[Publication] Étude des mécanismes de frittage des céramiques à base de grenat d’yttrium et d’aluminium dopé au Ca : de la nanostructure au comportement macroscopique

Les matériaux à base de grenat d’yttrium et d’aluminium (appelé communément YAG, de formule chimique Y3Al5O12) sont couramment utilisés dans les dispositifs optiques en raison de la capacité de la matrice YAG à permettre l’incorporation en solution solide de nombreux ions luminescents de la famille des terres rares ou des métaux de transition. De plus, grâce à leurs bonnes propriétés thermiques et mécaniques, ces matériaux peuvent être utilisés dans des dispositifs d’émission de lumière très exigeants fonctionnant dans un environnement sévère. Depuis les années 90, plusieurs travaux ont démontré la possibilité de fabriquer du YAG transparent sous forme de céramiques polycristallines avec une qualité optique proche de celle des monocristaux. Néanmoins, la qualité optique des céramiques transparentes est conditionnée par l’absence de défauts microstructuraux (pores résiduels, inclusions de phases secondaires ou d’impuretés). À titre d’exemple, la porosité résiduelle dans les céramiques YAG doit être inférieure à 10-4 % pour atteindre l’efficacité d’un laser solide incorporant un monocristal commercial. Par conséquent, un contrôle rigoureux de toutes les étapes du processus de fabrication de la céramique, y compris le frittage, reste essentiel pour obtenir la qualité optique élevée requise pour de nombreuses applications. Parmi les stratégies appropriées pour promouvoir la densification et contrôler la microstructure finale des céramiques, l’utilisation de méthodes de frittage non-conventionnelles telles que le HIP (Hot Isostatic Pressing) couplant l’application de hautes températures avec de hautes pressions d’Argon gazeux restent bien adaptées mais très coûteuses en énergie et en ressources. En comparaison, l’utilisation d’additifs de frittage utilisant des éléments chimiques abondants (Si, Mg, Ca, Zr, etc.) est un moyen d’y parvenir très simple et peu coûteux.

Dans ce contexte, des travaux de recherche menés au laboratoire IRCER dans le cadre de la thèse de Camille Perrière (CIFRE DGA/CILAS) se sont intéressés au rôle du calcium sur les mécanismes de frittage des céramiques de YAG. Des analyses structurales et microstructurales ont révélé que la solubilité du calcium était très limitée et proche de 650 ppm à 1700 °C. En conséquence, seuls des taux en dessous de cette valeur peuvent être utilisés pour la fabrication de céramiques exemptes de phases secondaires et transparentes. De plus, des analyses chimiques menées à l’échelle nanométrique par STEM et NanoSIMS ont montré une ségrégation du calcium aux joints de grains, associée à une diminution des cinétiques de densification et de croissance granulaire observées au cours du frittage de ce matériau. Ce résultat a été expliqué par un mécanisme de traînée de soluté, bien documenté pour d’autres systèmes céramiques. Dans le cas présent, ce phénomène est probablement dû à la ségrégation de défauts structuraux complexes, constitués de lacunes d’oxygène associées aux ions calcium en solution solide, dont la mobilité aux joints de grains est très faible. En conséquence, le calcium apparaît comme un additif de frittage très efficace pour limiter la croissance des grains dans le YAG, évitant ainsi la formation de porosité intragranulaire qui est un point critique pour la fabrication de céramiques de très haute qualité optique. Néanmoins, utilisé seul, le calcium nécessite l’emploi de températures de frittage très élevées et proches de 1800°C pour assurer une densification totale du matériau. Les travaux menés ont montré qu’il agissait en bonne synergie avec le magnésium (céramiques de YAG:Ca,Mg), qui tend à abaisser la température de frittage sans pour autant annihiler l’action bénéfique du calcium sur le contrôle de la microstructure du matériau. Au final, les résultats obtenus seront très utiles pour le développement de céramiques de YAG hautement transparentes qui peuvent être utilisées pour la production de composants optiques.

A titre d’exemple, cette stratégie a conduit à l’issue des travaux de thèse à l’obtention de céramiques de YAG dopées au chrome et incorporant du calcium et du magnésium comme additifs de frittage (YAG:Cr,Ca,Mg), présentant des propriétés d’absorbant saturable et une qualité laser équivalente aux monocristaux commerciaux.

 

 

Légende. Cartographie chimique NanoSIMS d’un échantillon fritté de YAG dopé au chrome contenant 0,05 % de calcium comme additif montrant la ségrégation du calcium aux joints de grains (a) et micrographie MEB correspondante avec une photographie d’une céramique transparente de YAG:Cr,Ca,Mg en insert.

 

 

Informations relatives à la publication

Journal : Journal of the European Ceramic Society

Volume : Volume 43, Issue 2

Numéro : February 2023

Article: Study of sintering mechanisms of Ca-doped yttrium aluminum garnet ceramics: From nanostructure to macroscopic behavior

Auteurs : Camille Perrière, Rémy Boulesteix, Alexandre MaÎtre (Univ. Limoges, IRCER, UMR CNRS 7315, F-87068 Limoges, France) et Alain Jalocha (CILAS, F-45063 Orléans, France)

Lien : https://doi.org/10.1016/j.jeurceramsoc.2022.10.027