« Monsieur Vincent », in l'Écho do doué, Bulletin de liaison des amis de la boulite, N°12, mai 1996, p. 20

Abbé Louis BLANCHET

Texte

La Flocellière était renommée par la variété de ses spectacles, grâce aux changements des décors à vue. C'était le style du Châtelet à Paris. Le public adore l'illusion du décor. Quand le curé d'Antigny vint me demander d'écrire ''Ben Hur ", j'ai dit : "Et le combat des chars ?"Il me répondit : "On le fera". Et il sut donner l'illusion à un public ravi. A la Flocellière, vous avez joué ''Ben Hur", et j'ai aussi composé pour vous "C'est arrivé à Lourdes". La petite fille qui jouait le rôle de Bernadette portait le poids de la pièce. Sainte Bernadette Soubirous a été très contente d'elle... et les spectateurs aussi.

Un jour, Pierre Germain vient me trouver, et tout de go me demande d'écrire un "Monsieur Vincent". Rien que ça ! Un film sur le même sujet avait recueilli un succès retentissant. Le sujet me plaisait, mais c'était un pari. Il fallait le traiter autrement. Et comment ? Je lui demandais huit jours de réflexion, mais il devinait que je ne résisterais pas. J'ai inventé deux personnages, qui renouvèleraient le sujet : Maître Jacques, domestique de Monsieur Vincent, et Monsieur de Lurzac, un mousquetaire. L'un ne comprend pas la Sainteté, 1'autre la comprend de travers. Ils accompagnent Monsieur Vincent à toutes les étapes de sa vie.

Et ce fut le succès : 50 séances en trois ans. Toute la région se donne rendez-vous à la Flocellière, et même Paris, avec les fils et les filles de Monsieur Vincent. Quel travail et quel bonheur partagés !

L'apparition de Monseigneur

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La petite histoire raconte que Monseigneur Cazeaux n'y fit qu'une courte apparition, car nous avions dépassé la règle qui n'autorisait que quatre filles à jouer - ne nous récrions pas, le théâtre antique protégeait tellement les femmes qu'il n'autorisait que les travestis.

Je voudrais terminer mes souvenirs en vous révélant combien le théâtre est une chose magique pour un auteur. De ses écritures, il voit jaillir des êtres de chair et de sang. De 1'ombre des mots, surgissent des sentiments, des émotions dont 1'auteur n'avait pas une conscience aussi forte. Je revois Monsieur Vincent et la Reine de France, Maître Jacques morigénant son maître, et l'ébouriffante et bouleversante scène entre Mazarin et Monsieur Vincent.

Je conclus sur une anecdote agréable : Auguste Rampillon, le maître machiniste, m'a dans les coulisses conduit dans un lieu réservé, évidemment interdit au public, où se cachait le petit barriquot de vin rosé qui soutenait le moral de la troupe des machinistes dans les longues attentes entre les tableaux.

Vous comprenez pourquoi je suis de la paroisse de la Flocellière.