Préface : Définir l’Image Scientifique
« Image scientifique : tout ce qui n’est pas textuel dans un texte scientifique». Cette définition est susceptible de constituer un point de départ minimal sur lequel pourraient s’accorder sémioticiens, philosophes des sciences, historiens des sciences, ainsi que les producteurs de ces images, qu’ils soient mathématiciens, physiciens, chimistes, biologistes, etc. Mais cette définition privative, même si elle a pour atout d’inclure la grande variété des formats de représentation qui caractérise les images scientifiques (schémas, micrographies, histogrammes, images de simulation, etc.), semble bien insuffisante. En effet, elle ne rend pas compte de certaines caractéristiques essentielles de ces images: leur réalisation suppose le recours à des instruments et à des processus qui conditionnent leurs composants (couleurs, formes, textures) et délimitent leurs fonctions ; les visées qu’on leur assigne jouent un rôle capital dans la forme finale qu’elles revêtent. De surcroît, cette définition semble prendre acte d’une coupure radicale entre le format textuel et le format visuel, ce qui reste sans doute à interroger dans le cas des images scientifiques.
Lorsqu’on se livre à un rapide état des lieux des travaux existants, et qu’on les aborde à la lumière des relevés que l’on peut établir par ailleurs quant aux usages du mot « image » dans les laboratoires des sciences de la nature, on constate qu’un flou définitoire domine. Celui-ci engendre de nombreux malentendus non seulement entre chercheurs provenant de disciplines différentes, mais également entre chercheurs d’une même discipline. L’ambition centrale de ce volume est donc avant tout de constituer un essai de clarification en la matière. Pour cela, nous avons souhaité rassembler autour de plusieurs axes à la fois des analyses conceptuelles et des études de cas portant sur les images au sein de disciplines scientifiques déterminées. Ces axes sont les suivants :
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Est-il souhaitable de définir le concept d’image scientifique ? Peut-on seulement, et le cas échéant, doit-on chercher à élaborer une définition qui soit commune à toutes les disciplines qui se donnent pour finalité d’étudier ce type de production ? Par ailleurs, quels rapports peut-on établir entre les propositions de définition ainsi formulées et les typologies spontanées élaborées par les scientifiques eux-mêmes ?
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Dans le cadre du travail de définition, quels sont les traits différentiels qui permettent de saisir ce qui fait la spécificité des images scientifiques par rapport aux images appartenant à d’autres domaines de l’inventivité et de la créativité humaines ?
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Peut-on établir une frontière nette entre ce qui relève du textuel et ce qui relève du visuel ? Si la question a déjà été traitée à propos des images publicitaires ou journalistiques, qu’en est-il dès lors que l’objet d’étude spécifique est constitué par les images scientifiques ?
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En amont de ces lignes de questionnement, il sera probablement nécessaire de s’interroger sur ce que l’on entend par « définir ». Est-il envisageable, en l’occurrence, d’élaborer une définition en termes de conditions nécessaires et suffisantes ? Doit-on au contraire se tourner vers le concept d’air de famille de Wittgenstein et chercher à dégager les analogies qui permettent de subsumer les différents formats d’image scientifiques sous un même concept ?
C’est à ces questions que nous avons consacré le colloque dont le présent volume rassemble les travaux. Ce colloque ayant pris pour objet de réflexion la définition de l’image scientifique s’est déroulé les 4 et 5 juin 2009 à la Maison Interuniversitaire des Sciences de l’Homme - Alsace, à Strasbourg. L’évènement s’inscrivait dans le cadre du projet « IDiViS : Images et dispositifs de visualisation scientifiques » (ANR 2008-2010) piloté par Anne Beyaert-Geslin et du projet « Étude comparée des images produites dans les sciences physiques et dans les sciences de la vie » (Conseil scientifique de l'ULP – Strasbourg 1, 2006-2009) piloté par Catherine Allamel-Raffin. Nous souhaitons remercier les personnes qui ont contribué à l’organisation de ce colloque et à la réalisation de ce volume, notamment Anne Beyaert-Geslin, Jean-Luc Gangloff, Agnès Pajot, et l’ensemble des participants au colloque et des auteurs de ce volume.