Contribution à la connaissance des Coléoptères de l’étang « Tête de Bœuf » (Lussat, Creuse, FRANCE) Contribution to the knowledge of Coleoptera from the pond “Tête de Boeuf” (Lussat, Creuse, FRANCE)

Romain CHAMBORD,
Laurent Chabrol
L. PLAS

https://doi.org/10.25965/asl.97

Au cours de ce premier inventaire des Coléoptères de l’étang Tête de Bœuf (Lussat, 23), ce sont au total 87 espèces qui ont été recensées, certaines d’entre elles présentant une haute valeur patrimoniale. Le peuplement entomologique observé est riche et original, tant pour les espèces des milieux aquatiques que pour celles des boisements anciens, et confirme d’une part l’intégrité des habitats naturels, et, d’autre part, l’importance du site en tant que réservoir de biodiversité.

During this first survey of Coleoptera from the pond “Tête de Bœuf » (Lussat, France, 23), 87 species had been listed, some of them presenting a high patrimonial value. The entomological settlement observed is rich and original, as well for the species of the aquatic environments as for those of old woodlands, and confirms, on the one hand, the integrity of the natural habitats, and, on the other hand, the importance of the site as a tank of biodiversity.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

Enjeux - Les zones humides sont, par leurs caractéristiques particulières, des milieux d’une grande fragilité. Ces habitats constituent des réservoirs biologiques pour les espèces végétales et animales aquatiques d’eau douce et palustres dont la valeur est aujourd’hui reconnue. Le rôle primordial des zones marécageuses pourrait tenir à leur caractère très naturel mais également au fait qu’elles constituent une interface graduelle entre milieu terrestre et aquatique. De telles zones revêtent, ainsi, un intérêt tout à fait particulier dans la mesure où elles représentent des milieux refuges de la plus haute importance pour tout un cortège d’espèces menacées. En outre, la présence de zones humides n’est pas seulement primordiale pour la conservation de la diversité biologique aquatique et palustre : les conditions du milieu très diverses, liées notamment aux gradients et aux fluctuations d'hygrométrie dans les zones riveraines, favorisent la création et le renouvellement d'une multitude d'habitats propices à l'établissement d'une flore et d'une faune variées. Le manque de méthodes d’évaluations, ou leur focalisation sur des groupes faunistiques bien connus (oiseaux et amphibiens principalement), font que les actions destinées à la conservation de la diversité biologique de ces habitats n’atteignent souvent que partiellement leurs objectifs.

Ainsi, l’entomofaune n’est que trop rarement prise en compte dans l’établissement de l’évaluation patrimoniale et dans la rédaction de plans de gestion. Pourtant, l’étude de l’occurrence, de l’abondance et de la diversité des peuplements entomologiques constitue une approche pertinente pour l’évaluation de la qualité et de l’intégrité des milieux naturels.

Objectifs - M. de Saint-Vaury, propriétaire de l’étang Tête de Bœuf (Lussat, F-23) a confié à la Société Entomologique du Limousin une étude de l’entomofaune de ce site. Ce travail se fixe pour objectif l’évaluation de la diversité, de l’originalité et de la patrimonialité des peuplements d’insectes de l’étang, et intrinsèquement, la mise en évidence de la qualité et de l’intégrité des habitats de ce dernier. In fine, ces éléments seront versés au dossier de demande de classement en Réserve naturelle régionale de l’étang Tête de Bœuf.

Zone d’étude - Situé sur la commune de Lussat (Creuse), l’étang Tête de Bœuf se trouve dans le vaste bassin sédimentaire de Gouzon, entre Guéret et Montluçon, à l’amont de l’étang des Landes, classé en Réserve naturelle nationale. L’étang Tête de Bœuf est situé dans le site NATURA 2000 « bassin de Gouzon », il figure également dans l’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF).

Les principaux habitats recensés sur le site par la Conservatoire botanique national du Massif central (MADY, 2009) sont :

  • herbiers aquatiques flottants à Hydrocharis et Utricularia ;

  • herbiers aquatiques enracinés à Potamots et Nénuphars ;

  • cariçaies et roselières riveraines ;

  • saulaies marécageuses ;

  • chênaies mésophiles et hygrophiles.

Les insectes de ce secteur sont mal connus en dehors des inventaires réalisés dans la Réserve naturelle de l’étang des Landes où 250 espèces de Coléoptères ont été recensées (Chambord, 2009). C’est la seule référence actuelle à laquelle nous nous rapporterons à titre de comparaison.

Matériel & méthode

Choix des descripteurs - Les insectes sont reconnus de longue date comme étant de bons indicateurs de la qualité des milieux, eu égard au fait que beaucoup présentent des exigences trophiques et écologiques très strictes. L’étude de l’entomofaune d’un milieu naturel ne peut s’envisager de manière exhaustive et doit, pour avoir une résolution significative, cibler les éléments les plus pertinents. En effet, la faune des insectes est très vaste : plus de 35000 espèces sont connues en France. Une étude globale du peuplement entomologique d’un site n’est jamais envisageable (temps nécessaire trop long, nombreux groupes taxinomiques peu ou pas étudiés, bibliographie difficile à se procurer, travaux de systématique ou spécialistes inexistants…).

Ce constat impose de faire des choix et de se focaliser sur certains groupes.

L’ordre des Coléoptères est le plus diversifié. Il compte plus de 9 000 espèces sur les 35 000 espèces d’insectes connues en France. Les Coléoptères sont adaptés à tous les milieux (aériens, aquatiques, souterrains), leur biologie est des plus diversifiée (phytophages, carnassiers, mycétophages, xylophages, détritiphages, nécrophages…) et est généralement hautement spécialisée. Ces caractéristiques font des Coléoptères des indicateurs de premier plan pour une caractérisation fine de la richesse et de la patrimonialité des habitats naturels.

Échantillonnage et mise en collection - Afin d’obtenir une résolution aussi large que possible, des méthodes d’échantillonnage des Coléoptères ciblées et spécialisées ont été mises en place dans le cadre de cette étude. En couvrant une large palette d’habitats et micro-habitats, elles ne permettent qu’une approche qualitative des peuplements (diversité des techniques contrainte par l’hétérogénéité structurelle de la végétation).

Les techniques actives :

  • La chasse à vue, par examen spécifique des plantes-hôtes, des troncs, fleurs, plages exondées, champignons, écorces…

  • Le fauchage, à l’aide d’un filet fauchoir sur les formations herbacées. Grâce à ce filet en toile forte, l’opérateur procède par mouvements de va et vient dans la strate herbacée. Il suffit ensuite de collecter les individus tombés au fond de la poche. Cette technique s’adresse principalement aux groupes phytophages (Chrysomelidae, Curculionidae…).

  • Le battage, à l’aide d’une nappe montée, ou « parapluie japonais » tenue sous la végétation, pendant qu’à l’aide d’un bâton, plantes et branchages sont frappés énergiquement. Les insectes qui s’y tiennent se laissent tomber et sont aisément repérés sur la toile blanche. Cette technique permet la collecte des espèces phytophages, mais aussi des saproxyliques.

  • Le troubleau est une sorte d’épuisette munie d’une toile imputrescible à mailles fines, permettant l’écoulement de l’eau, mais retenant les insectes. C’est le pendant aquatique du filet fauchoir, l’opérateur procédant par mouvements rapides dans la végétation subaquatique. Cette technique s’adresse particulièrement aux Coléoptères aquatiques (Dytiscidae, Hydrophilidae….).

  • Le tamisage de laisses de végétation ou de litière permet de collecter les insectes qui s’y réfugient. La fraction tamisée est rincée et examinée sur place, ou mise à sécher dans un appareil de Berlèze, la dessiccation progressive poussant les insectes à quitter le substrat. Cette technique très productive permet de collecter les insectes vivant dans ces amas de végétation mais également ceux qui s’y réfugient pour hiverner ou estiver.

Les techniques passives :

  • Les pièges Barber sont des pots ou gobelets enterrés, dont le rebord affleure la surface du sol. Ils sont généralement garnis de liquide attractif (bière, vinaigre….). Les insectes qui se déplacent au sol vont tomber dans le récipient et se noyer dans le liquide. Une dizaine de pièges Barber ont été posés au cours des mois de juillet et août sur les deux berges de l’étang, dans les boisements rivulaires, et relevés tous les quinze jours.

  • Les pièges d’interception sont constitués d’un croisillon de plaques transparentes, sous lequel est fixé un entonnoir relié à flacon rempli de liquide de conservation. Le dispositif est installé à plusieurs mètres de hauteur, dans les frondaisons. Les insectes en vol heurtent les pales du piège et tombent dans le flacon de collecte. Le piège peut être additionné ou non de liquide attractif. L’utilisation relativement récente de ce type de dispositif a permis la collecte d’espèces très rarement détectées par d’autres méthodes. Deux pièges d’interception ont été installés dans les boisements et laissés en place au cours des mois de juillet et août.

  • Les appâts carnés sont utiles pour attirer diverses espèces carnassières ou nécrophages. Un dispositif destiné aux Coléoptères aquatiques carnassiers (Dytiques), amorcé avec des sardines crues, a été utilisé en queue d’étang.

Calendrier des prospections - Les relevés ont été menés durant la période la plus favorable à l’étude et la collecte des Coléoptères, qui se situe grossièrement entre la mi-mai et mi-septembre de l’année 2009.

Identification des espèces - Les insectes faisant l’objet de cette étude ne peuvent, sauf rares exceptions, être déterminés sur le terrain (petite taille, grand nombre d’espèces, forte homogénéité morphologique…). La collecte de spécimens est donc systématique, la détermination des taxa étant effectuée sous loupe binoculaire, et la dissection des genitalia souvent indispensable. Selon la complexité du groupe auquel elle appartient, on peut dire que le temps mis pour préparer et déterminer une espèce peut osciller entre un quart d’heure et deux jours. Faute de révisions récentes pour certains groupes, ou même parfois en l’absence de bibliographie ou de spécialiste, quelques espèces ont été laissées de côté et seront étudiées ultérieurement, au gré de l’avancée des travaux de systématique. La liste des espèces présentée au chapitre suivant suit la nomenclature du référentiel Fauna Europaea (http://www.faunaeur.org/)

Résultats

Liste faunistique - Dans le cadre de cette étude, ce sont au total 87 espèces de Coléoptères qui ont été collectées, réparties en 26 familles. A titre de comparaison, 250 espèces de Coléoptères sont connues de l’étang des Landes, mais les recherches ayant permis l’établissement de cette liste se sont étendues sur plusieurs années, et ont mobilisé un plus grand nombre de jours de terrain. Si l’on affine l’analyse, on constate que sur ces 87 espèces, 47 sont communes aux deux étangs soit 54 % des espèces observées à l’étang Tête de Boeuf. Près de la moitié des espèces observées au cours de cette étude sont donc nouvelles pour le complexe « étang des Landes – étang Tête de Bœuf ». De plus, selon toute logique, c’est parmi ces espèces que se trouvent les éléments les plus remarquables du site, qui constituent l’originalité du peuplement.

Liste des espèces observées sur le site de l’étang Tête de Bœuf :

Attelabidae

Apoderus coryli (Linnaeus 1758)

Carabidae

Abax parallelepipedus (Piller & Mitterpacher 1783)

Carabus nemoralis O.F. Müller 1764

Carabus granulatus Linnaeus 1758

Carabus cancellatus Illiger 1798

Cicindela campestris Linnaeus 1758

Demetrias imperialis (Germar 1824)

Lebia marginata (Geoffroy in Fourcroy 1785)

Pterostichus madidus (Fabricius 1775)

Cerambycidae

Menesia bipunctata (Zoubkoff 1829)

Obrium cantharinum (Linnaeus 1767)

Cerylonidae

Cerylon ferrugineum Stephens 1830

Chrysomelidae

Aphthona nonstriata Goeze 1777

Chrysolina fastuosa (Scopoli 1763)

Chrysomela tremulae Fabricius 1787

Crepidodera aurea (Geoffroy 1785)

Cryptocephalus pusillus Fabricius 1777

Cryptocephalus moraei (Linnaeus 1758)

Donacia crassipes Fabricius 1775

Donacia marginata Hoppe 1795

Donacia vulgaris Zschach 1788

Epitrix pubescens (Koch 1803)

Galerucella nymphaeae (Linnaeus 1758)

Galerucella calmariensis (Linnaeus 1767)

Gastrophysa viridula (De Geer 1775)

Gonioctena viminalis (Linnaeus 1758)

Gonioctena olivacea (Forster 1771)

Hippuriphila modeeri (Linnaeus 1761)

Lochmaea caprea (Linnaeus 1758)

Lythraria salicariae (Paykull 1800)

Phratora vulgatissima (Linnaeus 1758)

Phratora vitellinae (Linnaeus 1758)

Plagiodera versicolora (Laicharting 1781)

Cleridae

Opilo mollis (Linnaeus 1758)

Coccinellidae

Anisosticta novemdecimpunctata (Linnaeus 1758)

Coccidula rufa (Herbst 1783)

Coccidula scutellata (Herbst 1783)

Hippodamia tredecimpunctata (Linnaeus 1758)

Propylea quatuordecimpunctata (Linnaeus 1758)

Cryptophagidae

Telmatophilus caricis (Olivier 1790)

Curculionidae

Acalyptus carpini (Fabricius 1792)

Bagous puncticollis Boheman 1845

Bagous robustus H. Brisout 1863

Curculio nucum Linnaeus 1758

Mononychus punctumalbum (Herbst 1784)

Orchestes avellanae (Donovan 1797)

Pelenomus canaliculatus (Fåhraeus 1843)

Polydrusus cervinus (Linnaeus 1758)

Rhinoncus inconspectus (Herbst 1795)

Rhinoncus perpendicularis (Reich 1797)

Tanysphyrus lemnae (Fabricius 1792)

Xyleborus dispar (Fabricius 1792)

Dytiscidae

Acilius sulcatus (Linnaeus 1758)

Dytiscus marginalis Linnaeus 1758

Dytiscus semisulcatus O. F. Müller 1776

Hydaticus transversalis (Pontoppidan 1763)

Hydroporus palustris (Linnaeus 1761)

Elateridae

Nothodes parvulus (Panzer 1799)

Erotylidae

Triplax lepida (Faldermann 1837)

Eucnemidae

Microrhagus pyrenaeus Bonvouloir 1872

Gyrinidae

Gyrinus natator (Linnaeus 1758)

Haliplidae

Peltodytes rotundatus (Aubé 1836)

Lucanidae

Lucanus cervus (Linnaeus 1758)

Monotomidae

Rhizophagus ferrugineus (Paykull 1800)

Mycetophagidae

Litargus balteatus LeConte 1856

Litargus connexus (Geoffroy 1785)

Nitidulidae

Cryptarcha strigata (Fabricius 1787)

Cryptarcha undata (Olivier 1790)

Glischrochilus quadriguttatus (Fabricius 1776)

Soronia grisea (Linnaeus 1758)

Noteridae

Noterus clavicornis (De Geer 1774)

Noterus crassicornis (O. F. Müller 1776)

Rhynchitidae

Byctiscus populi (Linnaeus 1758)

Salpingidae

Salpingus planirostris (Fabricius 1787)

Salpingus ruficollis (Linnaeus 1761)

Scirtidae

Microcara testacea (Linnaeus 1767)

Scirtes hemisphaericus (Linnaeus 1767)

Silphidae

Necrodes littoralis (Linnaeus 1758)

Nicrophorus vespilloides Herbst 1783

Oiceoptoma thoracicum (Linnaeus 1758)

Phosphuga atrata (Linnaeus 1758)

Staphylinidae

Paederus fuscipes Curtis 1826

Stenus europaeus Puthz 1966

Stenus picipes picipes Stephens 1833

Velleius dilatatus (Fabricius 1787)

Tenebrionidae

Diaperis boleti (Linnaeus 1758)

Trogositidae

Thymalus limbatus (Fabricius 1787)

Espèces visées par la Directive « Habitats » :

  • Lucanus cervus (Linnaeus, 1758) – Le Lucane cerf-volant

Statut : Annexe II Directive Habitats - Faune – Flore.

Le Lucane se rencontre dans la quasi totalité des bois et forêts de feuillus de la région. Il affectionne principalement les bois de Chênes et de Châtaigniers, mais accepte d’autres essences de feuillus. Il se rencontre également dans les parcs et jardins urbains ou péri-urbains. L’espèce se trouve aussi dans le bocage dès l’instant où les haies comportent de vieux arbres. Il n’est pas rare de le trouver aussi sous les tas de bois stockés. Lucanus cervus a une répartition typiquement européenne, ce qui a sûrement joué en faveur de son inscription sur la liste des espèces de l’annexe II de la Directive. Cependant, l’espèce présente des statuts différents selon les régions européennes (BARAUD, 1992). En Europe du Nord (Angleterre, Pays-Bas, Allemagne) jusqu’à la Loire, l’espèce est très rare et même en voie d’extinction dans certains secteurs. Au Sud de la Loire et jusqu’à une ligne allant du Nord de l’Espagne jusqu’en Albanie, l’espèce est commune, voire abondante par places, selon les années. Les localités de Lucane Cerf-volant sont très nombreuses en Limousin (Figure 1).Un mâle a été observé sur la digue de l’étang.

Figure 1 : Répatition de Lucanus cervus en Limousin - SEL 2009.

Figure 1 : Répatition de Lucanus cervus en Limousin - SEL 2009.

Espèces à forte valeur patrimoniale :

  • Bagous robustus H. Brisout 1863 – Coleoptera Curculionidae

  • Bagous puncticollis Boheman 1845 – Coleoptera Curculionidae

Les Bagous sont des Charançons subaquatiques. On en compte une trentaine d’espèces en France. Ces petits Coléoptères fréquentent les eaux stagnantes ou calmes dans lesquelles croissent les plantes sur lesquelles ils se développent (Equisetum, Potamogeton, Utricularia, Glyceria, Myriophyllum…). Hautement spécialisés, ils sont pour la plupart monophages.

Une trentaine d’individus de Bagous robustus (Photo 1) ont été collectés sur le site en tamisant les laisses de végétations, au niveau de la mare à l’entrée de l’étang et en queue d’étang. Ce Bagous se développe sur Alisma plantago-aquatica. Bien que cette plante soit relativement commune, il en est tout autrement pour l’insecte qui n’a été découvert en Creuse qu’en 2007 sur les berges de l’étang des Landes, qui reste à ce jour la seule autre station connue en Limousin. On peut considérer que l’on est en présence de la même population. La densité d’individus observée est remarquable, et atteste de l’excellente qualité du milieu.

Photo 1 : Bagous robustus

Photo 1 : Bagous robustus

Parmi les nombreux exemplaires de B. robustus étaient mêlés quatre spécimens d’une autre espèce, Bagous puncticollis. Il s’agit de la première observation de cette espèce pour le Limousin. Ce Charançon se développe sur Hydrocharis morsus-ranae (Sprick, 2001), réellement abondante sur l’étang Tête de Bœuf. Lorsque l’on connaît la rareté de cette plante au niveau régional (4 stations connues, source CBN Massif central), on comprend le caractère remarquable de la présence de cet insecte sur le site.

  • Hippodamia tredecimpunctata (Linnaeus 1758) – Coleoptera Coccinellidae

Cette Coccinelle, carnassière, est typique des zones humides. Elle n’était connue en Limousin que de l’étang des Landes. Elle se rencontre dans les roselières où elle consomme des Pucerons inféodés aux plantes de ces milieux. Observée au battage de la végétation.

  • Demetrias imperialis (Germar 1824) – Coleoptera Carabidae

Ce petit prédateur est strictement inféodé aux ceintures de végétation des étangs de plaine. Il s’agit de la première observation de cette espèce en Limousin, collectée au piège Barber en queue d’étang.

  • Obrium cantharinum (Linnaeus 1767) – Coleoptera Cerambycidae.

Ce petit Capricorne (Photo 2) est très discret. Il s’agit de la première observation de cette espèce pour le département de la Creuse. Une seule mention attestait de sa présence en Limousin, en Corrèze (Chabrol & al., 2003). Obrium cantharinum accomplit son développement dans le bois des aulnes et des trembles. L’espèce semble bien implantée sur le site puisque ce sont cinq individus qui ont été collectés au piège d’interception.

Photo 2 : Obrium cantharinum

Photo 2 : Obrium cantharinum

  • Velleius dilatatus (Fabricius 1787) – Coleoptera Staphylinidae

Cet imposant Staphylin est un commensal des nids de Frelons. Très discret, il ne se rencontre que ponctuellement, son mode vie le rendant difficile à observer. Il s’agit de la deuxième observation pour la région et pour la Creuse. Un seul individu a été collecté au piège d’interception.

  • Triplax lepida (Faldermann 1837) – Coleoptera Erotylidae

Cette espèce est nouvelle pour le Limousin. D’après Dajoz (1985), Triplax lepida (Photo 3) fait partie des trois espèces les plus rares sur les neuf que compte le genre sur notre territoire. Ces Coléoptères sont des mycétophages qui vivent et se développent dans des champignons lignicoles, principalement du genre Pleurotus. Ces insectes se rencontrent dans les forêts peu ou pas exploitées, en bon état de conservation, car elles dépendent de la présence des champignons, qui eux-mêmes sont liés à la disponibilité en bois mort. Trois individus ont été collectés au piège d’interception.

Photo 3 : Triplax lepida

Photo 3 : Triplax lepida

  • Microrhagus pyrenaeus Bonvouloir 1872 – Coleoptera Eucnemidae

Cette rarissime espèce (Photo 4) est nouvelle pour le Limousin. Dans un récent article, Brustel et Van Meer (2008) font le point sur la répartition de cet intéressant Eucnemidae. Il apparaît que depuis sa description, l’espèce n’a été collectée en France que dans 15 stations (Figure 2). Selon Chassain (1978), « Microrhagus pyrenaeus est l’une des espèces les plus rares de la faune Européenne des Eucnénidés », ce que confirment par ailleurs Brustel et Van Meer dans leur synthèse. L’espèce semble se développer dans la carie blanche et molle d’aulnes ou de chênes, généralement en ripisylve ou en boisements frais et humides. Le piège d’interception qui a permis la capture d’une femelle était placé dans les boisements riverains de l’étang où se trouvent des aulnes morts, en chandelles ou au sol.

Photo 4 : Microrhagus pyrenaeus

Photo 4 : Microrhagus pyrenaeus

Figure 2 : Distribution française de Microrhagus pyrenaeus, d’après Brustel & Van Meer (2008).

Figure 2 : Distribution française de Microrhagus pyrenaeus, d’après Brustel & Van Meer (2008).

Conclusion

L’entomofaune de l’étang Tête de Bœuf recèle des éléments de forte valeur patrimoniale.

Si une partie de la faune est commune au peuplement de l’étang des Landes, un grand nombre d’espèces sont inédites, parmi lesquelles les éléments les plus remarquables du site.

Pour plusieurs d’entre elles, il s’agit de la première mention régionale, certaines étant rarissimes en France. Au vu du peu de temps consacré à ces recherches, et compte tenu que les éléments les plus rares sont de fait les plus complexes à contacter, la proportion de taxa remarquables permet de considérer les habitats concernés comme d’une grand richesse.

En outre, l’intérêt du site ne tient pas au seul milieu aquatique et à sa végétation, mais également aux formations boisées hygrophiles qui se sont révélées abriter une faunule dépendante des boisements de qualité. Le projet de classement en Réserve naturelle régionale nous apparait donc complètement justifié.

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Référence papier

CHAMBORD, R., Chabrol, L. PLAS, L. (2009). Contribution à la connaissance des Coléoptères de l’étang « Tête de Bœuf » (Lussat, Creuse, FRANCE). Annales Scientifiques du Limousin, (20), 42-50.

Référence électronique

CHAMBORD, R., Chabrol, L. PLAS, L. (2009). Contribution à la connaissance des Coléoptères de l’étang « Tête de Bœuf » (Lussat, Creuse, FRANCE). Annales Scientifiques du Limousin, (20). https://doi.org/10.25965/asl.97

Auteurs
Romain CHAMBORD
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