Aérobiologie fongique hivernale en milieu urbain (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort – 94 - FRANCE) Fungal Aerobiology during winter in urban environment (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort) – 94 France

Françoise BOUSSIOUD-CORBIERES 

https://doi.org/10.25965/asl.143

Dans un jardin botanique de la proche banlieue parisienne, la dispersion des spores de champignons a été mise en évidence au cours d’un cycle hivernal, hors périodes de gel. Sur 12 mois, la dispersion des spores fongiques concerne 91 taxons, 85 sont répertoriés de début mars à début décembre; pour les 78 présents de novembre à février, 5 nouveaux taxons sont identifiés au cours de la période hivernale. 73 taxons auraient ainsi une activité biologique continue dans l’année : la flore fongique varie peu au cours de l’année. La comparaison avec une autre station met en évidence un rapport stable entre la population fongique et la végétation dans les milieux urbains de la région parisienne. Les périodes de gel de plusieurs jours consécutifs affectent la dispersion des spores mais la majorité des taxons est peu influencée par les variations thermiques saisonnières. D’une part ceci apporte des informations sur l’état sanitaire des végétaux du site, les taxons parasites étant peu nombreux en nombre et en variété, d’autre part certaines de ces particules aérophytologiques sont allergisantes et leur impact sur la santé humaine est à surveiller.

Fungal spores produced in atmospheric are identified and counted in an urban park of suburban Paris, during winter but not within frost periods. During twelve months the dispersion of fungal spores is studied. It deals with 91 identified fungal taxons: 85 are present between March and December and on the 78 available from November till February, 5 are new. It means that 73 would have a biological activity along all the year. The fungal fore is poorly varying during the year. A comparison with an other station highlights that there are stable ratio between fungal population and vegetation in urban environment in Parisian region. The frost during many days modified the dispersion of spores but taxa by a majority are few impressed by thermal seasonal variations. This study provides information, in one hand, on sanitary health of vegetation on one year period, and, in an other hand, on sanitary health of human population because some fungal spores are allergenic and their particles have to be followed for their impact on this purpose.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

Dans un précédent travail (F. boussioud-corbières, 2003), nous avons mis en évidence la richesse taxonomique et numérique des spores fongiques dans le jardin botanique du parc de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort (E.N.V.A.) à Maisons-Alfort (94), en banlieue parisienne, au cours d’un cycle de végétation, du 5 mars au 3 décembre, jusqu’à ce que le gel ait interrompu les piégeages. A partir de cette époque, nous nous heurtons à une difficulté d’ordre technique : la surface adhésive du piège utilisé pour recueillir les spores n’étant plus fonctionnelle en période de gel. Pour évaluer la dispersion des spores fongiques au cours de la saison hivernale en contournant cette difficulté, les relevés ne sont plus hebdomadaires, comme pour ceux effectués au cours du cycle de végétation, mais de 72 heures maximum et en fonction des prévisions météorologiques afin d’éviter les températures négatives. Le piège est ainsi installé hors période de gel pour une campagne qui a été menée au cours de l’hiver 2000-2001.

Matériel et méthode

Le piège gravimétrique est de type Durham, constitué d’une lame recouverte de gélatine glycérinée phénolée, suivant la méthode du Laboratoire Elzear Campagna de l’Université de Montréal. Il est placé à environ 1,5 m du sol, dans le parc botanique de l’E.N.V.A., lorsque les services météorologiques locaux prévoient des températures positives. Le piège reste en place au maximum trois jours. Hors gel, la pluie et l’humidité sont abondantes et les écarts de température entre le jour et la nuit sont importants durant la période hivernale locale ; ces phénomènes physiques favorisent l’émission des spores fongiques (G. Çolakoğlu, 2003).

L’identification est réalisée, après coloration à la fuchsine basique, avec un microscope Leitz Ortoplan suivant les critères de reconnaissance de E. Grant Smith (1984) et la clé d’identification de « The International Association for Aerobiology » (Anonyme, 1990). Les quantifications des spores sont traitées selon la méthode statistique de K. Faegri & al, (1964) pour les pollens et utilisées également pour les spores par F. Boussioud-corbières (1991).

Résultats et discussion

La campagne a été menée du 21/11/2000 au 15/02/2001 et 12 relevés ont été inventoriés (Tableau I).

Les relevés sont lus en totalité. Le nombre de spores indique la quantité réelle piégée sur une surface de 12,5 mm2 (lamelle de 5x2,5 mm). Elle varie d’un minimum proche de 100 en janvier, à un maximum de près de 1200 spores fin novembre.

Tableau I : Les doubles traits figurent les périodes de gel de durées variables, au minimum une nuit et au maximum 16 jours.

N° piège

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Mois

11

11

11

12

12

12

01

01

01

02

02

02

Jours

21/24

25/27

28 /01

01/04

04/07

22/25

09/11

21/23

29/31

01/04

07/10

12/15

Durée (jours)

3

2

3

3

3

3

3

3

2

3

3

3

N. spores

213

260

1155

317

302

359

99

93

96

98

275

104

Le spectre de répartition temporelle et quantitative des spores fongiques dans l’atmosphère (Figure 1) met en évidence un maximum d’émissions fin novembre et un minimum du 4 janvier au 4 février, mois pendant lequel les périodes de gel sont les plus longues (jusqu’à 16 jours), et les périodes de dégel varient de 4 à 2 jours. Le gel par périodes de plusieurs jours consécutifs affecte la dispersion atmosphérique des spores.

Figure 1 : histogramme de répartition des spores fongiques, dans 12 piéges déposés entre novembre et mars.

Figure 1 : histogramme de répartition des spores fongiques, dans 12 piéges déposés entre novembre et mars.

Pendant la période de végétation (F. boussioud-corbières, 2003), 85 taxons fongiques ont été identifiés. Au cours de la période froide  (Tableau II) 73 taxons du premier inventaire (soulignés) sont retrouvés; 5 taxons (soulignés et notés : *) n’avaient jamais été vus sur la station auparavant.  78 taxons sont ainsi comptabilisés au cours de l’hiver : la flore fongique varie peu au cours de l’année. Sur une année complète, dans les deux ensembles de relevés, 90 taxons sont identifiés ainsi qu’un varia (taxon non identifié et présent toute l’année).

Dans le parc de l’E.N.V.A., après douze mois de relevés, l’inventaire fait apparaître que près de 92% des taxons fongiques présents en été le sont aussi en hiver et 81 % des taxons identifiés sont présents dans l’atmosphère toute l’année ; certains sont très peu présents et ont pu échapper au piège, ainsi 15 taxons n’ont été observés qu’une seule fois. La majorité des taxons est peu influencée par les variations thermiques saisonnières.

Le total de 91 taxons fongiques pour les 428 espèces phanérogamiques recensées dans le parc est à mettre en relation avec celui obtenu (51 taxons) dans une station de la banlieue parisienne précédemment étudiée (Athis-Mons) avec un inventaire floristique de 205 espèces (F. Boussioud-Corbières, 1994 et 1999). La diversité des taxons fongiques est en relation avec la richesse floristique et cette proportion entre flore phanérogamique et flore fongique est stable pour des biotopes similaires : urbains de climat tempéré océanique.

Tableau II : Catalogue des spores fongiques identifiées en une année.

N

TAXONS

Qtè

N

TAXONS

Qté

N

TAXONS

Qté

01

ACRODYCTIS

2

32

FULIGO

9

62

PUCCINIA*

9

02

AGARICUS

26

33

FUSARIELLA

2

63

PYRENOPHORA

1

03

AGROCYBE

14

34

FUSARIUM

5

64

SEPTONEMA

1

04

ALTERNARIA

22

35

FUSICLADIUM

3

65

SPLANCHNONEMA

2

05

ARTHRINUM

4

36

GANODERMA

89

66

SPORIDESMIUM

10

06

ASCOBOLUS

4

37

GEOTRICUM

19

67

SPORIDYLOCLADIELLA

1

07

ASCOSPORES

46

38

GLIOMASTIX

4

68

SPOROMIELLA

1

08

ASPERG/PENICIL

584

39

GYMNOPILUS

14

69

STEMPHYLIUM

21

09

ASPERISPORIUM

35

40

GYMNOCLADIUM*

1

70

STEREUM

22

10

BASIDIOSPORES

96

41

INOCYBE *

1

71

TELEUTOSPORES

7

11

BISPORA

3

42

LACCARIA

2

72

TORULA

5

12

BOTRYTIS

70

43

LEPIOTA

29

73

UREDOSPORES

257

13

CALVATIA

1

44

LEPTOSPHAERIA

66

74

USTILAGO

94

14

CERCOSPORA

5

45

LEPTOPHAERULINA*

1

75

VENTURIA

11

15

CEREBELLA

10

46

MASSARIA

3

76

XYLARIACEES

24

16

CHAETOCONIS

1

47

MASSARINA

6

77

ZYGOPHIALA*

2

17

CHAETOMIUM

21

48

MELANOMA

13

78

VARIA

54

18

CHLOROPHILLUM

6

49

MONODYCTIS

1

79

ENDOPHRAGMIELLA

19

CIRCINITRICUM

3

50

MYTILIDION

2

80

EPICOCCUM

20

CLADOSPORIUM

721

51

MYXOMYCETES

105

81

FARLOWIELLA

21

COPRINUS

109

52

NIGROSPORA

31

82

HELICOMYCES

22

CORYNESPORA

1

53

OÏDIUM

69

83

ISMOSPORA

23

CURVULARIA

22

54

PARAPHAEOSPHAERIA

1

84

NEOHENDERSONIA

24

DENDRIPHYELLA

5

55

PERICONIA

44

85

PHAEOSPORA

25

DIATRIPACEES

4

56

PERONOSPORA

445

86

PIRICAUDA

26

DYCTODESMIUM

5

57

PHOMA

7

87

SOLHEIMIA

27

DIPLOCOCCUM

3

58

PITHOMYCES

11

88

SORDARIA

28

DRESCHLERA

18

69

PLEOSPORA

11

89

STACHYBOTRIX

29

ENDOPHRAGMIA

2

60

PODOSPORIUM

3

90

TAENOLELLA

30

EXOSPORIELLA

1

61

PSATHYRELLA

1

91

UREDINALES

31

EXOSPORIUM

1

N : nombre de taxons.

Taxons soulignés : présents toute l’année. Taxons non soulignés : piégés entre mars et novembre.

Taxons * : piégés uniquement l’hiver. Qté : quantité totale de spores au cours de la campagne hivernale.

Les quantités par taxons sont très variables durant les quatre mois d’étude. Les taxons les plus abondants par ordre décroissant sont :

Cladosporium,

Aspergilus/Penicillium qui ne sont pas différenciés par la méthode d’étude,

Peronospora,

Urédospores,

Coprinus,

Myxomycètes.

Sauf Coprinus, ce sont des spores asexuées, majoritairement des Deutéromycètes ou Fungi imperfecti. Les parasites des végétaux tels Venturia et Fusicladium, les Oïdium, et les Ustilaginales sont faiblement représentés, les Urédospores sont plus abondants.

Il convient de souligner qu’Aspergillus, Penicillium, Cladosporium, toujours très abondants en milieu urbain, ainsi qu’Alternaria et Fusarium, moins nombreux dans ce même milieu, sont connus comme allergisants (G. Çolakoğlu, 2003). De plus les spores, particulièrement celles de Cladosporium servant de vecteurs aux particules abiotiques, la sensibilité des sujets est aussi en relation avec la pollution, (M. Hjelmroos, 1988).

Conclusion

Dans les milieux urbains de la banlieue parisienne, les espaces verts urbains sont les milieux favorables au développement et à la dispersion atmosphérique des spores fongiques. Ces populations sont présentes presque toute l’année dans l’atmosphère en quantité importante et constante et la diversité fongique est en relation directe avec la diversité floristique. La présence des taxons est d’une constance remarquable au cours des quatre saisons. Plusieurs de ces taxons, en particulier Cladosporium, sont allergisants ; à cause de cet impact sur la santé humaine, la dispersion des spores devrait faire l’objet d’un suivi rigoureux.

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Référence papier

BOUSSIOUD-CORBIERES, F. (2008). Aérobiologie fongique hivernale en milieu urbain (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort – 94 - FRANCE). Annales Scientifiques du Limousin, (19), 32-37.

Référence électronique

BOUSSIOUD-CORBIERES, F. (2008). Aérobiologie fongique hivernale en milieu urbain (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort – 94 - FRANCE). Annales Scientifiques du Limousin, (19). https://doi.org/10.25965/asl.143

Auteur
Françoise BOUSSIOUD-CORBIERES
Faculté des sciences. Université Paris 12 Val de Marne. F- 94010 CRETEIL CEDEX et Centre de Géographie physique H. ELHAÏ. Université de Paris X - Nanterre. F-92001 NANTERRE CEDEX
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