Quelques propos1 extraits d’un entretien entre Ginette Bocquet, originaire du Gué de Velluire, et Michel Poupin, en présence d’Annette Vadier

Entretien entre Ginette Bocquet,
Michel Poupin
et Annette Vadier

Le style oral a été conservé

Texte

Note de bas de page 2 :

GB : Ginette Bocquet, née en 1931. MP : Michel Poupin. AV : Annette Vadier. (…) passage inutile à la compréhension. (???) passage inaudible. [aide à la compréhension].

Légende2

(…)

MP : Qui n’apprenait pas son rôle ? !

AV : C’est une façon de parler, ils le regardaient, mais tu sais, ils brodaient…

MP : Qui ?

AV : Ben, Guy [Ollivier]… Il rentrait sur scène, de toute façon, il avait pas besoin de parler, tout le monde riait déjà d’avance.

GB : Oui, Guy, il était loquace, alors… comme ça… il inventait, puis ça s’avançait, hein…

AV : Mais ceux qui apprenaient vraiment leur rôle, eh ben…

GB : … ils étaient perdus !

AV : Eh ben oui parce que t’en as qui apprennent du mot à mot, donc quand tu changes, c’est dramatique, hein ! C’est dramatique pour certaines personnes.

GB : Oh pas pour toi ! T’aurais su faire…

MP : Tu te souviens de gens avec qui il y a eu des clashs à cause de Guy par exemple.

AV : Non, parce qu’on était habitué, je pense. Non, on était habitué. On lui disait peut-être en riant « Non mais bon sang, vous avez encore fait quoi, là ! ». Mais c’était sympa. Non, y a jamais eu de… non, non.

GB : Guy, il avait tellement un caractère heureux qu’on pouvait pas lui dire quelque chose.

MP : Tu répètes l’anecdote avec Paul Girard ?

AV : Ben, il était dans une prison, je le revois encore avec son habit rayé, eh puis, il oublie son rôle, donc Nénette – parce que, à l’époque, Nénette avait remplacé Monsieur Louis Gaignet – elle lui souffle, et puis il lui répond [fort] « Heinnn ? ? ? »… J’imagine Dédé dans les coulisses ! Je vois la tête à Dédé, aussi !

Ce qui était folklo aussi, c’est quand on a joué avec Mademoiselle Honoré… On a joué avec Mademoiselle Honoré…

MP : J’ai vu sur des photos…

AV : … C’était pas triste, là non plus, hein…

MP : Elle se souvient de rien, là, maintenant.

AV : Non !

MP : Ah… Monique Fillon [née Gaignet] a essayé de lui parler… Elle se souvient de rien.

AV : Non !... (…) Elle a dû jouer dans La soupière et dans La chouette. Elle a pas dû jouer longtemps. Moi, j’ai joué qu’une fois avec elle, hein. Mais je suis incapable de te dire le titre. Incapable.

GB : Je m’en rappelle, moi, quand elle a joué.

AV : Mais tu vois, ce qui est impressionnant, c’était quand même, euh… c’était pour l’école qu’on jouait. Tout le monde venait, hein ! Qu’il soit croyant, pas croyant… c’était Le théâtre.

GB : Nous, on le manquait jamais, hein (…).

Note de bas de page 3 :

Que l’on voit sur les photos de ballet d’Anne Gaignet (épouse Papin)

AV : C’était La station Champbaudet avec Mademoiselle Honoré [photo de journal], ah oui, je suis derrière, là. (…)…. Ça c’est Jean-Michel Bernard, avant qu’il ait son accident, qu’il soit dans un fauteuil roulant, le fils à Bernadette Cantin3, le plus vieux. (…). On jouait beaucoup de Labiche car c’est des théâtres marrants. (…) Jean-Louis a dû jouer une fois aussi, mon frère…

MP : Ah, il faudra un jour que je fasse la liste de tous les petits acteurs, parce que c’est important. Dans le contexte, les petits acteurs, si on les additionne, j’ai l’impression que la moitié du Gué est passé sur les planches.

Note de bas de page 4 :

Le metteur en scène André (Dédé) Ferret.

AV : Ben alors, si tu veux, c’était quand y avait de grands théâtres, sinon, je te dis, il4 avait son groupe. Il avait ses personnes, hein ! Comme dans Les deux orphelines, ben t’avais Marie-Thérèse Ollivier (une fille Dufresnoy) qui est venue jouer (…).

Note de bas de page 5 :

Épouse Renaudin.

MP : … Alors on peut commencer par la Galipeauderie ? C’est un très vague souvenir de Gérard Bonneau. Il y aurait eu un théâtre laïque à la Galipeauderie. Monique Fillon5 m’a dit, « j’y ai joué en 43, et c’était pour les soldats ».

GB : C’était pour envoyer des colis. Je pense bien que c’est ça. Je m’en rappelle un peu, oui, parce que, évidemment on y allait.

MP : Mais ça se présentait comment… parce que c’était dans une grange…

Note de bas de page 6 :

Père d’André Ferret, etc.

GB : Oui, dans les granges à Pierre Ferret6.

MP : Mais c’était déjà à Pierre Ferret ?

GB : C’était déjà à Pierre Ferret. Il mettait pas ses chevaux, là. Il mettait plutôt du foin, tu vois, des… Bon. Alors, ben évidemment, fallait tout déblayer…

MP : Mais y avait pas d’animaux ?

GB : Non, Dédé Ferret avait pas de vaches. Il avait que des chevaux.

MP : Dédé, oui, mais Pierre , son père ?

GB : Ah Pierre aussi. Ils avaient pas de vaches. Ils avaient que des chevaux.

MP : Donc, c’était plutôt du foin, des…

GB : Oui, c’est ça. Puis tout le matériel, les charrettes… tout ça était là. Parce que les chevaux, ils étaient derrière la maison à Dédé Ferret. Il y avait une grange où il y avait des chevaux, là… Parce que… je m’en rappelle, quoi.

MP : Pierre Ferret était déjà maréchal-ferrant ?

GB : Ah ben, il a toujours été maréchal-ferrant. Pierre Ferret, il a pris la suite de son père, Jules.

MP : Je me souviens de ce tout petit bonhomme. Je l’ai vu à 84 ans, je devais avoir 8 ans. Alors, lui aussi il était maréchal-ferrant ou forgeron ?

GB : Euh, les deux. Comme Pierre. Dédé aussi, d’ailleurs.

GB : Mais du temps du grand-père Jules, la forge était à côté de chez la tante Edith [Roussies]. (…) La grange de la Galipeauderie, quand on monte à partir de la rue de l’Église, elle est sur la droite…

AV : Mimi et Norbert Roussies se sont mariés dans ces granges…

GB : Ces granges ont été démolies. Il y a une maison neuve.

MP : C’était grand comment ?

GB : C’était assez grand et ça a servi à faire des repas de mariage (…).

MP : Donc, la Galipeauderie, c’était un grand bâtiment qui était nettoyé pour la circonstance et vidé… Gérard m’a dit que c’était décoré…

GB : Ah beh, bien sûr que oui !

Note de bas de page 7 :

Épouse Renaudin.

MP : … avec des tentures, je ne sais pas quoi… Il m’a dit aussi que c’était même surveillé, la nuit, la veille parce qu’il y avait eu des saccages. Et lui, il mettait ça sur le dos d’un conflit laïcs-catho. Mais ça doit être autre chose… (…) Monique Fillon7 a joué une saynète en 1943. Est-ce que ça a commencé plus tôt ?

GB : Ah, je ne sais pas… J’y suis allé, oui, plusieurs fois. Je me rappelle que celui qui s’en occupait énormément, qui était pratiquement le metteur en scène, c’était René Manceau qui était le père à Roger Manceau.

AV : Ah oui, donc, en fait c’était… parce que chez Pierre Ferret, qui était quand même une famille plus catholique que… et puis le père Manceau qui était tout à fait de l’autre côté… ce qui prouve bien que c’était neutre. C’était pour les prisonniers, donc tout le monde apparemment était d’accord !

MP : On y faisait quoi ? C’était pas un vrai théâtre ? C’était des saynètes ? C’était des vraies pièces de théâtres ?

GB : Ah oui ! Je me rappelle que… ah je me rappelle pas beaucoup parce que, tu sais, moi j’étais pas vieille non plus, hein. Je me rappelle qu’y avait Pierre Louis qui jouait. T’as pas connu toi ? Qui a été secrétaire de mairie… oh mais c’est trop vieux, ça, t’as pas pu connaître. Alors, Pierre Louis, qu’est-ce que tu veux, c’était un petit gringalet avec une grosseur à la lèvre… il était pas bête puisqu’il était secrétaire de mairie, mais c’était un peu la tête de turc. Alors il chantait (air fredonné par GB) : On n’est pas des imbéciles on a mêm’ de l’instruction Au lycée Pa-pa. Au lycée Pa-pil. Au lycée Papillon. Alors tout le monde rigolait, parce qu’il chantait ça, mais faut le voir, hein, faut le voir chanter ça ( ? ? ?). Tout le monde rigolait, ça je m’en souviens énormément. Tout le monde était tordu de rire de la façon qu’il chantait ça. Alors ils l’avait habillé avec un petit costume noir, tu sais, lui qui était un gringalet de rien là, ooohhh…

MP : Ça, c’était pendant un changement de décor, au début…

GB : Oh non, c’était pendant les pièces de théâtre. Alors, maintenant, te dire… c’était bien des pièces de théâtre, oui, sûr.

MP : C’était des vraies pièces de théâtre.

GB : Oui, sûr ! C’était des vraies pièces de théâtre.

MP : Parce que, à entendre Monique, ça pouvait être des saynètes pour jeunes filles…

GB : Non, je pense que c’était pendant la pièce de théâtre, mais tu sais, je me rappelle plus beaucoup, hein !

MP : Mais c’est quand même très intéressant car j’ai jamais eu de choses aussi précises…

AV : Et puis elle a une bonne mémoire…

MP : Ben oui, je trouve ! Mais la première année, c’était en 42 ?

GB : Oh oui, c’était dans ces années-là (…) Je me rappelle que quand ils ont été libérés, les prisonniers, il y a eu un grand bal justement là-dedans.

MP : Mais j’insiste, les prisonniers, c’est en 40, donc peut-être qu’en 41-42 Pétain a dit qu’il fallait faire des choses pour les prisonniers, donc ça peut être en 42. Et il y avait plusieurs séances dans l’année ?

GB : Oh non, il y en avait qu’une.

MP : Donc, ça se finit en 44.

GB : Oui !

MP : Donc, si tu as la mémoire pour deux ou trois pièces, ça veut dire que ça s’est passé en 43 c’est sûr, probablement en 42…

GB : Oui, mais enfin… euh…

MP : … et peut-être 44.

GB : oui… euh… Parce que tout ça, c’était sur le plan local. Pour les colis, pour les prisonniers, c’était tout sur le plan local.

MP : Tout était très local. Et il y avait beaucoup de monde ?

GB : Oui, oui, oui. Il y avait beaucoup de monde.

MP : Du pays, que du Gué ?

GB : Que du Gué.

MP : Et ils faisaient la même chose à la Taillée ? Ils faisaient la même chose à l’Ile d’Elle ?

GB : Je sais pas.

AV : Ce qui était intéressant, c’est que c’était tout le monde, il y avait pas de parti pris.

MP : Ginette, je peux te demander ton année de naissance ?

GB : Oui, 31.

Note de bas de page 8 :

Les parents de Ginette, Jeanne et Raoul Raphel, tenaient l’agence postale du Gué.

AV : Ginette Raphel, son nom de jeune fille. La Poste était Raphel8 ! (…)

MP : Donc tu n’as absolument aucun souvenir de pièces…

GB : Non, non.

MP : Seulement de la chanson, là.

GB : Oh oui, seulement, tu vois…

Note de bas de page 9 :

Fillonneau, épouse Jourdain. Cf. l’entretien.

MP : On va pas insister lourdement, mais ça veut dire quand même que, alors ce que je sais maintenant depuis Denise9, hier, c’est qu’elles allaient au Poiré, des fois à l’Ile d’Elle parce qu’il y avait rien au Gué avant la guerre.

GB : Ah beh non, y avait rien au Gué, ça c’est sûr.

Note de bas de page 10 :

Ne pas oublier les spectacles qui ont eu lieu dans l’aile droite de la cure à peu près à la même époque, voire avant.

MP : Mais ça c’est le premier germe de théâtre au Gué10 (…).

GB : Oh, elle sortait pas parce que le père Fillonneau était pas facile, hein… un peu comme ton grand-père, que j’ai bien connu, Raymond Mathé, il était pas facile… (…)

MP : Il était sévère ? !

Note de bas de page 11 :

Le plus important hameau, à quatre kilomètres du Gué, où Raymond Mathé est né et a travaillé toute sa vie.

Note de bas de page 12 :

Mère de Monique Fillon, Marie-Agnès Durand, Olivier Gaignet…

GB : Oh oui ! Oh oui. Il était sévère Raymond Mathé. Parce que moi, j’ai été élevée au Rocher11 jusqu’à l’âge de cinq ans, alors je connaissais tout le monde. Alors j’ai connu ta mère, j’ai connu Raymonde12 étant jeune fille, j’ai connu les parents Mathé. Je vois encore ta grand-mère qui allait au puits en face chez ma grand-mère. Ma grand-mère avait un puits, donc elle sortait pas, mais y avait un puits communal en face, et tout le monde y allait, donc on voyait tout le monde, là. Oh j’étais pas vieille mais je me rappelle de ta grand-mère, oui. J’ai mangé chez tout le monde, là-bas, tu vois… Y avait pas beaucoup d’enfants au Rocher, alors moi j’allais partout. Quand ma grand-mère me voyait pas, elle disait, elle est restée manger. Y avait pas de voiture dans les rues alors tu risquais rien.

MP : Oui. Et puis tout le monde surveillait tout le monde ! (…) Après, il y a un trou, entre la Galipeauderie et le Bulletin paroissial qui commence en octobre 1954. C’est un peu obscur. Jean Fillon m’a dit que la construction de la salle de théâtre avait déjà commencé pendant la guerre parce qu’il se souvient avoir vu des bœufs être utilisés pour ça ; donc les bœufs, c’est la guerre. Elle aurait été terminée en 46 après le retour des prisonniers et grâce à leur travail. Mais quand est-ce que le théâtre a commencé ? Cécile Ferret a un programme Le rosaire – 1949… Est qu’en 47-48 il y a eu quelque chose ?

Note de bas de page 13 :

En montant vers l’Église, la salle paroissiale était à gauche et la Poste à droite.

GB : Ah ! Nous on habitait en face la salle13… je m’en souviens vaguement, mais pas plus, tu vois. (…)

MP : Sinon, tu n’as pas joué ?

GB : Ah non, j’étais trop jeune.

MP : Mais, il n’y a pas d’âge pour jouer !

GB : Oui, c’est sûr, c’est sûr… Ben non…

MP : Tu te souviens de pièces en particulier ?

GB : Non ! Tu sais, ça m’a pas marquée (…).

MP : [Je lis la liste des pièces depuis les années 50] (…)

Note de bas de page 14 :

Dans l’aile droite de la cure ou du presbytère.

C’est quoi, cette chanson de Martial Ollivier, là ? C’était en début de séance ? C’était dans le petit théâtre14

GB : Oui !

MP : Et il chantait quoi ? Quelles sont les paroles ?

GB : Vouésin payré – c’est-à-dire le pays, quoi - … (GB se met à chantonner)

M'disi p'tit gars dimanche viendra

voir d'o chouses admirabieu

Note de bas de page 15 :

Cf. annexe 5 de l’entretien avec Monique Fillon (épouse Renaudin), variante de ce texte.

Y'aura bé d'aux lisi [loisirs], Prendra le train de piaisir [plaisir]15 (rires). Je me rappelle de cette chanson que Martial chantait, oui.

MP : Et des pièces de théâtre, non ?

GB : Oh, c’était plutôt des saynètes.

AV : Norbert Roussies saurait pas ?

GB : Ah ben, peut-être…

Note de bas de page 16 :

Ferret, actrice.

Note de bas de page 17 :

A quinze kilomètres du Gué de Velluire.

Note de bas de page 18 :

L’entretien avec Norbert Roussies a eu lieu l’après-midi même.

AV : Est-ce qu’il se souviendrait ? Étant donné qu’il a été marié avec Mimi16, qu’il habitait en face la Galipeauderie, (…) il habite à Fontaines17, à l’ancienne gare, il a pas bougé18 (…).