DURABILITÉ NATURELLE
Approche biologique de la durabilité


QU'EST CE QUE LA DURABILITÉ NATURELLE DU BOIS

La durabilité naturelle du bois fait référence à la capacité intrinsèque du bois à résister à la dégradation causée par les insectes, les champignons et les intempéries. Différentes essences de bois présentent des niveaux variables de durabilité naturelle. Certains bois, tels que le cèdre rouge de l’Ouest et le teck, sont connus pour leur durabilité naturelle élevée. Ces essences contiennent des substances naturelles qui les rendent résistantes aux insectes et aux champignons, ce qui les rend appropriées pour une utilisation en extérieur sans traitement chimique supplémentaire. D’autres essences de bois, comme le pin, sont moins durables. 

L’approche moléculaire de la durabilité naturelle du bois consiste à examiner les composants chimiques présents dans le bois qui contribuent à sa résistance naturelle aux insectes, aux champignons et aux intempéries. Le principal composant du bois est la cellulose, une macromolécule formée par l’enchaînement de molécules de glucose. La cellulose confère au bois sa rigidité et sa résistance mécanique. Cependant, elle n’est pas responsable de sa durabilité naturelle. Les composés chimiques responsables de la durabilité naturelle du bois sont généralement classés en deux catégories : les extraits non volatils et les extractibles volatils.

  • Les extraits non volatils sont des composés chimiques solubles dans l’eau ou dans des solvants organiques. Ils comprennent des substances telles que les tanins, les flavonoïdes et les lignanes. Ces composés sont synthétisés par l’arbre pour se défendre contre les attaques d’insectes et de champignons. Ils agissent en inhibant la croissance des microorganismes ou en interférant avec leur métabolisme. Certains extraits non volatils, comme les tanins, sont également responsables de la résistance du bois aux rayons UV.
  • Les extractibles volatils sont des composés chimiques volatils, libérés par le bois sous forme de vapeurs ou de gaz. Ils comprennent des substances telles que les terpènes et les phénols. Ces composés ont des propriétés antimicrobiennes et insecticides, ce qui contribue à la résistance du bois aux organismes nuisibles.

L’interaction complexe entre ces composés chimiques confère au bois sa durabilité naturelle. Cependant, il est important de noter que la durabilité du bois peut varier d’une essence à l’autre en raison de différences dans la composition chimique et la concentration de ces composés. L’approche moléculaire de la durabilité naturelle du bois permet de mieux comprendre les mécanismes de protection naturelle du bois et peut être utilisée pour développer des stratégies de préservation et de traitement du bois plus efficaces.

La durabilité sera abordée sous l’angle de la résistance inhérente d’une essence de bois ou d’un matériau dérivé du bois vis-à-vis des agents biologiques de dégradation du bois, c’est ce que l’on nomme communément la « durabilité naturelle ». En Europe, la manière d’évaluer cette durabilité naturelle est spécifiquement décrite dans la norme EN350 (2016), laquelle est une norme « cadre » stipulant les méthodes d’échantillonnage, renvoyant à des normes spécifiques d’essai et établissant les principes de classification. Le bois présente une variabilité plus ou moins marquée, intra et inter-individus, selon son âge, sa provenance géographique et la classification de la durabilité naturelle doit pouvoir traduire cette variabilité. En outre, cette norme contient des tableaux répertoriant les données de durabilité et d’imprégnabilité de nombreuses essences d’intérêt en Europe, tableaux que nombre d’acteurs de la filière bois et de la construction utilisent régulièrement.

En fonction de la durabilité d’un bois et de la classe d’emploi dans laquelle il doit être mis en œuvre, il pourra alors être décidé de l’utiliser tel quel ou de recourir à un moyen de protection adapté, afin d’avoir une durée de vie de l’ouvrage en adéquation avec nos attentes.

Ainsi, la durabilité naturelle est une donnée clé pour l’usage du bois et des matériaux à base de bois, en étant une donnée d’importance dans la prédiction de leurs performances dans un environnement donné.

A travers des exemples, nous aborderons différents aspects de l’évaluation de la durabilité naturelle (méthodes, utilisation de vieillissement ou non, variabilité des essences) et nous nous prononcerons sur le statut du « bois imputrescible » trop souvent galvaudé.

Références

EN 350 (2016) Durabilité du bois et des matériaux dérivés du bois – Méthodes d’essai et de classification de la durabilité vis-à-vis des agents biologiques du bois et des matériaux dérivés du bois, AFNOR.

Mots clefs : duraminisation ; durabilité naturelle ; coloration ; marqueurs ; noyer noir ; robinier ; douglas

Après une maîtrise de Génétique, un DEA de Différenciation, Génétique et Immunologie et une thèse de Biotechnologie Végétale à l’université Lyon I, j’ai rejoint l’UMR BioForA (INRAE Val de Loire, Orléans) pour développer des recherches de physiologie moléculaire sur le développement des arbres. Les recherches que j’effectue depuis 1995 visent à mieux comprendre le développement des racines et la formation du bois de cœur pour intégrer de nouveaux marqueurs moléculaires spécifiques à ces deux processus de développement aux programmes d’amélioration en cours.

Contrairement à la différenciation du xylème issu de l’activité du cambium aboutissant à la formation des cernes de croissance, la formation du bois de cœur ou duramen débute quant à elle, après un certain nombre d’années dans la partie centrale du tronc et se propage de manière centrifuge au cours des années. Chez les espèces d’arbre concernées, la formation du bois de cœur se traduit par le développement d’une coloration du bois associée à des possibilités de valorisation en menuiserie, ébénisterie ou construction du fait de sa coloration (noyer, merisier) ou de sa durabilité naturelle chez certaines essences (douglas, mélèze, robinier). De fait, la formation du duramen constitue la dernière étape de différenciation du bois. Cette étape peut avoir lieu de nombreuses années après la xylogénèse marquée par la synthèse de lignines, de cellulose mais aussi par la mort programmée des cellules vasculaires et des fibres. A ce niveau du tronc, seul un très faible nombre de cellules du bois sont encore vivantes (rayons parenchymateux). Quels sont les rôles de ces cellules dans les phénomènes de coloration et dans la durabilité naturelle du bois de cœur ? Même si des caractéristiques physiques (taille des vaisseaux, épaisseur des parois, densité) ou biochimiques (compositions et teneurs en lignines, celluloses, extractibles, sucres, sels minéraux) sont mises en place dans l’aubier, le métabolisme spécifique et finalement la mort de ces cellules jouent des rôles importants dans la formation du bois de cœur, sa coloration et sa durabilité.

C’est dans ce cadre que nous nous sommes intéressés à la transition aubier-bois de cœur et à l’accumulation d’extractibles spécifiques qui selon les espèces peuvent être reliés à la coloration voire à la durabilité naturelle des bois. Au cours de cet exposé et sur la base de nos travaux successifs sur le noyer, le douglas et le robinier, je montrerai que (bien que complexe et difficile d’accès) la duraminisation représente selon les espèces considérées autant de modèles d’étude qui gagneraient à être mieux compris et maîtrisés (figure). Outre des aspects de valorisation industrielle (production d’extraits fluorescents et antimicrobiens), les travaux que nous avons menés chez le noyer, le douglas et le robinier par des approches complémentaires de physiologie, de biochimie, de biologie moléculaire ouvrent maintenant des perspectives intéressantes de phénotypage et de génotypage à haut débit. Le développement de ces technologies à haut débit pourrait notamment se baser sur les connaissances acquises sur les extractibles, les mécanismes physiologiques spécifiquement mis en jeu et finalement les gènes impliqués dans ces transitions de couleur et de durabilité.

 

Fig. : Récapitulatif des recherches engagées sur les processus de duraminisation ayant lieu chez trois espèces modèles (2000-présent) : Jusqu’à présent, l’essentiel des travaux de physiologie moléculaire (saisonnalité de l’expansion du bois de cœur, biochimie des extractibles, biologie moléculaire et clonage d’ADNc, transcriptomique) ont été abordé sur de faibles nombres d’individu de noyer noir, douglas et robinier. Ils ont notamment permis de définir la zone de transition aubier-bois de cœur (ZT) à partir de laquelle le clonage ou le séquençage des gènes exprimés au cours des saisons lors de la formation du bois de cœur ont pu être caractérisés. L’utilisation des nouvelles techniques de phénotypage (SPIR-MIR) et de génotypage (NGS, SNPs) haut-débit dans le cadre des programmes d’amélioration en cours chez le douglas et le robinier (sélectionnés jusqu’à présent principalement selon des critères de croissance et de forme) devrait permettre maintenant d’y ajouter des composantes « qualité du bois ».

Remerciements
C.B. tient ici à remercier les membres de la plateforme Phénobois d’Orléans (Nathalie Boizot, Nassim Belmokhtar, Kévin Ader, Orlane Touzet), Guy Costa (Université de Limoges), Philippe Bernier (UEFP, Inrae Pierroton) et Dominique Merzeau (CNPF) pour leur implication et soutien indéfectible ; la Région Centre Val de Loire pour le financement des projets IR ValRob (2012-2016, convention 00073766) et WoodProActif (2020-2024, convention 00138879) ; les pôles de compétitivité Cosmetic Valley et Végépolys Valley pour leur soutien

Références

  1. Durand S., Plazanet I., Boizot N. Breton C., Costa G. (BMC, sous presse). Transcriptomic monitoring of Douglas-fir heartwood formation.
  2. Bostyn S., Destandau E., Charpentier J.-P., Serrano V., Seigneuret J.-M., Breton C. (2018). Optimization and kinetic modelling of robinetin and dihydrorobinetin extraction from Robinia pseudoacacia wood. Industrial Crops and Products, 126, 22-30.
  3. Destandau E., Charpentier J.-P., Bostyn S., Zubrzycki S., Serrano V., Seigneuret J.-M., Breton C. (2016). Gram-Scale Purification of Dihydrorobinetin from Robinia pseudoacacia L. Wood by Centrifugal Partition Chromatography. Separations, 3 (3), 12 p.
  4. Plazanet I., Zerrouki R., Lhernould S., Breton C., Costa G. (2015). Direct Immunological Detection of Wood Cell Wall Polysaccharides after Microwave- Assisted Ionic Liquid Disruption. Journal of Glycobiology 4 (1), 4 p.
  5. Beritognolo I., Magel E., A. Abdel-latif, Charpentier J.P., Jay-Allemand C. and Breton C. (2002) Expression of genes encoding chalcone synthase, flavanone 3-hydroxylase, and dihydroflavonol 4-reductase correlates with flavanol accumulation during heartwood formation in Juglans nigra L. Tree Physiol. 22: 291-300.