri désigné pour les sans-abris. c) accommodé provisoirement, ce qui implique qu’un individu est accommodé/logé, mais de façon non permanente. Il n’a donc pas de certitude et de sécurité de logement. Ceci inclut le fait de dormir chez un proche pour une courte période de temps, des logements provisoires, dormir dans des institutions (hôpitaux et prisons) sans avoir de logement permanent (Segaert, 2012).

Objectifs de la recherche

Le but de ce présent travail est d’évaluer le potentiel quant à l’implantation d’événements sportifs ou d’activité physique dans la région de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Les évènements sportifs mentionnés font référence à tous types d’APS pouvant être pratiqués en collectivité pour, éventuellement, être en mesure d’organiser des évènements sportifs tels que les Homeless Games en Europe.

Les Homeless Games représentent un concept innovateur puisqu’il s’agit d’un grand évènement consacré à la population vulnérable. Grâce à cet évènement, les PVI peuvent bénéficier des avantages de l’activité physique et des répercussions positives de celle-ci. Ils peuvent aussi bénéficier des avantages de l’APS sur le mieux-être et l’inclusion sociale.

Nous souhaitions connaitre l’avis des organismes d’aide aux itinérants de la région du grand Moncton concernant l’opportunité d’une pratique d’APS en groupes. Cette recherche n’est concentrée que sur la ville de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Recension des écrits

Caractéristiques de la population itinérante

Dans le but de présenter des résultats pertinents, il est nécessaire d’identifier justement la population concernée de façon substantielle. L’augmentation des connaissances au niveau statistique, comportemental et social, vis-à-vis la population concernée permet de mieux cibler l’impact de cette recherche.

Premièrement, le rapport Point-In-Time de MacKinnnon (2018), a identifié 113 individus sans-abris dans la région de Moncton. Ce nombre ne représente pas le nombre exact de sans-abris dans la région, puisqu’il fait référence aux nombres de répondants à leur questionnaire. Bien qu’il ne s’agisse pas de la population dans son entièreté, les données recueillies sont valides puisque l’échantillon est représentatif de la population d’itinérants. Il est en effet très difficile de prendre en compte chacun des membres, car ce n’est pas tous les sans-abris qui utilisent les centres de services.

On fait référence ici à l’itinérance cachée, qui inclut les individus qui dorment chez des amis ou des connaissances, qui vivent dans leur voiture et qui sont difficilement accessibles pour répondre aux sondages. Parmi ces individus, 61 % sont des hommes, 35 % sont des femmes et 4 % se classent transgenre, two-spirit ou bien genderqueer. Comme mentionné ci-haut, le nombre de jeunes itinérant augmente dangereusement, de telle façon, qu’ils représentent plus de 19 % des sans-abris à Moncton. La plus grosse portion, soit 48 %, est représentée par les adultes de 25 à 49 ans, suivi des ainés représentant 29 %. Puis, finalement, 4 % représentant les 65 ans et plus.

Partout au pays, on remarque une surreprésentation de la population autochtone au sein des communautés itinérantes. Au Canada, 5 % de la population s’identifie comme autochtone tandis qu’ils représentent jusqu’à 30 % des itinérants (Emploi et Développement social Canada, 2019). Cette tendance est aussi observable au Nouveau-Brunswick, où seulement 4 % de la population ont des racines autochtones, mais ces mêmes racines sont représentées à 23 % dans la population de sans-abris. À Moncton, ce pourcentage s’élève à 28 % selon le rapport Point-In-Time de (MacKinnnon, 2018). On identifie aussi une surreprésentation des communautés LGBTQ2+. Selon le rapport PIT canadien, les statistiques de cette surreprésentation sont surtout présentes chez les jeunes itinérants, dont 21 % sont classifiés comme LGBTQ2+. Gaetz et al., expliquent cette situation ainsi :

This is important to note because the persistence of homophobia clearly plays a role in youth homelessness, with sexual minorities being overrepresented in street youth populations, a result of tension between the youth and his or her family, friends, and community. Homophobia by the homeless sector can further oppress this population (2013: 26).

Ceci brosse un portrait détaillé de la population itinérante du Nouveau-Brunswick spécialement de la ville de Moncton. On observe qu’elle comprend à elle seule presque la moitié de la population itinérante du Nouveau-Brunswick.

Causes de l’itinérance

Selon Gaetz et al., l’itinérance est un problème qui résulte de 3 facteurs : « Les causes de l’itinérance reflètent une interaction complexe entre les facteurs structurels, les défaillances des systèmes et les circonstances individuelles. » (2013 : 13). C’est-à-dire que les facteurs structuraux sont les problèmes qui découlent directement des injustices et de l’iniquité sociale et économique actuelle. Ceux-ci englobent toutes les difficultés liées aux services de santé, au faible revenu, aux logements inaccessibles et à la discrimination.

La problématique d’habitation abordable pour les gens à faible revenu est un enjeu immense au Canada. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (2011), pour qu’un logement soit catégorisé comme abordable, il doit refléter au maximum 30 % du revenu total avant taxes. Ceci dit, il est très difficile pour les individus à faible revenu, de trouver un logement respectant la règle du 30 % mentionnée ci-haut. En effet, les gens qui déboursent plus de 30 % de leurs revenus sur un logement courent le risque de devenir sans-abris et se retrouvent dans une situation nommée core housing need, (besoin de logement basique). Présentement, plus de 1,5 million de Canadiens se retrouvent dans cette situation de besoin d’habitation abordable ou de core housing need (Gaetz et al., 2013).

On peut souligner dans ce cas un pouvoir d’hégémonie des gouvernements et des propriétaires d’immeubles de logements. Comme ce sont eux qui détiennent les ressources et l’argent nécessaires à la construction d’habitation, ils peuvent les utiliser à leur gré sans trop d’objections. Le pouvoir d’hégémonie s’explique par le fait que la population accepte les statuts quo des PVI, non pas par violence ou coercition, mais par consentement. En d’autres mots, si le phénomène des PVI existe, c’est en raison de l’acceptation de la population en général. La pauvreté, tout comme l’itinérance, en dit plus par rapport aux riches et aux privilégiés que cela en dit par rapport aux PVI elles-mêmes.

Un autre facteur qui entre en considération, ce sont les problèmes au sein des familles. Selon Johnson & Chamberlain (2011), presque la moitié des itinérants se retrouve dans cette situation due à des liens familiaux rompus à un jeune âge. Les relations avec les parents sont des relations fondamentales qui sont directement liées à une bonne santé mentale, car elles constituent le soutien principal des jeunes. Cela étant dit, lorsqu’un jeune prend conscience de son trouble mental, il trouve souvent difficile de garder ses relations amicales et devient plus dépendant de ses parents. Certains affirment donc que le lien parental est le lien le plus important associé à la capacité de demeurer hébergé (Hawkins & Abrams, 2007). Ceci s’applique aussi lorsqu’un jeune a une orientation sexuelle divergente ou provient d’une culture minoritaire. Ce qui explique la surreprésentation des communautés LGBTQ2+ et celles des personnes autochtones mentionnées ci-haut dans les populations itinérantes.

Finalement, une autre cause principale de l’itinérance est l’abus de substances comme les drogues et l’alcool (Corvinelli, 2012 ; De Vries & Feenstra, 2019 ; Green et al., 2013 ; Gray et al., 2016 ; Koch et al., 2018). Pour certains, il s’agit plus d’un problème subséquent aux troubles mentaux, très présents dans cette population. Quoi qu’il en soit, l’abus de substances est bel et bien un problème d’envergure.

Ces trois facteurs sont les causes principales de l’itinérance dans la grande majorité des pays développés. Moncton n’en fait pas exception. Selon MacKinnnon, (2018), les besoins les plus demandés par les itinérants de la région de Moncton sont : 1) Logements abordables ; 2) Services de santé mentale ; 3) Services d’aide pour abus de substances.

Services disponibles

Note de bas de page 2 :

Les 12 centres comptent 30 bénévoles au total pour l’administration et la gestion de services.

Pour ce qui en est des services disponibles à Moncton, l’auteur MacKinnnon (2018) a identifié 12 centres de services2 pour les sans-abris de la région, à savoir : Cannell House, Crossroads for Women Inc., Greenfield House, Harvest House Atlantic, House of Nazareth, Karing Kitchen, Moncton Hospital, Ray of Hope Soup Kitchen, The Humanity Project, YMCA, Youth Impact et Youth Q.U.E.S.T. Indispensables pour les PVI, ils leur permettent de subvenir à leurs besoins primaires. La majorité d’entre eux offre des repas et un endroit pour dormir ; certains, peu nombreux, procurent des logements de transition aux PVI.

Selon O’Grady et al. (2011), il est primordial d’avoir plus de logements abordables au Canada. Selon l’auteur, il y a un investissement insuffisant au point de vue prévention de l’itinérance, mais aussi en ce qui concerne les services d’urgence, au Canada.

Bienfaits de l’activité physique et le sport

L’activité physique et le sport ont des répercussions positives énormes sur toutes les sphères de la vie. Son impact est bien plus grand que l’on peut penser et ne se résume pas qu’à la santé physique. Ils permettent de se développer en tant qu’humain, de façon spirituelle, tout en améliorant la santé physique, mentale et sociale, entre autres. Le sport est d’ailleurs un véhicule de valeurs et d’habiletés essentielles au maintien du mieux-être, à des niveaux bénéfiques pour l’individu. Il est défini comme étant un processus d’adaptation des comportements qui mène à une amélioration de la santé globale. Le mieux-être permet de créer un équilibre et ainsi influencer positivement notre rôle social et nos activités reliées à ce rôle social. Pour Swarbrick et Yudof (2015) il existe 8 sphères au mieux-être, représentant les aspects physique, spirituel, émotionnel, financier, intellectuel, environnemental et social.

Le mieux-être physique comprend le maintien d’un corps en santé, une bonne nutrition, une pratique régulière d’activité physique, de bonnes habitudes entourant la santé ainsi que l’accès adéquat aux soins de santé. Le mieux-être intellectuel favorise un apprentissage continu, mais aussi l’application et le partage des notions apprises. Le mieux-être environnemental permet de ressentir le sentiment de sécurité, être physiquement en sécurité en ayant accès à de l’air frais, à l’eau, à la nourriture. Ceci touche notre micro- environnement personnel tels que la maison, le lieu de travail et le lieu d’hébergement, mais aussi notre macro-environnement telle que la communauté dans laquelle nous demeurons et tous les aspects de la société dans laquelle nous vivons.

Les concepts d’acceptation sociale et d’inclusion sont des concepts interreliés et importants pour la survie et la réduction de l’itinérance. Le mieux-être spirituel implique d’avoir un but dans la vie et d’en retirer un sens. Cela se définit également par le maintien d’un certain équilibre entre les différents aspects de la vie ainsi qu’un sentiment de paix intérieure. Le mieux-être social est comblé en maintenant des relations saines avec des amis, avec les membres de la famille et les membres de la communauté. Ceci implique aussi la capacité d’avoir à cœur le mieux-être des personnes qui nous entourent de près ou de loin. Le mieux-être émotionnel correspond à l’habileté de démontrer nos émotions, de profiter de la vie, d’ajuster nos émotions selon les épreuves, de gérer le stress et de gérer les expériences traumatiques. Le mieux-être financier est l’habileté à combler nos besoins avec des ressources financières. Ceci peut aussi signifier de posséder les notions nécessaires à la gestion des finances. Puis, dernièrement, le bien-être occupationnel qui implique la participation à des activités qui génèrent un sens et un but à notre vie : ceci inclut l’APS, les emplois, les passions et les passe-temps, entre autres.

Il est important de mentionner que, même si la pratique régulière d’APS n’est évoquée que dans l’aspect physique du mieux-être, ses bienfaits ne se limitent pas qu’à cette sphère. Bien au contraire, la pratique d’activités physiques et sportives, touche toutes les sphères du mieux-être. Pensons-y, pratiquer une APS quelconque avec des gens qui l’apprécient tout autant, dans un contexte positif, a des avantages significatifs. Cela s’applique également et peut-être plus pour les PVI.

Premièrement, l’APS permet de créer des liens de confiance et de se construire un réseau social de meilleure qualité. Elle permet aussi de combler le besoin d’appartenance à un groupe. Selon le World Cup Foundation (2019) le sport permet d’inculquer de la confiance en soi et une image de soi positive. Une personne confiante se sentira alors plus apte à essayer de nouvelles choses, à sortir de sa zone de confort, valorisera ainsi ses besoins, tout en permettant de structurer sa vie de façon plus durable. Selon Gray et al., (2016), la qualité du réseau social d’un individu est primordiale pour son mieux-être mental et physique. Un réseau de qualité contribue au développement de l’autonomie et favorise aussi la capacité de se loger pour les PVI.

L’aptitude de créer une structure dans sa vie est le résultat de plusieurs compétences. La bonne nouvelle est que ces compétences peuvent être apprises en ayant la possibilité de participer à l’APS. On parle ici du suivi des règles écrites et non écrites qui régulent l’APS, en équipe ou en groupe, mais aussi du respect des autres (entraineurs, arbitres, joueurs), de l’engagement envers son équipe, de la gestion du stress, de la gestion du temps et du développement de compétences interpersonnelles (Akyurek et al., 2019). Il est important de souligner ici comment ces habiletés sont liées avec l’amélioration du mieux-être social, intellectuel, spirituel et occupationnel.

Ne sont-ce pas là des avantages dont devraient profiter les PVI ? Ne serait-il pas plus facile et réaliste pour eux de réintégrer la société avec succès, si ces points étaient comblés ? De toute évidence, la pratique d’APS comble le besoin d’occupation positive et affecte ainsi positivement le mieux-être global de la personne, y compris celui des PVI. L’APS permet aussi de réduire l’utilisation de substances illicites.

Selon Corvinelli (2012) et Marshall et al. (2019), l’ennui est un précurseur d’abus de drogues et alcool. Un bon moyen de contrer l’ennui est de pratiquer une occupation positive comme l’APS. L’exclusion est un produit de l’inégalité d’opportunités entre les classes sociales. Même une fois accommodés par les programmes de logement tel que « At home / Chez soi », les PVI n’ont pas pour autant les outils pour développer les compétences nécessaires dans notre société actuelle. Selon les travaux de Claes et al. (2020), les sports, tel que le soccer, ont véritablement permis de développer le capital social des joueurs en situation d’itinérance, tout en rendant plus facile leur intégration dans la société. Les avancements de Roy et al., (2017) affirment aussi que les PVI ont un besoin réel d’occupation positive dans leurs vies. Ils montrent aussi que des professionnels dans le domaine de la kinésiologie permettraient de créer un environnement adéquat, qui faciliterait ainsi la réintégration sociale des PVI. Ceci contribuerait à contrer l’itinérance de façon efficace.

Les constats de Koch et al. (2018) et Scherer et al. (2016) démontrent à quel point la pratique d’un sport permet de venir en aide aux PVI. Les auteurs ont utilisé le Hockey comme occupation positive ; les résultats sont concluants, voire impressionnants. Dans les deux cas, les chercheurs ont développé des programmes de développement sportif pour la population vulnérable de la ville d’Edmonton, au Canada. La participation, au début, était faible, mais elle a rapidement augmenté.

Note de bas de page 3 :

Sherry, 2010; Sherry & Virginia, 2012; Sofija et al., 2018; Stringer et al., 2019.

Les répercussions positives du groupe et de l’environnement sur les PVI participantes ont été nombreuses. En effet, grâce aux réseaux ainsi créés par l’entremise du hockey, les membres avaient l’occasion de partager des opportunités de travail, de se soutenir les uns les autres, de se prodiguer des conseils et de s’encourager mutuellement. Tous ces avantages ont permis ainsi aux PVI membres du programme de hockey sur glace de se développer, d’acquérir des compétences sociales importantes pour réintégrer la société et demeurer logées. Plusieurs autres études de la sorte ont été menées par des chercheurs ailleurs. Tous ont rapporté des résultats positifs et ont souligné les APS comme un outil pour contrer l’itinérance.3

L’effet de l’exclusion des itinérants

Note de bas de page 4 :

Sherry, 2010; Sherry & Virginia, 2012; Sofija et al., 2018; Stringer et al., 2019.

L’itinérance a des impacts négatifs sur la société. Plusieurs chercheurs4 affirment que cette problématique qu’est l’itinérance accentue le phénomène de l’exclusion. Les personnes vivant dans les rues ou dans des refuges font constamment face au phénomène d’un sentiment d’exclusion sociale et des situations de marginalisation. Cette résiliation sociale existe principalement, car les compétences nécessaires pour une vie réussie chez les gens ayant un logement sont complètement différentes de celles qui préoccupent les gens sans logement.

Selon Marshall & Rosenberg (2014), il existe chez les sans-abris des housed skills et des street skills ; c’est-à-dire des compétences de rue versus des ardeurs traditionnelles. Les gens logés doivent être en mesure de faire certaines tâches spécifiques telles que : la cuisine, le lavage, l’entretien ménager tout en assurant l’obtention et le maintien d’un emploi (Tsang et al., 2013). Ces tâches représentent des fonctions reliées au mode de vie logé, ce qui correspond aux housed skills. Les itinérants, au contraire, doivent développer des tâches différentes dans le but de survivre. Faire le ménage et le lavage ne sont pas pertinentes pour leur style de vie. Au contraire, savoir construire des abris, vivre en collectivité dans les refuges et reconnaitre les opportunités et comportements afin de financer leurs besoins de base par la mendicité sont essentiels. La mendicité comprend, entre autres, le travail sexuel, la collecte de bouteilles ainsi que l’action de demander de l’argent aux passants. Ces tâches représentent les street skills (compétences de rue). Ces comportements dégradants peuvent avoir un lien direct avec la diminution de l’estime de soi, de la valorisation de soi et une augmentation de la victimisation et de l’abus de substances illicites (Roy et al., 2014).

On observe aussi la création d’une nouvelle identité chez les itinérants en tant que sans-abris ou personnes de rue, d’autant plus que, selon les auteurs Koch et al. (2018), l’identité est un facteur très important à prendre en compte, surtout chez les itinérants masculins, puisque ce mode de vie ne valide que faiblement leur masculinité. Cette invalidation peut amener une augmentation des crimes et de la violence, afin de prouver une certaine masculinité perdue. Or, on estime que cette distance sociale ainsi créée produit des stéréotypes et des généralisations altérant le jugement et la manière de percevoir les gens provenant des autres classes sociales. Ce principe peut être observé autant chez les sans-abris que chez les gens de classes sociales supérieures.

Selon (Johnstone et al., 2015), les PVI subissent une exclusion démesurée. C’est aussi cet environnement de stigmatisation qui limite les PVI à vivre des expériences enrichissantes et restreint leurs opportunités à se joindre à des groupes qui auraient un impact positif sur leur mieux-être. Selon les auteurs, une personne exclue est une personne qui se sent rejetée. Ce sentiment de rejet influence la perception que l’individu a de lui-même. L’individu rejeté forge alors son identité sur cet aspect (stigma) et l’individu est porté à créer des liens avec des individus qui alimentent cette identité négative. Ceci nuit au mieux-être de la personne et à son développement personnel tout en réduisant les opportunités d’interactions sociales positives et saines.

Le rôle de la kinésiologie pour contrer l’itinérance

Selon le Kinesiology Act de 2007, en Ontario, la kinésiologie est définie comme la science de l’évaluation du mouvement humain, ainsi que de la performance et de la réhabilitation, dans le but de maintenir, rétablir ou améliorer la performance (Gouvernement de l’Ontario, 2007). Les kinésiologues sont des professionnels de la santé et de l’entrainement. Leur rôle est de promouvoir l’activité physique et ses nombreux bienfaits. Selon ces professionnels, l’APS est un médicament sous-estimé, et bien entendu, sous utilisé ou exploité.

Ainsi, les kinésiologues peuvent aider à instaurer des programmes et produire des évènements sportifs inclusifs et bénéfiques aux PVI. Ils seraient aussi en mesure d’appliquer les principes de l’entrainement et d’optimiser les résultats des participants.

On se rend vite compte que l’APS est un outil non négligeable pour la problématique de l’itinérance, autant à Moncton qu’ailleurs. Il va de soi que les kinésiologues occupent une place de choix au sein des équipes interdisciplinaires qui traitent le problème social de l’itinérance. Une équipe interdisciplinaire est une équipe composée de plusieurs professionnels de la santé, travaillant à l’unisson sur un problème ou un cas commun. Il s’agit d’une façon efficace de régler des problèmes complexes puisque chacun amène un point de vue ou une idée axée sur leur spécialisation. Tous ces points de vue permettent de générer un plan adéquat dans le but de régler efficacement le problème. Ceci permet de mieux comprendre tous les aspects possibles, qui sont difficilement identifiables si l’on travaille seul.

Aussi, étant donné la complexité de la situation de l’itinérance à Moncton, il sera avantageux de développer une équipe interdisciplinaire incluant des kinésiologues.

Méthodologie

Dans le but d’améliorer nos connaissances sur la situation réelle de l’itinérance à Moncton, nous avons planifié une entrevue semi-dirigée avec un membre ayant déjà fait partie de plusieurs associations clés de la ville, préoccupée par le phénomène grandissant de l’itinérance. Cette entrevue avait pour but d’améliorer nos connaissances en matière de services, de plan stratégique et de ressources dont font preuve les organismes de la région, ainsi que sur les besoins réels des gens en situation d’itinérance dans la ville de Moncton. Rappelons ici que le but de ce travail n’est pas seulement d’identifier les bienfaits de l’APS pour contrer le phénomène de l’itinérance à Moncton, mais surtout d’évaluer si un projet d’APS pour les itinérants est possible et même voulu.

Nous avons premièrement complété une demande éthique qui a été soumise au Centre de recherche en kinésiologie sport loisir et vie saine (CRKSLVS). Un guide d’entrevue fut établi. Ensuite, une lettre de sollicitation fut envoyée à notre participante. Celle-ci l’a retournée signée par la suite. Ceci nous a donc permis de compléter l’entrevue pour ensuite procéder à la transcription et à l’analyse des données recueillies.

La personne ciblée de ce projet de recherche est un ancien membre des associations suivantes : Greater Moncton Steering comitee, clinique Salvus et YMCA. Son poste au sein des associations était celui de coordinatrice du développement communautaire.

Les restrictions imposées par le COVID-19 n’ont permis l’échantillonnage que d’un seul individu. Malgré ce fait, les données recueillies sont suffisamment exhaustives pour répondre à la question de recherche. Les données utilisées ont été obtenues par l'entremise d'une entrevue semi-dirigée à questions ouvertes. Le guide d’entrevue comprenait 15 questions ouvertes. L’entrevue s’est déroulée via le logiciel TEAMS et a duré un total minimum de 50 minutes. Avant de commencer l'entrevue, l'intervieweur avait présenté à la participante le formulaire d'information et de consentement. Le guide d'entrevue comprenait une introduction dans laquelle était incluse une brève explication du déroulement de l'entrevue, puis s’ensuivaient les 15 questions liées à la problématique de recherche.

Le but principal de cet entretien était de faire ressortir les éléments essentiels qui touchent à la planification d’évènements APS pour les PVI, dans la ville de Moncton. Comme l’objectif est l’implantation d’un tel évènement dans un futur rapproché, il était important de savoir quels sont les services et ressources disponibles, quels sont les limites et les obstacles possibles, mais aussi quel est le niveau d’intérêt des PVI et des personnes en position de gestion et d’autorité sur le sujet. À l’aide du guide d’entretien, nous avons aussi tenté d’en apprendre plus sur le niveau de connaissances des organismes déjà en place à Moncton, sur les bienfaits de l’APS. Nous souhaitions aussi savoir s’ils avaient déjà pensé à incorporer l’APS comme solution pour contrer l’itinérance. Puis, finalement, nous voulions en savoir plus sur les services déjà installés et leur fonctionnement réel.

En somme, la méthode choisie et articulée au sein de cette recherche a permis de mettre en évidence la réalité de la situation de l’itinérance à Moncton. Bien qu’une seule personne ait été interrogée, l’entretien a permis d’aller chercher les données nécessaires pour faire la lumière sur les PVI de Moncton. La personne en question nous a fourni des informations de grande qualité, auprès de ce qui a permis d’évaluer efficacement la possibilité d’implanter des activités d’APS auprès de la population itinérante de Moncton.

Résultats

L’entrevue semi-dirigée réalisée avec la coordinatrice du développement communautaire du programme du YMCA, également membre de la direction de la clinique Salvus à Moncton, nous a permis de faire ressortir les résultats suivants par rapport aux possibilités de contrer l’itinérance à Moncton par la mise en œuvre d’un programme d’APS pour les PVI.

Note de bas de page 5 :

Nom fictif pour protéger son anonymat.

Premièrement, les raisons qui engendrent l’itinérance à Moncton sont mal comprises et empreintes de préjugés. En effet, l’une des causes majeures, souvent négligée, de l’itinérance à Moncton, est reliée aux jeunes qui subissent des traumatismes infantiles et qui vivent des situations familiales difficiles. Selon Cassandra LeBlanc5 cela permet de mieux comprendre la population itinérante de Moncton :

Ils croient vraiment que ces personnes ont choisi leur situation. Ils ne comprennent pas que, comme à Moncton en particulier, une grande majorité des personnes qui vivent l’itinérance sont des enfants qui étaient autrefois dans le système de placement familial (maison d’accueil) et qui ont été retirés de foyers très violents et qui ont ensuite été abandonnés à l’âge adulte pour être forcés de simplement errer dans les rues (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Malheureusement, ces enfants doivent avoir recours à des familles d’accueil. Or, « pendant leur séjour en famille d’accueil, ils ne reçoivent pas de soutien adéquat pour faire face aux traumatismes et aux mauvais traitements. Souvent, la dépendance devient une réponse et même l’incarcération devient des sources de confort ou de sécurité ... » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

La société ne semble pas associer les traumatismes comme précurseurs de dépendances - la croyance générale étant que l’abus de substance est un choix personnel. Ce n’est pourtant pas toujours le cas. Selon notre participante, Cassandra : « la dépendance est en fait le résultat d’un traumatisme de l’enfance » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Or, les individus en situation d’itinérance pris en charge par les organismes du YMCA, du The Greater Moncton Homelessness Steering Committee (GMHSC) ou le Comité directeur des sans-abris du Grand Moncton ainsi que de la clinique Salvus, semblent s’intéresser aux activités sportives et en équipe. En effet, selon notre participante, les itinérants de la région de Moncton paraissent apprécier ce type d’activités (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Elle affirme aussi que les PVI de Moncton, apprécient particulièrement le basketball, le frisbee, le bowling, l’entrainement en salle de gym ainsi que le pickelball (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

L’entrevue nous a aussi permis de comprendre un autre aspect de la situation. Cassandra explique dans la citation suivante que, malgré la volonté de participer et de s’impliquer dans l’APS, il apparaît que la santé des PVI les empêche d’en profiter :

Cependant, compte tenu de leur situation et des facteurs décroissants de leur santé, il est très difficile pour eux d’avoir une quelconque endurance. Donc, je pense qu’il y a un intérêt pour le sport et la santé, mais encore une fois, le problème sous-jacent est que leur santé se détériore, de sorte qu’ils ne sont peut-être pas en assez bonne santé pour commencer à pratiquer des APS (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

La santé physique est donc un obstacle chez les PVI, mais aussi pour les organismes qui tentent d’inclure l’APS comme outil. Outre cela, les organismes sont aussi limités en matière de ressources financières. Ainsi, Cassandra explique dans le commentaire qui suit qu’il est difficile de demander aux agences d’allouer des ressources pour l’APS quand les individus n’ont même pas d’hébergement fixe.

... Lorsque vous n’avez pas de revenu ou de revenu fixe, il est très difficile de faire pression pour qu’une agence paie de l’argent pour un abonnement à un gymnase plutôt que de payer de l’argent pour quelqu’un que vous connaissez, confronté à une expulsion de maison ou à un besoin d’aller dans un centre de réadaptation.... (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Cassandra ajoute aussi que les PVI sont constamment en mode de survie. Ils font donc face à plusieurs problèmes et tentent de combler en priorité leurs besoins basiques. L’APS n’est donc pas leur priorité.

... ils sont coincés dans un mode de survie qui consiste simplement à essayer de déterminer où je vais manger, si je peux nettoyer mes vêtements, s’il y a accès à des douches et où je dors ce soir. Et donc, quand votre vie est coincée dans ce cycle, vous n’avez pas la possibilité de regarder plus loin que cela (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Les PVI ont très difficilement accès à un endroit pour dormir, à de la nourriture et même à des services de soins de base. Ce sont donc ces besoins principaux qui doivent être comblés avant d’envisager la pratique régulière d’un sport. Pour Cassandra, il est évident que les PVI n’ont pas les moyens d’assister à des évènements d’APS de façon régulière.

Donc, encore une fois, bien que nous en voyions les avantages, financièrement, il est très difficile d’aider les gens à s’engager dans ces choses.... ou s’ils sont dans un refuge ou dorment dans la rudesse, il est très difficile pour eux d’être, je suppose, en mesure d’accéder à des services comme le gymnase parce qu’ils ne sont pas en mesure de se doucher avant et encore (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Beaucoup d’obstacles entrent en jeu lors de la pratique d’APS pour cette population vulnérable. On mentionne ici la santé physique et les ressources manquantes tant au niveau des PVI elles-mêmes, qu’au niveau des organismes qui luttent contre l’itinérance. Mais ce n’est pas tout. Les PVI doivent aussi gérer les rencontres de groupes. « Lorsque vous vivez l’itinérance, vous n’avez pas de calendrier, vous ne savez même pas souvent quel jour c’est et il est donc très difficile pour les gens de respecter leur rendez-vous. » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020)

Ce type de problème n’est pas observé uniquement dans le cas des activités sportives, mais aussi pour tous les types de rendez-vous. Ce sont surtout les rencontres avec les psychologues ou professionnels de la santé qui sont problématiques : « C’est comme une attente de 2 semaines ou parfois c’est comme un an d’attente » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Or, le problème, majeur, est que les opportunités pour les PVI, d’utiliser les services, sont d’une durée limitée.

Parce que nos services sont si mal configurés, nous n’avons aucune sorte d’intervention similaire qui peut se produire comme en cas d’urgence. Comme je l’avais dit, les travailleuses du sexe qui voulaient avoir accès à la désintoxication et faire face au traumatisme de leurs abus, n’est-ce pas, et la fenêtre d’opportunités se produit, peut-être que leur proxénète n’est pas là et qu’ils expriment qu’ils veulent y aller. Et donc nous pouvons faire de notre mieux pour appeler aux services de désintoxication, savoir s’il y a un lit disponible, appeler la santé mentale, mais il n’y a rien qui est disponible pour une intervention dans un délai raisonnable. Je ne peux pas appeler quelque part et être comme oui, viens ici dans 2 heures et nous pouvons t’aider (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Sans compter que les services leur sont restreints et que les pourvoyeurs de services ne font guère preuve de compréhension à leur égard :

... lorsqu’ils manquent leurs rendez-vous, ils sont alors mis sur liste noire. Ils sont comme si eh bien, ils ne se sont pas présentés, donc ils ne sont plus une priorité. Il n’y a aucune compréhension du fait que les personnes qui vivent l’itinérance qu’elles n’ont pas comme un réveil, elles n’ont pas de calendrier, elles n’ont pas d’agenda (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Les services de psychologie sont donc très difficiles d’accès, d’autant plus que les professionnels ne sont pas sur place et les mesures mises en place ne sont pas adaptées à leurs besoins PVI. Cassandra commente :

Alors que la santé mentale prétend être ouverte à rencontrer les gens là où ils sont, la réalité est qu’ils refusent de rencontrer des gens dans des endroits comme les refuges et dans la rue à cause de la stigmatisation de quand vous allez dans un bureau ou quoi que ce soit ; il est très difficile pour les personnes qui ne sont pas bien, d’abord d’identifier qu’elles sont malades et ensuite d’avoir assez de courage pour entrer dans un bâtiment parce que souvent dès que dès que vous êtes malade... Ils entrent, on leur dit de partir parce que la sécurité ou quoi que ce soit supposé qu’ils soient à… vous savez, utiliser les toilettes ou essayer de trouver un endroit où ils peuvent dormir (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

La marginalisation et les préjugés entrent alors en jeu et cela affecte la remise sur pied des PVI. En effet, l’un des préjugés avec le plus de conséquences est celui selon lequel les PVI sont tous des individus qui abusent de drogues et alcools. C’est d’ailleurs à cause de cela que les services leur sont si limités. La remarque suivante de Cassandra démontre que les stéréotypes des PVI sont mis en avant-plan et que ceci affecte leur accès aux services et donc affecte leur réadaptation :

L’autre problème qui se produit un peu en ce qui concerne la santé mentale est souvent les personnes qui sont dans une dépression ou dans une crise psychotique ; on suppose que cette crise est induite par la drogue et bien qu’il ait été documenté que la toxicomanie est un problème de santé mentale ... Donc, le problème quand on regarde les situations à Moncton à l’heure actuelle, c’est que de nombreuses personnes qui vivent l’itinérance souffrent de santé mentale ; elles ont aussi des dépendances, elles ont aussi des maux physiques et souvent, lorsqu’elles essaient d’accéder à des services, que ce soit pour la santé mentale ou pour leur propre santé physique, la toxicomanie est ce que les gens identifient d’abord et ensuite on leur refuse des services. C’est ça le vrai problème (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Cassandra donne ainsi un exemple de services d’urgences refusés en raison de préjugés concernant la prise de substances des PVI : « Nous avons littéralement eu des gens qui ont été examinés à l’hôpital avec des côtes cassées et des hanches cassées et parce qu’ils ont été identifiés comme un consommateur de drogue, ils n’ont pas été traités » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Elle ajoute aussi que ces erreurs et ces refus de services aux PVI sont irrémissibles : « Nous obtiendrions une note d’échec pour ce que nous faisons à nos citoyens les plus vulnérables » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Pourtant, les agences qui viennent en aide aux PVI semblent être au courant des bienfaits que peuvent apporter le sport et l’activité physique : « La plupart des organismes sont conscients des avantages et je sais que, dans mes rôles précédents, nous en étions conscients. Le problème est toujours celui des ressources et du financement. La plupart des organismes sont conscients des avantages et je sais que, dans mes rôles précédents, nous en étions conscients. Le problème est toujours celui des ressources et du financement. » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Ils comprennent les bénéfices sociaux de l’APS : « Il y a toujours eu une conversation sur ce que nous faisons avec le problème de l’isolement social lorsqu’une personne quitte l’itinérance pour se loger et essayer d’identifier des activités communautaires. Les sports de groupe peuvent être bénéfiques à la fois physiquement mais aussi mentalement » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). La participante ajoute aussi que : « Donc, être capable d’être actif dans une équipe fournit l’inclusion et toutes les choses dont nous avons besoin dans une communauté souvent, en particulier pour les personnes en situation d’itinérance, ... » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Enfin, elle exprime l’importance que revêt le sentiment d’appartenance et d’inclusion sociale des PVI dans leurs parcours de rémission :

J’ai l’impression que lorsque nous avons vu des succès avec des individus, cela a toujours été quand ou du moins une partie de cela a été quand ils ont été en mesure de s’identifier au sein d’une communauté ... Donc, je pense que c’est comme une chose super importante à toujours se rappeler, comme lorsque les gens peuvent se voir et voir qu’ils appartiennent à un endroit où ils sont plus susceptibles de sortir pour progresser (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Malheureusement, ces types d’activités sportives ne voient pas le jour au sein des associations car ces associations qui luttent contre l’itinérance n’ont pas les ressources nécessaires. De plus, les « les travailleurs sociaux sont tout simplement trop débordés par leur charge de travail » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020). Cassandra affirme cependant qu’une grosse partie des efforts déployés par les organismes, à Moncton, sont consacrés à la création d’unités de logement de transition. Ces unités sont utilisées pour permettre la transition d’un refuge à un logement ou d’une institution d’incarcération vers un refuge. Présentement, à Moncton, trois organismes offrent de tels services : le YMCA et le John Howard Society qui possèdent des unités de transition. Pour sa part, la clinique Salvus possède des unités de logement accompagnées par les pairs. Ce dernier type de logement est similaire au logement de transition, mais est plus axé sur l’adaptation au style de vie de « personne logée » (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Selon Cassandra la combinaison d’APS aux services de logements de transition serait la plus profitable pour les PVI.

Je pense que si vous examinez les personnes qui sont récemment passées de l’itinérance au logement, c’est votre groupe avec lequel vous auriez probablement le plus de succès, en particulier ceux qui travaillent avec des endroits comme la clinique Salvus, la Société John Howard du YWCA parce qu’ils ont des gestionnaires de cas qui seraient en mesure de les amener à des événements et encore une fois augmenteraient l’inclusion qu’ils recherchent (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Pour notre interviewée, il est aussi important d’inclure des activités APS pour les PVI avec des membres qui ne font pas partie de leur situation.

Il y a plus de chances d’avoir du succès ... parce qu’ils ne sont pas entourés d’autres personnes dans la même situation, comme s’ils pouvaient le voir comme des aînés à la retraite ou, comme vous le savez, des couples professionnels ou quoi que ce soit d’autre. Avoir cela autour d’eux peut les aider à commencer à envisager leur vie un peu différemment et cela peut aussi aider les gestionnaires de cas à être en mesure de dire que vous avez ce potentiel d’être cela aussi. Donc, ce serait la même chose, je pense que ce serait la même chose dans un environnement sportif ou si vous aviez des personnes qui venaient de l’itinérance comme vous le savez, et que vous aviez d’autres personnes comme des professionnels qui travaillent ou ce que vous avez dans cette même équipe, cela devrait créer cette capacité de me voir comme quelqu’un de différent (C. LeBlanc, communication personnelle, 21 décembre, 2020).

Dans cet extrait, elle montre que faire se côtoyer des PVI avec des personnes ayant du succès, engendre la motivation et un changement d’habitudes de la part des premiers et qu’il est donc plus efficace de mélanger PVI et non PVI.

Pour conclure cette section, plusieurs constats ont été repérés par rapport au potentiel et aux bénéfices de la pratique d’APS pour les PVI. Premièrement, il y a bel et bien un intérêt, non seulement de la part des PVI mais aussi des organismes, quant à l’intégration de programmes d’APS dans le plan stratégique pour contrer l’itinérance. Deuxièmement, l’élément limitant pour concrétiser un tel projet est la disponibilité des ressources financières. Troisièmement, l’entretien avec Cassandra a permis de mieux cerner la réalité des PVI de la région de Moncton. Le point le plus marquant est que celles-ci ont très difficilement accès aux services pour de multiples raisons.

Finalement, les bienfaits de l’APS semblent être connus par les organismes de la région de Moncton. Cependant, ceux-ci souhaitent combler les besoins les plus prioritaires auxquels font face les PVI. Il est alors difficile pour les organismes de céder une partie de leur revenu/ressources à des activités qui ne comblent pas les besoins les plus essentiels des PVI. Pour l’instant, l’APS pour les PVI semble être réaliste s’il est combiné à des programmes de logement, tels que housing first. Il existe 3 programmes de la sorte à Moncton, soit le Housing first (de la société John Howard ainsi que du programme YMCA), le Housing first model (de la Clinique Salvus) ainsi que le programme Supported Housing (de la Clinique Salvus).

Tous ces programmes ont pour but de combler les besoins de base des individus vivant dans les rues de la ville de Moncton. En effet, ils permettent ainsi aux itinérants de profiter des bienfaits d’un logement ainsi que de certains services leur permettant, plus facilement, de faire la transition vers un style de vie « logé » et ainsi de mieux réintégrer la société et subvenir à leurs besoins de façon autonome. Les PVI participant à ces programmes sont donc encadrés et peuvent plus aisément s’engager dans des activités APS qui nécessitent une présence régulière.

Analyse et discussion

Les données recueillies par l’entretien permettent de mieux comprendre la position des gestionnaires et des personnes en position d’autorité face au phénomène des PVI de Moncton. L’itinérance a d’importantes répercussions sur la société tout comme la société a d’énormes répercussions sur l’itinérance.

Premièrement, l’itinérance affecte la société de façon plus subtile mais tout aussi importante. Le fait qu’une portion de la population se retrouve sans logement, accentue la distance sociale entre les classes. Il y a alors création de pôles extrêmes, élargissant ainsi l’étendue entre les classes sociales les plus hautes et les plus bases. Ceci affecte considérablement la perception qu’ont d’eux- mêmes les individus, considérés comme étant au bas de l’échelle sociale. Ceci engendre une faible image de soi et ainsi affecte grandement leur bien-être. D’ailleurs, comme mentionné auparavant, avec la théorie de l’autodétermination, une bonne image de soi et un bon entourage permettent aux individus de se dépasser et d’accomplir leurs objectifs de vie personnels. Cette augmentation de la distance sociale alimente les stéréotypes, les préjugés mais aussi l’exclusion des PVI. Ceci peut être observé de façon plus concrète lors de la construction d’infrastructures immenses, attirant des milliers de touristes, à des fins de divertissement, tout près des communautés d’itinérants. Il s’agit d’une situation de plus en plus commune.

Note de bas de page 6 :

Activistes et intervenants d’organismes communautaires à Edmonton.

Par exemple, un incident dévastateur est survenu en 2013. La ville d’Edmonton dans la province de l’Alberta s’est associée à un groupe nommé Katz Group dans le but de construire une nouvelle aréna de 606.5 millions de dollars, dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, ce qui déclencha d’innombrables objections de la part des habitants et de la communauté d’itinérants (Scherer, 2016). Selon les observateurs communautaires6 cette disposition confirme une mauvaise prise en compte de l’itinérance de la part des dirigeants qui ne voient que les avantages économiques du projet de construction. Malheureusement, les décisions pour améliorer la problématique de l’itinérance sont souvent mises de côté pour, finalement, augmenter l’économie et la démographie. Cependant, en investissant d’avantage dans les services communautaires dans le but d’améliorer la problématique de l’itinérance, l’économie et la démographie en seront affectés tout aussi positivement. Il y a alors création d’un retour sur investissement. Ce qui suscite une solution gagnant-gagnant, c’est-à-dire profitable pour les PVI ainsi que pour les entrepreneurs.

Deuxièmement, la société joue un rôle non négligeable sur l’itinérance car elle contribue grandement à l’exclusion des itinérants. Cette exclusion est l’un des facteurs les plus préoccupants, le pilier de la problématique. Cela explique pourquoi les services de soins, les opportunités d’occupations positives et la compassion des autres sont si difficilement accessibles pour les PVI. C’est aussi la raison pour laquelle les PVI se voient refuser l’accès aux ressources, aux rues publiques, aux terrains publics ou à tout établissement public, et ce, au péril de leur mieux-être, de leur santé mentale et physique.

De façon positive, on souligne cependant, une entraide des riches envers les pauvres avec la création d’organismes venant en aide aux PVI de Moncton. Marshall et al., (2019) affirment que l’exclusion sociale et l’oppression dont ils font l’objet peuvent être des facteurs non négligeables et restreignent leurs occupations : « Le taux élevé de maladie mentale et de lésions cérébrales traumatiques chez les sans-abris peut placer cette population à un risque particulier d’éprouver de l’ennui par traits » (p. 335).

Fait important ; selon Corvinelli (2012) les individus qui affirment n’avoir rien à faire sont plus susceptibles d’utiliser drogues et alcool pour gérer l’ennui. Une réalisation similaire fut soulignée par les auteurs précédents. Effectivement, l’abus de substances illicites est un problème majeur dans cette population. Nous savons que la prise de drogues libère de la dopamine et que c’est ce qui procure cette sensation de mieux-être si désiré chez les consommateurs. Or, la dopamine est aussi sécrétée naturellement par le corps après la pratique d’activité physique. Ce qui renforce l’utilité des sports chez les sans-abris dans le processus de transition vers un logement stable.

Comme mentionné précédemment, la pratique d’activités physiques et sportives pour les PVI devrait inclure majoritairement des gens qui ne sont pas en situation d’itinérance. Ceci contribuerait à augmenter considérablement leurs chances de maintenir un logement et de réintégrer la société avec succès. En incluant des évènements d’APS dans les programmes de logement prioritaires, on augmente donc les chances de réussite quant au logement permanent des PVI. Les risques de rechute sont diminués et l’efficacité du programme augmente. Parallèlement, ceci fait qu’une PVI n’a pas à réutiliser le service plusieurs fois avant de pouvoir réintégrer la société avec succès. Les coûts sont alors réduits puisque chaque PVI qui réintègre la société n’a plus à utiliser de services de logement, d’hébergement. Ceci contribue grandement à réduire les coûts si l’on applique ce principe à plusieurs PVI. Les économies pourront être réinvesties afin de créer un retour sur investissement.

L’APS permet de rendre les programmes plus efficaces, ce qui réduit le nombre de rechutes et permet de traiter un plus grand nombre de PVI. La somme ainsi sauvée peut-être réinvestie dans l’amélioration des services et l’implantation de programmes d’APS dans d’autres programmes, à Moncton, les rendant encore plus efficaces. Des économies considérables sont réalisées puisque le programme offre une solution permanente et non temporaire.

Conclusion / Recommandations

En somme, notre travail souligne l’efficacité de l’APS comme un élément moteur dans l’intégration sociale des itinérants et dans la transition vers un logement stable. Il met aussi en avant l’exclusion que leur fait subir la société et les effets néfastes qu’elle produit sur leur santé mentale. Le sujet de l’itinérance peut générer une prise de conscience des citoyens car le simple fait d’observer autrui dans une situation pire que la sienne peut amener à réaliser à quel point celle que vivent quotidiennement les itinérants est pire que celle qu’ils vivent eux-mêmes.

Nous vivons dans un monde où tout est comparaison et discrimination, où nous sommes classés selon notre capital social, capital financier et capital intellectuel qui déterminent nos privilèges et notre statut de dominants ou de dominés. Inclure des activités entre des personnes qui ne sont pas en situation d’itinérance et d’autres qui le sont contribuerait à une diminution marquée des préjugés et de l’oppression sociale des PVI de la ville de Moncton.

Autres versions
Pour citer ce document

Sonier, C. et Leblanc, R. G. (2021). Les Homeless Games : contrer l’itinérance des personnes aînées par un programme d’activités physiques et sportives. Trayectorias Humanas Trascontinentales, (11). https://doi.org/10.25965/trahs.3894

Auteurs
Catherine Sonier
Catherine Sonier est une finissante du Baccalauréat en kinésiologie de l’École de kinésiologie et de loisir à l’Université de Moncton. Elle poursuit ses études en médecine. Ce projet de recherche fut réalisé dans le cadre de son mémoire de fin d’étude à l’Université de Moncton
École de kinésiologie et de loisir
Faculté des sciences de la santé et des services communautaires
Université de Moncton, Canada
https://orcid.org/0000-0003-0720-3540
ecs5296@umoncton.ca
Roger G. Leblanc
Professeur agrégé École de kinésiologie et de loisir ; membre du comité de mieux-être, vice-président externe du bureau de direction de l’Association des bibliothécaires, professeures et professeurs (ABPPUM), membre du comité de Mieux-être de la région du sud-est (MOMENTA), du comité de l’autochtonisation, professeur conseillé du groupe PRISME, Codirecteur du Pôle de recherche interdisciplinaire sur les diversités et l’équité (PRIDE), et membre du Kaléidoscope (Université de Moncton). Docteur en Philosophie de l’École nationale d’éducation physique, de sport et les sciences de l’exercice, University of Otago, Nouvelle-Zélande (2004). Membre de l'équipe de collaborateurs scientifiques de la Chaire Kino-Québec. Certifié par le American Wellness Institute (2012). Récipiendaire de la Chaire de recherche sur le Canada à l’Université de Poitiers en France. Bénéficiaire des Bourses Poitiers-Moncton et Yad Vashem en Israël. Personnalité émérite de la semaine Radio-Canada ; a obtenu le Prix Paul Harris du Club Rotary International et la Médaille de Paix du YMCA.
École de kinésiologie et de loisir
Faculté des sciences de la santé et des services communautaires
Université de Moncton, Canada
https://orcid.org/0000-0003-1995-6988
roger.g.leblanc@umoncton.ca
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