Socialisation et scolarisation : mode d’emploi de l’éducation non formelle en Afrique

Diophante Mintsa M’obiang 

https://doi.org/10.25965/trahs.506

Au lendemain des indépendances et pour trouver du personnel capable de remplacer « les colons », les pays d’Afrique se sont lancés dans une politique expansionniste de l’éducation avec la création de nouvelles écoles.

Avec les programmes d’ajustements structurels imposés par les bailleurs de fonds internationaux, les Etats africains n’arrivent plus à investir dans les systèmes éducatifs formels. Pour atteindre les nouveaux objectifs de développement durables (ODD) en matière d’éducation, à l’horizon 2030, avec les appuis de l’Unicef et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Afrique s’oriente vers la nouvelle politique, moins couteuse, de l’éducation non-formelle.

In the aftermath of independence and to find staff capable of replacing "settlers", African countries embarked on an expansionist policy of education with the creation of new schools.
With the structural adjustment programs imposed by international donors, African states are no longer able to invest in formal education systems. To achieve the new Sustainable Development Goals (SDGs) for education by 2030, with the support of Unicef ​​and the International Organization of La Francophonie (OIF), Africa has moved towards the new, less expensive policy of non-formal education.

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Parler de l’éducation, c’est penser systématiquement à l’école. Pourtant, depuis les conférences mondiales pour l’éducation de Jomtien en 1990 et de Dakar en 2000, l’éducation non formelle tente de s’imposer. Celle-ci naît des :

« insuffisances et des inadéquations du système scolaire de type classique dont le contenu éducatif, ambitieux sur le plan académique, n’est ni pratique ni concret, sans relation avec la vie quotidienne des apprenants et dont les coûts restent élevés et, de ce fait, limitent son expansion. Ce sont ces limites quantitatives et ces insuffisances qualitatives de l’éducation scolaire qui obligent à recourir de plus en plus à des apports extrascolaires » (Furter, 1984).

Introduite vers la fin des années 1960 pour signaler la nécessité de créer des opportunités d’apprentissage non-scolaires en réponse à des demandes nouvelles d’éducation, la notion d’éducation non formelle a été utilisée pour, à la fois, fournir des services éducatifs à des jeunes et à des adultes qui n’ont pas été touchés par l’école ou qui en sont sortis trop tôt, et pour dispenser un enseignement qui n’a pas cours à l’école mais qui présente une grande importance sociale (Lê Thanh Khôi, 1991). L’éducation non-formelle se sert également de complément à l’enseignement scolaire, pour développer chez les jeunes des aptitudes nécessaires à l’épanouissement et surtout à l’insertion sociale.

La société est un tout dont l’éducation est l’un des éléments. Toute étude de l’éducation doit donc la situer dans cet ensemble. En tant que phénomène global, l’éducation revêt de multiples formes et remplit de multiples fonctions : économique, sociale, culturelle, politique (Lê Thanh Khôi, 1991). Pour Emile Durkheim, l’éducation est une et multiple :

« la société ne peut vivre que s’il existe entre ses membres une suffisante homogénéité : l’éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant d’avance dans l’âme de l’enfant les similitudes essentielles que réclame la vie collective. Mais, d’un autre côté, sans une certaine diversité, toute coopération serait impossible : l’éducation assure la persistance de cette diversité nécessaire en se diversifiant elle-même et en se spécialisant » (Durkheim, 1968).

Selon les traditions nationales, les périodes historiques, les disciplines scientifiques, l’éducation fait l’objet de nombreux débats, d’interrogations et de critiques diverses. Si la place de l’éducation dans la société n’est pratiquement jamais questionnée en tant que telle, son rôle et sa perception n’ont pas cessé d’évoluer. Chacune des sciences humaines l’interroge à partir de préoccupations différentes. Parmi elles, la sociologie de l’éducation, une des branches de la sociologie générale, décrit et analyse les phénomènes d’éducation à partir d’un point de vue et de méthodes spécifiques (Barrere et Sembel, 1998).

Note de bas de page 1 :

Diophante Mintsa M’Obiang., (2014). Evaluation des universités gabonaises depuis leur création : le cas de l’université Omar Bongo à Libreville, Thèse de doctorat, Université de Limoges.

Notre étude se base sur des recherches documentaires et s’inscrit donc dans la nouvelle sociologie de l’éducation qui postule qu’une compréhension fine et concrète des dysfonctionnements qui se produisent dans le milieu scolaire (phénomènes de rejet, d’inhibition) est nécessaire si l’on veut se donner les moyens d’y remédier. Il s’agit, notamment, d’obtenir une connaissance précise de ce qui est transmis dans la famille et dans l’école, et de repérer les éléments conflictuels en jeu dans cette double socialisation » (Forquin, 1989). Elle est complétée par les données de terrain lors de notre recherche doctorale1.

L’éducation formelle, l’éducation parallèle et l’éducation non formelle

L’éducation formelle dite scolaire est donnée dans les institutions d’enseignement (écoles), par des enseignants permanents, dans le cadre de programmes d’études déterminés. Ce type d’éducation est caractérisé par l’unicité et une certaine rigidité, avec des structures horizontales (classes d’âge homogènes et cycles hiérarchisés) et des conditions d’admission définis pour tous. « Cet enseignement se veut universel et séquentiel, normalisé et institutionnalisé avec une certaine permanence (pour ceux qui ne sont pas exclus du système) » (Unesco, 2016).

L’éducation dite parallèle (ou encore accessoire, occasionnelle, diffuse, spontanée, informelle...) quant à elle, concerne des activités d’instruction non structurées (Evans, 1981). Dans ce type d’éducation, le processus d’apprentissage est un processus d’osmose entre l’apprenant et son environnement. C’est un fait que la plus grande partie des connaissances et des savoir-faire qu’acquiert un individu au cours de son existence se réalise, dans un environnement non structuré, grâce à ce système d’éducation. Il en est ainsi de l’acquisition de la langue, des valeurs culturelles, des attitudes et des croyances générales, des comportements de la vie quotidienne propres à un milieu donné et auxquels contribuent la famille, les églises, le secteur associatif, les groupes de pairs, les moyens de communication sociales, les médias de masse, les musées, etc. (Ali Hamadache, Unesco, 2016).

L’éducation informelle est donc :

« un processus où chaque personne acquiert et accumule les connaissances, les capacités et les attitudes. Elle est présente dans les expériences quotidiennes au foyer, au travail, dans les loisirs et les attitudes de la famille et des amis. Elle est aussi l’œuvre lorsque nous voyageons, lorsque nous mangeons, nous regardons la télé, un film ou lorsque nous écoutons la radio. Généralement, l’éducation informelle n’est pas organisée, pas systématisée et quelquefois non institutionnelle. Jusqu’à présent, elle constitue le plus grand morceau de l’apprentissage total durant la vie d’une personne » (Pain, 2004).

L’éducation non formelle, quant à elle, englobe toute instruction que la source et l’élève favorisent délibérément. Elle concerne toute activité éducative et organisée en dehors du système d’éducation formel établi et destinée à servir des clientèles et à atteindre des objectifs d’instruction identifiables (Combs et al., 1973). Tout individu doit être à même d’apprendre toute sa vie. L’avènement de la société apprenante implique que tout citoyen ait à sa disposition, en toutes circonstances, les moyens d’apprendre, de se former et de se cultiver (Faure, 1972).

Nous retrouvons dans toutes ces définitions les principales caractéristiques de l’éducation non formelle. Il s’agit d’activités :

  • Organisées, structurées

  • Destinées à un public-cible identifiable

  • Visant un ensemble spécifique d’objectifs d’éducation

  • Non institutionnalisées, se déroulant hors du système éducatif établi et s’adressant à des élèves non régulièrement inscrits (même si dans certains cas, le lieu d’enseignement peut être l’école).

C’est aussi la même démarche qu’utilisent les rédacteurs du Mémorandum sur l’éducation de la Communauté européenne. En effet, en 9, l’éducation non formelle intervient en dehors des principales structures d’enseignement et de formation de certificats officiels. L’éducation non formelle peut s’acquérir sur le lieu de travail ou dans le cadre des activités d’organisations ou de groupes de la société civile (associations de jeunes, syndicats ou partis politiques. Elle peut aussi être fournie par des organisations ou des services établis en complément des systèmes formels (classes d’enseignement artistique, musical ou sportif, ou cours privés pour préparer des examens).

La démarcation entre formel et non formel n’est pas toujours claire et l’accord est loin d’être unanime sur la distinction entre ces deux sous-systèmes : il y a des aspects non formels dans les structures éducatives formelles comme l’emploi de non professionnels de l’enseignement, le télé-enseignement, la participation des parents ou de membres de la communauté au processus éducatif ou à la gestion des établissements scolaires, l’introduction des activités de travail productif à l’école, etc. De la même manière, il y a des expériences qui ont été conduites hors des structures scolaires, avec des rythmes et des modalités différents de ceux d’une scolarité normale mais dont l’objectif était de faire assimiler les mêmes programmes que ceux en vigueur dans les formes. Cette interpénétration n’est pas nuisible, bien au contraire, dans la mesure où des emprunts réciproques peuvent être bénéfiques.

Dans notre article, nous utiliserons indifféremment les concepts de socialisation, d’alphabétisation ou d’éducation non formelle, étant entendu que le concept s’applique aussi bien aux adultes qu’aux enfants et englobe toutes les situations d’apprentissage et activités d’autoformation, plus ou moins structurées, se situant en marge ou à la périphérie de l’institution scolaire (même si ces activités utilisent les locaux scolaires du système formel). Il n’en reste pas moins que, quelle que soit la terminologie adoptée, la problématique des relations entre scolaire et extrascolaire demeure et que les concepts sont encore loin d’être précisés et attendent toujours d’être définis de manière claire et univoque.

Les approches non formelles en Afrique

Dans nombre de pays, les efforts déployés, jusqu’ici, pour atteindre l’objectif de généralisation de l’enseignement primaire, notamment à travers l’expansion et le renforcement du système scolaire formel, n’ont pas donné les résultats escomptés. Souvent d’ailleurs, ces efforts ont consisté à étendre la couverture scolaire mais en laissant se maintenir les pratiques pédagogiques conventionnelles en matière de contenus et de méthodes d’enseignement. En outre, parmi les enfants qui sont scolarisés, nombreux sont ceux qui abandonnent prématurément l’école, avant d’avoir acquis le minimum d’aptitudes à la lecture et à l’écriture nécessaires à leur entrée dans la vie productive. Cette situation a rendu indispensable le recours à des approches non formelles pour élargir, compléter, parfois même suppléer les efforts déployés dans le cadre de l’enseignement formel.

Là où l’école n’existe pas, l’éducation de base non formelle a pu faciliter son introduction. Elle s’adresse aux enfants pour lesquels il n’existe pas de système suffisant d’enseignement et aux adultes qui n’ont pas eu la possibilité de s’instruire. A ceux qui n’ont jamais fréquenté l’école, elle donne les premiers éléments d’un apprentissage fournissant une base qui permet d’utiliser plus efficacement les services techniques d’agriculture, de santé ou l’accès à tous autres domaines dont l’exercice exige certaines compétences.

Son utilité s’impose d’autant plus qu’elle vise à améliorer les conditions de vie des individus et à accélérer le développement de certains groupes de populations des régions les plus défavorisées particulièrement dans les zones rurales où à la périphérie des grandes villes, caractérisées par une situation globale d’insatisfaction chronique des besoins vitaux (Unesco, 2016).

Note de bas de page 2 :

Les indépendances, les guerres (Soudan, Afrique du Sud, Tchad, Centre-Afrique, République démocratique du Congo, La Côte d’Ivoire, etc.) et les fléaux comme le choléra, le SIDA ou le paludisme.

Note de bas de page 3 :

En 2030, les pays africains se sont fixés l’objectif d’atteindre l’éducation pour tous des jeunes de 6 à 15 ans. En 2015, le taux de participation à l’éducation primaire atteint 70% en Afrique de l’Ouest. Ce taux passe à 80% en Afrique australe, orientale et centrale.

Les pays francophones de l’Afrique subsaharienne, à l’instar de l’ensemble des Etats du continent, ont traversé pendant une quarantaine d’années de lourdes épreuves2 en tout genre et déployé des efforts considérables dans tous les domaines du développement. Ils abordent les années 2000 avec des acquis, mais les défis à relever restent énormes et surtout urgents en raison des échéances et des engagements éducatifs3 pris au niveau international.

L’Afrique subsaharienne regroupe les 19 pays les plus pauvres au monde et qui ont l’indice de développement humain le plus bas (Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad, Burundi...). Les 3/4 des pays concernés survivent avec moins de deux dollars par jour, et, la croissance économique de la décennie 90 ne s’est élevée en moyenne que de 2,1 % par an, ce qui est inférieur à la croissance démographique (2,8 % par an) et bien loin derrière l’objectif de 7 % par an, nécessaire à la réduction de moitié, à l’horizon 2025, du nombre de personnes vivant dans la pauvreté. Un autre défi est le nombre élevé de pays de la région en guerre ou en post-conflit.

Note de bas de page 4 :

Unesco (2006), refugiés chiffrés à huit millions.

En effet, plus de la moitié des Etats sont en situation de conflit, plus ou moins prononcé (Burundi, République Démocratique du Congo, Congo, Côte d’Ivoire...). Les déchirements de ces pays en situation de guerre affectent les voisins de multiples manières4. Certaines de ces guerres, qui se développent à l’échelle régionale, ont un impact et des ramifications qui vont au-delà de leurs causes et conséquences d’origine.

Les services alternatifs d’éducation, tels que l’éducation non formelle et les programmes d’alphabétisation, sont des pistes à explorer pour les enfants, jeunes et adultes qui n’ont pas pu accéder à l’école. Malheureusement, le plus souvent, ces services sont considérés comme des systèmes de rattrapage ou de second ordre. Dans la plupart des cas, ils ne reçoivent pas un appui suffisant de la part des gouvernements, en termes de volonté politique et de ressources humaines, matérielles et financières. C’est pourquoi, l’un des principaux champs d’action de la Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation (DNUA) repose sur le développement d’un environnement politique renforçant la promotion de l’alphabétisation.

La Décennie des Nations Unies pour l’Alphabétisation a été lancée en 2003 pour renouveler l’engagement et les efforts en faveur de l’amélioration de l’alphabétisme dans le monde. Elle s’inscrit dans le cadre des stratégies de développement de l’Education pour tous, qui fixe des objectifs précis en matière d’alphabétisation (objectif 4 de l’EPT) :

Note de bas de page 5 :

Assemblée parlementaire de la Francophonie (2015)., Réseau Femmes parlementaires, L’alphabétisation des femmes adultes, Projet de rapport.

« Améliorer de 50 % les niveaux d’alphabétisation des adultes, et notamment les femmes, d’ici à 2015, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente »5.

Autrement dit, le déficit d’analphabétisme qui existait en 2000 devrait être réduit de moitié. Par exemple, dans un pays ayant un taux d’analphabétisme des adultes de 40 %, l’objectif pour 2015 était d’atteindre un taux de 60 %. Dans le cas des pays ayant des taux supérieurs à 66 %, l’alphabétisation devait concerner la population toute entière. Or, de nombreuses questions interpellent les pays de l’espace francophone africain, notamment la situation et les tendances de l’alphabétisation, les caractéristiques géographiques, les politiques innovatrices et durables... Il s’agit là d’autant d’interrogations qui doivent nous permettre d’apprécier les progrès accomplis par les pays concernés en matière d’alphabétisation.

Tendances et caractéristiques géographiques

Durant les années 90, 22 pays de l’Afrique subsaharienne, en majorité des pays francophones, faisaient partie des 40 Etats recensés à travers le monde dont les taux d’alphabétisme étaient inférieurs à 70 %.

« En Afrique de l’Ouest, le taux de participation à l’éducation primaire atteint à peine 70 %. Il n’est que légèrement supérieur à 80 % en Afrique australe, orientale et centrale. Ces moyennes établies masquent des inégalités régionales. Ainsi, en Afrique orientale et centrale, l’Érythrée et le Djibouti affichent des taux de participation à l’éducation primaires respectivement de 34 % et 44 %, contre 98 % au Burundi et à Madagascar » (OCDE/BAD, 2012).

Le rapport entre le taux d’analphabétisme des hommes et celui des femmes (c’est à dire l’indice de parité entre les sexes) se situe entre 0,63 et 0,77 en Afrique subsaharienne, dans les Etats arabes et en Asie du sud et de l’ouest, et il est supérieur à 0,90 dans le reste du monde. De fait, l’IPS est le plus bas lorsque le taux moyen d’analphabétisme est aussi le plus bas. Par exemple, il se situe à moins de 0,50 dans des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, où le taux global d’alphabétisme des adultes est inférieur à 50 %. Par ailleurs, l’analphabétisme des adultes présente une répartition géographique très inégale, encore qu’il s’agisse d’un phénomène concernant exclusivement les pays en voie de développement, en particulier les pays de l’Afrique subsaharienne (A. Mingat, F. Ndem et A. Seurat, 2014).

En effet, les taux d’alphabétisme les plus bas au monde sont ceux du Burkina Faso (13 %), du Niger (17 %) et du Mali (17 %).

Pour l’UNESCO (2006), si les taux d’alphabétisme nationaux sont très variables d’une région à une autre, la variation est encore plus grande en ce qui concerne leur répartition à l’intérieur des pays. Dans tous pays africains, le principal indicateur qui tient compte de la réalité de la question d’alphabétisme c’est le centre d’alphabétisation et de formation. Les pays du continent noir qui participent à la lutte contre l’analphabétisme ont adopté et mis en œuvres cet outil indispensable au recensement des personnes concernées et à leur prise en charge. Le nombre de Centres Permanents d’Alphabétisation et de Formation (CPAF) est passé de 1868 à 4669 (2006). Dans la même période, le nombre d’inscrits dans ces centres est passé de 47 386 à 131 520.

Dans ces pays, une étude a été réalisée par la Banque Mondiale portant sur 2090 enfants. Elle montre que la moitié des enfants et jeunes vivant dans la rue au Burkina Faso sont issus des écoles coraniques. Cette étude portant sur 10 provinces du pays fait ressortir un fort taux d’enfants déscolarisés (30,52 %) et un faible taux d’enfants alphabétisés (1,39) (Banque Mondiale, 2005).

Pour l’OECD (2012), c’est l’Afrique du Nord qui a fait le plus de progrès, gagnant 19 points de pourcentage entre 1990 et 2009. L’Afrique subsaharienne a vu, elle aussi, la situation à cet égard s’améliorer de façon non négligeable avec une augmentation de 7 points de pourcentage pendant la même période. Celle-ci reste néanmoins la région où le taux d’alphabétisation des jeunes est le plus faible (72 %). Malgré une amélioration générale, 47 millions de jeunes y étaient dépourvus des compétences de base en lecture et écriture (OECD, 2012).

L’Institut de l’Unesco tout au long de la vie (UIL, 2017) et l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD, 2015) du Burkina Faso ont mené, simultanément, deux enquêtes multisectorielles sur la question de l’alphabétisation et de la scolarisation en Afrique.

Les données présentes dans cette étude situent « l’observateur » sur la question de l’alphabétisation des pays du sud du Sahara.

Avec un Produit Intérieur Brut de 1200 USD par habitant, le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres au monde. L’agriculture constitue la principale activité économique et emploie 80 pour cent de la population active, tandis que l’accès à une éducation de qualité reste faible.

Dans l’optique de concilier la réussite éducative et le développement des langues locales, l’œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) et le gouvernement du Burkina Faso, à travers le Ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) supervisent la mise en œuvre du Programme d’Education Bilingue (PEB).

Initialement conçu pour être le trait d’union entre le programme d’alphabétisation non formelle pour les adultes et le développement rural pour les petits fermiers, le programme a été étendu à l’ensemble du territoire afin d’en faire un programme éducatif diversifié et intergénérationnel. Le PEB fait actuellement le lien entre éducation formelle et non formelle, et est mis en œuvre dans les 13 régions du pays (Unesco, 2017).

Note de bas de page 6 :

C’est un programme d’alphabétisation intensive non formelle qui a été intégré au PEB en 1994. Il s’adresse aux enfants et aux jeunes non scolarisés de 9 à 14 ans, qui ne sont jamais allés à l’école ou qui ont abandonné le système éducatif. Dans le cadre de ce programme, la formation dure quatre ans et est proposée dans les langues nationales et en français.

Aujourd’hui, le Programme d’éducation bilingue est soutenu techniquement et financièrement par le gouvernement du Burkina Faso et les Pays-Bas, la Coopération suisse, l’ONG Diakonia, l’Eglise catholique et le Fonds pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle (FONAENF) pour les méthodes ALFAA et AFI-D6.

Ce programme d’éducation bilingue vise à :

  • encourager l’intégration des activités d’apprentissage et de production afin de préparer les enfants à jouer un rôle actif dans le développement du pays ;

  • réconcilier le processus d’éducation et les attentes de la société en incorporant au système d’apprentissage des valeurs, des normes et des pratiques culturelles locales positives, qui requièrent la participation active des communautés locales au système éducatif et aux activités des écoles ;

  • donner aux apprenants l’occasion d’utiliser leur connaissance d’une ou plusieurs langues nationales dans le processus d’apprentissage ainsi que d’améliorer leurs compétences en matière d’alphabétisme et ce, dans leur langue locale aussi bien qu’en français, la langue nationale officielle et une langue internationale majeure parlée dans le pays ;

  • contribuer à trouver des façons et des moyens d’établir les liens pour combler le fossé entre l’éducation formelle et l’éducation non formelle.

Ce type de programmes multisectoriels et qui développe l’approche bilingue de l’éducation s’est révélé plus rentable que le système éducatif classique. En effet, une étude comparative a montré que les écoles bilingues sont moins chères que les écoles classiques. Pour une école bilingue par exemple de Nomgana (Burkina Faso), le coût unitaire moyen de l’éducation d’un diplôme du Certificat d’enseignement primaire (CEP) est de 455 388 francs CFA (922,373 USD), contre 3 879 396 francs CFA (7 857,723 USD) dans une école classique – une différence de 3 424 008 francs CFA (6 935,357 USD) (Korgho, 2001).

Les écoles bilingues se sont également révélées plus efficaces que les écoles classiques en ce qui concerne l’acquisition des compétences. Les taux de réussite au Certificat d’enseignement primaire (CEP) des élèves d’écoles bilingues se situent en général au-dessus de la moyenne nationale bien que le cursus de ces écoles ne soit que de quatre ou cinq ans. Les connaissances que les élèves ont des chansons, des danses et des récits traditionnels, ainsi que leur maîtrise des instruments de musique locaux (tam-tam, xylophone africain, castagnettes, flutes, etc.) se sont considérablement améliorées. Les élèves prennent aussi du plaisir à participer à des activités manuelles et pratiques. Les fermes, produites par les élèves, viennent améliorer les repas de la cantine.

Sur le plan familial, les parents soutiennent davantage l’éducation et encouragent leurs enfants à aller à l’école, car ils ont eux-mêmes tiré des avantages de leurs nouvelles compétences en matière d’alphabétisation. (IUL, 2017).

Au Burundi, le système éducatif est une émanation de la période coloniale belge. Les missionnaires ont beaucoup contribué à son organisation et à sa gestion. Les programmes scolaires sont longtemps restés assimilés à ceux de la métropole même après l’indépendance en 1962.

Note de bas de page 7 :

Un concept qui découle de la langue officielle du pays : le « Kirundi ». C’est aussi une langue d’enseignement de la première à la quatrième année primaire.

Note de bas de page 8 :

Clément HAMISSI est coordonnateur général des actions d’alphabétisation au Burundi dans le département de l’alphabétisation.

Note de bas de page 9 :

Le centre d’éducation YAGA MUKAMA est géré par le bureau national d’éducation catholique (BNEC). Ils accueillent les enfants non scolarisés, une éducation de base et des enseignements religieux, deux jours par semaine. La formation dure 6 ans.

En 1973, le Burundi a initié une réforme qui est axée sur trois piliers principaux : la kirundisation7, la ruralisation et l’école communautaire. Les grandes orientations actuelles du système éducatif burundais sont présentées dans le Plan Sectoriel pour le Développement de l’Education et de la Formation (PSDEF) et comprend deux types d’enseignement, à savoir, l’enseignement formel et l’enseignement non formel. Les activités organisées dans le cadre de l’enseignement non formel sont l’alphabétisation et l’apprentissage professionnel (Burundi, 2011). L’évolution du taux d’alphabétisation des plus de 15 ans est restée trop lente passant de 37 % en 1990 à 50,4 % en l’an 2000. En 2008 et sur l’ensemble de la population résidante au Burundi, les personnes ayant plus de 10 ans étaient estimées à 67 % de la population totale. Parmi celles-ci, 57,5 % ne savent ni lire ni écrire (Hamissi8, 2013). En 1999, on dénombre 276 000 apprenants dans les centres d’alphabétisation dont 80 % d’entre eux étaient accueillis dans les Centres d’éducation9 gérés par le Bureau National de l’Enseignement privé catholique. Parmi les autres intervenants, on compte le Service national d’alphabétisation avec ses 149 centres répartis sur l’ensemble du territoire.

Sur le plan structurel, toujours, le pays a développé les centres de formation :

Note de bas de page 10 :

Il existe 49 centres de ce genre dans tout le pays.

Note de bas de page 11 :

Il existe 169 centres au Burundi.

  • le réseau des centres de formation aux métiers qui accueillent essentiellement des jeunes déscolarisés de 15ans et plus et qui comprennent les centres d’enseignement des métiers (CEM10), les centres de formation et de perfectionnement professionnel (CFPP) et le centre de formation artisanale,

  • les centres d’alphabétisation publics fonctionnelle organisés par le service national d’alphabétisation (SNA11) et la Communauté des Eglises de Pentecôte (CEPBU)

Au Gabon, la question de l’alphabétisme s’est d’abord posée dans les années 80 avec l’organisation de deux séminaires nationaux (1982 et 1984). Ces rencontres avaient pour but de former les ouvriers qui se destinaient aux métiers des usines agricoles et pétrolières. Puis, en 1990, l’Organisation des Nations Unies lance la décennie Mondiale de l’alphabétisation fonctionnelle. Deux ans plus tard, le Gabon adopte une politique de développement rural intégré et organise, sans pour autant se soustraire des dernières résolutions, un séminaire de perfectionnement du personnel opérant sur le terrain, aux techniques d’alphabétisation fonctionnelle, politique qui a pour but de faire des études sur les besoins en alphabétisation des travailleurs des secteurs clés de développement agro-industriel comme les sociétés AGRO GABON (savons, huiles), HEVEGAB (Hévéa culture) et OZI ( pétrole).

Ces trois entreprises « pilotes » ont été au cœur du développement de la politique d’alphabétisation au Gabon. C’est dans cette optique qu’une étude a été réalisée dans l’ensemble de ces trois unités de production, regroupées autour de trois zones régionales, menée auprès de 344 personnes. Elle montre que 58,7 % seulement des employés ont été scolarisés : 58,7 % à Agro Gabon, 90,7 % à Hevegab et 24,7 % à Ozi.

Dans cette même étude, les employés des sociétés citées plus haut ont manifesté un désir d’alphabétisation. Environ 83,3 % d’entre eux déclarent que les cours d’alphabétisation augmentent leur pouvoir d’achat et changent en même temps leur vie sociale et professionnelle. Comme dans le reste du continent, ils souhaitent que les centres d’alphabétisation soient installés au sein des entreprises.

En 1993 et dans le cadre de la décennie de l’alphabétisation lancée par les Nations Unies, un recensement général est organisé par le gouvernement gabonais dans le but de faire le point sur la question. Il ressort que 11,46 % du nombre total d’habitants de plus de 15 ans est analphabète, soit 172 000 personnes. Les femmes et les jeunes sont les plus touchés (104.000 personnes, soit 63,55 %).

Selon les résultats de l’Atlas mondial de données (2015), nous pouvons observer quelques indicateurs qui illustrent le poids de la question de l’alphabétisation dans ce pays :

  • taux d’alphabétisation chez les jeunes : 89,1 %

  • nombre de jeunes analphabètes : 36 826

  • taux de jeunes femmes analphabètes : 43,0 %

  • nombre d’adultes analphabètes : 181 826

  • taux d’analphabétisme chez les femmes adultes : 55,7 %

  • taux des adultes analphabètes : 64,8 %

  • nombre d’adultes analphabètes : 31 037.

Pour remédier à cette situation cruciale pour le développement du pays, le gouvernement gabonais et les organisations non gouvernementales se mobilisent pour apporter leur concours à cette politique d’alphabétisation.

Les différentes structures d’alphabétisation non formelles au Gabon

Au niveau de la capitale, qui regroupe plus de la moitié de la population du pays, les activités d’alphabétisation sont organisées au sein des Centres d’appui au développement Communautaires (CADC). En 2004, on en dénombre 11 centres fonctionnels.

En 2015, l’Unesco et la Direction générale de l’éducation civique et de l’alphabétisation du Ministère de la culture ont organisé un séminaire qui avait pour but :

  • l’adoption de la structure curriculaire présentée pour l’alphabétisation des jeunes déscolarisés

  • la définition de l’approche modulaire pour l’alphabétisation fonctionnelle

  • la production d’une feuille de route pour la production de référentiels de compétences et de curricula pertinents

  • l’initiation du référentiel du premier niveau de l’alphabétisation fonctionnelle ainsi que celui de l’alphabétisation traditionnelle

  • la formulation de recommandations à l’endroit des autorités du ministère de la culture des arts et de l’éducation civique.

Note de bas de page 12 :

Eglise catholique du Gabon, l’Alliance chrétienne et missionnaire, le centre DORCAS, les femmes du Parti démocratique gabonais et le complexe de la Joie.

Note de bas de page 13 :

Trois d’entre eux sont ouverts spécialement pour les pygmées, populations minoritaires du pays.

Au niveau des organisations non gouvernementales, il existe aussi d’autres centres12 d’alphabétisation : (Eglise catholique du Gabon, Alliance chrétienne et missionnaire). En 2015, le Gabon compte 19 centres13 d’alphabétisation répartis sur l’ensemble du territoire national avec 700 apprenants dont 66 % de femmes pour un effectif de 74 enseignants.

En dehors de ces structures reconnues, d’autres canaux de socialisation prennent le relais, surtout en milieu rural et participent à la réalisation de l’objectif du gouvernement gabonais, qui est de réduire le taux d’analphabète au Gabon.

En partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), le Gabon s’est lancé aussi dans un programme de création de Centres de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC). Ils ont pour but de « jouer un rôle culturel indéniable, un espace de vie, d’apprentissage et de socialisation ». Avec ces équipements, le Gabon se dote d’instruments de promotion du savoir et concourent à l’alphabétisation du plus grand nombre, d’autant qu’ils sont construits dans les villes périphériques des grands centres urbains (OIF, 2015).

En participant pleinement à l’animation de ces structures, les apprenants développent des compétences qui favoriseront leur intégration dans le « système formel ». Cette approche de l’éducation où le participant prend une part active et s’implique directement dans le processus d’apprentissage n’est pas sans conséquence quant à la nature de ce qui est transmis. Indépendamment du contenu même de la formation, des connaissances et des compétences qu’elle est censée permettre d’acquérir, la méthode propre à l’éducation non-formelle permet à la fois un apprentissage de l’autonomie et de la participation.

Reposant sur une démarche volontaire, elle place l’apprenant dans une situation de meilleure connaissance de lui-même, lui apprend à s’analyser, à faire le point sur ses aptitudes et ses compétences, tout en l’habituant à prendre des initiatives au sein d’un groupe et à mesurer leurs impacts. C’est cette démarche de participation qui fait de l’éducation non-formelle une formidable école de la citoyenneté.

L’éducation non-formelle permet donc tout autant la transmission de savoirs que de savoir-faire et de savoirs-être. Fondée sur l’échange et la libre initiative, ayant pour leitmotiv l’idée de permettre d’« apprendre en apprenant », l’éducation non-formelle est un apprentissage de soi et des autres, dont les atouts sont multiples. Elle peut être suivie tout au long de sa vie, et valorisée à différents niveaux. Elle permet d’acquérir des compétences, de mener des actions innovantes, et en ce sens, elle est susceptible d’accompagner chaque citoyen, dans son devenir civique et professionnel.

Crise de l’éducation et développement de l’éducation non-formelle

Dans son rapport sur le développement dans le monde (2016), la Banque mondiale a jeté un véritable pavé dans la mare en mettant en exergue la crise de l’apprentissage qui sévit dans les pays à revenu intermédiaire. Alors que la plupart des Etats se sont lancés dans une stratégie d’éducation massive pour faire face aux défis de développement, « l’école ne forme plus », ce qui hypothèque la chance des élèves de réussir dans la vie professionnelle. La situation est particulièrement accentuée en Afrique où dans de nombreux pays, les élèves ne sont que de futurs chômeurs en dépit des nombreuses années passées sur les bancs.

Selon ce rapport :

« des millions de jeunes élèves courent le risque de rater des opportunités et de percevoir de bas salaires plus tard dans la vie parce que leurs écoles primaires et secondaires ne parviennent pas à leur donner l'éducation dont ils ont besoin pour réussir ».

La Banque mondiale met ainsi en garde contre une » crise de l'apprentissage » dans l'éducation mondiale, car sans apprentissage, « la scolarisation n'est pas seulement une occasion manquée, elle est également une grosse injustice pour les enfants et les jeunes du monde entier ». (Aboubacar, 2017).

Cette crise de l'apprentissage est d'ordre moral et économique. Lorsqu'elle est fournie de manière satisfaisante, l'éducation fait entrevoir la perspective d'un emploi, de meilleurs revenus et d'une existence en bonne santé et à l'abri de la pauvreté pour les jeunes. Pour la communauté, elle stimule l'innovation, renforce les institutions et consolide la cohésion sociale. Mais ces bienfaits dépendent des connaissances acquises ; et sans apprentissage, la scolarisation est une occasion manquée. Pire encore, elle est une grosse injustice : les enfants les plus défavorisés de la société sont ceux qui ont le plus besoin d'une bonne éducation pour réussir dans la vie (Banque mondiale, 2017).

En Afrique, les causes sont multiples à cette crise de l’éducation. La première et peut-être la plus fondamentale d’entre elles c’est la question de la langue d’enseignement. Tous les États africains ont été confrontés à ce problème crucial, pour la raison simple que la langue héritée de la colonisation reste le sésame de l’accès à la réussite économique et au pouvoir. La génération qui succéda au régime colonial, le plus souvent en se glissant dans ses habits, était issue soit des écoles, soit de l’armée, les deux voies d’acquisition des habitus de la modernité. Aujourd’hui, les blocages de l’ascension sociale via l’école, et l’incapacité des pouvoirs militaires à résoudre les problèmes de société ont ouvert une troisième voie, celle de la religion dont les manifestations multiformes concurrencent les trajectoires d’insertion sociale élaborées au temps des indépendances (Pourtier, 2010).

Note de bas de page 14 :

FRANCOIS, O., « l’éducation dans le monde. Etat des lieux et perspectives », in Revue internationale d’éducation de Sèvres, www.journals.openedition.org/ries/2979?lang=en

A ce problème de langue s’ajoutent les contraintes financières imposées par les institutions financières internationales et l’introduction de thèmes comme la bonne gouvernance et l’état de droit. La première suppose, notamment, le respect de l’état de droit, des droits de l’homme, de la transparence dans la gestion de la chose publique et l’obligation de rendre compte. Sa pratique impose à tous ceux qui sont investis d’un mandat public l’obligation de rendre compte de l’affectation, de l’utilisation et des ressources publiques qu’ils ont eues à gérer et de l’exercice de leur mandat. La mauvaise gestion, les détournements des ressources publiques à des fins personnelles et la corruption avérée doivent être sanctionnés. Or, les principaux responsables coupables de ces fléaux ne sont jamais inquiétés et les conséquences sont désastreuses pour l’éducation. Les budgets d’investissement sont inexistants. Quand ils existent, ils sont en diminution continue14.

Au regard de tout ce qui précède, la scolarisation, un des symboles de l’épanouissement de l’Homme dans sa globalité, réfléchit, s’interroge sur son devenir étant donnés les disparités et les clivages politiques auxquels elle fait face. Le Pacte pour un enseignement d’excellence essaie d’ailleurs d’embrasser ces questions et a pour objectif de la refonder. Son but est de déployer une culture de la qualité, de la responsabilité et de l’évaluation dans l’ensemble du système éducatif et de renforcer les moyens, le cadre et les pratiques pour y arriver. L’éducation formelle doit pouvoir atteindre ces objectifs pour tous les individus. Elle doit fonctionner, non pas dans un mécanisme de sélection, mais bien dans une valorisation des ressources, des connaissances et des compétences de chacun (J-P Schmidt, 2005).

L’éducation non-formelle, quant à elle, est présente depuis des années avec des objectifs ciblés et louables, mais malheureusement pas assez visibles, reconnus et valorisés. Néanmoins, elle s’est forgée une place à part entière dans le système global d’éducation. Sa tâche n’est pas de combler d’éventuelles lacunes de l’éducation formelle, mais bien d’être un complément à celle-ci. C’est l’éducation continue couvrant une multitude de domaines d’apprentissage, tout au long de la vie.

En Afrique ce type d’éducation se développe pour pallier les insuffisances du système éducatif formel, avec des convergences et des particularités propres à chaque pays. Les convergences tiennent compte de l’histoire de cette partie du monde ; une histoire marquée par l’introduction de l’école et de son mode de fonctionnement. Les particularités, quant à elles, résident dans la gestion et la conception de ce mode d’éducation.

Grâce aux concours des institutions des Nations Unies et à l’Organisation Internationale de la Francophonie, les pays africains ont pu développer leurs réseaux d’éducation non formelle en créant des centres d’alphabétisation pour venir justement en soutien et en complément au système d’éducation formelle qui n’arrive pas à remplir ses missions.

Au Gabon, par exemple, plusieurs études ont démontré la faiblesse et les insuffisances du système éducatif de ce pays (D. Mintsa M’obiang, 2014). Contrairement aux autres pays de la sous-région Afrique centrale, le Gabon n’a pas bénéficié très tôt d’infrastructures scolaires (L. Owondo, 1991). Les conséquences immédiates de ces situations sont connues : effectifs pléthoriques, insuffisances de matériels et de documents didactiques. Le constat est général sur tout le continent africain où les systèmes éducatifs connaissent de graves carences infrastructurelles et pédagogiques.

Les pays font appel à la communauté internationale, par le biais d’organismes tels que l’Unicef, l’OIF ou PNUD, pour les aider dans la socialisation de leurs progénitures et conscients des limites du système éducatif formel, les Etats s’orientent dans la mise en place de l’éducation non-formelle qui vient en complément au système existant.