LES CARTES DU POUVOIR CENTRAL

A l’instar des rois du siècle des Lumières, Napoléon utilise la carte comme un outil de gestion global de l’espace français.

Afin de faciliter la levée de l’impôt, il décide en 1807 de l’établissement d’ « un bon cadastre parcellaire [qui] sera le complément de mon code en ce qui concerne la possession du sol. Il faut que les plans soient assez exacts et assez développés pour fixer les limites des propriétés et éviter les procès. ». Dressé à partir de 1812, il remplace de fait les anciens censiers et terriers.

Planche du cadastre de 1812 de Limoges : la cathédrale. Archives municipales de Limoges 1Fi 83, © Archives municipales de Limoges
Carte d’état-major de Strasbourg, 1867, BNUS M.CARTE.1.321, © Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Par ailleurs, il va interdire la vente de la carte de Cassini et la transférer au Dépôt de la Guerre. Une vision globale de la France est désormais exclusivement réservée à l’Etat ou plus exactement à l’armée. En 1808, la réalisation d’une nouvelle carte de France par les ingénieurs-militaires (Dépôt de la Guerre puis Service géographique de l’armée) est décidée. Commencés en 1817, les relevés ne s’achèveront qu’en 1866. Ce délai d’exécution et la densité des informations représentées rendent difficiles sa mise à jour. Appelée carte d’Etat-Major, elle fut le domaine réservé de l’armée jusque 1940 lorsque le Service géographique de l’armée est dissout. C’est alors le nouvel Institut Géographique National (IGN) qui prend le relai de la carte de France, cette dernière revenant au domaine public.

LES CARTES DU POUVOIR CENTRAL

LES PLANS MUNICIPAUX

Si l’Etat renouvelle son jeu de cartes de la France, les municipalités et les particuliers participent également à la production cartographique.

Depuis le XVIIIe siècle, les villes développent en effet des notions de programmes d’urbanisme ou « embellissement », notamment avec la création des places royales destinées à célébrer le pouvoir en place. De grands projets d’alignements sont ainsi connus à la fin du XVIIIe siècle comme à Strasbourg (plan Blondel), Reims (plan Legendre) ou à Limoges (plan Trésaguet).

Cependant, la loi de servitude de l’alignement du 16 septembre 1807 impose un plan d’alignement règlementant la ligne que les façades d’une rue ne peuvent dépasser pour toutes villes de plus de 2000 habitants. Ceci implique une production cartographique initiale lourde de la part des municipalités mais aussi, dans un second temps, de la part des particuliers. En effet, l’alignement ne se faisant qu’à l’occasion de travaux, ils doivent présenter aux autorités un dossier permettant de vérifier la conformité des travaux envisagés avec le plan général d’alignement. Ces dossiers nécessitent la réalisation de nombreux plans et bénéficient de l’invention d’un nouveau support : le calque. Ce dernier permet de réaliser rapidement plusieurs duplicatas d’un fond de plan sans avoir à faire un levé de terrain. Le gain de temps est donc considérable. Des copies du cadastre napoléonien, certifiées conformes par les géomètres du cadastre, se multiplient donc au sein des dossiers administratifs. Annotées, elles permettent de présenter rapidement plusieurs versions d’un projet.

Plan Trésaguet, place de la Motte, 1765-1768, Archives municipales de Limoges 1 Fi 10, © AML
LES PLANS MUNICIPAUX

LA LITHOGRAPHIE

D’autre part l’invention de la lithographie en 1838 ouvre la porte au tirage de cartes couleurs en série. Auparavant, le système par gravure ne permettait qu’un tirage en série noir et blanc, la couleur devant être ajoutée manuellement à l’aquarelle. Si le travail de lever une carte reste toujours important, le coût de sa reproduction est nettement réduit.

Les explorations maritimes, les nouvelles colonies et les conflits donnent ainsi lieu à une production cartographique à grande échelle, susceptible d’être reproduite et diffuser rapidement.

Traversée de l'Afrique équatoriale 1899. BnF, Cartes et plans, GE D 22985 © Bibliothèque nationale de France

Mais c’est également le cas de l’espace national. L’usage de la couleur permet en effet la superposition d’informations et donc le développement des cartes thématiques avec les premières cartes géologiques et historiques. En effet, il n’est plus forcément nécessaire de « lever » une carte : un fond de plan peut dorénavant être réutilisé et annoté quasiment à l’infini.

Carte géologique du département de la Haute-Vienne, Manès, 19ème, BNF IFN- 8441800, © Bibliothèque nationale de France
Plan historique des agrandissements successifs de Strasbourg, Von Poellnitz, 1877, BNUS M.CARTE.10.732© Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Enfin, la fin du XIXe est marquée à la fois par la naissance de l'école cartographique française, avec la publication de l'Atlas général Vidal-Lablache, et par l’école obligatoire, rendant la géographie accessible à tous.

La carte est enfin passée du produit rare à l’usuel.

LA LITHOGRAPHIE