Bien-être, bien vieillir entre marketing et enjeu sociétal : la création d’une marque porteuse de sens Well-being, aging well between marketing and societal issue: the creation of a meaningful brand

Alexandra Tournay 

https://doi.org/10.25965/trahs.3916

Depuis 1962 et le rapport Laroque, deux sociologies distinctes découlent des politiques sociales : celle de la vieillesse sous l’angle de la maladie d’une part et de la pauvreté d’autre part (Weber, 2017 : 115). Or, durant ce dernier demi-siècle, on repère comme phénomène social : l’augmentation « de l’espérance de vie sans incapacité » (Weber, 2017 : 116).
Parler respectivement du vieillissement de la population et du marketing, n’arbore, à première vue, aucune sorte d’originalité. Force est de constater qu’il est en tout autre quand il s’agit d’allier les deux : marketing et vieillissement, avec les signifiants du bien-être et de la consommation responsable.
Partant du principe des bienfaits de la RSE et du marketing du bien vieillir, la communication présentera le concept d’une marque qui regroupe des produits et des services, en lien avec le bien-être, adaptés aux seniors, destinée à garantir la qualité de ces derniers : le Made in France socialement responsable.

Since 1962 and the Laroque report, two distinct sociologies have emerged from social policies: that of old age in terms of illness on the one hand and poverty on the other (Weber, 2017: 115). However, during the last half-century, we have seen as a social phenomenon: the increase in "disability-free life expectancy" (Weber, 2017: 116).
Talking about the aging of the population and marketing, respectively, is, at first glance, in no way original. It is clear that it is quite different when it comes to combining the two: marketing and aging, with the signifiers of well-being and responsible consumption.
Based on the principle of the benefits of CSR and the marketing of aging well, the communication will present the concept of a brand that brings together products and services, related to well-being, adapted to seniors, intended to guarantee the quality of the latter : socially responsible Made in France.

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Introduction

Les conséquences du marketing ont fait émerger des notions autour du développement durable, de la responsabilité sociale des entreprises… Rappelons-le : « l’homme est aujourd’hui confronté à un effritement de la biodiversité terrestre » (Frankel, 2016 : 7). Depuis 1962 et le rapport Laroque, deux sociologies distinctes découlent des politiques sociales : celle de la vieillesse sous l’angle de la maladie d’une part et de la pauvreté d’autre part (Weber, 2017 : 115). De même, durant ce dernier demi-siècle, on repère comme phénomène social : l’augmentation « de l’espérance de vie sans incapacité » (Weber, 2017 : 116). Partant, parler respectivement du vieillissement de la population et du marketing, n’arbore, à première vue, aucune sorte d’originalité. Force est de constater qu’il est en tout autre quand il s’agit d’allier les deux : marketing et vieillissement, avec les signifiants du bien-être et de la consommation responsable.

Ce sont leurs conceptualisations qui permettent d’alimenter, d’harmoniser, de sélectionner et donc d’innover. Un point commun les lie : celui du bien-être que l’on retrouve dans la majorité des notions réunies ici. C’est pourquoi, dans une première partie, il convient d’abord de revenir à ce concept ancestral, pour mieux appréhender son usage moderne. Puis, il semble utile d’aborder le marketing : de son rôle « initial » à celui de « responsable ». Une deuxième partie sera consacrée à son adaptation au vieillissement et les principes clés qui s’ensuivent, pour créer une marque porteuse de sens dont les valeurs seront étayées par une description laconique des pivots constitutifs du projet. Cette dernière s’attachera à la mettre en exergue avec un marché : celui des jeunes seniors, situé dans l’ajustement de l’avancée en âge ; et la RSE comme levier éventuel préventif pour compenser « les pertes » liées à la crise sanitaire.

I. Du bien-être au marketing

1.1. L’origine du bien-être

Le bien-être, notion complexe et aux approches divergentes (Julió, 2017 : 81) voire complémentaires des disciplines qui l’étudient, nous renvoie d’abord, aux philosophes grecs : Aristote, Epicure, Socrate, Aristippe de Cyrène, Platon…pour ne citer qu’eux. Ainsi, en ressort de la littérature, les principales assises dualistes de l’hédonisme et de l’eudémonisme, permettant, par « des conceptions » distinctes (Graillot, 2021 : 12), de définir le concept du bien-être. Considérant que l’apport ne se limite pas qu’à cela, nous n’en survolerons qu’un fragment des enseignements de cet édifice pour mieux les distinguer.

Sous l’angle hédoniste, le bien-être, dont le tourment s’élude par la recherche du « bonheur et du plaisir », est nommé subjectif (Kahneman et al., 1999, cité par, Hallem et al., 2020 : 134). Cette notion s’évalue, entre autres, d’un point de vue « affectif » d’une part et « cognitif » d’autre part, de son existence (Diener et al, 1995, cité par, Hallem et al., 2020 : 134).

Cette question, dans une perspective eudémonique, se démarque de la vision précédente : les actes sont orientés pour atteindre, ce qui est considéré comme un fondement : le bonheur (McMahon, 2006 ; cité par, Hallem et al., 2020 : 135). En illustration, le bien-être, plutôt désigné comme psychologique, s’articule autour de l’auto-réalisation inclinée vers « le plein potentiel » (Waterman, 1993 ; cité par, Hallem et al., 2020 : 135).

1.2. Du marketing « initial » à celui de « responsable »

1.2.1. Le marketing « initial » à l’encontre du bien-être ?

Courant de la pensée hédonique, la quête du bien-être fait partie des bases du marketing, dont l’objectif est « la satisfaction des besoins » par la consommation (Andreasen, 1994 ; Bergadaà, 2004 ; cité par, Hallem et al., 2020 : 135). Cela étant, peu de recherches dont les travaux adoptent principalement des idées de la psychologie et de l’économie, se sont intéressées à ce concept (Gonzalez et al., 2017 : 61).

Sans doute parce que dans un contexte de progrès, « d’une France postindustrielle » (Gueslin, 2013 : 11), d’une « société de consommation », le bonheur, était, à l’époque, équivalent du bien-être, se jaugeant par « la possession et le matérialisme » (Baudrillard, 1970, cité par, Abbes et al., 2017 : 82). Alors que les travaux ont montré un lien négatif sur ce sujet, le marketing nous renvoie, d’ores et déjà, une image stérile et ce, « depuis les années 70 » (Béji-Bécheur, 2015 : 1). Ainsi, lui reproche-t-on : « l’incitation abusive à l’achat, la création de besoins superficiels et l’exploitation dévastatrice des ressources naturelles » (Amine et Benhallam, 2021 : 15).

Concrètement, les critiques concernant le marketing ordinaire ont permis de développer plusieurs concepts clés imbriqués vers une consommation plus respectueuse, tels que « le développement durable » (Nader et al. 1971, cité par Amine et Benhallam, 2021 : 15) et « la Responsabilité sociale des entreprises » (Manrai et al. 1997, cité par, Amine et Benhallam, 2021 : 15), qui au plus en sont des traits - du moins ils ne se réduisent pas à cela.

Note de bas de page 1 :

https://www.mercator-publicitor.fr/lexique-marketing-definition-marketing

En définitive, si le marketing s’établit comme une stratégie d’adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont elles dépendent, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents1 (Mercator), cette notion nous amène vers une autre conception : celle d’une responsabilité davantage partagée.

1.2.2. Le marketing « responsable »

1.2.2.1. Marketing sociétal comme vecteur du bien-être

Les origines du marketing sociétal remontent à Kotler (l’un des premiers à l’avoir développé) et Dubois qui le définissent comme une gestion orientée :

vers la satisfaction du client et vers le bien-être à long terme du consommateur et du public en général, en tant que moyen permettant à l’organisation d’atteindre ses objectifs et d’assumer ses responsabilités (Kotler et Dubois 1977 : 29 ; cité par Saidi et Elabbadi, 2016 : 180).

De même, l’argument du bien-être en marketing est devenu d’autant plus soutenable quand les biens et services contribuent, de manière sécure, à l’amélioration de la qualité de vie (Sirgy et Lee, 2008 : 378). Ce qui suppose de penser, au long court, à ces enjeux : du cycle de vie du produit, aux parties prenantes (dont les consommateurs), en incluant l’environnement (Sirgy et Lee, 2008 : 378).

1.2.2.2. Concept de développement durable
Note de bas de page 2 :

https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1644

Note de bas de page 3 :

https://www.ademe.fr/expertises/developpement-durable/quest-developpement-durable

L’esprit « développement durable » s’inscrit dans cette logique qui sous-tend de concert les principes de progrès et de préservation de la planète. Brundtland (1987) officialise ce concept au travers de son objectif : « répondre au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »2. En outre, ses contours se dessinent autour de trois piliers : l’environnement « ne pas nuire à la capacité de renouvellement des ressources naturelles ou au bon fonctionnement des services écosystémiques » ; le social « l’accès à des ressources et services de base (la santé, l’éducation) » et l’économie « diminution de l’extrême pauvreté et l’exercice par le plus grand nombre d’une activité économique dignement rémunérée »3 (ADEME).

1.2.2.3. Concept de la RSE

L’expression « Responsabilité sociétale des entreprises » n’est pas nouvelle et remonte aux années 50 (Rharzouz et al., 2021 : 1087) avec comme père fondateur Bowen (1953). Cette notion, mêlée entre un modèle libéral prépondérant et celui « émergent » du développement durable, fait apparaître « une confusion de sens » (Combes, 2005 : 132, cité par, Bourass, 2021 : 182).

Note de bas de page 4 :

https://www.ecologie.gouv.fr/responsabilite-societale-des-entreprises

Note de bas de page 5 :

https://www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-entreprises-rse

Note de bas de page 6 :

https://www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-entreprises-rse

La norme ISO 26 000 (2010), référence internationale, mobilisée couramment dans la littérature (Ouriachi et al., 2021 : 204) qui encourage « l’organisation » a adopté « un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société… »4. Conséquemment, le concept de RSE repose sur sept thématiques clés : « la gouvernance de l’organisation ; les droits de l’homme ; les relations et conditions de travail ; l’environnement ; la loyauté des pratiques ; les questions relatives aux consommateurs ; les communautés et le développement local »5. Sur le même registre, la Commission européenne définit la RSE « comme l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes »6.

1.2.2.4. Le marketing responsable

Le marketing responsable, « nouvelle discipline » (Chikhi, 2020 : 177), qui s’inspire des pratiques traditionnelles, cherche à mettre en avant : « la promotion d’une consommation plus écologique, plus juste ou plus responsable » (Chikhi, 2020 : 177). Cette conception met en exergue un nouveau concept : « la consommation socialement responsable » dont le consommateur est « en quête d’authenticité, de produits naturels, de prise en compte de l’environnement et de l’écologie ou de la santé dans la fabrication des produits et services » (Chikhi, 2020 : 175).

Si ce positionnement, novateur, est pris en compte par certaines entreprises, il n’en reste pas moins qu’une partie se cantonne au « Greenwashing » (Chikhi, 2020 : 176) ou risque de se retrouver cristallisée (et ce, malgré des efforts) dans une représentation de « marchandisation de l’éthique et d’opportunisme » (Amine et Benhallam, 2021 : 17). Partant du constat que le consommateur les évalue davantage que les entreprises qui les portent, il paraît nécessaire d’œuvrer sur les valeurs des marques pour susciter de la confiance (Polonsky, Jevons, 2006 ; Lindgreen et al., 2012 ; Dincer, Dincer, 2012 ; cité par, Abid et Moulins, 2015 : 24, 33).

Cette discussion, à l’occasion de ce sujet, fera pleinement le lien transitionnel de cette seconde partie : les marques ont un effet « dans le processus de décision » (Jacoby et Chestnut, 1987 ; Tréguer, 1998 ; cité par, Sdiri et Gharbi, 2018 : 571) des seniors. Ces derniers privilégient celles « qui ont une histoire, une volonté d’innovation » et « la qualité » (Jacoby et Chestnut, 1987 ; Tréguer, 1998 ; cité par, Sdiri et Gharbi, 2018 : 571).

II. Du Marketing « bien vieillir » à la création d’une marque porteuse de sens

2.1. Marketing du bien vieillir

2.1.1. Consommateurs vieillissants : des critères intéressants pour segmenter

Selon la littérature, le marché des seniors, qualifié « d’hétérogène » peut se segmenter, par différents critères (l’âge, la génération, l’état de santé, le niveau de revenu, « de satisfaction de la vie », « le temps disponible », « le fait d’être à la retraite ou en activité » …) (Guiot, 2006 ; cité par, Partouche-Sebban et Errajaa, 2015 : 70).

En marketing, l’âge d’entrée, en tant que consommateur vieillissant, est situé à 50 ans (Aribaud et Tréguer, 2016 : 19). Force est de remarquer que c’est une étape de transitions, de ruptures « dans les modes de vie des seniors » (Sdiri et Gharbi, 2018 : 563). Initialement, il est défini de la manière suivante : « l’ensemble des gens âgés, nouveaux consommateurs, nombreux et fortunés » (Tréguer, 2007, cité par, Cotton et d’Arripe, 2017 : 89). On parle même de « consommateurs invisibles » (Bartos, 1983, cité par, Sdiri et Gharbi, 2018 : 562).

On repère « 3 types d’âge » (Tréguer, 2007 ; cité par, Cotton et d’Arripe, 2017 : 88) :

  • « Réel » (âge « de l’état civil ») (Aribaud et Tréguer, 2016 : 18) ;

  • « Psychologique », « ressenti » (l’âge que l’individu « a l’impression d’avoir ») (Aribaud et Tréguer, 2016 : 19) ;

  • « Social » (« ce que les autres nous donnent ») (Aribaud et Tréguer, 2016 : 19).

En effet, bien qu’il soit utilisé « dans le domaine des services » (J.S. Reynolds et al., 1998 ; K. Yamanaka et al., 2003 ; cité par, Clauzel et Riché, 2018 : 24), il est considéré comme réducteur de prendre en compte essentiellement l’âge biologique pour étudier les seniors. D’ailleurs, l’âge « subjectif » est révélateur (Sdiri et Gharbi, 2018 : 571) : ils ont tendance à s’apercevoir « plus jeune de plus de 10 ans en moyenne » (Barak, 1987 ; Van Auken et Barry, 1995 ; cité par, Guiot, 2001 : 26).

Cela permet, sur ce point, de comprendre leurs comportements d’achat dans « les cosmétiques, les vêtements ou les marchés financiers » (Guiot, 2001 ; Wilkes, 1992 ; cité par, Partouche-Sabban et al., 2015 : 72). Avec le « culte de la jeunesse » (Guiot, 2001 : 39) dans notre société, l’image négative du vieillissement conduit à « une tendance au rajeunissement » (Guiot, 2001 : 31) par le désir de maintenir une représentation de soi positive tant sur le plan physique que social. Ceci en raison de consommation de produits : « porteurs de symboles caractéristiques de tranches d’âge plus jeunes, considérés comme valorisants » (Guiot, 2001 : 31).

Dans la même idée, la génération est à prendre en considération. Elle peut avoir « tendance à surconsommer un produit par rapport à un autre » (Rengot, 2015 : 51). En exemple, les jeunes seniors ont « une propension forte à (sur-) consommer » (Aribaud et Tréguer, 2016 : 43) « des produits ou services : bien-être, produits sur-mesure et à la carte, domotique, électronique et informatique » (Rengot, 2015 : 51).

2.1.2. Le marketing du bien vieillir

Pour finir, dans le cadre de leur recherche, Sengès, Guiot et Chandon ont mis en évidence le concept du bien-vieillir, qu’ils définissent comme suit : « une adaptation continue des objectifs personnels et des comportements visant à minimiser les pertes et à maximiser les gains liés à l’avancée en âge » (2019 : 8). Ils apportent une définition du bien vieillir désiré : « la perception des objectifs à poursuivre dans la quête du vieillissement souhaité par l’individu selon ses ressources » (2019 : 8).

Ainsi, le marketing du bien-vieillir a pour objectif de « concevoir et de promouvoir des biens et services, qui permettent aux consommateurs matures de parvenir à un vieillissement optimal » (2019 : 22). Il « s’inscrit dans le champ du marketing sociétal (Kotler, 1979) et du marketing du bien-être (Sirgy et Lee, 2008) » (Sengès et al., 2019 : 22). Ce concept semble être une prise de conscience par la recherche (quoique peu étudié en marketing) de l’importance de la question du vieillissement. Cette mise en visibilité permettra aux « organisations publiques, aux entreprises et aux marques » de contribuer concrètement au bien-être « du consommateur sénior » et de s’engager en tant qu’actrices de « progrès social » (Sengès et al., 2019 : 22).

Les apports des notions citées (bien-être, développement durable, RSE, consommation responsable, bien vieillir, âge subjectif…) alimenteront le sens de la marque, présentée dans cette dernière partie : qui part d’un constat de départ avec des entretiens semi-directifs (réalisés fin 2019 et début 2020), des observations, d’un contexte international, pour s’orienter vers la création d’un projet « le bien-être responsable » qui cible les jeunes consommateurs vieillissants.

2.2. Une marque porteuse de sens

2.2.1. Contexte / origine de l’idée : « un marché – une consommation responsable 

2.2.1.1. Des entretiens pour mieux comprendre
Note de bas de page 7 :

Nous avons pu obtenir des entretiens en sensibilisant des acteurs impliqués et/ou en contact avec des personnes vieillissantes sur le territoire ciblé (Deux-Sèvres), en intervenant sur des ateliers collectifs (spécifiques pour les séniors d’une part et les publics en grande difficulté d’autre part) et par effet de ricochet : le bouche-à-oreille.

Tout d’abord, des entretiens « exploratoires » ont été réalisés avec des personnes vieillissantes pour mieux comprendre leurs besoins7.

Extraits d’entretiens qui illustrent le bien-être subjectif

Note de bas de page 8 :

Alexandra TOURNAY, communication personnelle, 23 novembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 9 :

Alexandra TOURNAY, communication personnelle, 3 janvier 2020, Deux-Sèvres.

« J’ai toujours eu envie de plaire. Donc je fais du sport pour m’aider à maigrir et pour me maintenir en forme. C’est important de reconquérir, de plaire…J’ai été accompagnante toute ma vie. Ça m’a énormément perturbée…La sexualité, c’est encore important : je ne me suis pas épanouie quand j’étais plus jeune…La vie affective, c’est reconstruire un nouvel amour, enrichissant avec de la culture…C’est m’apporter toutes les choses que j’aime. On est à la retraite : faire des loisirs. Je ne vais pas rester à attendre à…C’est la dernière ligne droite de notre vital. J’ai 64 ans, il me reste 12/13 ans. J’ai la chance d’être valide si tu fais ce qu’il faut. Je veux qu’on s’occupe de moi, qu’on prenne soin de moi… En ce moment, je teste Disons demain…Il y a les pires bobards…J’ai pris des risques pour rencontrer des personnes mais ça va, je n’ai pas eu de problèmes…J’ai pris contact avec une sexologue pour qu’elle m’aide à faire mon profil pour le site de rencontre. J’ai pleins de questions, ça me rassure, me replace…Je ne sais pas à qui en parler… » (F.64 ans, veuve)8.
« Je vais au SPA pour me masser, c’est pour la positivité » (F., 68 ans, mariée)9.

Force est de remarquer que les concepts du bien-être et du bien vieillir sont présents. Il est donc important de les mettre au-devant de la scène pour ne plus les ignorer.

Note de bas de page 10 :

Alexandra TOURNAY, communication personnelle, 23 novembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 11 :

Idem, 11 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 12 :

Idem, 5 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Aussi, des mots, des phrases à connotation négative ont été employés par certains interviewés (en plaisantant) : « Éclopés », « mochetés » (F.64 ans, veuve)10 ; « Débarquement de Normandie (allusion à la dentition) » (H.60 ans, divorcé)11 ; « Je veux une vieille qui a des sous… ! Du pognon ! » (H., 60 ans, veuf)12.

À travers des extraits, on peut comprendre symboliquement les représentations négatives qui se dégagent de notre société :

Note de bas de page 13 :

Idem, 17 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 14 :

Idem, 23 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 15 :

Idem, 27 novembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 16 :

Idem, 3 janvier 2020, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 17 :

Idem, 2 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 18 :

Alexandra TOURNAY, communication personnelle, 23 décembre 2019, Deux-Sèvres.

Note de bas de page 19 :

Idem, 23 décembre 2019, Deux-Sèvres.

« En boîte, je n’y vais plus à cause du regard des gens. Avec le caractère que j’ai, je n’accepte pas qu’on se moque… » (F., 62 ans, veuve)13.
« Qu’est-ce qui vont penser de moi ? Est-ce qu’ils vont comprendre ce que je dis ? Est-ce qu’ils vont se foutre de moi ? Je suis mal habillée ? Je n’ai pas les moyens de m’acheter de belles toilettes... » (F., 81 ans, veuve)14.
« On a plus le droit de parler…Personne ne me comprend…On nous prendrait pour des fous... » (H.86 ans, marié)15.
« Dans cette société, on ne veut plus des vieux. On est plus bon à rien. On pense à papa ou maman quand on a besoin. Il n’y a plus cette même relation...On pourrait mourir, on ne sait pas si quelqu’un s’inquiéterait » (F., 68 ans, mariée)16.
« Je ne vois personne. Je n’ai pas d’amis. Je ne fête jamais Noël. Je n’ai pas de passions... Je suis un peu une sauvage, plus rien ne m’intéresse…Je ne fais pas d’activités. Je suis assez solitaire... Je ne supporterais pas de cancaner avec des bonnes femmes. J’ai une vie très triste » (F., 82 ans, veuve)17.
« J’ai peur de crever toute seule. Par rapport à mes petits-enfants et mes enfants, ils me manquent tous énormément, plus j’arrive à la fin de mes jours, plus ils me manquent. Je suis dépressive mais je le cache. Où tu vas finir et comment ? Est-ce qu’on va t’abandonner ? Le jour où ça arrive : je me tire une balle dans la tête, j’ai tout ce qu’il faut chez moi » (F., 81 ans, veuve)18.
« J’en ai aidé une qui est restée 5 mois et demi sur le lit. Elle se déplaçait par terre le cul sur la jambe… » (F., 70 ans, divorcée)19.

Tout porte à penser qu’il est nécessaire de lutter contre l’âgisme. Rien que ces constats sont révélateurs d’une prise de conscience : dans un contexte de développement durable, orienter une partie de ses actions, pour une entreprise, sur la thématique du vieillissement est somme toute : une manière de s’y engager grâce à la RSE.

2.2.1.2. D’un côté « Le vieillissement actif et en bonne santé » en Europe

Le vieillissement cognitif se présente par le déclin des fonctions essentielles de l’organisme (Sdiri et Gharbi, 2018 : 565). Ce qui provoque une réduction d’adaptation à l’environnement et donc, une plus forte exposition aux risques de maladies (Fontaine 1999 ; Guiot 2006, cité par, Sdiri et Gharbi, 2018 : 565).

Si la question du vieillissement est un véritable enjeu européen, celui « actif et en bonne santé » se révèle une stratégie pour y faire face. Ce qui suppose, selon le rapport de la commission européenne (2021 : 4), la promotion « des modes de vie sains », « tout au long de la vie » (et donc dès le plus jeune âge). Pour cela, elle englobe les comportements de consommation, « de nutrition », « l’activité physique et sociale ». La stratégie de vieillissement actif et en bonne santé devrait permettre la réduction de certaines pathologies (obésité, diabète, maladie cardiovasculaire, cancer…) « évitables ». En pareille hypothèse, les apports de ce principe ne seront pas des moindres : « croissance et productivité » à la clé (Commission européenne, 2021 : 4).

A l’heure actuelle, la consommation dite plus responsable est incitée tant sur le plan national, européen, qu’international. Ceci se traduit, notamment, par une augmentation des produits biologiques.

2.2.1.3. De l’autre, une crise sanitaire et ses conséquences : « une mise en évidence entre une réalité sociale et un marché »

À l’époque contemporaine, accentuée en raison de la crise de la COVID19, les environnements sont de plus en plus incertains :

Note de bas de page 20 :

https://www.interieur.gouv.fr/La-ministre-deleguee/Communiques/Marlene-Schiappa-renforce-les-moyens-alloues-a-la-lutte-contre-les-derives-sectaires-1-million-d-euros

  • Socio-économique : l’éventualité de perdre son emploi, son entreprise, des métiers en tension…, ne laisse pas la société indifférente.

  • Sécuritaire : le bien-être, élément du concept de la santé selon l’OMS, qui se renouvelle par les convoitises des alternatives à la médecine, non médicamenteuses dont la non réglementation de certaines, peut mettre en péril la vie d’autrui et l’augmentation des dérives sectaires dans ce domaine (Schiappa, avril 2021)20. Aussi, l’utilisation de produits peut avoir des conséquences négatives sur la santé (perturbateurs endocriniens…).

Il est donc cohérent, schématiquement, de lier « bons produits et services » avec celui d’une contribution au maintien de son capital santé, qui doit être davantage soutenu, avec l’avancée en âge.

2.2.1.4. Puis, une cible d’opportunité :

Selon N. MENET (Directeur de la Silver Valley), la silver économie, destinée aux personnes de plus de 60 ans, peut se « conceptualiser » selon trois formes de « marché » : 

Note de bas de page 21 :

Webinaire SilverEco : Pour une économie de l’ajustement à l’avancée en âge : vers un nouveau cadre conceptuel de la silver économie ? Nicolas Menet Silver Valley (2020).

Note de bas de page 22 :

Webinaire SilverEco : Pour une économie de l’ajustement à l’avancée en âge : vers un nouveau cadre conceptuel de la silver économie ? Nicolas Menet Silver Valley (2020).

Note de bas de page 23 :

Webinaire SilverEco : Pour une économie de l’ajustement à l’avancée en âge : vers un nouveau cadre conceptuel de la silver économie ? Nicolas Menet Silver Valley (2020).

  • « D’intérêt général, de santé publique » (« vieillissement »)21 ;

  • « Du médico-social et du secteur sanitaire » (« dépendance » et « soin »)22 ;

  • « D’opportunité de marché » (« biens de consommation classiques ») dit de l’ajustement « à l’avancée en âge »23.

Note de bas de page 24 :

Webinaire SilverEco : Pour une économie de l’ajustement à l’avancée en âge : vers un nouveau cadre conceptuel de la silver économie ? Nicolas Menet Silver Valley (2020).

Note de bas de page 25 :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381474

Sur ce dernier point, il est évident que ce secteur représente un volume conséquent tant au niveau national (« 16 millions de personnes » concernées) qu’européen (« 90 millions »)24. De plus, nous pouvons ajouter la tranche d’âge des 50 et 59 ans, qui représente environ 8,5 millions de personnes (INSEE)25.

Au sens large, il convient de rappeler que se détendre, prendre soin de soi contribuent au bien-être de la personne et donc de maintenir son capital santé. D’autant que les « jeunes seniors » peuvent se retrouver sous-pression : concilier vie personnelle et professionnelle, gérer un proche, trouver une quête de sens à sa vie au moment de la retraite, gérer un divorce…

Si les questions sociales fondées par l’allongement de l’espérance de vie sont affirmées, les solutions à produire sont à envisager notamment pour ce public. Ainsi, dans un contexte de crise, de consommation plus responsable, d’un marché du bien-être qui mérite un meilleur encadrement, d’un besoin de travailler les représentations sur l’enjeu du vieillissement, d’une opportunité du secteur de l’ajustement de l’avancée en âge, nous souhaitons créer une marque, une plate-forme spécialisée dans « le bien-être responsable ». En d’autres termes, il s’agit de regrouper « le meilleur » et éviter « le pire ».

2.2.2. Une réponse : une marque éthique du « Bien-être responsable »

2.2.2.1. Le concept d’une marque :

Notre marque est une solution « éthique » de l’ajustement de l’avancée en âge pour « rester en forme » ; elle permet de regrouper des réponses concrètes, adaptées aux plus de 50 ans, spécialisée dans le bien-être (beauté, soins du corps, plaisir intime...) avec une sélection de produits et de services respectueux pour sa santé : le « Made in France socialement responsable ». La charte de sélection et la formation des professionnels garantissent la qualité des solutions proposées, qui seront diffusées, sur une plate-forme d’intermédiation spécifique.

Il s’agit de créer une marque qui défend les valeurs suivantes : le respect de l’humain, la démarche RSE, la santé, l’hédonisme, la qualité de vie, et la générativité (penser aux générations futures, par exemple). Elle contribue tant au bien-être des consommateurs, des partenaires qu’à la société en s’attachant à concourir aux enjeux du vieillissement de la population. Par effet de ricochet, elle ambitionne à créer un cercle vertueux en alliant les concepts du développement durable/de la RSE et du bien-être/bien vieillir.

Par une description succincte du projet, de notre stratégie, nous tenterons de mettre en exergue les valeurs véhiculées par la marque « porteuse de sens ».

2.2.2.2. Un réseau de partenaires de qualité : des produits et services

Pour être référencée, la charte de sélection et la formation

Une charte de sélection 

Il s’agit de construire un réseau sûr de partenaires clés sur le volet « bien-être » : fournisseurs, distributeurs de produits, prestataires de service qui respectent une charte de sélection (intérêt pour la santé, démarche RSE, vérification de la qualité de la prestation…).

On valorisera la production locale, le savoir-faire français, les commerçants, les entreprises impactés par la crise sanitaire. En outre, on les aidera à sélectionner « des bons » produits et services qui contribuent au bien-être des consommateurs vieillissants.

Présentement, nous nous positionnons sur le « Made in France socialement responsable ». Pour son développement, on pourra l’élargir avec d’autres pays pour valoriser la consommation responsable.

La formation sur le concept de la marque, bien vieillir et consommation responsable

Notre souhait est de s’assurer de la qualité, de la compréhension des enjeux, de diffuser une conception commune partagée par tous. Des programmes seront également pensés pour aider les vendeurs, distributeurs, prestataires impactés par la crise, d’adapter leur offre à un marché d’opportunité. Subséquemment, c’est une marque qui permet de valoriser la démarche RSE du partenaire, son engagement dans le progrès social, et in fine, d’élargir sa clientèle.

2.2.2.3. Les consommateurs

Le plaisir / qualité de vie / bien vieillir

Considérant que la cible des « jeunes » seniors représente une opportunité, notre positionnement repose sur un principe élémentaire : le bien-être avant tout, avec un message non stigmatisant, dont la question n’est pas de savoir comment limiter la perte d’autonomie (qui n’en demeure pas moins intéressante), mais plutôt : comment je reste en forme ? Les valeurs véhiculées ne sont pas des moindres : la liberté de se faire plaisir, de prendre soin de son corps, de plaire, de séduire, d’évoquer des sujets tabous, en d’autres termes : de VIVRE et pour certains (si ce n’est la plupart : une recherche scientifique serait salutaire quant à ce sujet) de vouloir rester jeune ? L’apport ne se limite pas à cela, il s’agit de les placer en première ligne pour mieux valoriser la cible.

En lien avec notre société occidentale « jeuniste », où la tendance au rajeunissement est de mise, la sémantique « bien vieillir » est à prendre en considération dans le message à diffuser. A la réflexion, après avoir testé cette dénomination auprès d’un panel, nous pouvons en tirer un enseignement pragmatique : ne pas utiliser seulement ces deux mots, dans un message. Ce dernier peut leur renvoyer à une image péjorative sans prendre conscience de son sens tout comme le mot « senior ». En tout état de cause, avec une prise en compte de l’âge subjectif, il faut trouver une manière de s’adresser à des jeunes seniors qui ne se considèrent pas comme tels (mais comme plus jeunes), et pour autant, prendre en considération qu’ils vieillissent (c’est à 50 ans que l’on commence à se préoccuper du vieillissement) avec l’intégration comme concept du « bien vieillir désiré ».

La qualité

La qualité des produits et services, socialement responsables condition sine qua non de la réussite du projet, contribue, à son niveau : à la prévention du vieillissement actif et en bonne santé, du bien-vieillir » en prévenant, réduisant ou corrigeant » ses « effets négatifs » (Senges et al., 2019 : 22) et en même temps, au développement durable. Ce qui veut dire que la transparence des solutions est, semble-t-il, un facteur clé de succès pour la marque. D’ailleurs, la personnalisation des solutions, les évaluations en bien-être subjectif (sans tabou), la connaissance des offres et son référencement sur une plate-forme seront gage d’accessibilité sans stigmatisation.

La prévention

Pour choisir des biens et services, nous partons du principe qu’il faut avant tout comprendre ses effets, son bénéfice sur sa santé, son impact sur la société. Les options qui s’offrent à nous sont nombreuses, pas toujours fructueuses, dont le manque de repères peut nous amener à avoir un comportement délétère. C’est pourquoi, nous envisageons de réaliser des ateliers, des tutos qui permettent d’adapter des gestes, des postures, des comportements, de parler de sujets tabous (cancer, vie affective, perte de cheveux…). Il s’agit de donner les moyens d’agir sur sa santé avec des messages de prévention, des outils et produits évalués.

Un collectif

La force de cette marque sera la mobilisation d’un groupe d’acteurs représentatif de nos personas (des actifs, jeunes retraités…) pour donner leurs avis sur des pratiques, des produits, des services… potentiels consommateurs, les plus jeunes seront également sollicités.

Conclusion

Il convient de rappeler que, selon Drucker, les seules valeurs créées, le reste étant « des coûts » (Béji-Bécheur, 2015 : 1), sont celles issues par « l’innovation et le marketing » (Béji-Bécheur, 2015 : 1). Ce dernier doit concourir à la création des marchés pour accompagner « le progrès technique et social » (Béji-Bécheur, 2015 : 1). C’est dans ce sens que la marque tente de s’inscrire par une mise en perspective, d’une compatibilité : des notions du développement durable, de la RSE, du bien-vieillir avec celui du vieillissement et du bien-être. Adopter cette stratégie, en prenant en compte l’âge subjectif, les orientations internationales, européennes et nationales, pour ne citer qu’eux, permet de se différencier et d’apporter une réelle plus-value, qui plus est « responsable ».

Le marché des jeunes seniors, particulièrement celui de l’ajustement de l’avancée en âge, est une opportunité, avec un volume qui peut garantir une viabilité du projet. Il faut se saisir du contexte actuel pour développer de nouvelles réponses porteuses de sens, qui d’une part, contribuent à la relance économique du pays et d’autre part, transférables aux autres territoires en développement.

Le projet de marque éthique, du bien-être qui vise à regrouper des produits, des services socialement responsables, pour cette population, est un exemple.

Au vu de la démographie et des enjeux sociétaux, cette marque, c’est l’histoire de tous, des générations à venir…Ce faisant, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’elle contribuera au bien-être collectif : en sensibilisant, par effet boule de neige, les plus jeunes sur la thématique du bien vieillir et de la consommation responsable. Dans le même sens, ainsi, pouvons-nous espérer un scénario positif avec les enseignements tirés du concept du marketing du bien vieillir. D’un côté, former des acteurs (donc les entreprises) à une meilleure pratique, connaissance de la cible, de prise en compte du vieillissement et de la consommation responsable leur permettra d’augmenter leur clientèle. De l’autre, on répond à cette quête du bien-être mais pas avec n’importe quels produits ni services, ce qui pourrait contribuer au vieillissement réussi, in fine, au bien vieillir désiré.