Recensement des Herbiers de France : l’Herbier de René Vallet, élève de l’Ecole d’horticulture d’Objat-Voutezac (Corrèze) en 1947 Census of the Herbaria of France : the Herbarium of René Vallet, pupil of the School of horticulture of Objat-Voulezac (Corrèze) in 1947

Michel HOFF 
Sylvie VALLET 

https://doi.org/10.25965/asl.1076

L’Herbier de René Vallet a été constitué lors de ses études à l’Ecole Horticole d’Objat-Voutezac en Corrèze en 1947. Il rassemble 204 spécimens de 170 espèces différentes. Les plantes rassemblées sont essentiellement des espèces des milieux agricoles (prés et prairies, champs, chemins, talus) avec quelques herbacées forestières. Le nombre d’orchidées est important. Cet herbier montre ce que devait connaître un élève horticulteur à la fin des années 1940.

René Vallet's Herbarium was established during his studies at the Horticultural School of Objat-Voulezac in Corrèze in 1947. It brings together 204 specimens of 170 different species. The plants collected are essentially species from agricultural environments (meadows and pasture, fields, paths, slopes) with some forest herbaceous plants. There is a relatively great number of orchids. This herbarium shows what a horticultural student had to know at the end of the 1940s.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

L’herbier étudié appartient à Mme Sylvie Vallet et a été réalisé par M. René Vallet, son père. Il a été prêté à la Société Botanique d’Alsace pour en faire l’analyse dans le cadre des programmes ReColNat et Collections en ligne (CoEL) de tela-botanica et du recensement des Herbiers de France.

Biographie de M. René Vallet

René Vallet est né le 12 mai 1931 à Déols (Indre) de parents horticulteurs – fleuristes. Aîné de cinq enfants. Il passe son certificat d’études à treize ans (« HEC, Hautes Etudes Communales de Déols » !) puis passe un an en école privée à Châteauroux (Indre).

Note de bas de page 1 :

Cette école existe toujours sous le nom de : Ecole de l’Horticulture et du Paysage de Brive-Voutezac.

Il entre ensuite à l’Ecole d’horticulture d’Objat-Voutezac1, sur le domaine de Murat, commune de Voutezac, en Corrèze. Les cours de botanique étaient dits de botanique générale la première année, c’est-à-dire de biologie végétale, et de botanique spécialisée la deuxième année, portant principalement sur l’étude des familles. René Vallet se rappelle d’expériences de germination de grains de pollen, et aussi d’expériences de chimie qui rataient très souvent …

M. René Vallet en 1949

M. René Vallet en 1949

S’y ajoutaient des cours de culture florale, de phytopathologie, d’entomologie, de mathématique, de physique et de français. Il y avait tous les jours ½ journée d’étude en salle et ½ journée de pratique au jardin. Chaque élève devait constituer un herbier, sur son temps libre mais avec l’aide du professeur de botanique, Monsieur Genestine (botanique générale et spécialisée). C’était essentiellement les plantes herbacées qui étaient étudiées. Les ligneux étaient étudiés à la fin, dans une optique paysagère. Les élèves s’échangeaient parfois des échantillons, c’est ainsi que l’herbier de René Vallet comporte des plantes collectées par Lucien Couloumy, dont les parents étaient agriculteurs à Condat-sur-Ganaveix, près d’Uzerche, et dont il a ensuite repris l’exploitation, par Texier de Paris et par Jacques Guesne.

Il y avait beaucoup d’arbustes d’ornement, sur un petit pré en aval de la rivière, près de Murat, qui est revenu en friche par la suite. Le domaine comportait aussi un pré de 13 ha qui longeait la rivière, et où était parfois mise une jument. Au fond du pré se trouvait un verger fruitier. Comme la Corrèze était une région d’élevage, beaucoup de fils de paysans venaient suivre la formation de l’école d’horticulture, qui s’était dotée d’une étable avec des vaches laitières. Sur la rivière, il y avait une petite usine électrique qui alimentait l’école et les installations. Un jardin botanique avait été aménagé sur une petite île formée derrière l’usine. En 1946, il y avait une serre, et trois ont été rajoutées quelques années plus tard.

Après être sorti premier de sa promotion, René Vallet travaille dans l’entreprise familiale à Déols pendant un an environ, puis effectue son service militaire du 15/10/1951 au 06/04/1953 (18 mois) dans les transmissions, à Laval, Rennes, Blois et de nouveau Rennes. Il effectuera par la suite deux « périodes » de deux ou trois jours.

Après le service militaire, il retourne travailler pour ses parents, avant de reprendre l’entreprise familiale à son compte, à 39 ans, après le décès de sa mère et la retraite de son père. La propriété consistait en un terrain d’environ 0,5 ha, trois grandes serres, deux petites, une tonne à eau, deux bassins. Au départ, les fleurs et plantes, cultivées ou achetées, étaient vendues dans l’entrée de la maison familiale. Quand il a repris l’entreprise, René Vallet a fait construire un magasin, puis un tunnel d’abri pour les plantes. Il cultivait des fleurs à couper et des plantes en pot, d’extérieur et d’intérieur, et en achetait. Par exemple, on achetait des azalées de Belgique, des œillets de Nice en hiver … Les cyclamens étaient semés, les chrysanthèmes cultivés. Pour certaines plantes c’était mixte : par exemple, les hortensias étaient achetés en « plant sec » et mis à fleurir ; pour les glaïeuls et jacinthes, on achetait des oignons qu’on plantait.

Marié, René Vallet est père de trois filles.

Lors des promenades dominicales en famille, très souvent en campagne ou en forêt, il nommait souvent les plantes qu’on voyait, en citant la famille. C’était une manière de garder les noms en mémoire, et cela a été une manière de sensibilisation pour ses filles. A part cela, son loisir était la chasse, presque uniquement au petit gibier, dans la région naturelle du Boischaut Sud, une région naturelle située au sud de Châteauroux entre l’Indre et le Cher.

A la retraite, lui et son épouse (institutrice retraitée) ont fait quelques sorties botaniques avec le groupe des retraités de la MGEN de l’Indre. Il se rappelle avoir ainsi découvert quelques plantes, par exemple une nouvelle orobanche, grâce à Monsieur Auroux et un autre botaniste chevronné de ce groupe. Ils ont également fait quelques grands voyages, au Mexique, en Egypte, et en Thaïlande, d’où la présence d’un épi de riz dans l’herbier.

Présentation de l’herbier

L’herbier est constitué d’une liasse dans un dossier en carton de 46 x 30 x 9 cm (figure 1).

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Figure 1 : L’Herbier René Vallet

Les spécimens sont rassemblés par famille par une petite chemise avec le nom de la famille (figure 3). Les spécimens sont fixés par des languettes de papier collées sur des feuilles brunes de 45-46 x 28 cm (figures 3 et 4).

Famille des Liliaceae

Famille des Liliaceae

Centaurium erythraea

Centaurium erythraea

Agrostemma githago

Agrostemma githago

Agrostemma githago (détail)

Agrostemma githago (détail)

Figure 3 : Quelques spécimens de l’Herbier René Vallet

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Hypericum androsaeamum

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Ornithogalum pyrenaicum

Figure 4 : Quelques spécimens de l’Herbier René Vallet

Les étiquettes de 10 x 7 cm sont préimprimées (N. BOUBéE, Naturaliste, 3, place St-André-des-Arts, Paris) avec les informations suivantes (figure 2) :

HERBIER

Famille des :

Nom scientifique

Nom français

Noms vulgaires

Date et lieu de récolte

Habitat

Propriétés et usages

N. BOUBéE, Naturaliste, 3, place St-André-des-Arts, Paris

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Figure 2 : Etiquettes de l’Herbier René Vallet

Les collecteurs sont au nombre de quatre : René Vallet (163 spécimens), Lucien Couloumy (35), Texier (5) et Jacques Guesne (1). Il s’agit d’élève de la même promotion de l’Ecole d’Horticulture.

Le nombre de spécimens est de 204 et l’herbier rassemble 170 espèces différentes, une quinzaine d‘espèces sont en double, avec un spécimen de René Vallet et un spécimen de Lucien Couloumy (annexe 1).

Tous les spécimens ont été collectés entre mars à juillet 1947.

Les localités de collecte sont Voutezac avec les lieux-dits Murat et Le Saillant, Objat, Yssandon (orthographié Issandon), Uzerche, Condat-sur-Ganaveix dans le département de la Corrèze, Déols dans l’Indre, Le Mont-Dore dans le Puy de Dôme et un spécimen de Thaïlande (cartes 1 et 2 et annexe 3).

Carte 1. Carte générale des collectes

Carte 1. Carte générale des collectes

Carte 2. Carte des collectes en Corrèze

Carte 2. Carte des collectes en Corrèze

Les habitats de collecte sont : bois, prés, champs, chemins, coteaux, haies, talus, sous-bois, endroits humides, endroits sableux et endroits incultes.

Note de bas de page 2 :

Les noms des familles ont été actualisés.

Les familles des Asteraceae2, des Caryophyllaceae, des Fabaceae, des Lamiaceae, des Orchidaceae, des Poaceae, des Rosaceae, des Rubiaceae et des Scrophulariaceae sont bien représentées, avec plus de 8 spécimens (annexe 2). Les espèces communes des champs, des chemins, des haies et des prés sont nombreuses. Il y a cependant peu d’espèces des sous-bois forestiers et une absence quasi totale de ligneux, arbres ou arbustes ainsi que de plantes cultivées, notamment les plantes horticoles.

Note de bas de page 3 :

Espèces remarquables = espèces rares, protégées ou menacées.

Note de bas de page 4 :

Les noms des espèces ont été actualisés avec Taxref_v13

Plusieurs espèces sont remarquables3 : Agrostemma githago, Androsaemum officinale ( = Hypericum androsaemum), Carex hordeistichos (à vérifier), Dactylorhiza maculata, Limodorum abortivum, Ophrys fusca, Orchis coriophora, Orchis laxiflora, Ornithogalum pyrenaicum, Osmunda regalis, Pedicularis verticillata, Ranunculus flammula, Ranunculus ophioglossifolius (détruit), Serapias lingua, Sherardia arvensis, Symphytum tuberosum4.

Etat de l’herbier : Une trentaine de planches n’ont plus de spécimens (surtout dans la collection de Lucien Couloumy) et quelques planches sont très abîmées par l’humidité. Le reste de l’herbier, environ 160 planches est de grande qualité, les spécimens sont bien présentés, complets et ils sont tous déterminables.

Les informations des spécimens ont été enregistrées dans la base Pro.Herbario de la Société Botanique d’Alsace.

Discussion

Les collections d’histoire naturelle sont de plusieurs types en fonction de leur valeur et de leur intérêt scientifique (A. Ghestem et al., 2007). A côté des herbiers d’étude et de recherche et des herbiers patrimoniaux, les herbiers éducatifs et d’enseignement sont nombreux. Plusieurs petits herbiers de collégiens ou de lycéens d’Ecole d’Agriculture ont été étudiés dans le cadre du recensement des Herbiers de France, l’Herbier Michel Balat de l’Ecole d’Agriculture de Grangeneuve du Canton de Fribourg (M. Hoff et al., 2020), l’Herbier Bernard Jacquot du Lycée agricole de Nancy-Pixérécourt (M. Hoff et A. Frommelt, 2018) et le « Kit » Herbier des Potasses d’Alsace pour les jeunes agriculteurs (J. Garaudeaux, s.d., M. Hoff et H. Royer, 2017). Un autre petit herbier du Massif Central, de Saint-Privat-d’Allier a également été analysé (C. Zuchlag et M. Hoff, 2016). Tous ces herbiers se caractérisent par la prédominance des espèces herbacées des habitats secondarisés, prés, prairies, champs, chemins, haies, avec parfois quelques plantes herbacées forestières, et par la quasi-absence d’espèces non liées aux milieux agricoles, comme les plantes ligneuses et aquatiques, ou les espèces ornementales. Les spécimens sont généralement bien présentés et les déterminations précises. Ces herbiers ont été corrigés par l’enseignant. Le nombre de spécimens varie de 150 à 300 espèces. Par contre, les localisations se limitent souvent à la commune, le lieu-dit est rarement noté. L’habitat est également assez sommaire. Dans l’Herbier R. Vallet, il n’y a aucun « Propriétés et usages » de précisé.

L’Herbier Vallet présente quelques particularités, il a été constitué par plusieurs collecteurs, le nombre de spécimens d’orchidées (21) est important, la plupart ayant été collecté par Lucien Couloumy et il n’y a pratiquement aucune espèce horticole, alors qu’il a été réalisé dans le cadre d’un enseignement de botanique dans l’Ecole d’horticulture d’Objat-Voutezac.

Conclusion

L’analyse de cet herbier a été réalisé dans le cadre d’une opération de réhabilitation des « Petits Herbiers » (M. Hoff, 2019), collections souvent négligées car constituées par des lycéens, des étudiants ou par des agronomes, des forestiers, des pharmaciens, et surtout par des amateurs, mais qui rassemblent des dizaines de milliers d’informations botaniques sur tout le territoire français. Chaque herbier apporte quelques données originales, anciennes ou plus récentes, sur la biodiversité d’une commune ou d’une petite région française.