L’impact du positionnement sur les troubles de la déglutition des patients ayant une sclérose latérale amyotrophique avec un syndrome de la tête tombante – Etat des lieux de la pratique des ergothérapeutes The impact of positioning on swallowing disorders in Amyotrophic Lateral Sclerosis patients with head drop syndrome. A review of occupational therapy practice

Dorine Guilloton Sindou ,
Louise Robin ,
Emilie Thomasson ,
Thierry Sombardier 
et Stéphane Mandigout 

Contexte : La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative qui touche les motoneurones. Dans cette pathologie, nous retrouvons fréquemment un syndrome de la tête tombante et des troubles de la déglutition. Le positionnement est une méthode utilisée par les ergothérapeutes comme moyen de prévention, de correction ou de compensation de ces troubles. L’objectif de cette étude est d’analyser la pratique des ergothérapeutes pour savoir quelles techniques de positionnement ils utilisent pour limite les troubles de la déglutition chez les patients ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante.
Méthode : L’objectif de notre étude est de réaliser un état des lieux des pratiques des ergothérapeutes afin de savoir quel positionnement ils utilisent pour limiter les troubles de la déglutition. Un questionnaire a été envoyé aux ergothérapeutes travaillant auprès de patient ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante.
Résultats : L’analyse des résultats montre qu’un positionnement global est nécessaire pour limiter les troubles de la déglutition. Celui-ci se fait par une installation de la tête, du tronc et du bassin, des membres supérieurs et inférieurs et par une répartition des points d’appui. Il doit être traité en position assise et allongée. L’étude montre également que certains appareillages utilisés pour compenser le syndrome de la tête tombante peuvent rendre plus difficile la déglutition.
Conclusion : Les ergothérapeutes utilisent le positionnement pour limiter les troubles de la déglutition. Il s’est avéré que l’installation de chaque segment corporel doit être traitée. L’appareillage utilisé pour compenser le syndrome de la tête tombante doit également être pris en compte.

Context: Amyotrophic lateral sclerosis (ALS) is a neurodegenerative disease that affects the motor neurons. In this disease, we frequently find a head-drop syndrome and swallowing disorders. Positioning is a method used by occupational therapists to prevent, correct or compensate for these disorders. We can therefore ask ourselves what positioning is recommended by occupational therapists to limit swallowing disorders in ALS patients with head-drop syndrome.
Method : The study's objective is to take stock of the practices of occupational therapists in order to know what positioning they use to limit swallowing disorders. A questionnaire was sent to occupational therapists working with ALS patients with head drop syndrome.
Results : The analysis of the results shows that a global positioning is necessary to limit swallowing disorders. This is done by installing the head, trunk and pelvis, the upper and lower limbs and by distributing the support points. It should be treated in the sitting and lying position. The study also shows that some devices used to compensate for head-drop syndrome can make swallowing more difficult.
Conclusion : Occupational therapists use positioning to limit swallowing disorders. It was found that the positioning of each body segment needs to be addressed. The equipment used to compensate for the head drop syndrome must also be considered.

Sommaire
Texte

Introduction

La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative rare et incurable qui touche le système moteur. Elle est principalement caractérisée par la perte progressive des motoneurones centraux (MNC) localisés au niveau du cortex cérébral et du bulbe ainsi que des motoneurones périphériques (MNP) situés dans la corne antérieure de la moelle épinière (1).

L’incidence annuelle de la SLA en 2022 en France est estimée à 1500 nouveaux cas, soit 4 cas diagnostiqués tous les jours. Les données publiées à partir des registres montrent que l’incidence de la SLA augmente à partir de l’âge de 40 ans. Un pic d’incidence est observé dans la tranche d’âge 65-75 ans à la fois pour les hommes et les femmes. Cependant, il existe une légère prédominance masculine. La prévalence de la SLA en France en 2022 est de 6000 cas. (1) De plus, l’espérance de vie des patients est en moyenne de 3 ans après l’apparition des premiers symptômes (2).

La SLA peut se présenter et évoluer sous plusieurs formes. Les deux formes les plus connues sont la forme à début spinale et la forme à début bulbaire. Cependant, nous pouvons également retrouver les formes à début familiales ou des formes cliniques atypiques. Ces différentes formes entraînent différentes déficiences.

Le syndrome de la tête tombante est très fréquemment rencontré chez les personnes ayant une SLA. Ce déficit est dû à une amyotrophie des muscles du cou (3). Ce syndrome est caractérisé par une flexion antérieure de la tête sur le tronc qui disparaît en décubitus dorsal ou lors de l’assistance active de l’extension de la tête par les membres supérieurs. Il peut apparaître aux premiers stades de la maladie ou plus tardivement et s’accompagne rapidement de signes d’atteinte de la moelle et du bulbe. Ces atteintes peuvent être accompagnées d’une dysphagie, de fasciculations de la langue et d’une amyotrophie ou d’un déficit moteur des membres (1) . Le syndrome de la tête tombante entraîne des douleurs, une gêne fonctionnelle et sociale ainsi que de nombreux problèmes de positionnement (4). La compensation de ce syndrome peut se faire par du positionnement à l’aide d’appareillage comme des colliers cervicaux.

Selon Dupitier, le positionnement est un processus clinique qui vise à installer une personne présentant des troubles posturaux dans une posture requise, au moyen d’aides techniques à la posture (5).

Le positionnement prévient, corrige ou compense les troubles posturaux qui ont un impact négatif sur le plan clinique, fonctionnel et sur la qualité de vie du patient (6). Ce dernier peut passer un temps prolongé au fauteuil ou au lit, soit de manière totalement immobile, soit avec des capacités lui permettant de se mouvoir dans sa base (6). Le confort est donc le premier axe à privilégier. De plus, les aides techniques à la posture permettent de maintenir la personne dans une posture convenant à ses besoins physiologiques et fonctionnels (6).

Parmi les difficultés de positionnement dans la SLA, nous retrouvons celui du syndrome de la tête tombante. En effet, ce dernier impacte le maintien de l’horizontalité du regard et la déglutition de ces personnes. La prise en charge posturale de ce syndrome est basé sur des adaptations posturales, de la compensation et sur l’utilisation d’un appareillage fonctionnel et confortable, notamment des colliers cervicaux (4).

Les troubles de la déglutition sont fréquents dans la sclérose latérale amyotrophique évoluant sous forme bulbaire. D’évolution progressive, ils vont être invalidants et impactent rapidement la qualité de vie du patient (7). Ils peuvent être la cause d’une dénutrition, de fausses routes ou d’infections respiratoires comme des infections pulmonaires d’inhalation (8). La déglutition est automatique et réflexe et nécessite une synchronisation rapide et parfaite des organes effecteurs ainsi qu’un contrôle neurologique précis (8) . Elle est constituée de trois phases. La première correspond à la phase orale, la seconde à la phase pharyngolaryngée et la troisième à la phase œsophagienne. Dans la SLA, les troubles de la déglutition vont concerner essentiellement la première et la deuxième phase (8).

Malgré l’existence de thérapies médicamenteuses pour traiter les troubles de la déglutition (1), il existe également une prise en charge non-médicamenteuse, réalisée généralement par l’ergothérapeute. Cette prise en charge consiste en l’utilisation de différentes techniques de positionnement pour tenter de limiter ces troubles (9).

Par ses différentes compétences, l’ergothérapeute peut agir sur ces différentes déficiences par différents moyens, dont le positionnement (6). En effet, selon l’évolution de la maladie, les patients ayant une sclérose latérale amyotrophique peuvent avoir recours à un fauteuil roulant pour pouvoir se déplacer de manière autonome. Le fauteuil roulant devient donc le support quotidien de l’utilisateur pour la réalisation de ses activités et de ses occupations (6). C’est pour cela que l’installation du patient doit être stable, fonctionnelle, préventive, confortable et optimisée pour la participation. Un mauvais positionnement a donc un impact sur la douleur, sur les capacités respiratoires, métaboliques, circulatoires, sur la stabilité, sur la sécurité ainsi que sur la fatigabilité (6). L’ergothérapeute a donc un rôle important dans le positionnement du patient au fauteuil roulant mais aussi au lit. Ses objectifs sont d’une part d’améliorer la performance occupationnelle des patients et d’autre part d’empêcher ou de limiter l’apparition de déformations ou d’escarres (6). Pour cela, l’ergothérapeute apporte des conseils sur les bonnes postures à adopter et peut préconiser du matériel de positionnement (6). De plus, l’ergothérapeute va conseiller sur les bonnes postures à adopter pour compenser les troubles de la déglutition.

Suite à ces différentes observations, nous pouvons nous demander si l’appareillage utilisé pour compenser le syndrome de la tête tombante peut limiter la mobilité et donc avoir un impact négatif sur le changement de posture de la tête et donc sur la déglutition. De plus, les troubles de la déglutition pouvant être lié au syndrome de la tête tombante, nous pouvons également nous demander si un même positionnement peut agir positivement sur ces deux déficiences simultanément.

De ce fait, il en ressort la problématique suivante : « Comment positionner un patient ayant une sclérose latérale amyotrophique avec un syndrome de la tête tombante pour limiter les troubles de la déglutition ? »

A partir de cette problématique, nous en venons à formuler deux hypothèses :

Hypothèse 1 : le positionnement de la tête, du tronc, des membres et la répartition des points d’appui permettent de compenser le syndrome de la tête tombante et de réduire les troubles de la déglutition. Hypothèse 2 : l’appareillage utilisé pour compenser le syndrome de la tête tombante peut impacter négativement la déglutition des patients ayant une SLA.

Méthode

Objectifs de l’étude

Afin de répondre à cette problématique et de vérifier nos hypothèses, nous avons réalisé un état des lieux de la pratique des ergothérapeutes intervenant auprès de patients ayant une SLA avec des troubles de la déglutition et un syndrome de la tête tombante. Pour ce faire, nous avons décidé de réaliser une analyse de pratique professionnelle par le biais d’un questionnaire.

Description de la population

Afin de sélectionner les ergothérapeutes pouvant répondre au questionnaire, il a fallu définir les critères d’inclusion et d’exclusion.

Les critères d’inclusion sont :

  • Intervenir auprès de personnes ayant une SLA

  • Intervenir sur les troubles de la déglutition

  • Faire du positionnement

Être en contact avec la population étudiée Par la suite, le questionnaire a été envoyé à des ergothérapeutes travaillant dans les services suivants :

  • Des centres SLA

  • Des Soins de Suites et de Réadaptation (SSR)

  • Des services de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR)

  • Des services de neurologie

  • Des centres de réadaptation spécialisés dans les maladies neurologiques évolutives

  • Dans des structures intervenant à domicile (Hospitalisation à Domicile (HAD), Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS), Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD), équipe mobile de réadaptation)

  • En cabinet libéral

  • À l’Association des Paralysés de France (APF)

Mode de diffusion et de sélection

Pour pouvoir être diffusé aux ergothérapeutes, une présélection des profils des ergothérapeutes a été réalisé. Cette dernière s’est faite par mail directement auprès des ergothérapeutes. Auprès de la Filière de Santé Maladies Rares SLA et Maladies du Neurone Moteur (FILSAN) pour les centres SLA et auprès des établissements, notamment pour les SAVS.

Le premier mail contenait une explication sur les objectifs de l’étude ainsi qu’une description des profils recherchés. En fonction des réponses, un deuxième mail a été envoyé avec le lien du questionnaire aux ergothérapeutes entrant dans les critères d’inclusion.

Le questionnaire a donc été envoyé à un maximum d’ergothérapeutes travaillant dans les centres SLA, dans des SSR, dans des services de MPR ou de neurologie. Il a aussi été envoyé à des ergothérapeutes travaillant dans des cabinets libéraux et des structures intervenant à domicile. Ces dernières sont essentiellement des HAD ou des SAVS.

Au total, trois relances du questionnaire ont été réalisées par mail. L’enquête s’est clôturée deux mois et demi après le premier envoie du questionnaire.

L’outil méthodologique

Afin de répondre à notre problématique, un questionnaire a été réalisé à l’aide du logiciel SphinxOnline. Ce questionnaire est auto-administré.

Ce questionnaire contient 26 questions. Parmi ces 26 questions, nous retrouvons des questions ouvertes, des questions fermées ainsi que des questions secondaires. De plus, le questionnaire comprenait 3 sous parties :

La première partie du questionnaire comprend 6 questions principales et 4 questions secondaires. Cette partie concerne les informations sur le professionnel. L’objectif de cette partie est de connaître l’identité professionnelle des ergothérapeutes répondant au questionnaire et d’en savoir davantage sur leur parcours. Cette partie permet également de faire un état des lieux sur les connaissances et les formations qu’ont ces professionnels sur les troubles de la déglutition et sur le positionnement.

La seconde partie concerne les troubles de la déglutition et le syndrome de la tête tombante. Cette partie comprend 4 questions principales et 3 questions secondaires. Son objectif est de savoir si les ergothérapeutes sont souvent confrontés à ces problématiques et de connaître leurs champs d’action.

Enfin, la dernière partie, composée de 7 questions principales et 2 questions secondaires traite le positionnement. Le positionnement est une technique spécifique utilisée quotidiennement par l’ergothérapeute. L’objectif de cette partie est de savoir comment les ergothérapeutes positionnent les patients ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante pour limiter les troubles de la déglutition. Ces questions abordent le positionnement global : positionnement assis ou allongé ainsi qu’un positionnement plus spécifique (le positionnement de la tête par exemple). De plus, cette partie tient compte de l’appareillage qui est utilisé dans le cadre du syndrome de la tête tombante et de l’impact que ce dernier peut avoir sur la déglutition.

La conclusion du questionnaire, se présente sous forme de 2 questions.

Les questions ont été écrites au présent et des abréviations ont été utilisées pour les structures où exercent les ergothérapeutes. Par exemple « Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) ». Enfin, nous avons sélectionné nos questions en fonction de ce que nous avons pu lire dans la littérature. En revanche, il a été demandé aux ergothérapeutes de répondre selon leur vécu et leur expérience professionnelle. Ce qui nous permettra par la suite de comparer la théorie et la pratique.

L’analyse des résultats

Une fois les questionnaires renvoyés par les ergothérapeutes, l’ensemble des réponses ont été recensées et analysées par le logiciel Sphinx.

Par la suite, une analyse plus approfondie a été effectuée à l’aide du logiciel Excel. En effet, nous avons exporté les résultats obtenus sur le logiciel Sphinx vers le logiciel Excel dans l’objectif de créer des graphiques. Au final, les résultats ont été présentés sous forme d’histogrammes, de graphiques en secteurs et de graphiques en barres.

Au total, 19 ergothérapeutes ont répondu au questionnaire.

Résultats

Population étudiée

Dans un premier temps, 76 ergothérapeutes sont contactés par mail. L’objectif est de recenser les professionnels travaillants ou ayant déjà eu une expérience professionnelle auprès des patients ayant une SLA. En réponse à ce mail, 11 ergothérapeutes répondent ne pas correspondre au profil recherché, les critères d’exclusion sont appliqués. Le questionnaire est donc envoyé aux 65 ergothérapeutes restants. Parmi ces 65 ergothérapeutes, 19 répondent au questionnaire. Au final, 17 questionnaires sont inclus et analysés. En effet, un des ergothérapeutes ayant répondu au questionnaire n’a jamais rencontré de patient ayant un syndrome de la tête tombante. Le second ergothérapeute exclu après envoi du questionnaire n’a rencontré qu’un seul patient ayant une SLA sur toute sa carrière.

De plus, un des critères d’inclusion était d’exercer auprès de patients ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante. Il a donc été demandé aux ergothérapeutes de quantifier en nombre d’années leur expérience professionnelle auprès de cette population. D’après les résultats obtenus, 53 % des ergothérapeutes ont une expérience professionnelle auprès de cette population inférieure à 5 ans ; 29 % ont une expérience professionnelle comprise entre 5 et 10 ans et 18 % de plus de 10 ans. (Figure 1)

Figure 1 : Années d'expérience des ergothérapeutes auprès de la population étudiée

Figure 1 : Années d'expérience des ergothérapeutes auprès de la population étudiée

Les lieux d’exercice des ergothérapeutes étaient : des centres SLA (35 %), des centres de rééducation, SSR, un centre de réadaptation spécialisé dans les maladies neurologiques évolutives et un réseau de santé spécialisé en neurologie (35 %), un Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) (12 %), une Equipe Mobile de Réadaptation (12 %) et un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) (6 %).

Enfin, d’après les réponses au questionnaire, nous observons que 9 ergothérapeutes sur 17 ont reçu une formation complémentaire sur le positionnement. Parmi eux, 4 ergothérapeutes sur 17 ont reçu une formation complémentaire sur les troubles de la déglutition.

Les troubles de la déglutition et le syndrome de la tête tombante chez le patient ayant une sla

La figure 2 représente la fréquence à laquelle les ergothérapeutes sont confrontés aux troubles de la déglutition. Nous pouvons constater que pour la plupart des ergothérapeutes, ces troubles sont retrouvés chez plus de la moitié des patients qu’ils prennent en charge.

Figure 2 : Fréquence des troubles de la déglutition

Figure 2 : Fréquence des troubles de la déglutition

La figure 3 représente les types d’interventions pratiqués par les ergothérapeutes pour limiter les troubles de la déglutition. Les deux types d’intervention les plus fréquemment pratiqués par les professionnels sont le positionnement et l’utilisation d’aides techniques au repas. En effet, 44 % d’entre eux préconisent des aides techniques et 37 % ajustent le positionnement du patient.

Figure 3 : Interventions pratiquées par les ergothérapeutes sur les troubles de la déglutition

Figure 3 : Interventions pratiquées par les ergothérapeutes sur les troubles de la déglutition

En ce qui concerne le syndrome de la tête tombante, il a été demandé aux ergothérapeutes quel(s) type(s) d’intervention ils utilisent parmi le positionnement, l’utilisation de colliers cervicaux et l’utilisation d’aides techniques à la posture. La figure 4 représente les types d’interventions pratiqués par ces professionnels pour compenser ce syndrome. Nous pouvons observer que le positionnement est l’intervention la plus pratiquée par les ergothérapeutes.

Figure 4 : Interventions pratiquées par les ergothérapeutes sur le syndrome de la tête tombante

Figure 4 : Interventions pratiquées par les ergothérapeutes sur le syndrome de la tête tombante

Parmi les aides techniques à la postures préconisées, nous retrouvons les différentes options des fauteuils roulants, les bandeaux de tête, le baseball cap orthosis, les corsets et les assises modulaires évolutives.

Le positionnement utilise par les ergothérapeutes

La dernière partie du questionnaire s’intéresse au positionnement utilisé par les ergothérapeutes pour limiter les troubles de la déglutition des patients ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante.

Nous avons demandé aux ergothérapeutes comment ils positionnent les patients ayant une SLA avec un syndrome de la tête tombante pour limiter les troubles de la déglutition. La figure 5 illustre les parties du corps repositionnées par les ergothérapeutes. Nous observons que la tête est la partie du corps la plus repositionnée par les ergothérapeutes 32 %), suivi du tronc (28 %) et du bassin (22 %) (Figure 5). Cependant, la figure 6 nous indique que 7 ergothérapeutes sur 17 repositionnent à la fois la tête, le tronc, le bassin et qu’ils augmentent la surface d’appui.

Figure 5 : Positionnement global 1

Figure 5 : Positionnement global 1

Figure 6 : Positionnement global 2

Figure 6 : Positionnement global 2

La figure 7 illustre les différentes postures de la tête que préconisent les ergothérapeutes. Nous pouvons observer que le positionnement de la tête le plus préconisé est une légère flexion ramenant le menton vers la poitrine (Figure 7). Dans la catégorie « autre », les ergothérapeutes expliquent que ce positionnement est spécifique à chaque patient et qu’il n’est pas possible de généraliser.

Figure 7 : Positionnement de la tête

Figure 7 : Positionnement de la tête

Concernant le positionnement assis, nous observons sur la figure 8 que 47 % des ergothérapeutes répartissent les points d’appui 21 % placent le centre de gravité sur le bassin. Le contact de la tête avec l’appui tête et le maintien de la position après le repas représentent chacun 14 % des paramètres choisis par les ergothérapeutes.

Figure 8 : Positionnement assis

Figure 8 : Positionnement assis

Par rapport au positionnement allongé, nous pouvons observer sur la figure 9 que la plupart des ergothérapeutes conseillent d’élever le relève buste du lit pour favoriser une meilleure déglutition. Effectivement, 15 ergothérapeutes sur 17 préconisent ce type de positionnement.

Figure 9 : Positionnement allongé

Figure 9 : Positionnement allongé

La figure 10 représente le type d’appareillage préconisé par les ergothérapeutes pour compenser le syndrome de la tête tombante. Par la suite, nous leur avons demandé s’ils trouvent que cet appareillage a un impact négatif sur la déglutition. D’après les réponses obtenues, les deux types d’appareillage les plus utilisés pour positionner une tête tombante sont l’appareillage sur mesure et le collier Headmaster (Figure 10). Dans la catégorie « autre », nous retrouvons des bandeaux frontaux et des appuis - tête spécifiques.

Figure 10 : Appareillage préconisé

Figure 10 : Appareillage préconisé

En revanche, l’avis des ergothérapeutes sur l’impact qu’a l’appareillage sur la déglutition est mitigé. En effet, 8 ergothérapeutes sur 17 trouvent que les colliers cervicaux qu’ils préconisent a un impact négatif sur la déglutition.

Discussion

L’objectif de notre travail était de réaliser une analyse de pratique professionnelle pour répondre à la question : « Comment positionner un patient ayant une sclérose latérale amyotrophique avec un syndrome de la tête tombante pour limiter les troubles de la déglutition ? »

L’analyse des résultats montre que le positionnement de chaque segment corporel est nécessaire pour limiter les troubles de la déglutition. De plus, l’utilisation de colliers cervicaux permettant de compenser le syndrome de la tête tombante peut impacter la déglutition et le positionnement préconisé.

Un positionnement global pour compenser les déficiences

Le positionnement du patient au lit ou au fauteuil est une technique fréquemment utilisée par ces professionnels pour limiter ou compenser ces déficiences. En revanche, il est possible de l’associer à d’autres types d’interventions. Effectivement, bien que la plupart des ergothérapeutes ayant répondu au questionnaire utilisent le positionnement pour réduire les troubles de la déglutition et compenser le syndrome de la tête tombante, d’autres méthodes peuvent être utilisées. Parmi elles, nous retrouvons l’apprentissage de stratégies de déglutition compensatoires, l’adaptation des textures, l’utilisation de médicaments et l’utilisation de colliers cervicaux (1).

De plus, bien que la majorité des ergothérapeutes préconisent une légère flexion ramenant le menton vers la poitrine, les résultats montrent que la tête ne doit pas être repositionnée isolément. En effet, les ergothérapeutes positionnent à la fois la tête, le tronc, les membres et le bassin du patient. Ils répartissent également les points d’appui, permettant une posture plus stable.

Il semblerait que la position allongée ne soit pas recommandée pour les patients ayant des troubles de la déglutition. En effet, l’analyse de pratique professionnelle montre que les ergothérapeutes relèvent le relève buste du lit du patient. Ce réglage du lit permet donc d’installer le patient en position demie-assise et évite le décubitus dorsal stricte. L’alignement tête-tronc-bassin doit être respecté. De plus, Bendaya et al (9) démontre qu’il est plus difficile de déglutir en décubitus dorsal qu’en position assise. En revanche, contrairement à la pratique des ergothérapeutes interrogés, cette étude montre qu’il serait plus facile pour les sujets de déglutir en gardant la tête droite qu’en réalisant une flexion cervicale (9).

L’analyse de ces résultats nous permet de répondre à notre première hypothèse. En effet, les ergothérapeutes affirment agir sur l’ensemble de ces paramètres pour essayer de limiter les troubles de la déglutition et compenser le syndrome de la tête tombante. Cependant, l’utilisation d’appareillage semble nécessaire pour compenser ce syndrome. De ce fait, il semble que notre première hypothèse peut être validée.

L’appareillage et les troubles de la déglutition

L’utilisation du positionnement comme moyen pour limiter les troubles de la déglutition des patients ayant une SLA peut être source de difficultés. En effet, les ergothérapeutes ayant répondu à notre étude expérimentale ont présenté des difficultés pour trouver une posture permettant de limiter les troubles de la déglutition des patients. Ces difficultés peuvent être liées à un fauteuil mal adapté, à un manque de tonus musculaire chez le patient et à un syndrome de la tête tombante.

Nous l’avons vu précédemment, la compensation de ce syndrome en ergothérapie peut se faire par la préconisation d’appareillage, notamment des colliers cervicaux. D’après notre étude, plusieurs types de colliers cervicaux sont préconisés par ces professionnels (Figure 10). Cependant, les appareillages les plus préconisés par les ergothérapeutes interrogés sont l’appareillage sur mesure et le collier Headmaster.

Les colliers cervicaux permettant de maintenir la tête en position neutre et favorisant l’horizontalité du regard, nous nous sommes interrogés sur l’impact qu’il peut avoir sur la déglutition (6). En effet, nous avons pu observer qu’il est recommandé de réaliser une légère flexion ramenant le menton vers la poitrine pour réduire le risque de fausses routes. Cependant, cette mobilisation pourrait être limitée par le collier cervical porté par le patient. Les ergothérapeutes interrogés semblent avoir un avis partagé sur le sujet. Il semblerait en effet que les ergothérapeutes qui préconisent le collier cervical Headmaster trouvent que ce collier cervical a un impact négatif sur la déglutition. D’après les résultats de notre étude, ils recommandent donc de retirer ce collier le temps du repas. En revanche, les ergothérapeutes préconisant l’appareillage sur mesure ne trouvent pas que ce dernier a un impact négatif sur la déglutition.

L’étude de Makata et al (10) a comparé la physiologie de la déglutition avec et sans collier cervical. Cette étude a été réalisée grâce à une vidéo fluoroscopie. Lors de la déglutition, la colonne cervicale va subir une flexion de C1-C3, une élévation de C2-C3 et une réduction de la lordose physiologique. Or, les résultats de l’étude montrent que le port du collier cervical impacte ces mouvements. En effet, nous ne retrouvons pas de changement d’angle entre la première et la troisième vertèbre cervicale. L’élévation de C2 et de C3 est réduit et la réduction de la lordose cervicale est altérée. De plus, à l’exception du temps de transit du bol alimentaire, la durée de chaque étape de déglutition semble être augmentée. Davantage de stases alimentaires sont également retrouvées avec le port du collier cervical. L’étude a conclu que l’orthèse cervicale pouvait donc entraîner des difficultés de déglutition (10).

Ces différents résultats laissent supposer que l’appareillage utilisé pour compenser le syndrome de la tête tombante semble rendre la déglutition plus complexe. En revanche, nous avons vu dans notre évaluation de pratique professionnelle, qu’il existe différents types d’appareillage. Ces derniers ont des actions distinctes et ne semblent pas avoir tous le même impact sur la déglutition. De ce fait, nous pouvons valider le fait que l’appareillage peut entrainer des difficultés de déglutition mais nous ne pouvons pas le généraliser à tous les types d’appareillage.

Limites de l’étude et perspectives

Cette enquête en ligne a permis de recenser la pratique d’ergothérapeutes exerçant dans différents types de structures (Centre SLA, SSR, SAVS, SSIAD, … ). En revanche sur les 18 centres SLA de France, seulement 6 ont répondu au questionnaire. Les ergothérapeutes travaillant dans ces centres experts représentent donc 35 % de la population ayant répondu à notre questionnaire. L’effectif reste faible. Cependant, plus de 30 % de répondant est un résultat plutôt correct au regard de la méthode utilisée. De plus, cette étude observationnelle s’agit d’une analyse de pratique professionnelle. Au vu du nombre de répondants, le niveau de preuve reste faible.

Toutefois, cette étude permet de souligner une pratique peu publiée. Plusieurs perspectives peut être envisagées. En effet, les résultats de cette étude se basaient sur la pratique des ergothérapeutes. Dans le cadre d’une poursuite d’étude, il serait intéressant d’étudier l’impact qu’a chaque type de positionnement avec et sans appareillage sur la déglutition des patients ayant une SLA. Cela pourrait se réaliser à l’aide des radio-déglutition dans un service de rééducation. De plus, d’autres paramètres pourraient être pris en compte comme l’inclinaison du dossier du fauteuil roulant et le type de ce dernier (manuel, électrique, AA1, ....).

Conclusion

Ce travail de recherche nous a montré que le positionnement avait un impact sur les troubles de la déglutition des patients ayant une SLA. Grâce au questionnaire, nous avons pu analyser la pratique des ergothérapeutes. Bien que le positionnement de la tête soit l’installation la plus étudiée dans la littérature, nous nous sommes rendu compte qu’elle n’était pas suffisante. En effet, l’analyse de pratique professionnelle suppose que le positionnement doit être holistique, c’est-à-dire qu’il doit s’intéresser à la personne dans sa globalité et non seulement à sa déficience. L’installation du patient en position assise ou allongée doit donc s’intéresser aussi bien à la tête, qu’au tronc, au bassin et aux membres. En revanche, il ne doit pas entraîner de limitation d’activité pour la personne, c’est ce qui en fait toute sa complexité.

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Pour citer ce document

Guilloton Sindou D, Robin L, Thomasson E, Sombardier T, Mandigout S. L’impact du positionnement sur les troubles de la déglutition des patients ayant une sclérose latérale amyotrophique avec un syndrome de la tête tombante – Etat des lieux de la pratique des ergothérapeutes. RSE2R [Internet]. 2023 [cité 15 mai 2024];(1). Disponible sur : https://www.unilim.fr/rse2r/197

Auteurs
Dorine Guilloton Sindou
Ergothérapeute
Univ. Limoges, ILFOMER, F-87000 Limoges, France.
Louise Robin
Ergothérapeute
Univ. Limoges, HAVAE, UR 20217, F-87000 Limoges, France.
Articles de l'auteur parus dans Revue scientifique des travaux de fin d'étude en rééducation et réadaptation
Emilie Thomasson
Ergothérapeute
CHU Limoges, F-87000 Limoges, France
Thierry Sombardier
Ergothérapeute
Univ. Limoges, ILFOMER, F-87000 Limoges, France.
Stéphane Mandigout
Professeur des Universités
Univ. Limoges, ILFOMER, F-87000 Limoges, France.
Univ. Limoges, HAVAE, UR 20217, F-87000 Limoges, France.
Articles de l'auteur parus dans Revue scientifique des travaux de fin d'étude en rééducation et réadaptation
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