Formation au risque COVID-19 des soignants des EHPAD grâce à la simulation en realite virtuelle : le projet FormationVR@COVID COVID-19 risk training for caregivers using virtual reality simulation: FormationVR@COVID project

Quentin LEMASSON ,
Fanny Thomas ,
Laurent FOURCADE 
and Anaick PERROCHON 

https://doi.org/10.25965/trahs.3653

Dans un contexte pandémique, la formation des soignants des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) à la gestion des mesures de protection est un véritable enjeu de santé publique. En effet, leurs déplacements loin de leurs affectations doivent restés limités (coût, raréfaction du personnel), et la venue de formateurs sur sites augmente les risques de contamination. La délivrance de ces formations en réalité virtuelle permettrait d’assurer une formation de qualité tout en réduisant ces écueils. De plus, elle présente l’intérêt de mieux former les soignants par le vécu de situation proche de la réalité grâce à l’immersion. Malgré ces nombreux avantages, aucune application en réalité virtuelle n’a été développée pour la formation des soignants dans le cadre de la situation pandémique de la COVID-19.
Le but de ce projet est d’évaluer la faisabilité de proposer aux personnels des EHPAD une formation en réalité virtuelle à la prévention du risque COVID et à la gestion de patients COVID.
Nous avons développé, au sein du Centre de Simulation Virtuelle en Santé (CSVS) de l’Université de Limoges, une application numérique offrant 10 modules de formation (7 modules sur les gestes à adopter en chambre et 3 modules sur la gestion mortuaire). Parallèlement, nous proposons des modules d’entrainement à travers deux chambres des erreurs en réalité virtuelle qui portent sur le contenu des modules de formation.
Les résultats préliminaires de cette étude montrent que ce type de formation est considéré comme pertinent par les soignants, mais ils n’ont pas été satisfaits de la thématique du contenu (COVID-19) car elle est jugée trop lassante. Ce travail ouvre également de nombreuses perspectives dont le développement de nouvelles applications en formation continue.

During a pandemic, the training of caregivers in residential institutions for dependent elderly people to manage the protective measure is a real issue of public health: indeed, their travels away from their assignments have to be limited (costs, rarefaction of the employees), and the arrival of trainers on site increase the risks of contamination. The delivering of these training in virtual reality could allow to ensure quality training while reducing those pitfalls. Moreover, it has the interest of offering a better training through the experience of situations close to reality thanks to the immersion. Despite those numerous advantages, no virtual reality applications were developed for the training of caregivers in the events of a COVID-19-related pandemic.
The goal of the project is to offer to the care giver of the residential institutions for dependent elderly people a virtual reality training to the reduction of the COVID risk and the management of COVID patients.
Within the Centre de Simulation Virtuelle en Santé (CSVS) of University of Limoges, we developed a
numeric application offering 10 modules of training (7 modules about the gestures to adopt in the rooms and 3 modules about mortuary management). In parallel, we offer training modules through two rooms of the errors in virtual reality concerning the content of the training modules.
This study’s preliminary results show that this kind of training is considered as relevant by the healthcare workers, but they were not satisfied with the theme of content (COVID-19) as it was deemed too repetitive. This work also opens up numerous perspectives, as the development of new applications in continuous training.

Contents

Full text

Introduction

Dans le contexte de crise sanitaire engendré par la COVID-19, le Centre de Simulation Virtuelle en Santé (CSVS) de l’Université de Limoges a été porteur du projet FormationVR@covid financé par la région Nouvelle Aquitaine. Dans le cadre de ce projet, nous avons développé une formation aux mesures d’hygiène et aux protocoles sanitaires, destinée aux personnels soignants des EHPAD, en appliquant les principes de l’Immersive Learning (traduction de « apprentissage par l’immersion »). L’Immersive Learning se caractérise par l’application de méthodes d’apprentissage dans des environnements simulés numériquement, que ce soit en réalité augmentée (application d’une interface virtuelle dans l’environnement réel) ou réalité virtuelle (environnement intégralement virtuel dans un casque).

Si les méthodes de formations classiques présentent une mise à disposition des connaissances via un exposé ou un support externe (vidéo 2D), l’immersion dans un espace virtuel permet de dispenser ces mêmes informations dans un cadre s’approchant plus d’une situation réelle. L’apprenant est immergé dans la pièce où se déroule l’action, et peut ainsi l’observer comme une démonstration réellement effectuée sous ses yeux, ou interagir avec son environnement sans les contraintes logistiques et matérielles qu’une formation classique, in situ, imposerait. La réalité virtuelle permet aux personnels soignants de se confronter, lors d’un temps sécurisé, à des situations au cours desquelles un acte ou une prise de décision peuvent parfois être compliqués.

La simulation en réalité virtuelle présente également l’intérêt de réduire considérablement le temps d’exposition au danger du personnel formé (Martin, Koizia, Kooner et al, 2020). Ainsi, l’utilisation de cette méthode tend à diminuer le stress face à une situation réelle. De plus, ces environnements virtuels conduisent à un engagement beaucoup plus important de l’apprenant (Chan, Larson, Moody, Moyer, Shah, 2021), ce qui favorise la mémorisation (Kisker, Gruber, Schöne, 2020). Au vu de ces éléments, nous pouvons supposer qu’une formation de type immersive learning serait pertinente en période de crise sanitaire.

Au tout début de la crise sanitaire, la nécessité de formation aux mesures d’hygiènes, aux protocoles sanitaires, à la prise en charge des patients COVID a demandé aux personnels concernés un temps d’adaptation et de formation très rapide. Pourtant, nous savons qu’il est compliqué de prodiguer une formation de qualité et en urgence à l’ensemble d’une profession. Les conséquences s’illustrent par un retard à l’accès à la formation et une augmentation du stress chez le personnel soignant. Le besoin en personnel mobilisé, la nécessité de limiter les contacts avec l’extérieur pendant la crise sanitaire nous conduisent à envisager l’Immersive Learning comme une solution numérique innovante et pertinente pour faciliter l’accès à la formation de cette population.

Dans cet article, nous souhaitons rendre compte de notre expérimentation (projet FormationVR@covid) et préciser dans quelle mesure cet outil a pu trouver son utilité dans le contexte spécifique de la gestion de crise sanitaire, plus particulièrement durant les deuxièmes et troisièmes vagues du COVID-19, en Nouvelle-Aquitaine.

FormationVR@COVID, un projet du Centre de Simulation Virtuelle en Santé (CSVS)

Le Département Universitaire d’Enseignement Numérique en Santé (DUENES) et l’Université de Limoges ont, en 2019, inauguré le CSVS qui a pour vocation de développer l’innovation pédagogique numérique dans le secteur de la santé. L’objectif est de proposer des contenus pédagogiques immersifs et attractifs, sous forme d’applications basées sur le principe de l’Immersive Learning.

Les projets du CSVS se conçoivent selon les étapes suivantes :

  • Constitution d’une équipe pluridisciplinaire afin de définir les objectifs pédagogiques et la faisabilité de la formation

  • Développement du contenu pédagogique, concernant aussi bien sa scénarisation, la production de vidéos et l’intégration logicielle

  • Diffusion du contenu pédagogique dans des casques de réalité virtuelle à distance

  • Tests auprès des utilisateurs et évaluation systématique des dispositifs déployés ;

Le projet FormationVR@COVID a été mené dans la lignée des projets du CSVS et il a bénéficié de ses méthodes de conception, de son matériel et de ses locaux.

I- Conception, méthode et développement : comment appliquer les principes de l’immersive Learning ?

Des idées à une formation concrète

La première phase de ce projet a été de concevoir les objectifs pédagogiques du contenu de formation par une équipe pluridisciplinaire composée de formateurs, cliniciens, hygiénistes, ingénieurs pédagogiques et experts en réalité virtuelle. L’équipe pédagogique intègre les formateurs du CHU de Limoges ayant réalisé la formation des soignants, lors de la première vague COVID-19.

Sur le plan pédagogique, cette formation a été divisée en module de formations permettant l’intégration de connaissances et en module d’entrainement permettant de tester ses connaissances. L’accent a été mis sur l’une des thématiques principales engendrées par la crise sanitaire : les mesures d’hygiène afin de prévenir l’infection. Nous avons séparé cette thématique en deux axes principaux : les mesures d’hygiène générales en chambre, et les mesures d’hygiènes en cas de décès d’un patient. Le personnel soignant en EHPAD ayant des contraintes de temps importantes, d’autant plus dans un contexte de crise sanitaire, nous avons dû concevoir des sessions de formation assez courte. Ainsi, les modules étaient segmentés et avaient une durée moyenne de quelques minutes (deux à huit minutes). Des sessions courtes présentent également l’avantage de diminuer les risques de cybercinétoses, symptômes similaires au mal des transports (nausées, pertes d’équilibre), souvent observés lors de l’utilisation des visiocasques.

Les modules de formation en 360° : apprentissage par l’observation

Dans le cadre de ce projet, nous avons privilégié des modules de formations en vidéo 360°. Ces modules immersifs plongent l’apprenant dans la chambre d’un patient avec une infirmière effectuant la démonstration de gestes professionnels quotidiens (Figure 1).

Figure 1 : Capture d’écran du module de formation « Gestion de l’oxygène » dans l’application de formation. L’infirmière incline la tête du patient afin de lui enfiler le masque à oxygène.

Figure 1 : Capture d’écran du module de formation « Gestion de l’oxygène » dans l’application de formation. L’infirmière incline la tête du patient afin de lui enfiler le masque à oxygène.

Source : réalisée par nos soins

Les deux thématiques principales ont été déclinées en sous-thématiques spécifiques (Figure 2) :

  • Gestes à adopter en chambre

    • Gestion des déchets

    • Gestion du Linge

    • Gestion des excrétas

    • Gestion de l’oxygène

    • Gestion des plateaux repas

    • Gestion du matériel de soin

    • Entretien

  • Gestion mortuaire

    • Gestion des effets ersonnels

    • Gestion du corps

Dans le but de permettre une expérience personnalisée à chaque apprenant, chacun de ces modules de formation est accessible indépendamment des autres, sans hiérarchie.

Figure 2 : capture d’écran choix des modules de formation pour la thématique « Gestes à adopter chambre » dans l’application de formation

Figure 2 : capture d’écran choix des modules de formation pour la thématique « Gestes à adopter chambre » dans l’application de formation

Source : réalisée par nos soins

Les chambres d’entrainement : une manière immersive d’évaluer ses acquis

Si la visualisation des vidéos en 360° permet une acquisition initiale rapide d’information, la rétention est augmentée par la mise en situation professionnelle. L’une des méthodes utilisées est le principe de la chambre des erreurs, qui consiste à créer des erreurs dans un environnement et à demander à un apprenant de les identifier (Aupin, Atkinson, Bédard, Pelchat, Lebel, Bussières. 2016 : p911-920) (Estival, Sinoquet, Cluzel. 2017 : p52-54). Le support de la réalité virtuelle permet de simuler cette mise en pratique dans un environnement numérique sans contrainte de matériel et de supervision.

Se basant sur de précédents projets du CSVS, nous avons développé un modèle conceptuel de chambre des erreurs dont le principe peut se transposer à différentes situations professionnelles (Figure 3).

Dans le projet FormationVR@covid, nous avons développé une chambre des erreurs basée sur les gestes d’hygiène à adopter dans la chambre d’un patient en EHPAD. L’apprenant a la possibilité de parcourir la chambre et d’investiguer des zones sensibles et d’y indiquer la présence d’erreur éventuelle. Pour chaque thématique principale (gestes à adopter et gestion mortuaire), il a été conçu deux versions de ces chambres des erreurs avec une variation des zones et types d’erreurs.

Figure 3 : Capture d’écran de la chambre des erreurs « Gestes à adopter en chambre V1 » dans l’application de formation

Figure 3 : Capture d’écran de la chambre des erreurs « Gestes à adopter en chambre V1 » dans l’application de formation

Source : réalisée par nos soins

Développement et validation de l’outil

Les vidéos 360° ont été filmés à l’aide d’une caméra Insta360 pro (Figure 4), dans une chambre de patients de l’Institut de Simulation pour l’Enseignement, l’Application et la Recherche en Santé du CHU de Limoges qui a été équipée pour le projet. Chaque module de formation a été filmé indépendamment, avec une infirmière-actrice qui montre et explique les notions à intégrer et les gestes à effectuer. Parallèlement, des photos en 360° de la chambre ont été prises, pour les modules d’entrainement (chambre des erreurs) avec un zoom (photo en fullHD) de chaque zone sensible.

La plateforme Uptale (plateforme de création de contenu de formation numérique) a été utilisée pour faire passer cette formation d’un storyboard sur papier à une réelle application en réalité virtuelle. L’objectif étant de donner l’illusion à l’apprenant de se déplacer dans le couloir d’un établissement et de pouvoir rentrer et sortir facilement de la chambre des patients pour accéder aux différents modules de formation et d’entrainement.

Note de bas de page 1 :

Agile, méthodologie de conception, design et développement logicielle impliquant une plus grande intégration du client tout au long de la conception de projet, une collaboration en membre des équipes de conception leur réactivité aux demandes du client.

Se basant sur le manifeste AGILE1, le contenu de formation et les méthodes d’interaction ont été testés et validés à chaque étape. Ainsi, les différents modules ont été analysés par des groupes d’experts et professionnels de santé plusieurs fois durant les différentes étapes : i) scénarisation, ii) storyboarding et iii) développement afin de garantir l’exactitude et la fiabilité des informations dispensées.

Chaque établissement de santé dispose de sa propre organisation, de son matériel et de ses protocoles. Par exemple, un établissement peut avoir une gestion des déchets différentes d’un autre, avec une quantité ou un code couleur de poubelles différent. La formation a par conséquent été réalisée en abordant les principaux points et en proposant quelques alternatives lorsque nous savions que les situations peuvent varier d’un établissement ou d’une région à l’autre.

II- De la théorie à la pratique : le déploiement dans les établissements pilotes

Logistique du déploiement

Toujours en accord avec le manifeste Agile, le déploiement pilote du dispositif de formation a été effectué en collaboration avec des EHPAD de la région Nouvelle-Aquitaine.

Nous avons prêté aux établissements pilotes un casque de réalité virtuelle (Lenovo Mirage S3, Figure 5) qui contenait l’intégralité de la formation (modules de formation et d’entrainement). Une partie des fonctionnalités du casque, concernant notamment l’accès au navigateur ou applications tierces furent bloquées afin de faciliter son utilisation. Chaque établissement avait également une pochette contenant le matériel nécessaire à l’hygiène et l’entretien du casque, une fiche d’utilisation et de prévention concernant son utilisation, ainsi que des questionnaires à faire remplir aux soignants après avoir utilisé le dispositif.

L’ensemble du matériel a été mis à disposition dans les établissements de mi-décembre 2020 à début juin 2021. Les établissements étaient totalement libres quant à la manière de mettre à disposition la formation. Néanmoins, nous avons donné les conseils d’utilisation suivants : i) laisser le casque en libre-accès dans une salle réservée au personnel soignant, ii) désigner au moins un référent par établissement devant se charger de présenter la formation aux membres de l’équipe soignante, et servant de relai pour toutes informations concernant la maintenance des casques de réalité virtuelle.

Figure 4 : Caméra Insta 360 pro

Figure 4 : Caméra Insta 360 pro

Figure 5 : Casque Lenovo Mirage S3

Figure 5 : Casque Lenovo Mirage S3

Sources : (https://www.insta360.com/fr/product/insta360-pro) (https://www.ugap.fr/achat-public/casque-de-realite-virtuelle-3d-lenovo-mirage-s3-835-64go_2959183.html).
respectivement Insta et Ugap

Déroulement de l’expérience

Ce sont finalement 7 établissements qui ont participé à cette étude pilote, de taille (nombre de personnel soignant : min 27 / max 130) et contextes sociaux variables. Sur l’ensemble des établissements 57 utilisateurs ont suivi la formation à distance en réalité virtuelle, tandis que le nombre de sessions /connexions était de 65. Le temps moyen passé dans la formation était de 21 minutes [11minutes - 32minutes]. Parmi ces 57 utilisateurs, 51 ont visualisé le contenu de formation en une seule session.

Les établissements ont déployé la formation en interne par une réunion de présentation du projet aux équipes soignantes, puis ils ont par la suite laissé le casque en libre accès. Certains ont organisé de manière hebdomadaire des sessions d’utilisation sur la base du volontariat. La formation a été visualisée majoritairement par du personnel médical en contact direct avec les patients (aide-soignante, infirmière, etc.) et dans une moindre mesure par des cadres de santé. Sur toute la période du déploiement l’équipe projet a gardé le contact avec les référents des établissements par un appel téléphonique mensuel.

Ces conversations régulières avec les référents ont permis d’assurer un suivi technique du projet, et de récupérer des premières données relatives à l’appréciation de la formation, sa prise en main, les remarques des apprenants et les problèmes rencontrés. Durant toute la période de déploiement, les données d’utilisations des casques étaient récupérées et transmises via la plateforme Uptale. Ces données contenaient des diverses informations telles que le nombre et le temps de connexion, les modules consultés, etc.

III- Résultats

Au niveau des accès aux modules, la thématique de l’hygiène en chambre a suscité plus d’intérêt que la gestion mortuaire (Table 1). Il n’y a pas de différence entre les accès aux différentes vidéos de formation d’une même thématique. Cependant, les vidéos de formation de la thématique « Gestes à adopter en chambre » ont été plus consultées (39.0±5.0) que celles de la thématique « Gestion mortuaire » (16.5±0.5). La version 1 de la chambre des erreurs de la thématique « Gestes à adopter en chambre » a été expérimentée par l’ensemble des apprenants. Les connexions aux autres chambres des erreurs présentent une quantité d’accès variable : 31 accès pour la version 2 de la chambre des erreurs de la thématique « Gestes à adopter en chambre », et 15 et 18 accès pour les deux chambres des erreurs de la thématique « Gestion Mortuaire ».

Thématique : Gestes à adopter en chambre

Type de scène

Scène

Nombre d’accès

Vidéo de formation

Gestion de l’oxygène

37

Vidéo de formation

Gestion des déchets

40

Vidéo de formation

Entretien

33

Vidéo de formation

Gestion des excrétas

38

Vidéo de formation

Gestion des plateaux repas

44

Vidéo de formation

Gestion du linge

40

Vidéo de formation

Gestion du matériel de soin

42

Chambre des erreurs

Gestes à adopter V1

58

Chambre des erreurs

Gestes à adopter V2

31

Thématique : Gestion Mortuaire

Type de scène

Scène

Nombre d’accès

Vidéo de formation

Gestion du corps

16

Vidéo de formation

Gestion des effets personnels

17

Chambre des erreurs

Gestion mortuaire V1

18

Chambre des erreurs

Gestion mortuaire V2

15

Table 1 : accès aux modules de formation et d'entrainement, par thématiques recueillis depuis les données d’utilisation des casques

Source : réalisée par nos soins

La majorité du personnel soignant ayant visualisé le contenu de formation l’a apprécié et l’a jugé pertinent, malgré des cas de cybercinétose. Pour de nombreuses personnes, ces troubles sont dus à la visualisation de tout le contenu de formation en une seule session ou au fait d’utiliser le casque de réalité virtuelle pour la première fois.

Les réponses au questionnaire ont permis de mettre en évidence que l’outil semble intéressant dans un contexte courant car il facilite l’accès des soignants à des formations. En effet, les modules courts peuvent être visionnés à n’importe quel moment (pas de mobilisation sur une journée) et le contenu est personnalisé. En revanche, l’outil ne leur a pas paru utile dans le contexte de gestion de crise. La plupart ont trouvé que cette formation centrée sur le COVID-19 arrivait « trop tard » et que cette formation était perçue comme un « trop plein » manifestant ainsi un ras-le-bol du COVID en général. À l’inverse, le personnel soignant l’envisage plus comme un outil permettant de revenir se tester régulièrement sur des bonnes pratiques professionnelles, « faire des piqûres de rappels » ou encore « former les nouveaux arrivants à nos bonnes pratiques internes », voire de se former sur la prévention des troubles musculosquelettiques.

L’usage en temps de crise sanitaire

Le déploiement en interne des établissements s’est effectué mi-janvier, par des référents qui ont proposé des démonstrations aux autres membres des équipes soignantes. Ainsi, le déploiement s’est déroulé dans une période de retour des fêtes, où les roulements dans les équipes médicales étaient plus fréquents, couplés à une reprise de la pandémie. Cela a été suivi par une longue période, de février à fin-avril, de vaccination des résidents et du personnel soignant. Ces facteurs ont contribué à ralentir le déploiement de la solution dans les établissements.

Les casques de réalité virtuelle ont le plus souvent été laissé en accès libre obligeant le personnel soignant à visionner le contenu sur leurs temps libre (i.e., pauses). Ceci contribue probablement au fait que nous avons eu peu de personnes qui ont suivi la formation (15 % de la population). De plus, les personnes interrogées ont relaté ce sentiment de « ras le bol » du COVID qui s’était installé dans les équipes médicales, les rendant difficiles à convaincre de consacrer plus de temps à la formation sur ce sujet, et ce malgré des retours positifs venant de ceux ayant suivi la formation.

L’utilisation de la réalité virtuelle dans le cadre de la simulation présente l’avantage d’offrir un contenu de formation apprécié par ses aspects innovants et immersifs. Malgré la courte durée de chaque module d’entrainement ou de formation, la majorité des apprenants a enregistré un seul accès à la formation, montrant une grande tendance à consommer l’intégralité du contenu de formation en une seule session. L’augmentation du temps d’exposition à la réalité virtuelle favorise l’apparition de symptômes de cybercinétose pouvant empêcher la rétention à long-terme des enseignements prodigués (Augustin, 2014 : p207-212).

Les autres freins à l’utilisation de l’immersive learning

L’une des principales limites de notre application est l’absence de phase de débriefing (McGrath, Taekman, Dev, Danforth, Mohan, Kman, Crichlow, Bond, 2017 : p186-195) complète et personnalisée. Cette phase est essentielle dans le cadre de la simulation afin d’amener l’apprenant à analyser sa propre activité et d’améliorer ses performances lors de l’exécution de futures actions similaires. Même si l’apprenant a accès à son score après la réalisation des modules d’entrainement, il ressent quand même le besoin d’échanger avec un formateur pour le débriefing. À ce stade, nous pensons que le contenu développé devrait être davantage utilisé comme un complément de formation. L’utilisation de l’immersive learning liée à l’intelligence artificielle et les agents virtuels (Haring, Tobias, Waligora, Justin, Phillips, Tenhundfeld, Lucas, Visser, Gratch, Tossel, 2019 : p1-7) peut apporter des solutions à cette problématique.

Conclusion

Cette étude présente les résultats préliminaires du déploiement d’une formation en immersive learning sur les règles d’hygiène de la prise en charge des patients COVID-19 en EHPAD. Nous avons démontré la faisabilité de développer une formation numérique de qualité en quelques semaines. En effet, les quelques soignants ayant participé à l’étude ont trouvé le dispositif de formation par l’immersive learning intéressant. Néanmoins, ils regrettent majoritairement que le contenu soit encore une fois centré sur la COVID-19 et expriment une lassitude de cette thématique.

Ces premiers résultats nous encouragent à déployer ce type de dispositif à plus grande échelle après avoir amélioré le dispositif. La solution que nous avons développée permet de récupérer et compiler automatiquement des données d’utilisation, ou de pousser à distance des mises à jour de l’application. Cela pourrait s’avérer très utile pour distribuer de nouveaux modules de formations sur des thématiques différentes à l’ensemble des établissements sans perte d’uniformité du contenu. En effet, des modules concernant de nouvelles thématiques ont été cités lors des entretiens avec les référents des établissements pilotes. Cela permettrait également de mettre à jour des formations dont le sujet évolue rapidement, comme en cas de modification des consignes sanitaires. De plus, l’utilisation d’agents virtuels pourrait être employée afin de constituer une phase de débriefing à la suite de la consultation des différentes ressources. Nous souhaitons également analyser les données des traces d’apprentissage des soignants afin de mieux comprendre les erreurs les plus fréquemment réalisées.

Finalement, nous recommandons de mener de futures études sur l’impact de ces formations sur la prise en charge des patients ou sur la qualité de vie des soignants.