Les unités pour personnes handicapées vieillissantes : laboratoires d’innovation éducative et sociale ? Aging disabled people's units : educational and social innovation laboratories ?

Yann BASTIDE 

https://doi.org/10.25965/trahs.4215

Classées parmi les dispositifs innovants par le rapport de l’ANCREAI sur le vieillissement des personnes en situation de handicap (2018), les UPHV répondent aux besoins identifiés de ce nouveau public dans les maisons de retraite, en termes d’offre médico-sociale, de médicalisation et de prise en charge de la dépendance. Elles apportent une solution pérenne aux familles soucieuses du devenir de leur proche, dans un contexte où le vieillissement des personnes handicapées tend à rejoindre celui des personnes valides.

Classified among the innovative devices by the ANCREAI report on the aging of people with disabilities (2018), the UPHVs meet the identified needs of this new public in retirement homes, in terms of medical services, social, medicalization and care for dependency. They provide a lasting solution to families concerned about the future of their loved one, in a context where the aging of disabled people tends to coincide with that of able-bodied people.

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I- Cadre de la recherche

Note de bas de page 1 :

Loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales

Dans un contexte où le vieillissement des personnes handicapées tend à rejoindre celui des personnes valides (Belot, 2004), les Unités pour Personnes Handicapées Vieillissantes s’implantent peu à peu dans les EHPAD depuis le milieu des années 2010, avant tout pour répondre au manque de places en foyers pour adultes (Delporte, 2015). En charge de la tarification, les départements font valoir que la loi de 19751 réserve l’hébergement dans ces foyers aux seuls travailleurs d’ESAT, âgés de moins de 60 ans ; ce qui désigne, dès les années 2000, les maisons de retraite comme une solution possible d’hébergement (Guyot, 2012). Depuis, l’accueil de ce nouveau public fait figure de relais de croissance pour des établissements (les EHPAD) bien moins coûteux à faire fonctionner que les établissements de l’éducation spécialisée, dédiés aux personnes vieillissantes (Bastide, 2014).

Il résulte de ces orientations « par défaut », une levée de boucliers des associations gestionnaires, notamment des associations de parents, relayant les craintes légitimes de leurs adhérents quant à la qualité d’accompagnement de leurs enfants après leur propre disparition. Parallèlement, les premières expériences de cohabitation entre personnes âgées et personnes handicapées produisent, à moyens constants, des résultats mitigés (GEPSO, 2013), car comme l’observe Stéphane Carnein :

Les professionnels s’interrogent sur l’inadaptation de la prise en charge sociale proposée par le secteur gériatrique tout comme sur l’acharnement des foyers à garder loin des professionnels de santé une population vieillissante et donc sujette à des pathologies mal définies et mal soignées (Carnein, 2004 : 207).

Faute d’un étayage suffisant et des stimulations adéquates, les personnes déambulent, décompensent, ou passent à l’acte… Elles font surtout l’objet de représentations sociales liées à la fois au vieillissement et au handicap. Des freins qui conduisent pendant plus de dix ans à l’impossibilité de penser leur intégration en EHPAD (Blanchard et al, 2015).

Note de bas de page 2 :

Le vieillissement des personnes en situation de handicap, opportunité d’un nouveau devenir ? ANCREAI, décembre 2018

Note de bas de page 3 :

https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-dans-un-ehpad/aides-financieres-en-ehpad/laide-sociale-a-lhebergement-ash-en-etablissement (ASH), consulté le 15 juin 2021

Aujourd’hui classées parmi les dispositifs innovants par le rapport de l’ANCREAI sur le vieillissement des personnes en situation de handicap (2018)2, les UPHV sont donc le produit d’un compromis qui fut difficile à trouver, au point de rencontre entre l’institution du handicap (Bodin, 2018) et celle de la gérontologie. Ces unités spécifiques regroupent, dans certains établissements éligibles à l’aide sociale3, entre 6 et 15 places, pour un prix de journée majoré de 25 % en moyenne. Il n’existe pas de cahier des charges national pour ces projets, qui prévoient typiquement le recrutement d’un éducateur, afin de reproduire autant que possible les conditions du secteur spécialisé dans les murs d’établissements dits « de droit commun ». L’accompagnement se veut plus contenant. Il propose un niveau d’individualisation des pratiques assez inhabituel en EHPAD : anamnèse, valorisation des rôles sociaux et de l’autodétermination, grilles d’observation portant sur les éléments psycho-affectifs…

Vingt ans après le rapport Fardeau (2001), 18 ans après la déclaration de Madrid et le rapport Bonnet, suivis de la loi de 2005 sur le handicap, puis du rapport Gohet en 2013, les UPHV semblent enfin donner corps aux principes d’individualisation, de diversification et d’accessibilité, censés orienter les politiques publiques dans les EHPAD. Mais est-ce vraiment le cas ? Nous formulons l’hypothèse selon laquelle leur implantation induit des innovations éducatives et psychosociales (Jacques, 2020) transférables à tous les résidents, aussi bien en termes de pratiques nouvelles, que d’organisation, de compétences ou d’identité(s) professionnelle(s).

II- Méthodologie de l’enquête

Après inventaire des EHPAD concernés et contextualisation dans l’une des ex-régions de Nouvelle Aquitaine, notre recherche prévoit un travail d’enquête ethnographique en immersion longue dans deux établissements ayant récemment ouvert une telle unité. Elle procède aussi par entretiens semi-directifs avec les responsables des services « autonomie » de trois conseils départementaux, dix directeurs d’EHPAD, des usagers et des professionnels représentatifs des différents corps de métiers : infirmiers, aides-soignants, agents hôteliers.

Ce travail a pour ambition de mettre au jour les conséquences liées à l’introduction du paradigme éducatif dans l’institution gérontologique ; notamment son impact sur les soignants.

A- Personnes âgées dépendantes / personnes handicapées vieillissantes : la fin d’une dichotomie ?

1- Loi PSD : l’invention de la dépendance

Note de bas de page 4 :

Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance

Note de bas de page 5 :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10009

En 1997, la loi PSD4 fait plus qu’instituer la Prestation Spécifique Dépendance : parce qu’elle désigne les personnes âgées handicapées sous le vocable « personnes âgées dépendantes », cette loi crée une catégorie administrative en réponse aux besoins des personnes de plus de 60 ans, dont l’augmentation nécessite la mise en œuvre d’une politique spécifique. La dépendance est ainsi définie comme « l’état de la personne qui a besoin d’être aidée pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ». Une notion de « dépendance » assimilée à celle de « perte d’autonomie » à travers le prisme d’une grille d’évaluation : « Autonomie Gérontologique, Groupe Iso-Ressources ». Puis, quatre ans plus tard, avec l’Allocation Personnalisée d’Autonomie5.

2- Deux définitions de l’Autonomie

Alors que, selon la définition de l’OMS, l’autonomie est « le droit et/ou la capacité d’une personne de choisir elle-même les règles de sa conduite, l’orientation de ses actes et les risques qu’elle est prête à courir. Littéralement c’est se gouverner par ses propres lois », le législateur français cultive l’idée selon laquelle la prise en compte du handicap d’une personne de plus de 60 ans doit suivre des procédés d’accompagnement et de compensation différents de ceux d’une personne handicapée plus jeune.

Note de bas de page 6 :

Fizzala, A. (2017). Les durées de séjour en EHPAD - Une analyse à partir de l’enquête auprès des établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) 2011. Les dossiers de la DRESS, n° 15.

Or, on peut affirmer avec Christian Roth (Roth, 2015) que la construction de cette dichotomie entre institutions du handicap et de la gérontologie crée la déviance de ces nouveaux résidents, qui ne pourraient être plus éloignés de la norme en maison de retraite : une majorité d’hommes « jeunes » ; peu ou pas « dépendants » ; sans enfants ; ayant passé leur vie entière en institution ; qui sont donc là pour longtemps, alors que la durée médiane des séjours en EHPAD était de 18 mois en 20116. Comme l’acronyme ne l’indique pas, les UPHV s’adressent, parmi les personnes en situation de handicap, à celles qui sont les plus hétéronomes et les plus stigmatisées.

3- Les EHPAD à l’école de la différence

Note de bas de page 7 :

« Par ailleurs, il serait souhaitable que l'accueil des personnes vieillissantes comme celui des personnes plus jeunes puisse être organisé dans un établissement adapté à leur situation et à leur projet de vie, ce qui risque de ne plus être le cas si les orientations, faute de souplesse, se font dans l'urgence "là où il y a de la place". » (p.13)

Note de bas de page 8 :

Le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. ANESM, octobre 2010, 19.

Paradoxalement, ce risque, pointé dès 2006 par le rapport de Paul Blanc7, est en même temps une chance, dès lors qu’il stimule en réaction, une réflexion éthique devenue nécessaire pour adapter l’accompagnement : « Les situations problématiques au plan éthique se situent dans des zones d’incertitude juridique ou réglementaire ou bien lorsque des logiques de valeurs contradictoires sont à l’œuvre ».8

Dès lors, quelles catégories anciennes, quelles limites et quelles pratiques professionnelles sont interrogées par l’apparition de ce nouveau public (Blanchard et al, 2015) ? De quelle manière l’hétéronomie de ces personnes redonne sens à l’Autonomie, telle qu’elle est définie par l’OMS et comme principe éthique fondamental (Beauchamp et al, 1979) ? Est-ce que cette réflexivité peut être de nature à contrebalancer l’excès de technicisation à l’œuvre dans les EHPAD, avec des soins de nursing prodigués du lever au coucher, plaçant l’usager en situation de dépendance, et le soumettant à des relations qu’il vit comme asymétriques (Trépied, 2016) ?

4- Les UPHV : levier de la domestication institutionnelle ?

L’analyse des entretiens réalisés montre que les acteurs de ces projets, identifient l’UPHV à un levier de domestication institutionnelle (Charras & Cérèse, 2017) ; c’est-dire à la possibilité d’une transformation visant à rendre l’institution « maîtrisable par l’Homme ».

a) Entre l’hôpital et la maison, entre le « cure » et le « care »

Une domestication institutionnelle dont nos résultats tendent à confirmer l’échelle, s’étirant entre deux pôles symboliques :

  • D’une part, l’espace de l’hôpital, complexe et fonctionnel, associé à la représentation paroxystique du travail d’un chirurgien : extrêmement technique, concret, dépourvu d’affects afin de rester performant, et bien-sûr reconnu par sa très forte valeur ajoutée, sur ce qu’il conviendrait d’appeler « le marché de la santé ».

  • D’autre part l’espace d’une maison ou d’une petite ferme, associé à la représentation d’un travail domestique, voire autarcique, puisqu’invisible d’un point de vue marchand. Un travail qui regroupe des fonctions à dominante concrète, comme le ménage, l’entretien du linge, la préparation des repas (par extension la culture d’un jardin, l’élevage d’animaux, l’entretien du bâti etc.), mais aussi des fonctions à dominante abstraite ou symbolique, comme la décoration et l’ameublement, l’accueil des visiteurs, l’organisation de festivités… Autrement dit, la représentation d’un travail dont la valeur tend à se confondre avec la vie elle-même ; notamment en ce qui concerne l’éducation des enfants, et plus généralement les soins prodigués aux membres du foyer.

b) L’EHPAD et le foyer pour adultes

Sur cette échelle de la domestication, les acteurs distribuent à des degrés divers les institutions du handicap et celle de la gérontologie, de part et d’autre d’une démarcation correspondant à ladite loi PSD :

  • L’EHPAD se conçoit d’abord comme un espace de travail où vivent également des personnes. Un espace dominé par les soins. Où le rythme de vie est construit sur le planning du personnel, qui peut entrer dans les chambres sans toujours attendre qu’on lui ouvre la porte. Un espace relativement inhospitalier, auquel les résidents peuvent s’adapter pour subvenir à leurs besoins vitaux, mais qu’il reste difficile d’« habiter », au sens d’une « appropriation » ; si on considère avec Kevin Charras et Fany Cérèse que l’appropriation « …] implique des composantes affectives, identitaires et perceptives, transforme l’espace en territoire, lui-même support de l’identité de ses habitants » (Charras & Cérèse, 2017 : 172).

  • À contrario, le foyer pour adultes se conçoit d’abord comme un lieu de vie, effectivement support d’identité pour ses « habitants », qui l’occupent depuis fort longtemps. Un espace qui, dans ses aménagements et son ambiance, ressemble à une maison, parce que les professionnels y interviennent plus ou moins comme à domicile. Les résidents ont eu l’opportunité de s’approprier cet espace de différentes façons, qui vont de la médiation animale, au jardinage en passant par l’implication dans les tâches de la vie quotidienne : traitement du linge ; cuisine ; ménage de la chambre ; décoration et aménagement des espaces communs ; l’accueil de visiteurs en lien avec de multiples projets d’intégration sociale etc.

c) Travail marchandise contre artisanat

A ces deux espaces, répondent deux conceptions du travail tout aussi contradictoires :

Note de bas de page 9 :

Le projet personnalisé est l'un des 7 outils exigés par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Il doit être élaboré dans les 6 mois suivant l'admission au sein d'un établissement ou d'un service social et médico-social

  • Dans les EHPAD, celle du travail « marchandise », conforme à l’acception marxiste du mot (Marx, 1931) ; c’est-à-dire conçu comme un moyen de production quantifiable, prévisible en termes de coût, de durée, de tâches, et donc impersonnel, par effet de système. Un travail « exécuté » par des « opérateurs » (AS, AES, ASH) qui n’en maîtrisent ni le sens, ni le contenu, et qui sont enserrés dans des relations sociales intrinsèquement conflictuelles, puisqu’à l’organisation militaro-bureaucratique de l’hôpital issue du soin, s’ajoute la privatisation de l’outil de production, et donc le chantage implicite aux moyens de subsistance, exercé par un employeur en quête de plus-value, sur ce qu’il conviendrait d’appeler « le marché de la dépendance ».

  • Une conception du travail marchandise qui s’oppose à la représentation d’un travail artisanal, en ce qui concerne les éducateurs, « oeuvrant » dans les foyers. Celle de « l’ouvrier », au sens préindustriel ; c’est-à-dire d’un travailleur autonome, qui mobilise des savoirs, des compétences et des réseaux, acquis par l’expérience personnelle. Celle du travail comme source de reconnaissance, pour soi comme pour les autres, portant sur des éléments symboliques ou ténus : à la fois subjectif, éphémère et/ou aléatoire quant à ses résultats. Un travail fondé sur des principes, comme le libre arbitre relativement au sens qui lui est donné, ainsi qu’à l’usage de leur temps par les acteurs ; le respect de la parole donnée ; la réciprocité du don plutôt que l’économie de marché, mise en abyme sous la forme du « contrat de séjour » et son avenant, le « projet personnalisé »9, configurant un type d’usager « entrepreneur de lui-même », qu’on tourne en dérision ou qu’on dénonce en citant des auteurs comme Michel Billé (Billé & Martz, 2018) ou Maela Paul (Paul, 2009).

d) Conditions de l’innovation
Note de bas de page 10 :

« L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers » (https://www.avise.org/decouvrir/innovation-sociale/innovation-sociale-de-quoi-parle-t-on)

  • Du point de vue de l’innovation, cette représentation d’un EHPAD qui contraint, surveille, exploite ses salariés, étouffe l’initiative par une application trop stricte du lien de subordination ; dans la mesure où, comme l’écrit Pascale Molinier : « Le travail réel n’est jamais réductible au travail prescrit. » (Molinier, 2010 : 134). Les compétences individuelles et collectives nécessaires aux soins du « care » restent le plus souvent invisibles et donc non reconnues, ni encore moins formalisées, privant ainsi l’institution du sens et de la valeur dus à la qualité d’accompagnement, telle qu’elle est vécue par les acteurs.

  • Symétriquement, ces mêmes acteurs livrent une représentation assez utopique de l’éducation spécialisée, valorisant au contraire l’initiative, l’intuition, la créativité, voire la ruse dans ses réalisations ; la collégialité et la prudence dans ses délibérations, offrant l’illustration d’une « clinique du doute », telle que Philippe Chaize (Chaize, 2015) la décrit dans son article consacré au vieillissement des personnes handicapées mentales. Soit un ensemble de pratiques adaptées à la conduite d’une réflexion éthique, face aux questions soulevées par l’accompagnement de PHV, mais plus généralement, favorable à l’innovation sociale, au sens que lui donne le CSESS10.

5- L’UPHV comme espace d’hybridation

Par définition, ces représentations sociales ne sont que le reflet des établissements et des pratiques qu’elles figurent : il y a bien longtemps que les foyers pour adultes ne sont plus, comme l’écrit Jean-René Loubat (Loubat, 2013 : 27) des « bric-à-brac institutionnels, où à peu près tout fût possible », ni encore moins « la maison » de leurs usagers. Pas plus que les EHPAD ne sont des « usines à dépendance », structurellement inhospitalières, incapables d’innover, de maintenir un cap éthique, ou de faire émerger un « management social » (Bouquet, 2013). Il n’empêche que les professionnels interrogés valident la nécessité d’un repositionnement des soins dans les maisons de retraite, relativement aux relations sociales, en même temps qu’ils attribuent aux équipes éducatives, une réflexivité issue de la clinique ; c’est-à-dire d’une relation engagée avec les usagers, au-delà des missions institutionnelles, vers la compréhension de chaque situation bio-psycho-sociale et la dé-standardisation de l’accompagnement. 

À une exception près, ces acteurs accréditent l’échelle de domestication ainsi proposée :

Echelle de domestication institutionnelle

Echelle de domestication institutionnelle

Source : réalisée par nos soins

Sur cette échelle, l’UPHV occupe une position médiane puisqu’elle substitue, à la séparation juridique héritée de la loi PSD de 1997, une hybridation des espaces, valeurs, pratiques professionnelles, issues des institutions du handicap et de la dépendance. A tout le moins, l’UPHV complète et renforce une démarche de domestication qui peut être engagée de plus longue date dans certains EHPAD, mus par un management, un contexte local et/ou une « dirigeance » associative, sincèrement attentifs à l’approche relationnelle.

Hybridation institutionnelle

Hybridation institutionnelle

Source : réalisée par nos soins

6- Phases de développement des projets

image

Source : réalisée par nos soins

B- Conditions de possibilité

Parmi les dix directeurs d’EHPAD interviewés, un seul ne reconnaît aucune validité à cette échelle. Un positionnement qui s’explique de plusieurs façons :

  • Les valeurs portées par la fondation protestante qui gère l’établissement, font justement de la domestication institutionnelle une priorité, indépendamment du projet d’UPHV. L’établissement a d’ailleurs été baptisé « Ma Maison », une dénomination qui rend parfaitement explicite l’intention d’offrir un domicile plutôt qu’une « place » aux résidents ainsi accueillis. 

  • Une forte insertion dans la vie locale situant l’établissement du côté d’une communauté politique plutôt que d’une entreprise. Il s’agit de la seule maison de retraite dans une commune rurale d’environ 1500 habitants, qui donne priorité aux ressortissants locaux, jouit d’un bénévolat nombreux et mobilisé, d’une histoire partagée etc.

  • Cette directrice encadrait précédemment un foyer d’accueil médicalisé (établissement pour personnes handicapées) pour la même fondation ; un parcours qui a vraisemblablement motivé son recrutement. Il s’agit donc d’une professionnelle « transfuge », véhiculant elle-même une forme d’hybridation dans sa pratique du management.

Cet exemple nous conduit à souligner qu’au-delà de l’existence de places éligibles à l’aide sociale, les établissements qui répondent aux appels à candidature d’UPHV sont en majorité publics ou relèvent de l’économie sociale et solidaire ; c’est-à-dire les deux segments non lucratifs sur le marché des EHPAD.

Il arrive que, par exception, des établissements lucratifs privés se positionnent, mais dans ce cas, d’autres aspects influencent un tel choix :

Note de bas de page 11 :

Définition donnée par l’International Organisation for Standardisation (ISO), citée par Jean-René Loubat dans son livre consacré à la démarche qualité : Loubat, JR (2009). La démarche qualité en action sociale et médico-sociale. Paris : Dunod

Note de bas de page 12 :

Selon l’auteur québécois Yann Le bossé, l’empowerment est : « La possibilité pour les personnes et les collectivités d’exercer un plus grand contrôle sur ce qui est important pour elles, leurs proches, leur communauté. »
Le Bossé, Y (2016). Soutenir sans prescrire : Aperçu synoptique de l'approche centrée sur le développement du pouvoir d'agir des personnes et des collectivités (DPA-PC). Québec : Ardis.

  • Une direction « suffisamment » acquise à l’intégration de PHV, qui, du fait de son parcours, de son réseau professionnel et/ou par conviction humaniste, trouve les marges de manœuvre nécessaires à la réalisation du projet.

  • Un faible taux d’occupation. Les places d’UPHV sont notoirement en nombre insuffisant pour accueillir les ressortissants de foyer susceptibles d’en bénéficier ; une rareté qui fait d’elles un « relais de croissance » intéressant dans un contexte de sous-activité, pour un établissement rural par exemple.

  • Un intérêt bien compris au plan managérial, puisque le financement des UPHV sous forme d’enveloppe supplémentaire fait exception à la règle générale, qui conditionne les ressources allouées au niveau de dépendance des résidents « PAD ». Un mode de financement dérogatoire qui conduit à s’interroger sur les besoins réels des résidents, plutôt qu’à faire la preuve de leur dépendance et/ou de leurs pathologies, afin d’obtenir les moyens correspondants. Si on considère qu’il devient risqué d’encadrer de simples exécutants dans un environnement économique incertain, alors ce type d’unité devient un atout au plan stratégique.

  • Au plan organisationnel, l’implantation d’une UPHV conduit à repenser l’utilité sociale de l’EHPAD en même temps qu’elle conforte le plan d’amélioration de la qualité ; si par « qualité » on entend : « …] L’aptitude d’un ensemble de caractéristiques intrinsèques d’un produit, d’un système ou d’un processus à satisfaire les exigences des clients et autres parties intéressées »11. Les adaptations qu’elle sous-tend nourrissent ainsi le projet d’établissement, et donc l’identité d’équipe, au-delà de l’« empowerment »12 qu’elle implique, dans un contexte marqué par la crise des vocations chez les soignants.

C- Intégration

L’admission dans un EHPAD peut-être une expérience traumatisante pour tout à chacun ; ce qui accrédite l’idée selon laquelle toutes les mesures favorables aux transitions d’arrivée, ainsi qu’à la dé-standardisation de l’accueil sont susceptibles de profiter à l’ensemble des résidents. Or, il ressort des entretiens que l’implantation d’une UPHV implique moins des adaptations devant les causes endogènes du handicap que devant ses causes exogènes. Il s’agit de pratiques visant principalement à faciliter les transitions psychosociales (Jacques, 2020) et l’acceptabilité sociale (Callon et al., 2001) du handicap mental dans l’institution gérontologique, avec l’arrière-plan socio-historique que nous avons décrit.

Note de bas de page 13 :

Guichard, J., & Huteau, M. (2006). Psychologie de l’orientation. Paris : Dunod.

Jean Guichard et Michel Huteau13 ont montré qu’il existe des stratégies de transition plus ou moins favorables à l’intégration des nouveaux arrivants dans une organisation. La plus favorable, celle qui est mise en œuvre dans l’ensemble des projets, implique une faible nouveauté du rôle, ainsi qu’une marge de liberté importante : le nouvel arrivant a la possibilité d’agir sur son environnement et de modifier son rôle en fonction de ses qualités propres. Ce faible écart entre rôle d’origine et nouveau rôle nécessite pour la personne moins d’efforts pour se repositionner socialement, ce qui facilite son réarrangement psychosocial ; autrement dit, son intégration. Concrètement, les UPHV tendent à reproduire les conditions du secteur spécialisé dans les murs de l’EHPAD, pour prévenir le choc de l’admission :

Note de bas de page 14 :

Bandura, A. (2003). Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : De Boeck.

Note de bas de page 15 :

Erikson, E. H., & Nass, J. (2000). Adolescence et crise : la quête de l’identité. Paris : Flammarion.

  • Les labels départementaux prévoient des espaces dédiés regroupant les chambres d’usagers concernés et des lieux de vie semi-privés, destinés au quotidien (tout ou partie des repas, des animations, l’accueil de visiteurs etc.) dans une ambiance confortable et conviviale, favorable à l’appropriation. Des espaces intérieurs souvent assortis d’extérieurs : terrasses, balcons, ou jardins, également supports de la domestication (potager, animaux) par la stimulation des sens, des émotions, des compétences… Globalement, la pratique éducative tend à rompre avec l’uniformité des espaces. Les éducateurs ne portent pas de blouses, par exemple. L’ameublement et la décoration figurent dans la plupart des projets d’unité, et l’étayage des personnes dans le quotidien consiste notamment à s’assurer chez elles d’une bonne compréhension du statut des lieux où elles se trouvent (social, collectif, intime). Par exemple, on peut rester en peignoir et chausson sur l’unité, mais on s’habille pour aller au « restaurant » ; c’est-à-dire dans la grande salle à manger.

  • Cet usage de l’espace s’inscrit dans le cadre d’une relation favorable au pouvoir d’agir des personnes (Jouffray & Étienne, 2017), au sentiment d’auto-efficacité14, voire aux sentiments d’identité définis par Erikson15 à travers différentes médiations qui toutes intensifient la domestication institutionnelle (cuisine, lingerie, arts plastiques, sorties…). Par l'introduction du paradigme éducatif dans la prise en charge des personnes, on passe d’une valeur purement technique des soins justifiés par leurs incapacités, à l’efficacité symbolique (Thouvenot & Meirieu, 1998) d’une action globale, intégrant leurs potentialités, leurs désirs et leurs identités.

Paradoxalement, c’est surtout auprès des professionnels au contact des PHV qu’il faut accompagner ce changement de paradigme :

  • Les soignants et l’animateur, notamment, doivent apprendre à s’appuyer davantage sur les compétences de ces nouveaux résidents, par exemple, pour mettre la table, aider au ménage, pousser des fauteuils (Boullet & Orville, 2015), voire pour animer le groupe et concourir à l’entraide auprès des résidents « ordinaires » (Carnein, 2004). Il s’agit de « faire avec » et non plus « à la place » de la personne ; et donc renoncer plus ou moins consciemment au rôle d’expert de ses besoins pour se positionner davantage en conseiller ou en « coach », en soutien d’une autonomie plus conforme à la définition donnée par l’OMS.

  • Dans un premier temps, une part importante du travail des éducateurs recrutés, consiste donc à soutenir et coordonner l’action de leurs collègues auprès des PHV. Ils sont d’ailleurs le plus souvent intégrés au comité de direction de l’établissement dans cette perspective.

D- Décloisonnement

On l’a vu, les résidents PHV sont plus jeunes, moins dépendants, et généralement sans enfants. Du fait de leur hétéronomie, ils sont habitués à vivre en institution. Autrement dit, sociabilisées à travers les normes d’une structure sociale régie par la réciprocité du don, plutôt que par l’économie de marché. Un éthos qui les rend particulièrement solubles dans la vie de l’EHPAD, notamment parce qu’ils sont étrangers au soupçon de maltraitance et à la hiérarchie sociale qui pèsent habituellement sur les soignants par la voix des familles.

Note de bas de page 16 :

« La santé est la vie dans le silence des organes » Leriche, R. (1940). La chirurgie de la douleur. Paris : Masson & Cie.

Note de bas de page 17 :

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé : « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

Après la phase d’intégration, l’UPHV ouvre une zone pré-formelle d’expérimentation dépassant le travail prescrit pour les soignants ; par exemple, pour faire d’une toilette un accompagnement à visée hédonique ; aider la personne à faire ses achats en lien avec son mandataire judiciaire ; convertir le petit déjeuner en buffet, plus favorable à l’autonomie ; permettre à la personne de s’habiller comme elle le souhaite, quand elle le souhaite, et à cette fin, revoir les horaires et pratiques pour pouvoir la conseiller de la meilleure manière… Parfois même « ne rien faire » ; c’est-à-dire simplement prendre le temps d’échanger avec les résidents, car pour paraphraser le chirurgien Leriche16 : la bonne santé n’est pas le silence des organes, mais la vie dans le silence des organes ; c’est-à-dire une notion triviale, propre à chacun17.

Mezza voce, ces nouvelles pratiques modifient le sens que les soignants donnent à leur travail : leurs intentions, leurs difficultés, les besoins qu’ils expriment en termes de formation, d’organisation, ou d’investissements… Une transformation discrète, progressivement amplifiée par le fait que les personnes circulent dans l’établissement :

Note de bas de page 18 :

https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/le-projet-regional-de-sante-nouvelle-aquitaine-2018-2018-est-adopte

  • Les résidents PHV devenus trop dépendants pour bénéficier du dispositif, finissent par occuper une place d’EHPAD « classique », tout en conservant la possibilité de revenir ponctuellement sur l’unité, quand leur état le permet.

  • Le personnel se renouvelle au sein de l’unité, qui lui procure une prise en charge différente en terme de niveau de « dépendance », d’individualisation, d’animation, d’accès à la formation, et donc d’ouverture sur la « filière handicap ». A tel point que certains directeurs font de l’UPHV un argument d’attractivité, voire de fidélisation auprès de leurs salariés.

  • En vertu du principe d’inclusion, les animations proposées pour l’EHPAD et l’accompagnement réalisé à l’UPHV restent accessibles à l’ensemble des résidents. Or le succès qu’ils rencontrent ne recoupe pas nécessairement les catégories administratives auxquelles appartiennent les personnes. Il existe notamment une forte demande d’accompagnement social parmi les résidents PAD, pour laquelle ce type de projet s’avère pertinent, tandis que certaines personnes estampillées PHV profitent pleinement du « milieu ordinaire », auquel elles insufflent un nouveau dynamisme.

  • Finalement, la pratique éducative infuse. La séparation d’une unité distincte entretient le stigmate plus qu’elle ne favorise l’intégration. La catégorie « handicap » ne semble donc plus pertinente aux acteurs, qui, en lien avec leur autorité de tutelle, organisent la répartition progressive des résidents concernés en fonction de leurs situations et de leurs intérêts dans l’établissement.

  • L’EHPAD mobilise indistinctement la compétence éducative dès lors qu’elle s’avère pertinente dans chaque situation rencontrée. Cette compétence, devenue collective, est entretenue à travers la recherche de synergies en matière de formation, d’animation, d’extériorisations avec un réseau de foyers partenaires. Elle est identifiée, mobilisée à l’occasion de socialisations anticipatrices comme des visites ou des accueils temporaires, réalisant concrètement les principes de continuité des parcours et de décloisonnement inscrits au projet régional de santé18.

E- Hybridation

Note de bas de page 19 :

L’avancée en âge des personnes handicapées. Contribution à la réflexion, IGAS, 2013

En première analyse, on pourrait croire que les UPHV ne font que concrétiser le principe d’accessibilité, préconisé par le rapport de l’IGAS19 sur l’avancée en âge des personnes handicapées, remis en 2013 par Patrick Gohet au gouvernement Ayrault. Mais par leur mode de financement, l’ethos des personnes accueillies, ainsi que l’introduction du paradigme éducatif, les UPHV ouvrent, en réalité, une brèche dans l’ordre économique institué par la loi PSD ; c’est-à-dire dans un « marché de la dépendance » organisé de telle sorte que toute l’économie des EHPAD s’y trouve incluse, justifiant la prévalence du nursing au détriment des relations sociales dans la prise en charge.

Discrètes ruse de l’histoire, ces nouvelles unités atténuent les effets du coup de force initial opéré en 1997 par la construction d’une différence entre personnes âgées et personnes handicapées. Parce que la vieillesse n’est ni un accident, ni une maladie, ces dispositifs méritent le statut de « laboratoires d’innovation », dans la mesure où ils donnent le sens d’un progrès possible, en termes d’accompagnement social et de préservation des dernières potentialités. Ils donnent aussi l’exemple d’une domestication dans les trois dimensions institutionnelles que sont l’espace, les pratiques et les valeurs ; notamment par le management et le sens donné à leur travail par les soignants.

Dans cette perspective, les UPHV initient ce que nous appellerons une « transformation polanyienne à rebours » (Polanyi Karl, 1944), puisqu’ici, l’hybridation des institutions du handicap et de la gérontologie aboutit au repositionnement du soin dans les relations sociales et de l’économie dans la sphère administrative. La vie reprend ses droits… Le lien de subordination se desserre, ouvrant sur davantage de pouvoir d’agir et de réciprocité ; donc sur des éléments aussi utiles à l’innovation qu’à la qualité de vie : l’initiative, l’intuition, l’expérience, la formalisation collective du travail… On passe ainsi d’une organisation dominée par l’économie du marché de la dépendance, aux règles d’une structure sociale prévalant sur l’économie ; donc aux prémices d’une communauté politique.

Conclusion

Note de bas de page 20 :

EHPAD : vers de nouveaux modèles, KPMG, 2015

Mohammed Malki, dans son rapport KPMG de 2015 sur les nouveaux modèles d’EHPAD20, prévoit :

Les résidents futurs seront plus exigeants sur les services comme toutes les générations nouvelles. Les EHPAD s’adapteront à ces exigences dans la mesure des ressources disponibles (…) L’accompagnement des résidents plus dépendants s’adaptera aussi. Les EHPAD auront besoin de plus de services de stimulations physiques, sensorielles et psycho-cognitives, de pratiques non médicamenteuses, d’animation, etc. (…) ces missions ne peuvent pas être réduites à des actes purement techniques car c’est de la personne qu’il s’agit dans sa singularité et dans toutes ses dimensions, humaine, sociale, culturelle… (Malki, 2015 : 55)

Autrement dit, avant d’être des lieux de soins, les EHPAD doivent redevenir des lieux de vie « ordinaires » où des professionnels bienveillants, formés aux techniques relationnelles sont en mesure d’accueillir et accompagner les résidents aux dernières étapes de leurs vies. Un saut qualitatif auquel semblent pouvoir contribuer les UPHV.

Pratiquement 30 ans après l’introduction par Kitwood et Bredin (Kitwood & Bredin, 1992) du principe d’accompagnement centré sur la personne, ces UPHV, permettent non seulement d’entrevoir ce qu’il est possible de faire avec plus de moyens dans les EHPAD. Mais surtout, l’introduction du paradigme éducatif qu’elles impliquent dans l’institution, réinterrogent concrètement l’organisation et le sens du travail parmi les membres du personnel et l’encadrement.

Acronymes utilisés

AES

Accompagnant Éducatif et Social

IGAS

Inspection Générale des Affaires Sociales

AS

Aide-Soignant

OMS

Organisation Mondiale de la Santé

ASH

Agent de Service Hôtelier

PAD

Personne Âgée Dépendante

CSEESS

Conseil Supérieur de l’Économie Sociale et Solidaire

PHV

Personne Handicapée Vieillissante

EHPAD

Établissement d’Hébergement pour Personnes Dépendantes

PSD

Prestation Spécifique Dépendance

ESAT

Établissement et Service d’Aide par le travail

UPHV

Unité pour Personnes Handicapées Vieillissantes

 

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Para citar este documento

BASTIDE, Y. (2021). Les unités pour personnes handicapées vieillissantes : laboratoires d’innovation éducative et sociale ?. Trayectorias Humanas Trascontinentales, (12). https://doi.org/10.25965/trahs.4215

Autor(a)
Yann BASTIDE
Diplômé d’un master en Sciences de l’Education, Educateur Spécialisé et cadre du secteur médico-social, Yann Bastide prépare une thèse consacrée aux Unités pour Personnes Handicapées Vieillissantes comme laboratoires d’innovation éducative et sociale dans les EHPAD, mobilisant notamment les concepts de « care », pouvoir d’agir, transition et décision en incertitude.
Laboratoire FrED (EA 6311)
Faculté des Lettres et Sciences humaines (FLSH)
Université de Limoges
Limoges, France
https://orcid.org/0000-0002-6979-6516
yann.bastide@etu.unilim.fr
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