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Les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale dans les balances de la Justice – II

Chronique d’actualité sur les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale dans les balances de la Justice[1], D. Kuri,  Maître de conférences de droit privé  (OMIJ)

 

Dans cette première chronique, nous reviendrons sur les décisions récentes rendues par les juges sur des faits qui intéressent cette période.

L’actualité est, en effet, toujours riche d’affaires concernant – encore aujourd’hui – la Deuxième Guerre mondiale et les crimes qui y ont été perpétrés.

Le rôle des juges, appelés à dire le droit longtemps après des faits historiques, n’est pas ici  des  plus faciles  car il leur faut,  alors même qu’ils ne sont pas historiens, avoir une réflexion sur l’Histoire à partir notamment de la méthodologie historique.

Comme nous allons le constater, les juges ont été amenés à aborder directement (I) ou indirectement (II)  les crimes commis au cours de ce moment dramatique de l’histoire contemporaine.

 

I- Les cas où les juges ont abordé directement les crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale

Les juges ont abordé directement la question des crimes de la Deuxième Guerre mondiale au travers d’affaires concernant, soit l’apologie de crimes commis par les nazis (A), soit, à l’inverse, d’affaires où ces mêmes crimes étaient contestés (B).

A- Une approche directe de ces crimes par les juges au travers de leur apologie

Ainsi, dans un arrêt récent, la chambre criminelle, le 7 mai 2018, a considéré que les écrits d’A. Soral – qui rendait compte de la remise prochaine, par les autorités allemandes, d’une décoration au couple de chasseurs de criminels nazis Beate et Serge Klarsfeld, avec un commentaire ainsi rédigé : « Voilà ce qui arrive quand on ne finit pas le boulot ! » – constituaient le délit d’apologie de crimes contre l’humanité[2]. La Cour relève que « pour caractériser le délit d’apologie, l’arrêt [de la Cour d’appel] énonce que cette infraction exige, pour être constituée, que les propos incriminés constituent une justification des crimes contre l’humanité commis contre des personnes en raison de leur appartenance à une communauté raciale ou religieuse mais également de ceux commis contre les opposants à cette politique d’extermination systématique ; que les juges ajoutent qu’en regrettant que « le boulot », au sens de la politique nazie d’extermination, non seulement des Juifs, mais aussi de ceux qui s’y opposaient, n’ait pas été achevé, puisque les époux Z… ont survécu et peuvent se voir remettre une décoration par les autorités allemandes, le prévenu présente l’entreprise génocidaire du régime nazi sous un jour favorable, comme une action légitime dont on doit souhaiter l’achèvement ; » La Cour considère « qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a exactement caractérisé le délit d’apologie de crimes contre l’humanité prévu par l’article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; »

La fermeté de la chambre criminelle dans cette affaire contraste avec la décision qui avait été rendue par la même chambre criminelle à propos de l’apologie de crime contre l’humanité dans l’affaire Bourdouleix, à l’époque député de Maine-et-Loire et maire de Cholet, qui avait tenu des propos particulièrement violents à l’égard des gens du voyage.

Rappelons, à cet égard que la chambre criminelle, le 15 décembre 2015[3] avait considéré que la Cour d’appel d’Angers – qui avait condamné le député maire de Cholet pour apologie de crime contre l’humanité pour avoir déclaré à propos de gens du voyage présents sur un champ « Comme quoi Hitler n’en a peut-être pas tué assez, hein ? »[4]  – avait violé les articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881. La Haute juridiction considérait en effet « qu’il résulte de ces textes que le délit d’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité n’est constitué que si les propos incriminés ont été ‘‘proférés’’ au sens de l’article 23 de la loi sur la presse, c’est-à-dire tenus à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de les rendre publics ».

En tout cas, il nous semble que sur cette question de l’apologie de crime contre l’humanité la chambre criminelle ne doit pas hésiter à faire preuve de la plus grande sévérité dans la répression de cette infraction.

Si les juges ont eu à connaitre de propos apologétiques s’agissant des crimes de la Deuxième Guerre mondiale, ils ont eu également à apprécier la  contestation de ces crimes par certains.

B – Une approche directe de ces crimes par les juges lorsque ceux-ci sont contestés

Il s’agit de la question – classique – de la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité.

Là encore, les juges ont été confrontés ces derniers mois à la négation de crimes contre l’humanité par des habitués de ces propos.

L’actualité du négationnisme[5] ne faiblit donc pas et après une année chargée en la matière,  en 2017[6], la  Cour d’appel de Paris, le 18 janvier 2018, a condamné A. Soral pour contestation de crime contre l’humanité à propos d’un dessin négationniste[7]. C’est une nouvelle fois la confirmation  que la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité, jugés à Nuremberg, ne faiblit pas avec l’écoulement du temps.

Fort heureusement, la répression judiciaire de ceux qui contestent ces faits historiques indiscutables[8] est toujours aussi constante.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris, le 18 janvier 2018, confirme le jugement du  Tribunal de grande instance de Paris qui  avait  condamné A. Soral,  le 14 mars 2017, à 3 mois de prison ferme pour contestation de crime contre l’humanité et injure raciale, pour avoir publié sur son site Internet un dessin négationniste[9].

Quelques mots pour rappeler l’origine de cette affaire. En avril 2016, après les attentats de Bruxelles, le site d’A. Soral, Egalité et Réconciliation, avait publié un dessin représentant une « Une »  titrée « Chutzpah Hebdo » (allusion à Charlie Hebdo), avec le visage de Charlie Chaplin devant l’étoile de David et, dans une bulle, « Shoah où t’es ? ».

En première instance, la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Paris avait alors considéré que cette question, ainsi que la mention « historiens déboussolés »« [traduisait l’idée]  qu’il serait légitime de s’interroger sur l’existence de la Shoah » et « [reflétait et insinuait] chez le lecteur l’idée que la Shoah serait non une réalité indiscutable mais une fabrication de l’esprit ». Les juges relevaient également qu’A. Soral avait déjà été condamné à plusieurs reprises, dont deux fois pour provocation à la haine et ils soulignaient que ces « condamnations attestent à la fois de sa propension à réitérer les discours de haine et du peu de cas qu’il fait des décisions de justice ». Le Tribunal avait en outre ordonné la suppression du dessin et des propos litigieux et condamné A. Soral à verser des dommages et intérêts à plusieurs associations de lutte contre le racisme qui s’étaient constituées parties civiles[10]. A. Soral faisait ainsi son entrée dans le triste tableau du déshonneur des personnes condamnées pour contestation de l’existence de crime contre l’humanité ; infraction dont la gravité symbolique n’échappe à personne.

Il y figure aux cotés de R. Faurisson[11], P. Marais[12], R. Garaudy[13], V. Reynouald[14], Dieudonné[15], et plus récemment H. de Lesquen[16] qui furent poursuivis et condamnés en application  de cette incrimination.

On observera, également, qu’A. Soral avait été condamné à une peine de prison ferme et que s’agissant du délit de contestation de l’existence de crime contre l’humanité le prononcé de peines de prison ferme est  fort rare[17].

  1. Soral avait, bien évidemment, interjeté appel du jugement du tribunal parisien le condamnant.

Lors de l’audience de plaidoirie, le 9 novembre 2017, le représentant du parquet avait requis la confirmation de la peine au regard de la gravité des faits. Les parties civiles avaient confirmé leurs demandes de dommages et intérêts. A. Soral,  pourtant appelant, n’avait, quant à lui,  pas daigné venir s’expliquer devant les magistrats de la Cour.

La Cour d’appel de Paris,  le 18 janvier 2018, confirme la condamnation des premiers juges pour contestation de l’existence de crime contre l’humanité mais substitue à  la peine de prison ferme 100 jours-amende à 100 euros. Cela signifie qu’A. Soral devra payer 10. 000 euros d’amende, et qu’à défaut il devra exécuter 100 jours de prison. Si l’on peut regretter qu’A. Soral ne soit plus condamné à une peine de prison ferme, les magistrats ont peut-être estimé que la condamnation à des jours-amende sera plus facilement exécutable avec une possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement  de cette amende.

La Cour a, par ailleurs, confirmé la condamnation d’A. Soral à verser des dommages et intérêts aux différentes parties  civiles, et celui-ci a été condamné à une peine supplémentaire de 1. 000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale. Enfin, la suppression sous astreinte du dessin présent sur le site – qui avait été ordonnée en première instance – a été également maintenue par la Cour.

En définitive, les magistrats de la Cour d’appel de Paris se sont placés dans la continuité des juges du Tribunal de Paris.

A. Soral consolide par la même sa bonne place parmi les individus condamnés pour contestation de l’existence de crimes contre l’humanité.

Si avec  la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité les juges ont eu à apprécier de façon directe les crimes commis au cours  la Seconde Guerre mondiale, dans  d’autres cas ces crimes ont été abordés indirectement par les juges.

 

II- Les hypothèses dans lesquelles les juges ont abordé indirectement les crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale

Les juges ont abordé indirectement la question des crimes de la Deuxième Guerre mondiale par le biais des actions en diffamation (A) ou sous couvert de la répression de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes  en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (B).

A- Une approche indirecte de ces crimes par les juges au travers des actions en diffamation

C’est donc également grâce à des actions engagées pour diffamation ou injures – par des personnes elles mêmes condamnées pour des propos négationnistes ! –  que les juges ont pu revenir sur des faits ou des crimes de la Deuxième Guerre mondiale.

Ainsi, la  Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 12 avril 2018, a confirmé le jugement du TGI de Paris du 6 juin 2017[18] selon lequel il n’est pas diffamatoire de qualifier Robert Faurisson  de « menteur professionnel »« falsificateur »  ou encore de « faussaire de l’histoire ».

Rappelons que R. Faurisson  avait poursuivi en  diffamation la journaliste Ariane Chemin ainsi que Teresa Cremisi, directrice de publication des éditions Flammarion, pour la réédition, en septembre 2014, dans l’ouvrage commémorant les 70 ans du Monde, d’un article publié le 21 août 2012[19]. Dans cet article A. Chemin  avait repris à l’encontre de R. Faurisson les qualificatifs –  déjà utilisés par d’autres[20]  –  de « menteur professionnel »« falsificateur »  ou encore de « faussaire de l’histoire ».[21]

La Cour fonde, comme le Tribunal, sa décision sur l’exception de vérité mais, à bien lire entre les lignes, il s’agit d’une confirmation a minima avec une motivation beaucoup moins étoffée que celle du Tribunal.

Hormis un ajout intéressant selon lequel « les termes […] employés par Ariane Chemin pour critiquer l’opinion émise par  Robert Faurisson  n’imputent pas à l’appelant le fait d’avoir commis des faux matériels au soutien de sa thèse mais signifient que cette opinion procède, dans l’analyse de son auteur, d’une dénaturation de faits jusqu’alors tenus pour acquis – cette dénaturation résultant d’une démarche étrangère à celle de l’historien », le reste de la décision traduit un recul des juges sur cette question.

Ainsi, la Cour relève seulement « qu’au nombre des éléments de preuve de la vérité, signifiés dans son offre du 9 mars 2017 par Ariane Chemin, figurent les noms des trois historiens que le tribunal a entendu à son audience du 9 mai 2017 […] ». Le Tribunal n’avait, lui, pas hésité  à prendre en compte les nombreuses décisions de justice également évoquées par la journaliste et ses conseils.

De même, la Cour estime sobrement qu’ « En définitive, les trois témoins  entendus par  le tribunal jugent adaptés à la personnalité de Robert Faurisson  les qualificatifs attribués à celui-ci par Ariane Chemin […] ».

Par ailleurs, la Cour va motiver son arrêt d’une manière plutôt alambiquée avec des formulations parfois équivoques ou ambigües  alors que le Tribunal avait été  clair et cinglant dans la motivation de son jugement.

Dans un long motif, la Cour considère que  « si le juge n’a ni qualité, ni compétence  pour apprécier les conclusions de l’historien, ou de  celui qui se prétend tel, dans l’hypothèse d’une polémique historique, tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit pour lui, comme en l’espèce, de s’en rapporter à des faits que les plus récents documents d’archives ne permettent plus de contester ; que dans une telle hypothèse il appartient au juge de constater cette contestation   constitutive d’une infraction pénale pour laquelle Robert Faurisson  a été condamné à plusieurs reprises, déjà –   et de dire en conséquence – ainsi que le lui  permettent, en l’espèce, les éléments  offerts par Ariane Chemin  en preuve de faits diffamatoires qui lui sont reprochés – qu’en affirmant et répétant que l’existence des chambres à gaz est impossible, Robert Faurisson se comporte comme ‘‘ menteur professionnel ’’ et qu’en fondant cette affirmation sur une méthode de recherche partielle, partiale et partisane,  il se conduit en                ‘‘ falsificateur ’’ et ‘‘ faussaire de l’histoire ’’».

Même si la conclusion du motif nous séduit davantage que son début, on peut rappeler que  le Tribunal n’avait pas hésité à affirmer que «  que  si plusieurs décisions ont pu affirmer qu’il  n’appartient pas aux tribunaux de juger de la véridicité des travaux historiques ou de trancher les controverses suscitées par ceux-ci et qui relèvent de la seule appréciation des historiens et du public [22],  force est de constater, d’une part que, s’agissant de la Shoah et des chambres à gaz, cette question a été vidée de sa substance par la loi Gayssot[23], qui institue en délit le fait même d’en contester l’existence, et, partant confère nécessairement aux personnes persistant dans cette voie la double qualité de délinquant et de menteur, d’autre part que tout en affirmant ne pas vouloir se poser en historiens, les juges, par leur examen de la bonne foi, ont été néanmoins amenés à se prononcer sur la validité des éléments historiques produits par les parties au soutien de leurs positions respectives ; […]. » 

Nous avouons préférer, s’agissant de la Shoah et des chambres à gaz, cette affirmation du Tribunal qui avait pour avantage de clore définitivement toute discussion en la matière puisque les négationnistes se voyaient qualifiés à fois de « délinquant et de menteur ».                   Le droit et  l’histoire étaient opportunément associés dans ce beau motif.

Par ailleurs, dans la dernière partie de ce motif essentiel de leur décision, les juges de première instance avaient abordé la question de l’appréciation de la  bonne foi  par les juges et ses conséquences. Cela les avait  amenés  à réinterpréter le postulat traditionnel selon lequel les juges n’ont pas qualité pour interpréter des faits historiques.

La Cour, quant à elle, ne dit absolument rien sur l’appréciation de la  bonne foi  par les  magistrats  et ses conséquences sur l’interprétation des faits historiques par la Cour.  Il est vrai que la Cour évince, de fait,  cette question dans son attendu lorsqu’elle considère que « dans une telle hypothèse [de faits incontestables] il appartient au juge de constater cette contestation   constitutive d’une infraction pénale pour laquelle Robert Faurisson  a été condamné à plusieurs reprises, déjà ».     

Si l’on peut comprendre cette conception « objective » mise en œuvre par la Cour  qui lui permet d’éviter toute discussion sur l’appréciation de la bonne foi et ses conséquences                  il n’est pas indifférent de rappeler que le Tribunal  avait exprimé avec cette formulation franche et directe, une  approche tout à fait nouvelle de la bonne foi où celle-ci était appréciée  au regard de la « validité des éléments historiques […] ». L’appréciation de la bonne foi obligeait donc les juges à se prononcer  sur les questions historiques discutées à l’occasion du procès.  

Cette conception et ses conséquences venaient d’ailleurs directement contredire l’argumentation proposée par R. Faurisson.

On se rappelle, en effet,  que R.  Faurisson  soutenait que la relaxe au bénéfice de la bonne foi des personnes qu’il poursuivait intervenait après le constat par les juges de l’échec de ces personnes dans l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires. Autrement dit, selon R. Faurisson,   les juges refusaient de rechercher si ses propos avaient pu constituer ou non une « falsification de l’histoire ». Il s’appuyait, il est vrai, avec une certaine habileté,  sur le  postulat classique selon lequel il « n’appartient pas aux tribunaux de juger de la véridicité des travaux historiques ou de trancher les controverses suscitées par ceux-ci et qui relèvent de la seule appréciation des historiens et du public »[24].

R. Faurisson considérait ainsi que les juges se limitaient à admettre la seule bonne foi de ses  contradicteurs pour les relaxer  en se refusant, par ailleurs, à apprécier la véridicité des travaux sur les faits historiques ou à trancher les controverses provoquées par ces écrits ; ceci expliquait, selon lui, l’échec de l’offre de preuve de la vérité des faits proposée par les personnes poursuivies devant des juges qui admettaient néanmoins la bonne foi de ceux-ci.  Selon R. Faurisson, les juges avaient  donc une appréciation autonome  et subsidiaire de la bonne foi et, en tout cas,  l’admission de la bonne foi au bénéfice des personnes accusées de diffamation  ne signifiait pas  que les juges aient pris parti sur les travaux  historiques en cause  ou les polémiques qu’elles suscitent.

Ces deux  questions – l’appréciation de la bonne foi – et  – l’appréciation de la véridicité des travaux sur les faits historiques – étaient, selon  R.  Faurisson,  sans lien causal.

Le Tribunal avait donc choisi une orientation nouvelle et en rupture – au moins  formelle –  avec la jurisprudence traditionnelle en considérant que « les juges, par leur examen de la bonne foi, ont été néanmoins amenés à se prononcer sur la validité des éléments historiques produits par les parties au soutien de leurs positions respectives ».

Selon l’historien H. Rousso, les juges avaient pour la première fois « dénoncé ouvertement l’idée exploitée par [R. Faurisson] selon laquelle la justice a pu relaxer ceux qui l’accusaient  tout en refusant de rechercher si ces propos avaient pu constituer ou non une ‘‘falsification de l’histoire’’ ».[25]  Ainsi,  le Tribunal  avait très  clairement rejeté l’idée selon laquelle la justice n’aurait pas reconnu les mensonges de R. Faurisson

Gageons que l’omission de la Cour de Paris sur cette question sera certainement utilisée à son avantage par R. Faurisson et ses soutiens qui, malgré la fin de l’attendu, considéreront que la Cour leur a un peu donné raison…[26].

 

Enfin, certains passages de l’attendu de la Cour  nous semblent  équivoques ou ambigus, notamment lorsque la Cour réserve la possibilité pour le juge  « […] en l’espèce, de s’en  rapporter à des faits que les plus récents documents d’archives découverts ne permettent plus de contester ». À cet égard,  nous nous permettons de rappeler que l’existence des chambres à gaz est établie depuis le procès de Nuremberg !

En dépit de cette motivation,  en recul par rapport à celle du Tribunal,  la  Cour va considérer qu’ « Ariane Chemin fait la preuve – parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires, dans leur matérialité et leur portée – de la vérité des faits diffamatoires ; qu’elle doit donc être déclarée bien fondée en son exception de vérité et bénéficier de l’effet absolutoire de celle-ci qui ôte tout caractère illicite et répréhensible à ses propos »[27].

La Cour déboute, en conséquence, R. Faurisson  de son appel et confirme le jugement du TGI de Paris du 6 juin 2017.

En définitive, les juges français confirment, à l’occasion de l’action en diffamation engagée par R. Faurisson, ce que les juges internationaux avaient constaté et condamné lors du jugement de Nuremberg. Vérité judiciaire et historique sont en la matière absolument et définitivement indissociable.

 

De même, le TGI de Paris, le 15  mai 2018, a débouté J.-M. Le Pen de son action en diffamation engagée contre T. Ardisson  qui avait sous-entendu, le 30 août 2014, dans l’émission « Salut les Terriens » de la chaîne Canal Plus,  que le président d’honneur du Front national voulait « mettre les juifs dans les fours »[28].

Le Tribunal, pour aboutir à cette solution a remis la phrase de T. Ardisson  dans le contexte d’une déclaration que J.-M. Le Pen avait faite au sujet de P. Bruel en juin  2014. Le fondateur du Front national avait à l’époque, dans une vidéo, vilipendé des artistes qui avaient pris position contre le Front national, comme Guy Bedos, Madonna et Yannick Noah. Alors qu’on lui parlait de Patrick Bruel, né dans une famille juive, il avait ajouté : « Écoutez, on fera une fournée la prochaine fois ». Au moment des faits cette affaire avait suscité une vague d’indignation obligeant M. Le Pen, présidente du Front national, à se démarquer de son père.

Rappelons, à cet égard, que J.-M. Le Pen a perdu, le 9 mai 2017, devant le Tribunal de Grande instance de Paris, le procès en diffamation qu’il avait engagé contre le journal Paris-Match auquel il reprochait d’avoir qualifié d’antisémites les propos qu’il avait tenus, en juin 2014, dans cette vidéo ainsi que ses dires sur Patrick Bruel[29].

Précisons, enfin, qu’à la suite de ces déclarations, le Parlement européen avait levé, le 25 octobre 2016, son immunité parlementaire[30]. Cette levée de l’immunité du président d’honneur du Front national est intervenue à la demande de la justice française qui souhaite le poursuivre pour incitation à la haine raciale s’agissant de ces assertions. Les eurodéputés avaient ainsi estimé que les propos en cause, tenus par le fondateur du Front national, n’avaient aucun lien avec les fonctions d’eurodéputé. À la suite de cette décision, le président d’honneur du Front national a été mis en examen, le 9 février 2017, pour provocation à la haine[31]. Nous aurons donc certainement l’occasion de revenir sur cette affaire.

En ce qui concerne la présente espèce, le Tribunal estime que les propos de T. Ardisson sont certes diffamatoires, mais que le prévenu peut bénéficier de l’exception de bonne foi.  Les juges notent, à cet égard, que les conditions classiques de cette exception sont réunies et ajoutent « que l’utilisation, par Jean Marie Le Pen, du terme fournée, notamment à propos de Patrick Bruel, a pu être perçue comme une expression antisémite, rappelant la destruction des juifs d’Europe durant la seconde guerre mondiale ». Le Tribunal a, en conséquence, débouté J.-M. Le Pen de son procès en diffamation engagé contre T. Ardisson.

Enfin, le TGI de Paris, le 19 juin 2018, a relaxé  le publicitaire Jacques Séguéla qui était poursuivi pour injure par J.- M. Le Pen pour l’avoir qualifié de « nazi »[32].

La 17ème  chambre correctionnelle a, par voie de conséquence, débouté J.-M. Le Pen, partie civile à l’instance.

Les faits, à l’origine du litige, étaient les suivants. Le 20 octobre 2014, Jacques Séguéla avait prononcé sur BFMTV la phrase suivante : « C’est peut-être le dernier cadeau que François Hollande fera, un cadeau empoisonné à la démocratie, que d’être tellement faible, avec une droite qui est en train de s’entre-déchirer dans un duel à mort, et que ces deux monstres de droite et de gauche nous livrent pieds et poings liés à la fille de ce nazi ».

J. Séguéla, qui débattait avec Serge Moati, s’exprimait à la suite de la diffusion d’un extrait d’interview dans lequel J.-M. Le Pen disait, au sujet de l’Occupation : « Je crois que, pour ma part, Vichy a fait ce qu’il pouvait contre un horrible malheur qui venait de se produire et dont étaient responsables les gens qui avaient dirigé le pays ».

J.-M. Le Pen avait porté plainte pour injure, qualifiant dans un communiqué J. Séguéla d’ « habitué de l’insulte ».

Au cours de l’audience, en mai 2018, l’avocat de J. Séguéla avait notamment plaidé « l’excuse de provocation », au regard de nombreuses déclarations polémiques de J.-M. Le Pen. Il avait ainsi rappelé que l’ancien président du FN (de 1972 à 2011), avait déjà été condamné par le passé pour des saillies diverses, notamment pour avoir qualifié les chambres à gaz de « détail » de la Seconde Guerre mondiale ou affirmé que l’Occupation n’aurait pas été « particulièrement inhumaine ».  

Malheureusement nous ne connaissons pas, à ce jour, les motivations du Tribunal.

En définitive, et comme nous l’avions déjà relevé,  les actions en diffamations ou en injure engagées par J.-M. Le Pen  ou R. Faurisson  ne leur réussissent guère mais elles permettent aux juges de réaffirmer la véracité des faits et des crimes de la Deuxième Guerre mondiale[33].

 

Enfin, les juges ont pu également aborder la question des crimes de la Deuxième Guerre mondiale par le biais  de la répression de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes  en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

B- Une approche indirecte de ces crimes par les juges sous couvert de la répression de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes  en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée

 

Ainsi, les juges ont pu revenir sur des faits ou des crimes de la Deuxième Guerre mondiale au travers de la répression de la  provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes  en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Cela a été notamment le cas pour le TGI de Paris qui, dans un jugement du 1er juin 2018, a condamné A. Soral à une peines d’emprisonnement de quatre mois avec sursis et à une amende de 5.000 euros « pour provocation à la haine et à la violence »  après la diffusion sur son site de d’un dessin jugé antisémite[34].

Il s’agissait d’une caricature publiée en juillet 2017 qui représentait diverses personnalités sous forme de cancrelats aux doigts crochus, parmi lesquelles Jacques Attali, désigné « cancrelat en chef » et portant une étoile de David. Selon les juges, ce dessin appelle à la haine envers les juifs dans leur « ensemble », « la référence à un insecte nuisible soulignant la nécessité d’éliminer ce qui est décrit ».

Le Tribunal précise par ailleurs dans son jugement que, « les registres de la polémique politique, de la caricature ou de l’humour ne justifient pas » la commission du délit[35].

Les juges relèvent en outre que, lors de l’audience de plaidoirie, les témoins cités pour la défense d’A. Soral ont au contraire « confirmé la portée » de ces dessins en suggérant à la barre « que les personnes de confession juive sont un problème ».

 

Enfin, le TGI de Paris, dans un jugement prononcé le 16 août 2018, a condamné  le chef du groupe d’ultra-droite Bastion social, Steven Bissuel, à 20.000 euros d’amende pour « provocation à la haine raciale et la violence  en raison d’une origine ethnique, en état de récidive légale » pour la publication en 2015 d’un texte antisémite sur les réseaux sociaux. S. Bissuel (24 ans !) était poursuivi pour « provocation à la haine raciale et à la violence en raison d’une origine ethnique, en état de récidive légale » et « apologie de crime contre l’humanité ». Le Tribunal n’a toutefois retenu que le premier des deux chefs, le second étant prescrit selon les juges.

En janvier 2015, S. Bissuel avait publié sur le compte Twitter et la page Facebook du syndicat étudiant d’extrême droite GUD (qui a donné naissance en 2017 au Bastion social) un dessin de l’étiquette des bouteilles Oasis, avec l’inscription « Shoasis ».

On y voyait des ananas portant des étoiles jaunes et des pyjamas rayés, évoquant les prisonniers des camps de concentration, avec en sous-titre la mention « teneur garantie : 6 millions au Zyklon B », cet agent toxique utilisé par les nazis dans les chambres à gaz. Le tout était assorti de la mention « Joyeux anniversaire Auschwitz. 70 ans de business, ça commence à faire ».

Outre la peine d’amende – sous forme de 200 jours-amendes à 100 euros ou, à défaut de paiement, 200 jours de prison – S. Bissuel devra verser 3.000 euros de dommages-intérêts à la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), partie civile, ainsi que 1.500 euros pour les frais de justice.

Présent à l’énoncé du délibéré, le prévenu a accueilli sa condamnation sans sourciller.  Il a seulement déclaré : « Je n’ai pas confiance dans la justice de mon pays. C’est une décision politique ; donc je constate et j’accepte ». Il a ajouté qu’il allait « bien sûr faire appel ».

Cette dernière affaire est d’autant plus préoccupante que le condamné n’a que 24 ans !

 

En définitive, force est de constater que les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale, aujourd’hui dans les balances de la Justice, sont toujours tristement d’actualité[36].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Cette chronique reprend le titre d’un de nos articles, « Les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale dans les balances de la Justice », http://www.unilim.fr/iirco/ ; http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/

[2] Crim., 7 mai 2018 (n° de pourvoi : 17-82.656, publié au bulletin) ; D. 2018, n° 20, p. 1075. Nous avions déjà évoqué cet arrêt dans notre article « Provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée : une jurisprudence qui se cherche… », htpp://lagbd.org/

[3] Crim., 15 décembre 2015,  D. Kuri,  « L’interprétation stricte par la chambre criminelle de la Cour de cassation de l’apologie de crimes contre l’humanité, commentaire sur l’arrêt de la chambre criminelle du 15 décembre 2015 », site http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/, aussi  site http://lagbd.org/

[4] C.A. d’Angers, le 12 août 2014,  voir notre commentaire de cet arrêt in « L’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, un délit à la mode ? Suite…», site http://jupit.hypotheses.org/, également site http://lagbd.org/  La condamnation du maire de Cholet était cependant largement symbolique  dans la mesure où ce dernier ne fut condamné qu’à une peine d’amende de 3.000 euros. Nous continuons à penser (cf. notre article « L’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, un délit à la mode ? » et les décisions citées, site http://jupit.hypotheses.org/, également site http://lagbd.org/ ) que les peines prononcées au sujet de l’apologie de crimes contre l’humanité sont insuffisantes au regard de l’importance des valeurs fondamentales auxquelles il est porté atteinte. Ces valeurs ont d’ailleurs été remarquablement rappelées par le TGI de Paris dans son jugement du 8 juillet 2014 à l’occasion de l’affaire Vikernes (le Norvégien K.Vikernes poursuivi, notamment, pour apologie de crimes contre l’humanité en raison d’écrits publiés sur son blog a été condamné par le TGI de Paris le 8 juillet 2014 à six mois de prison avec sursis et 8.000 euros d’amende pour apologie de crimes contre l’humanité). Selon le Tribunal, il s’agit tout simplement des valeurs universelles des droits de l’Homme et de la civilisation.

[5] On rappellera une nouvelle fois que le « négationnisme » est un néologisme créé par H. Rousso en 1987 pour dénoncer l’amalgame fait par certains individus entre la  révision qui  fonde la libre recherche en histoire et l’idéologie consistant à nier ou minimiser de façon caricaturale l’Holocauste. Ces personnes s’intitulaient en effet elles-mêmes «  historiens  révisionnistes » et n’avaient pas hésité à appeler une de leur principale revue : « La révision ». Cependant, avant d’être identifié comme tel, le « négationnisme » existait dans le corpus idéologique d’une partie de l’extrême droite collaboratrice sur la base paradoxale d’un antisémitisme viscéral. Ainsi, L. Darquier de Pellepoix, ancien Commissaire général aux questions juives de Vichy, affirmait, en 1978, dans L’Express : « Je vais vous  dire, moi, ce qui s’est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux. »

[6] Voir notre article : « Actualité chargée à propos du négationnisme au premier semestre 2017 », http: //jupit.hypotheses.org/

[7] Dépêche AFP, 18 janvier 2018,  Le Populaire du centre, 19 janvier 2018, p. 42. D. Kuri, « Alain Soral condamné pour contestation de crime contre l’humanité à propos d’un dessin négationniste, commentaire sur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 janvier 2017 »,http://www.unilim.fr/iirco/ ; http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/

[8] Sur la différence entre les faits historiques indiscutables comme l’Holocauste et les faits historiques qui peuvent être discutés, voir notre article, « Les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale dans les balances de la Justice », http://www.unilim.fr/iirco/- http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/ 

[9] Dépêche AFP, 14 mars 2017, Le Monde, 16 mars 2017, p. 9.  L’auteur de ce dessin étant resté inconnu, seul A. Soral avait été poursuivi et condamné en première instance. De façon plus générale, à propos du ‘‘droit à l’humour’’, on regardera l’excellent article de notre collègue et ami, L. François, « Le ‘‘droit à l’humour’’ et la Cour européenne des droits de l’homme », Légipresse 2017 n° 350, p. 309.

[10] Selon un communiqué de l’UEJF, « Cette condamnation marque une nouvelle étape dans la détermination de la justice et des associations à empêcher cet idéologue de la haine de propager l’antisémitisme et le négationnisme sur internet et les réseaux sociaux ».

[11] Voir en ce sens, notamment, TGI de Paris, 18 avril 1991, confirmé par CA de Paris, 9 décembre 1992, Légipresse 1993 n° 103, III, p. 90, note C. Korman ; TGI de Paris 27 avril 1998, Le Monde, 29 avril 1998, p. 10 ; également TGI de Paris, 3 octobre 2006, « Le négationniste Robert Faurisson a été condamné à 3 mois de prison avec sursis », site http://Le Monde.fr, 3 octobre 2006, confirmé par  CA de Paris, 4 juillet 2007, AFP, 4 juillet 2007.

[12] Cass.  crim., 7 novembre 1995, 93-85.800. Inédit. P. Marais, ingénieur chimiste à la retraite, avait ignominieusement suppléé l’absence de publications sur le camp de concentration de Struthof en tentant de démontrer l’invraisemblance de l’asphyxie rapide simultanée  de 30 personnes du fait de l’énorme quantité d’eau qui aurait été nécessaire pour réaliser une telle opération. Cet argument est fréquemment utilisé par les « négationnistes » à propos des chambres à gaz.

[13] Cass. crim., 12 septembre 2000, Garaudy, 98-88204. Inédit ; Dr. Pénal 2001, 2ème arrêt, Commentaires n° 4, obs. M. Véron,  où les Hauts magistrats  n’ont pas hésité à affirmer que «  si  l’article 10 de la Convention  […] reconnait en son premier paragraphe à toute personne le droit à la liberté d’expression , ce texte prévoit en son second paragraphe que l’exercice de cette liberté comportant des devoirs et responsabilités  peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires notamment à la protection de la morale et des droits d’autrui ;  que tel est l’objet de l’article 24 bis (délit de contestation de l’existence de  crime contre l’humanité ) de la loi du 29 juillet 1881 modifiée par la loi du 13 juillet 1990 ». La position des juges sur cette question s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement direct de la jurisprudence classique de la chambre criminelle : voir, notamment, Cass. crim., 23 février 1993, Bull. crim., n° 86 ; 20 décembre 1994, ibid, n° 424  ; D. 1995, IR p. 64.

Dans l’arrêt Garaudy du 12 septembre 2000, ibid, la Cour  précise même que « […] la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité entre dans  les prévisions de l’article 24 bis de  la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous forme déguisée  ou dubitative ou encore par voie d’insinuation ; qu’elle est également caractérisée lorsque sous couvert de recherche d’une supposée vérité historique, elle tend à nier les crimes contre l’humanité commis par les nazis à l’encontre de la communauté juive ; que tel est le cas en l’espèce ».

[14] CA de Caen 2015, 17 juin 2015, voir nos observations sur cet arrêt in notre article, « La contestation de l’existence de crimes contre l’humanité, un délit toujours d’actualité – Le cas Reynouald », site http://jupit.hypotheses.org/

On regardera, aussi, entre autres décisions, TGI de Saverne 8 novembre 2007, confirmé par CA de Colmar 25 juin 2008 (un an de prison et 20.000 euros d’amende pour la publication du fascicule « Holocauste ?  Ce que l’on vous cache »), site http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20080626. Etant réfugié en Belgique, la France lança un mandat d’arrêt européen pour obliger V. Reynouald à exécuter sa peine. Il fut emprisonné en Belgique avant son extradition, site http:// sergeuleskiactualite. blog.lemonde.fr/2015/02/13. Voir déjà CA de Caen 9 octobre 1992, arrêt inédit, n° 679 ; également Cass. crim.,  26 mai 1994, 92-85.638. Inédit ; Cass. crim.,  26 mai 1994, 92-85.639. Inédit.

[15] TGI de Paris, 12 février 2014, qui avait ordonné à Dieudonné de retirer deux passages de la vidéo « 2014 sera l’année de la quenelle » diffusée sur le site You Tube. Le Tribunal  avait estimé que le premier passage constituait  une contestation de crime contre l’humanité (Dieudonné s’adressait à A. Klarsfeld  en lui déclarant « Moi les chambres à gaz j’y connais rien, si tu veux vraiment je peux t’organiser un rencart avec Robert ») et le second une provocation à la haine raciale. Selon le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), cette décision serait la première à condamner Dieudonné pour contestation de crimes contre l’humanité, site http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20140212. On peut cependant rappeler que les propos « néo-négationnistes » de Dieudonné ont déjà été sanctionnés, sous couvert d’autres motifs, par les juges ; en ce sens Cass. crim., 16 octobre 2012, Bull. crim., n° 217 (« injures à caractère raciste » pour un « spectacle » fait en présence de R. Faurisson ridiculisant les déportés juifs) confirmé par Cour EDH, décision M’bala M’bala c/ France, 10 novembre 2015, Req. 25239/13 ; égal. CA de Paris 26 juin 2008, décision inédite, n° 07/08889 (« injures raciales » pour avoir qualifié  de « pornographie mémorielle » la mémoire de la Shoah), où les poursuites avaient été initialement faites pour contestation de crimes contre l’humanité. Voir sur ces affaires  notre  étude précitée, « Les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale dans les balances de la Justice », I, A.

Par ailleurs, Dieudonné vient d’être condamné par la Cour d’appel de Liège (Belgique), le  20 janvier 2017, à deux mois de prison ferme et 9.000 euros d’amende  pour incitation à la haine, tenue de propos antisémites et discriminatoires, diffusion d’idées à caractère raciste, « négationniste » et « révisionniste ». Cette condamnation  – qui confirme la décision de première instance des juges belges – intervient  à la suite d’un « spectacle » organisé par Dieudonné, en mars 2012, dans la région de Liège, dépêche AFP, 20 janvier 2017.

Toutefois, on peut également noter que, contrairement à ses dires habituels, Dieudonné  a paradoxalement reconnu l’existence des chambres à gaz à l’occasion de ses propos contre le journaliste P. Cohen. Dieudonné avait en effet déclaré lors de son pseudo-spectacle « Le Mur », en novembre 2013 : « Quand je l’entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz…Dommage ». Le TGI de Paris, le 19 mars 2015, avait condamné avec une grande fermeté ces propos inqualifiables pour « incitation et provocation à la haine raciale » mais comme nous l’avons déjà souligné, sous ce motif, le Tribunal avait de fait sanctionné Dieudonné pour une apologie implicite de crimes contre l’humanité. Ces mêmes paroles avaient d’ailleurs déclenché le processus d’interdiction du spectacle « Le Mur ». Voir sur ces questions notre article « La question de l’apologie  de crimes contre l’humanité  (suite de la suite…) – Le cas Dieudonné », site http://www.unilim.fr/iirco/- http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/ .

S’agissant des modalités pratiques de l’interdiction du spectacle « Le Mur », le CE a validé la circulaire du ministre de l’intérieur du 6 janvier 2014 portant sur « la lutte contre le racisme et l’antisémitisme – manifestations et réunions publiques – spectacles  de M. M’Bala M’Bala » : CE, 9 novembre  2015, note X. Bioy, « Affaire Dieudonné : l’unisson franco-européen », AJDA, 2015, n° 44, p. 2512.

Malgré tout, signe de l’extrême confusion intellectuelle de Dieudonné sur le Troisième Reich, sa politique d’extermination des Juifs d’Europe et plus spécialement la question des chambres à gaz, celui-ci a été récemment condamné pour  apologie  et contestation de crimes contre l’humanité ! Ainsi, le TGI de Paris le 4 mars 2015 a interdit l’exploitation commerciale du DVD du spectacle le « Mur » pour, notamment, ces motifs, cf. notre article précité.

[16] TGI de Paris, 25 janvier 2017, voir nos observations sur ce jugement in notre article, « Henry de Lesquen condamné pour contestation de crimes contre l’humanité, commentaire sur le jugement du 25 janvier  2017 du Tribunal de grande instance de Paris », site http://jupit.hypotheses.org/.                                   

[17] V. Reynouad fut, à notre connaissance, le dernier négationniste à avoir été condamné à une peine de prison ferme, qu’il exécuta d’ailleurs. On regardera à ce sujet  TGI de Saverne 8 novembre 2007, confirmé par CA de Colmar 25 juin 2008, qui condamna V. Reynouard à un an de prison et 20.000 euros d’amende pour la publication du fascicule « Holocauste ?  Ce que l’on vous cache », site http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20080626. Etant réfugié en Belgique, la France lança un mandat d’arrêt européen pour obliger V. Reynouard à exécuter sa peine. Il fut emprisonné en Belgique avant son extradition, site http:// sergeuleskiactualite. blog.lemonde.fr/2015/02/13.

[18] J.-B. Jacquin, « La justice reconnaît que Robert Faurisson est un faussaire », Le Monde, 8 juin 2017, p. 12 ;                 H. Rousso, « Faurisson débouté, l’Histoire enfin respectée », Le Monde, 11-12 juin 2017, p. 25 ; D. Goetz, « Diffamation : négationnisme et reconnaissance de l’exception de vérité », Dalloz actualité, 12 juin 2017, http://www.dalloz-actualité.fr ; D. Kuri, « Fin de « spectacle » pour Robert Faurisson, commentaire sur le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 6 juin 2017,http://www.unilim.fr/iirco/2018/01/17/fin-de-spectacle-robert-faurisson/

[19] Dans son article d’août 2012, A. Chemin cherchait à comprendre pourquoi le Monde avait décidé de publier, le 29 décembre 1978, une tribune de R. Faurisson, alors Maître de conférences à l’Université Lyon-II, intitulée « Le problème des chambres à gaz ou ‘‘la rumeur d’Auschwitz’’ ». La tribune ayant largement contribué à l’essor des thèses négationnistes, la journaliste  qualifiait de « bourde monumentale » la décision de 1978 et soulignait le paradoxe d’un « journal qui semble déplorer le surgissement médiatique d’un homme qu’il met lui-même, ce jour-là, sous les feux de la rampe ». Selon J.-B. Jacquin, article précité, A. Chemin  estime aujourd’hui que la fin de son article de 2012 était « trop optimiste » quand elle écrivait que les historiens avaient « réduit à néant les fantasmagories de Faurisson et de son fan-club antisémite ». « A l’heure de la post-vérité et des réseaux sociaux, hélas, les révisionnistes ont encore de belles heures devant eux », s’inquiète-t-elle.

[20] R. Badinter, alors avocat de la LICRA dans le procès que celle-ci  avait intenté en 1981 contre R. Faurisson  à propos de ses articles niant l’existence des chambres à gaz, avait déjà qualifié R. Faurisson  de « faussaires, […], de la science historique ».  Le TGI de Paris, dans son jugement du 8 juillet 1981 (D. 1982, p. 59, note B. Edelman confirmé par CA de Paris, 26 avril 1983, cité in RTDH 2001 p. 39) condamna R. Faurisson.

Par ailleurs, selon le TGI de Paris,  le 21 mai 2007,  les mêmes propos tenus par R. Badinter, lors d’une émission sur Arte en 2007, ne furent pas considérés comme diffamatoires car la condamnation de R. Faurisson, le 8 juillet 1981, reposait « non sur des considérations morales » mais sur « la responsabilité professionnelle » de l’universitaire, Le Monde, 23 mai 2007, p. 12. 

[21] Comme pouvait le souligner H. Rousso,  il n’y avait « Rien de nouveau […], puisque,  depuis 1981, Faurisson a été débouté au moins quatre fois de ses plaintes pour injures ou diffamation, et condamné au moins cinq fois, dont trois pour contestation de crimes contre l’humanité, en vertu de loi Gayssot ».

[22] En ce sens, notamment, CA de Paris, 26 avril 1983, cité in RTDH 2001, p. 393 qui confirmait TGI de Paris, 8 juillet 1981, D. 1982, p. 59, note B. Edelman.

[23] Souligné par nous.

[24] En ce sens, notamment, CA de Paris, 26 avril 1983 précitée.

[25] H. Rousso, article précité.

[26] La rumeur publique, peu avant le prononcé de l’arrêt par la Cour, avait même bruissé que la CA de Paris risquait d’infirmer le jugement du TGI du 6 juin 2017.

[27] La Cour reprend avec cette formulation la jurisprudence traditionnelle en la matière. On regardera en ce sens un arrêt récent de la  chambre criminelle du 3 mars 2015 (Cass. crim., 3 mars 2015, n° 13-88.063) rappelant, au visa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, que pour produire un effet absolutoire « la preuve de la vérité diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires dans toute leur matérialité et leur portée ». En l’espèce, la Haute juridiction cassait  d’ailleurs un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 9 octobre 2013 en estimant que ces conditions rigoureuses de l’exceptio veritatis n’étaient pas remplies. Comme  pouvait le souligner Emmanuel Dreyer, Panorama, « Droit de la presse, janvier 2015 – décembre 2015 », D. 2016,  p. 283, « ce fait justificatif reste d’application exceptionnelle. […], et la jurisprudence se montre exigeante ».

[28] Dépêche AFP, 15 mai 2018. Les propos de T. Ardisson visés par J.-M. Le Pen dans son assignation  étaient les suivants : « Non, non, non : c’est plus grave de dire qu’il faut mettre les juifs dans les fours que de faire une croix gammée ».

[29] Dépêche AFP, 14 mai 2017.

[30] Le Monde, 27 octobre 2016, p. 9 qui reprend une dépêche AFP, 25 octobre 2016.

[31] Le Monde, 14 février  2017, p. 12 qui reprend une dépêche AFP, 9 février  2017.

[32] Dépêche AFP, 19 juin 2018.

[33] On regardera déjà sur cet effet des actions en diffamation  ayant échoué l’arrêt de  la Cour d’appel de Paris du 19 janvier 2017 sur l’affaire Le Pen  vs Montebourg et notre commentaire, « Jean-Marie Le Pen débouté de son action en diffamation contre Arnaud Montebourg qui avait affirmé que le président d’honneur du Front national avait fait ‘‘ l’éloge de la Gestapo’’ », http://jupit.hypotheses.org/

[34] Alain Soral condamné à des peines de prison avec sursis pour deux …

https://www.lemonde.fr/…/2018/…/alain-soral-condamne-a-des-peines-de-prison-avec-sursis…

Le Tribunal avait condamné dans deux jugements distincts A. Soral « pour provocation à la haine ou à la violence » après la diffusion sur son site de deux dessins jugés antisémites mais nous n’envisagerons ici que le jugement qui a trait à la Deuxième Guerre mondiale. Pour la présentation de l’autre jugement, voir notre article « Provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée : une jurisprudence qui se cherche… », htpp://lagbd.org/

Pour ces deux dessins, A.  Soral est enfin condamné à verser plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts à des associations antiracistes parties civiles. Dans un communiqué, l’association SOS Racisme a salué « la fermeté » du tribunal « face à la dangerosité et l’impact idéologique de ce type de publication ».

[35] Cette précision figure également dans l’autre jugement rendu le même jour contre A. Soral, cf. supra, note 34.

[36] Remerciements renouvelés à A. Kuri pour son attentive relecture.

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