Quelques propos1 extraits d’un entretien entre Yves Jourdain, Denise Jourdain et Michel Poupin

Entretien entre Yves Jourdain,
Denise Jourdain
et Michel Poupin

Texte

Note de bas de page 2 :

DJ : Denise Jourdain (1924, née Fillonneau, mariée à Napoléon Jourdain, acteur et décédé). YJ : Yves Jourdain (1947), l’ainé des six enfants, et camarade de classe (unique) à l’école primaire. MP : Michel Poupin, (…) passage inutile à la compréhension, (???) passage inaudible, [aide à la compréhension]

Légende2

(…)

MP : Spontanément, comme ça, de quoi tu te souviens, en tant que spectateur d’abord ?

YJ : Ben oui, je suis allé à des pièces de théâtre… Il y en a eu beaucoup là-bas.

MP : Tu te souviens de quoi ? … C’est dur, hein !

YJ : Ouf ! Faut chercher loin, hein ! (…)

MP : Et des acteurs ? Tu te souviens des acteurs ?

YJ : Ben, y avait papa qui en faisait partie à l’époque, y avait Guy Ollivier, y avait Dédé Ferret, y avait encore Melle Honoré dans les dernières…

MP : Mais c’est plus tard. Moi, je m’intéresse surtout à ce qui est le plus ancien, parce que la mémoire va partir… « Il faut que rien ne parte à la benne »… Est-ce que par hasard tu aurais des papiers ?

YJ : Ah pas du tout.

DJ : Un qui est venu jouer pendant un temps – il venait exprès de Luçon – Jean-Paul Gréau. Il est venu au moment des élections à Giscard. A ce moment-là, il venait souvent au Gué de Velluire… d’abord, il faisait chanter la chorale, il a dû jouer, peut-être même exercer au théâtre. Je sais pas s’il a joué, mais il a travaillé au théâtre… Ils sont toujours à Luçon… Elle s’appelle Marie Maurice (…).

Note de bas de page 3 :

Cf. la photo de la troupe qui a joué Marie-Jeanne en 1956, où elle tient un bouquet.

YJ : Melle Jeanne3, tu te souviens ? (…)

MP : Vous n’avez des photos ? Des rôles ?

YJ : Rien.

DJ : Je sais même pas si t’as joué, toi ?

YJ : Oh non, non… Une fois de temps en temps, comme ça…

MP : Ah ! T’as quand même joué un petit peu ?

YJ : J’ai joué un petit peu, oui, enfin, bon… (…)

Note de bas de page 4 :

Successeur de M. Jard à l’école privée des garçons.

DJ : Monsieur Avril aussi, l’instituteur4, a joué.

Note de bas de page 5 :

Cf. la même photo.

YJ : Monsieur Jard5, autrefois.

MP : Monsieur Jard, on l’avait ensemble à l’école, hein ! [examen de la photo de la troupe] (…) Et ton père, qu’est-ce qu’il a fait ?

YJ : Il avait des grands rôles, aussi lui. [S’adressant à sa mère] Papa, qu’est-ce qu’il jouait ? Je m’en souviens plus des pièces qu’il a jouées…

DJ : Oh, je m’en souviens plus, moi.

MP : Je crois qu’il a joué des grands rôles, oui. Je me souviens du mien qui a joué aussi, mais je ne me souviens pas quoi. Je le vois, puisqu’il avait un poignard, et que j’ai joué après avec [à la fin des années 50]… Est-ce que ton père t’en a parlé, parce que moi, il m’en parlait pas.

YJ : Papa, c’est pareil, il disait rien, hein !

DJ : Moi, j’ai jamais vu ses rôles à la maison.

MP : Ah bon ? Il devait bien les apprendre, pourtant…

DJ : Il devait bien les apprendre, mais est-ce qu’il les apprenait en jouant… Je sais pas. Je me souviens pas avoir vu ses rôles.

MP : Ah oui… C’est pas mal, ça… On m’a dit que mon père n’apprenait jamais ses rôles non plus. Il regardait le souffleur, et ça suffisait. C’est Guy Ollivier, ou Michel Girard qui me l’ont dit…

YJ : Guy Ollivier, je sais qu’il apprenait pas beaucoup ses rôle, lui, hein.

MP : Ah, lui, non plus !

YJ : Lui, il jouait comme ça… Tout le monde rigolait quand il entrait sur la scène, alors…

DJ : Il se rattrapait en…

YJ : … Il en a inventé, lui, hein !

MP : Mais ton père, quand même, il devait partir le soir…

YJ : Ah, il partait le soir, oui.

MP : Mais, il traversait la rivière [Vendée] en bateau ?

Note de bas de page 6 :

La maison Jourdain est située à l’extrême pointe de la commune de Marans (à 10 km du centre ville environ), donc en Charente-Maritime, au bord de la Vendée. De l’autre côté de la rivière, c’est le département de la Vendée, et le centre du Gué n’est qu’à quelques centaines de mètres.

Note de bas de page 7 :

Encore appelé à l’époque chemin de halage.

YJ : Oui, et puis de l’autre côté6, il y avait un chemin de terre7. Puis il s’en allait à pied…

Note de bas de page 8 :

Qui passaient sur les fossés donnant sur la rivière Vendée.

DJ : … Il y avait des ponts8

MP : Michel Girard devait faire la même chose…

DJ : Eh oui, il habitait un peu plus loin… Il faisait ça l’hiver, pendant qu’il faisait la pêche aux anguilles…

MP : Qui ?

DJ : Ben papa, puis Généreux, le voisin d’en face. Ils barraient la rivière quand il y avait de l’eau, quand il pleuvait. Ils avaient des filets, ils barraient la rivière. Puis lui, il s’en allait jouer au théâtre. Puis Généreux gardait pendant qu’il était parti… Quand il y avait du théâtre, et qu’il jouait à ce moment-là, ben… Il revenait, il se mettait dans le bateau et puis il était à la pêche aux anguilles.

MP : Mais il faisait noir. Ils s’éclairaient comment ?

DJ : Ils s’éclairaient en principe pas !... Les anguilles, elles filaient le long des filets, et puis elles aboutissaient dans des tonneaux, dans les bourolles, puis ils les levaient sur le matin, quoi.

MP : Ils surveillaient toute la nuit ?

DJ : Ils dormaient même dans le bateau… Ça leur est arrivé de dormir les fesses dans l’eau, oui [rires de DJ]. Ils ont passé de bons moments, hein !

MP : C’était en face la maison ?

Note de bas de page 9 :

Deux longues perches solides et croisées auxquelles est fixé un filet ayant une forme de poche, prenant appui sur un bateau retenu au centre du la rivière.

YJ : Il y avait un barrage là, et puis le bateau était devant. Parce qu’il y avait un haveneau9 , un furet… qui faisait la largeur de la rivière. Ils montaient sur les bois pour arriver à le lever [le filet de l’Haveneau] parce il y avait du courant et c’était lourd, hein. (…) Le bateau était au travers de la Vendée, attaché de chaque côté avec des cordes, et le filet en forme de poche était dessous le bateau… les anguilles rentraient dedans… Et plus loin, il y avait le barrage avec des perches… ils mettaient des filets et des bourolles tout le long (…).

MP : Donc, quand même, tu t’en souviens bien du théâtre…

Note de bas de page 10 :

Fillon. Cf. l’entretien avec sa fille Monique.

YJ : Je me souviens du théâtre, oui, parce qu’après, quand je jouais plus, je donnais un coup de main au père Constant10 à faire les décors.

MP : A partir de quand, à peu près ?

YJ : J’étais marié à cette époque là ? Je me souviens plus.

DJ : Tu t’es marié en 70.

YJ : Ben, à cette époque-là déjà le père Constant faisait les décors, je m’en souviens. J’allais avec lui.

MP : Alors, où est-ce qu’il travaillait pour faire ces décors ? Est-ce qu’il allait par exemple chez Marcel Bonneau ? Parce que c’est ce que me dit Monique Fillon… (…)

Note de bas de page 11 :

YJ, marié à Annette Vadier à l’époque, habitait quasiment en face de la salle de théâtre.

YJ : Je sais qu’il en a peint dans la salle, toujours. Je m’en souviens très bien. Il les faisait sur la scène, il les préparait, les cadres, tout, puis après, il les descendait en bas – qui c’est qui y allait à cette époque-là, lui donner un coup de main pour les descendre ? – puis il mettait ça sur des sièges, puis il les peignait là. Y avait de la place à l’époque, hein ! Ah oui, il en a fait beaucoup dans la salle, plus que chez Marcel Bonneau, il me semble, parce que je me souviens pas de ça (…). Il les faisait à sa façon, il allait voir Dédé – c’est au début que Dédé Ferret s’en occupait, c’est vieux, ça, hein – de temps en temps, il allait donner un coup de main pour les déplacer, pour la peinture, fallait les tourner… Sur la fin, j’y allais de temps en temps, c’est moi qui y allait, quand il venait sonner à la porte11, puis j’allais lui donner un coup de main. Mais moi, j’y allais juste pour les tourner, c’est tout. Ah, fallait pas toucher à ses affaires, hein !

MP : Mais le matériel était à qui ?

YJ : C’était de la récupération qu’il faisait. Alors, peut-être qu’à l’époque il en prenait chez Marcel Bonneau, il était menuisier. Je ne m’en souviens pas trop de ça. C’était des bouts de planche qu’il récupérait à droite à gauche. Puis il faisait ça avec ça.

MP : Mais il y avait du tissu aussi, il y avait de la toile…

YJ : Il y avait du tissu, il y avait de la toile, oui. Ça, par contre, je te dirai pas d’où ça vient.

MP : La peinture, c’est pas donné ?

YJ : Ben non. C’est eux qui l’achetaient, puis après avec la somme des théâtres, eh bien, ils se remboursaient. Puis le reste allait aux écoles, quoi (…).

MP : Alors toi, tu es intervenu pour aider Constant, mais c’était juste pour retourner… ? Tu es intervenu, non, un peu pour de la maintenance, de l’entretien…

Note de bas de page 12 :

Cf. les entretiens avec Gérard Bonneau et Gilles Ouvrard.

YJ : Ben j’ai fait après avec Daniel Ouvrart – c’est déjà moins vieux, ça – l’électricité partout (passage sur l’engin pour gérer l’intensité lumineuse12, « c’était dehors, quand on descendait pour aller au sous-sol »).

MP : Tu t’en souviens un petit peu de cet engin ?

YJ : Alors, qui c’est qui s’occupait de ça à l’époque, je m’en souviens pas moi, hein ! Je sais qu’André Ferret faisait beaucoup pendant les pièces de théâtre, il s’occupait beaucoup des lumières… il s’occupait un peu de tout, hein ! Si ça se trouve, c’est lui qui s’en occupait, de ça… C’était des gros tubes, je sais pas combien y en avait, des machins comme ça – c’était pas de la porcelaine, c’était marron, je crois, comme des buses. Et puis y avait un poids qui descendait dedans, alors ça jouait sur la lumière… Moi, j’y connaissais rien (…).

DJ : Y avait des théâtres dans tous les alentours. On allait au théâtre à pied, nous. On allait au Poiré sur Velluire, on allait à Vix, à l’Ile d’Elle…

MP : En quelle année ?

DJ : Ah ben, j’étais pas mariée. On y allait en groupe, les filles, les gars étaient derrière qui suivaient. On avait… 15 ans, 16 ans. Ça devait être en 40.

MP : Donc, il y avait des théâtres avant la guerre.

Note de bas de page 13 :

Napoléon, son mari.

DJ : Ah oui, oui, oui. On a même continué au début de guerre, parce que je me souviens, Polon13 était parti dans le moment. Il était parti dans la STO. A ce moment-là, on jouait encore, il y avait encore des théâtres. Ça n’a pas duré longtemps.

MP : Au Gué ?

DJ : Dans les alentours, au Gué, je pense pas. On allait beaucoup au Poiré à ce moment-là, et à Vix. Ils avaient joué, je me souviens, Les Oberlé au Poiré. Les autres, je m’en souviens pas.

MP : Qui c’était vos copines, sans indiscrétion ?

DJ : Oh, j’avais peut-être bien 18 ans, parce que mes parents me laissaient pas sortir la nuit facilement, déjà.

MP : Mais vous y alliez à pied ?

DJ : On y allait à pied.

MP : Et vous habitiez où à l’époque ?

DJ : Ben là ! Je suis né là, moi.

MP : Donc vous traversiez la rivière en bateau…

DJ : … et puis on s’en allait à pied. Avec les Thibaud, Denise Loiseau… qu’est-ce qu’il y avait encore… des plus grandes, après. Je me souviens plus trop… Parce que Lucienne venait pas, Lucienne Billy de la Sébrandière, elle venait pas… (…).

(questionnement sur la Galipeauderie : aucun souvenir).

MP : A part Les Oberlé, vous vous souvenez de titres encore… ?

Note de bas de page 14 :

Institutrice de l’école privée des filles.

DJ : Non, je me souviens qu’on en avait joué un… on le jouait à côté de la cure, où était euh… qu’est-ce qu’il y avait là ?… il y avait un patronage de garçons… On avait joué là, avec Melle Lucas14. Dans le moment, je devais être plus jeune que ça, je pense… J’avais 12-13 ans, 14 ans… Il y avait une petite pièce, là.

MP : Là où il y a eu le club-télé !

DJ : On en a joué un, là. Mais je me souviens pas du titre. C’était Melle Lucas qui nous exerçait, qui nous apprenait, quoi. Denise Loiseau jouait là. Moi je pense que je jouais pas… je m’en souviens pas.

MP : C’était une vraie pièce de théâtre ?

DJ : C’était une pièce, oui, oui.

MP : Avec un public, euh…

DJ : Y avait quelques personnes, mais pas beaucoup, parce que c’est pas grand. Les parents sûrement, les parents de ceux qui jouaient, sans doute, et puis peut-être les grands-parents, je sais pas.

MP : Mais c’était en rapport direct avec l’école ?

DJ : Ah sûrement, parce c’est Melle Lucas qui… Ah sûrement, je suppose.

MP : Et là, vous n’avez aucun souvenir… ?

DJ : Je me souviens pas… Je me souviens, je vois Denise Loiseau jouant… Arlette jouait aussi, Arlette Thibaud…

MP : Et qu’est-ce qu’ils sont devenus ces gens-là ?

DJ : Denise est morte et puis Lucienne aussi. Puis Arlette aussi.

MP : La piste s’arrête là, alors.

DJ : Ben maintenant, je suis toute seule, tout le monde est parti !... Mimi Thibaud est parti… On était pas beaucoup d’ailleurs, on était 3 ou 4 de cet âge-là… Les garçons étaient nombreux cette année-là, mais je pense qu’y en a plus. Je pense que tout le monde est parti.

MP : Mais, est-ce que les garçons ont joué, là aussi ?

DJ : Non, je m’en souviens pas. C’était bien séparé, hein. Ah ben surtout, fallait pas se mélanger, hein ! Fallait pas que les deux écoles se mélangent, ah beh non ! Quand y avait des défilés, par exemple au 11 novembre ou n’importe, on défilait chacun notre tour, chacun notre heure. Un à 10 heures puis l’autre peut-être à midi, je sais pas, mais pas ensemble.

MP : Mais ça, c’était au cimetière ?

DJ : Au cimetière, oui… Melle Lucas était très stricte là-dessus (…). Oh, fallait pas fréquenter les garçons… Si on avait le malheur de passer un peu de travers, on se faisait redresser les bretelles, hein… Et le dimanche, y avait un patronage, ben il fallait pas que les garçons approchent trop près des filles, hein ! Elle surveillait ça, hein !

MP : Mais, le patronage était à l’école ?

DJ : A l’école, oui. Après les vêpres, on rentrait dans la cour, et puis ça se passait là.

MP : Et vous n’alliez pas à la salle de théâtre, alors ? Parce que c’était la salle du patronage…

DJ : Ben, y avait pas de salle de théâtre à l’école, de toute façon.

MP : Ah… de quand date cette construction de théâtre ? (…)

Note de bas de page 15 :

Hameau situé à environ 1,5 km de la rue du Chéreau.

DJ : … Bon, ben à ce moment-là, on était juste marié, donc on s’est sûrement pas occupé de théâtre. On habitait au Gué, dans le moment, 4 ans, juste mariés. Et je pense qu’ils avaient commencé à jouer à ce moment-là. Il me semble, il me semble que l’hiver à la veillée, il s’en allait aux répétitions de théâtre. Entre 46 et 50… On habitait au Gué. Ça, je me souviens que l’hiver, il s’en allait… il y avait Martial Ollivier aussi qui a dû jouer au théâtre. Et Martial est de mon âge, le plus vieux des Ollivier (…). Il venait chez nous à la veillée, souvent de fois. Dans le moment, on avait un tourne-disque, qui existe encore mais qui marche plus depuis longtemps, il venait écouter des disques Martial. Il venait du Petit Rocher15, on l’entendait venir en sabots de bois… Il a joué au théâtre, Martial.

MP : Mais vous, vous habitiez vers l’Église ?

DJ : Non ! On habitait dans le Chéreau.

YJ : Ben, pas loin de chez toi (…).

MP : Le magasin de Génie ?

DJ : … Ben, on était là. Mes parents avaient acheté le magasin (…).

MP : Donc Martial venait jusque chez vous ?

DJ : Il venait faire la veillée l’hiver, on faisait la veillée un moment, et puis… à ce moment-là mon mari s’en allait aux répétitions de théâtre. Déjà à ce moment-là.

MP : Mais il partait pas avec mon père, non ? Parce qu’on était voisin à l’époque…

DJ : Oui, je me souviens bien de lui, de Louise…

MP : Parce que lui, il a joué au théâtre, aussi. Il en parlait pas beaucoup, mais je me souviens qu’il partait… il se changeait pour…

DJ : Il parlait pas beaucoup Pierre…

MP : Ah non ! S’il a fait du théâtre, à mon avis, c’est qu’on l’a obligé !

DJ : [rires]

MP : Il me semble qu’on a dû dire à l’époque aux parents qu’il y avait plus d’argent, parce qu’en fait Pétain donnait de l’argent aux écoles privée ; à la libération en 44-45, ça a sauté, donc les curés ont dit, ben faut gagner de l’argent. Et je pense qu’on a demandé aux parents, au départ – c’était pas tellement volontaire – on a dit aux parents, faut faire un spectacle pour rentrer de l’argent, et puis, petit à petit, il y a eu des volontaires, des gens auxquels ça plaisait… Mais à mon avis, mon père, c’était pas son truc…

DJ : Non, non, je pense pas. Il était très réservé… Je me souviens bien de lui, et puis de Louise aussi, elle était bien gentille (…).

MP : Donc, c’est très intéressant, vous alliez jusqu’au Poiré ? ! Mais vous reveniez à quelle heure du soir ?

DJ : Ah ben, dans la nuit !

MP : Mais il devait être minuit, une heure ?

DJ : Ah mais oui, sûrement, minuit, une heure…

MP : Parce que, le Poiré à pied, il faut une bonne heure…

DJ : Ah ben, on s’en allait en chantant, et on revenait en chantant, on s’embêtait pas !

MP : Mais vous étiez combien à peu près ? 4, 5 ,6 ?

DJ : Ah, je sais pas… une dizaine… Oh oui… Peut-être 12, je sais pas. On était une bande, quoi, les plus jeunes devant et puis les plus vieilles derrière. Et puis on y allait de bon cœur, hein !

MP : Combien de fois pas an ?

DJ : Ah, pas beaucoup, quand même. Deux ou trois fois. Une fois à Vix, une fois au Poiré – on allait beaucoup au Poiré, hein ! Tous les ans on allait au Poiré – Et l’Ile d’Elle, moins souvent, mais on y allait aussi… On marchait à pied à ce moment-là, on avait pas de voiture, on avait pas de vélo, on avait rien.

MP : Mais à l’Ile d’Elle, vous n’y alliez pas en bateau…

DJ : Ah non, on y allait à pied par la rivière…

MP : Par le halage ?

DJ : Oui !

MP : Parce que le halage, la nuit, quand c’est pas éclairé, en hiver…

DJ : Autrefois, on avait pas d’embêtement, hein ! Bien moins qu’aujourd’hui.

MP : Non, mais le halage… je veux dire… il faut des bottes…

DJ : Mais ça dépendait du temps, aussi. Quand ça gelait, c’était pas sale ! Ça dépendait, quoi comment les chemins étaient propres ou pas… Mais on y allait moins à l’Ile d’Elle… Je sais pas pourquoi… Y avait moins de théâtres, certainement.

MP : Et les garçons y allait de leur côté, alors ?

DJ : Ah, les garçons venaient pas avec nous. S’ils venaient, ils restaient derrière. Ils étaient en bande aussi, mais derrière. On mélangeait pas. Sauf quand on a commencé à se fréquenter, bon, après c’était différent [rires].

MP : [à Yves] Tu savais tout ça ?

YJ : Ben, non ! [rires de tout le monde].

DJ : Eh beh oui, c’est comme ça.

MP : C’est très intéressant, tout ça, de voir un peu d’où on vient, et puis comment ça a pu fonctionner…

DJ : De toute façon, aujourd’hui, c’est complètement changé, tout a changé, la mentalité est changée… c’est pas du tout pareil. On s’amuse pas aujourd’hui comme... Autrefois on s’amusait proprement, j’allais dire, on s’amusait gentiment. Aujourd’hui, on s’amuse plus. Ils s’amusent plus, les jeunes… (…) Ils font des bêtises et puis c’est tout. (…) Autrefois les jeunes faisaient pas des bêtises comme maintenant… enfin… (…).

MP : Ton métier, toi ?

YJ : Mécanicien.

MP : Et tu t’es pas occupé d’électricité, par exemple dans le théâtre ?

YJ : Non, non… (…) Quand il y avait des théâtres, j’allais donner un coup de main pour mettre les décors, changer les décors entre… ça j’ai fait, ça.

MP : Vous étiez combien pour faire ça ?

YJ : On était 3 ou 4, je crois.

MP : Pour changer les décors ?

YJ : Ah oui ! C’était pas facile, hein.

MP : Y avait qui ?

Note de bas de page 16 :

Marie de Paulette, née Ollivier (cf. son entretien).

YJ : Y avait moi, y avait Constant à l’époque, André Ferret qui donnait aussi un coup de main, y avait Louis Gaignet16 qui a fait le souffleur pendant pas mal de temps (sur la fin, il en avait marre et disait « si je pouvais trouver quelqu’un d’autre… »).

MP : Pourquoi c’était difficile ?

YJ : Ben parce que c’était lourd. On se mettait à deux, en général, parce que c’était vachement haut, hein !

MP : Donc tu étais quand même un peu dans le paysage…

YJ : Pas sûr la fin, mais j’y étais souvent, hein !

DJ : Puis en plus il habitait à côté, donc euh… Même quand il y avait des bricoles à réparer à l’école, ils tapaient sur Yves, quoi !

MP : Ah, même à l’école…

YJ : Aller faire la pelouse, tout…

Note de bas de page 17 :

Mari de Monique Fillon, née Gaignet, président de l’école privée un temps et YJ vice-président.

DJ : Les couvertures… T’as travaillé aux couvertures de l’école ? Eh ben oui, avec Jean Fillon17. C’était toujours les deux qui étaient coincés quand il y avait quelque chose à faire.

DJ : Et puis en plus, lui, il faisait les 3x8 donc y avait des semaines où il travaillait la nuit et il travaillait le jour à réparer l’école souvent de fois. Y avait des gens qui disaient : « Ah, ben, te travailles pas toi… ». Ben évidemment, il avait travaillé la nuit lui…

MP : Où est-ce que tu faisais les 3x8 ?

Note de bas de page 18 :

Usine de pâtes à papier.

YJ : A l’Ile d’Elle, chez Keyes18.

MP : Et l’école des garçons, tu y travaillais aussi ?

YJ : Ben non, après, c’était garçons et filles, ensemble, quoi. Avec Mme Ollivier, la femme à Guy, Antoinette, et puis sa belle-sœur (…).

(…)

DJ : Dans le fond, les gens restaient debout les ¾ du temps, les jeunes.

MP : Devant, il y avait des bancs pour les enfants. Il y avait combien de rangées à ton avis ?

YJ : 4 ou 5… 4 je crois.

MP : Après, il y avait des chaises…

YJ : Alors, y en avait jusqu’à la porte.

DJ : Y en avait 4-5 rangs… 5 rangs ?

YJ : Ouh… 5 rangs facile ! Puis de l’autre côté de la porte, y avait l’allée,

MP : C’était que des bancs, ou bien y avait des chaises derrière ?

YJ : C’était que des chaises, puis on rajoutait des bancs sur les côtés quand il y avait trop de monde, le long du mur, tout le tour.

MP : J’ai un vague souvenir qu’il y avait des bancs dans le fond…

DJ : Peut-être, oui.

YJ : Y avait aussi des bancs dans le fond…

DJ : Mais il y avait aussi des gens debout dans le fond…

YJ : Parce que quand c’était des grandes pièces, il y avait du monde, hein ! Ah oui, je me souviens… des fois…

MP : Y avait combien de personnes à ton avis dans la largeur ?

DJ : Ben, je sais pas, je dirais 150, moi…

YJ : En largeur, 14 ou 16 ?

MP : (…) A l’intérieur des murs, il y a 7 mètres ( ?), donc mettre 14 personnes, c’est peut-être beaucoup. Il y avait bien une petite allée le long du mur en rentrant.

YJ : Et une autre de l’autre côté… donc une douzaine, en gros.

MP : Plutôt 12, oui. Mais alors, le nombre de rangées…

YJ : Je m’en souviens plus…

MP : De toute façon, sur les bancs, c’était plus serré…

YJ : Oh mais… y avait des pièces de théâtre, c’était infernal, hein ! Le monde qu’il pouvait y avoir … ! Debout, sur les bancs… y en avait partout. Ah mais, ça marchait bien à l’époque… (…) Le comte de Monte Cristo, ils l’ont joué… Papa a joué là-dedans.

MP : Est-ce que les gens y allait une fois ou plusieurs fois ?

DJ : Ah, y en a qui y retournaient. Les personnes âgées, souvent de fois, y retournaient… les personnes âgées et même les autres. Ils y allaient une première fois, puis après ils y retournaient. Pas à la deuxième séance, mais à la troisième…

YJ : Parce que c’était l’après-midi, le dimanche après-midi.

DJ : En général, les personnes âgées y allaient plutôt l’après-midi. Y avaient des gens qui y allaient deux fois, oui, ça c’est sûr.

MP : Vous souvenez des pâtisseries ?

YJ : Des demoiselles Méchin ! Ben, elles en ont fait hein ! Oh là là… Des tartelettes, des chaussons

Note de bas de page 19 :

Le gâteau « minute » du marais poitevin est à mi chemin entre la génoise et le quatre quarts.
« Les maîtresses de maison en avaient souvent en réserve. Ainsi, en cas de visite imprévue, le gâteau était prêt à être servi à la minute, d'où son nom ».

DJ : Des petits minute19 aussi ! C’était bon (…).

MP : Quand j’étais gamin, je me rappelle, j’étais devant, et… c’était plein, silencieux, tendu… silencieux, peut-être pas tout le temps, mais quand même, il y avait des moments d’intensité très forte.

DJ : Devant, y avait souvent du bruit, les gamins étaient pas toujours sages. Mais bon…

MP : Je me souviens pas de ça… parce que j’en faisais peut-être.

YJ : Y avait que le dimanche après-midi qu’il y avait les gamins, surtout. Mais le samedi soir, y avait pas de gamins… J’aimais bien, moi, parce que c’était la belle époque. Et puis on y pensait longtemps à l’avance… on disait, ça approche, ça approche…

MP : Et en général, il y avait deux pièces dans l’année…

YJ : A la fin, y en avait plus qu’une.

DJ : Souvent de fois, il y avait une pièce sérieuse, puis un petit truc rigolo après.

MP : Vous vous souvenez de Jean Guérin ? (…)

DJ : Il chantait énormément, Jean Guérin. Son père aussi d’ailleurs.