Information du patient et consentement éclairé en matière médicale

Nadine Poulet 

https://doi.org/10.25965/trahs.1174

L’information du patient ou du malade est désormais reconnu comme un véritable droit. Consacré par les textes (en particulier par le code de la santé publique), il modifie profondément la relation entre le patient et le médecin. Seule une information claire, loyale et adaptée permet en effet au malade de donner son consentement éclairé aux soins que l’équipe soignante va lui prodiguer. L’avancée est notable, encouragée par la jurisprudence qui la voit comme une garantie importante reconnue au malade. Toutes les questions ne sont pas réglées pour autant : une information trop complète, trop exhaustive risque d’empêcher un consentement clair ; une information complexe et donnée trop rapidement peut perturber le patient au point de l’induire en erreur. Il ne faudrait donc pas que l’évolution vers une information adaptée et proportionnée à l’état du malade ne soit vue que comme une contrainte supplémentaire pour les médecins ; au contraire, une telle information rend le patient acteur de sa maladie et équilibre la relation médicale médecin/malade.

La información al paciente o al enfermo es reconocida ya como un derecho verdadero. Consagrado por los textos (en particular por el Código de Salud Pública), modifica profundamente la relación entre el paciente y el médico. En efecto, solo una información clara, leal y adaptada le permite al enfermo dar un consentimiento fundamentado a los cuidados que el personal médico va a proporcionarle. El avance es notable, alentado por la jurisprudencia, que lo ve como una garantía importante que se le reconoce al enfermo. Eso no significa que estén resueltas todas las cuestiones : una información demasiado completa, demasiado exhaustiva puede impedir un consentimiento claro ; una información compleja y dada demasiado rapidamente puede perturbar al paciente hasta llevarle a engaño. Eso no significa, en ese caso, que el médico haya de considerar el hecho de evolucionar hacia una información adaptada y proporcionada al estado de salud del paciente, como una limitación adicional ; al contrario, tal información hace del paciente el actor de su enfermedad y equilibra la relación médica médico/enfermo.

A informação do paciente ou do enfermo é agora reconhecida como um direito real. Consagrada pelos textos (em especial pelo código de saúde pública), ela modifica profundamente a relação entre o paciente e o médico. Somente informações claras, leais e adaptadas permitem que o paciente dê consentimento informado aos cuidados que a equipe de assistência médica fornecerá. O progresso é notável, incentivado pela jurisprudência que o vê como uma importante garantia reconhecida ao paciente. Nem todas as questões são resolvidas : informações que sejam muito abrangentes, muito exaustivas podem impedir o consentimento claro ; informações complexas fornecidas com muita rapidez podem perturbar o paciente a ponto de induzir em erro. Isso não significa, nesse caso, que o médico deva considerar o fato de evoluir para uma informação adaptada e proporcional ao estado de saúde do paciente como limitação adicional ; pelo contrário, tal informação faz do paciente o ator de sua doença e equilibra a relação médica médico/ paciente.

The patient's information is now recognized as a real right. Consecrated by the texts (in particular by the public health code), it profoundly changes the relationship between the patient and the doctor. Only clear, fair and tailored information allows the patient to give informed consent to the care that the health care team will provide. The progress is remarkable, encouraged by the jurisprudence that sees it as a principal, acknowledged guarantee to the patient. Not all issues are resolved : information that is too embracing, too exhaustive, may preclude explicit consent ; complex information provided very quickly can disrupt the patient to the point of misleading. This does not mean, in this case, that the medication should consider evolving to information adapted and proportional to the patient's state of health as an additional limitation ; on the contrary, such information makes the patient the actor of his illness and balances the doctor/patient relationship.

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Information du patient et consentement éclairé apparaissent comme deux notions indissociables. Le consentement éclairé comporte deux éléments : une information nécessaire et l'expression d'une volonté. Le consentement ne peut être éclairé sans information préalable, complète et objective. Cette information donnée par le médecin conditionne le caractère éclairé du consentement du patient.

Note de bas de page 1 :

Art L 1111-2 du Code de la santé publique (CSP), modifié en dernier lieu par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 1976 : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel ».

Note de bas de page 2 :

Art L 1111-4, al. 4 CSP : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

Les pouvoirs publics traitent avec plus d'attention aujourd'hui les relations entre le professionnel de santé et le patient ou le malade. Traditionnellement inégalitaires (le médecin possède la science, le savoir, le patient est fragilisé par la maladie), elles évoluent vers un rééquilibrage des relations. Les textes consacrent désormais officiellement ce qui n'était que normes déontologiques : toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé1, et aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans son consentement libre et éclairé2. Cette avancée est le fait des lois Kouchner n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et Léonetti n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, ainsi que de la loi Léonetti-Claeys n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Note de bas de page 3 :

CEDH 29 avril 2002 Pretty c/ Royaume-Uni, AJDA 2003, p. 1383, note B. Le Baut-Ferrarèse ; Gaz. Pal. 2002, n° 226, p. 2, note A. Garay ; Médecine et Droit 2003, n° 60, p. 98, note N. Narayan-Fourment ; JCP-G 2003, n° 15, p. 676, note C. Girault ; RTDH 2003, n° 53, p. 71, note O. de Schutter.

Note de bas de page 4 :

Art 5 de la Convention d’Oviedo ; ces dispositions figurent dans le chapitre II de la convention, consacré au Consentement ; l’article 5 Règle générale précise que « Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.
Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.
La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement ».

Cette préoccupation dépasse les frontières. Elle est apparue dans plusieurs Etats européens et aux Etats-Unis au début des années 60. La Cour européenne des droits de l'Homme considère que « l'imposition d'un traitement médical sans le consentement du patient, s'il est adulte et sain d'esprit, s'analyse en une atteinte à l'intégrité physique de l'intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l'article 8 de la convention »3. La convention d'Oviedo pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997, convention ratifiée par la France le 13 décembre 2011 et entrée en vigueur le 1er avril 2012, consacre la règle selon laquelle une intervention ne peut être pratiquée qu'après avoir obtenu le consentement libre et éclairé du patient4.

Néanmoins, si les droits des patients ont été consolidés, ils ne l'ont été que de manière relative. Qui plus est, ils n'ont pas fait disparaître le pouvoir de décision du médecin.

I – L'extension nuancée des droits du patient

L'article L 1111-4, al. 1 CSP énonce que « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». Le malade se voit ainsi élevé au rang de co-auteur des décisions de santé ; cependant, les garanties qui lui sont accordées se révèlent imparfaites.

A – Une volonté législative de garantir les droits du patient

L'une des finalités de la loi Kouchner est celle du partage des prérogatives du médecin dans le processus de la prise de décision et ainsi de la revalorisation du pouvoir du patient. L'aboutissement est de parvenir à une co-décision, à tout le moins à une décision partagée. Pour ce faire, la loi du 4 mars 2002 a consacré un droit à l’information au profit du patient de même qu'elle préconise la recherche systématique d'un consentement éclairé.

1 – La consécration d'un droit à l’information au profit du patient

Note de bas de page 5 :

Art L 1111-2 CSP.

Note de bas de page 6 :

Cass civ 1ère, 12 juillet 2012, n° 11-17510.

Note de bas de page 7 :

Cass civ 1ère, 12 juin 2012, n° 11-18327 ; Dalloz, 2012, p. 1794, note A. Laude.

Note de bas de page 8 :

CE, ord. 16 août 2002, Mme Feuillatey, n° 249552 : « le droit pour le patient d’accepter ou de refuser un traitement a le caractère d’une liberté fondamentale ; en revanche c’est à tort que ce même juge a estimé qu’il était possible, en cas de risque vital, d’intervenir contre le consentement du patient ; tant les principes généraux qui découlent de l’inviolabilité du corps humain que les dispositions introduites dans le code de la santé publique par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé exigent au contraire ce consentement, dès lors que, comme en l’espèce, le patient est en mesure de l’exprimer ».

L'information a longtemps été une prérogative exercée par un médecin qui appréciait en conscience si son patient devait en recevoir la délivrance. Désormais, depuis 2002, il existe un droit du malade à être informé : le patient a le droit d'exiger du thérapeute la communication de l'information5. Le droit à l’information peut alors être considéré par le juge comme un droit subjectif de la personne et non plus seulement comme un devoir du professionnel de santé6. La Cour de cassation le rattache au principe de dignité de la personne humaine et d'intégrité du corps humain7. Le juge administratif, pour sa part, fait du droit au consentement aux soins une liberté fondamentale au sens de l'article L 521-2 CJA8.

Note de bas de page 9 :

CE 28 juillet 2011, n° 331126 : « il appartient aux praticiens des établissements publics de santé d'informer directement le patient des investigations pratiquées et de leurs résultats, en particulier lorsqu'elles mettent en évidence des risques pour sa santé, à moins que celui-ci n'ait expressément demandé que les informations médicales le concernant ne lui soient délivrées que par l'intermédiaire de son médecin traitant ; que, par suite, la cour, après avoir relevé que les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir que le médecin pneumologue du centre hospitalier ait informé M. C de la suspicion d'un cancer bronchique à l'issue des investigations menées en mars et mai 2001, n'a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que l'information de M. C avait été assurée par le seul envoi par l'hôpital du compte rendu des examens à son médecin traitant alors qu'il n'avait pas expressément demandé que seul ce dernier lui indique les résultats des investigations pratiquées sur sa personne ».

Le malade est le destinataire direct de l'information. La transmission de l'information au seul médecin traitant est sanctionnée par le juge9, à moins que le patient n'ait expressément demandé à ce que les informations médicales le concernant ne lui soient délivrées que par l'intermédiaire de son médecin traitant.

Note de bas de page 10 :

Art L 1111-7 CSP.

Note de bas de page 11 :

Rapport d’information par la mission d’information commune sur l’indemnisation des victimes d’infestions nosocomiales et l’accès au dossier médical, Ass. Nationale, 2009, n° 1810. « La reconnaissance d’un droit d’accès direct du patient au dossier médical a fait craindre aux professionnels de santé une hausse des demandes de consultation des dossiers motivées par une volonté de mettre en cause leur savoir-faire professionnel et de rassembler les preuves nécessaires à un engagement de leur responsabilité. Si l’augmentation des demandes est réelle, le risque, tant annoncé, d’une extrême judiciarisation des relations entre les praticiens et leurs patients ne s’est pas réalisé » (Rapport, p. 27).

Note de bas de page 12 :

Art L 1111-2 al 1 in fine CSP : « Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver ».

L'information doit être communiquée avant tout acte médical, mais la loi du 4 mars 2002 a étendu cette obligation après l'acte médical, en autorisant l'accès direct au dossier médical et en instituant une obligation de suivi. Le patient a en effet un droit d'accès à son dossier médical postérieur aux soins10. Il peut le faire directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne. La consultation se fait sur place ou par l'envoi d'une photocopie. Sont communicables l'ensemble des informations concernant sa santé « qui sont formalisées » : résultats d'examens, compte-rendu de consultation, feuilles de surveillance, … Les raisons de cette démarche résultent d'une demande d'avis à un autre médecin, ou d'une volonté d'obtenir une information sur sa santé. Elles ne révèlent pas a priori une optique contentieuse11. Une obligation de suivi s'impose également lorsque, postérieurement aux soins, des risques nouveaux sont identifiés12 : la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver (ex : irradiés d'Epinal, prothèses mammaires, médiator, …).

Note de bas de page 13 :

Cass civ, 1ère ch., 25 février 1997, Hédreul c/ Cousin et autres, RTDCiv.1997, p. 434, note P. Jourdain ; CE Sect., 5 janvier 2000, consorts Telle, n° 181899 ; AJDA 2000, p. 137, chron. M. Guyomar et P. Collin ; RFDA 2000, p. 61, concl. D. Chauvaux. Art L 1111-2 al. 7 CSP : « En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ».

Note de bas de page 14 :

Art L 1111-2 CSP : « Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile ».

La preuve de l'obligation d'information incombe au médecin13. Le juge est exigeant sur le contenu de l'information qui est délivrée au malade. L'information concerne les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leurs conséquences, de même qu'elle doit préciser les risques d'accidents médicaux14. Ceux-ci sont définis de manière extensive par le juge. L'information doit porter sur les risques fréquents ou graves de même que sur les risques normalement prévisibles.

Note de bas de page 15 :

CAA Lyon 20 mars 2014, n° 13LY00145.

Note de bas de page 16 :

Conclusions de Serge Daël sur CE, Ass., 9 avril 1993, Bianchi, Rec., p. 127.

Note de bas de page 17 :

CE, Ass., 19 mai 2004, Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France, n° 216039 ; AJDA 2004, p. 1361, chron. C. Landais et F. Lenica.

Communiquer sur les risques fréquents oblige à opérer une sélection, un tri parmi les risques et n'oblige pas, a priori, à l'exhaustivité15. Le risque grave recouvre le risque de décès et les risques d'invalidité (perte d'usage d'un membre ou d'un organe). Les risques connus sont ceux qui sont répertoriés et mesurés dans la littérature médicale16. Les risques exceptionnels doivent également faire l'objet d'une information bien que la loi du 4 mars 2002 ne l'exige pas expressément. Le Conseil d'Etat l'a affirmé dès 200417, reprenant une jurisprudence antérieure à la loi. L'information doit être complète et suffisante pour permettre au patient d'exprimer un consentement éclairé que le médecin doit s'efforcer de rechercher en toute circonstance.

2 – La recherche systématique d'un consentement éclairé

Note de bas de page 18 :

Il était auparavant prévu par l'art 36 du Code de déontologie médicale.

Note de bas de page 19 :

Art L 1111-10 CSP, abrogé par la loi du 2 février 2016 : « Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical ». Ces dispositions ont été reformulées aux articles L. 1110-5 et L. 1110-5-1 CSP.

La loi du 4 mars 2002 consacre le principe d'un droit au consentement aux soins18. L'article L 1111-4 CSP dispose en ce sens qu'« aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et le consentement peut être retiré à tout moment ». Ce principe est réaffirmé et précisé par la loi Léonetti du 22 avril 2005 pour les personnes en fin de vie qui peuvent décider de limiter ou d'arrêter tout traitement19.

Note de bas de page 20 :

Elles figurent désormais aux art L 1111-5 et s. CSP après l’entrée en vigueur de la loi du 2 février 2016.

Note de bas de page 21 :

Art L 1111-4 CSP, al. 6 et 7.

Le consentement du patient doit être recherché systématiquement, que le malade soit un majeur, capable ou incapable, ou qu'il soit mineur. Si le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, les textes organisent la formulation d'un consentement médiatisé par l'intermédiaire de la personne de confiance ou, à défaut, d'un de ses proches. La loi Léonetti a créé les directives anticipées, par lesquelles le malade indique ses souhaits, quant à sa fin de vie, concernant les conditions de la limitation ou de l'arrêt de traitement20. En revanche, le consentement des mineurs ou des majeurs sous tutelle doit être systématiquement recherché s'ils sont aptes à exprimer leur volonté ou à participer à la décision, ce qui est fonction de la maturité du mineur ou de la capacité de discernement du majeur incapable21.

Même pour les patients atteints par la maladie d'Alzheimer, il leur est possible de consentir à la recherche tant qu'ils disposent encore de leur faculté de discernement. Lorsque tel n'est pas le cas, la maladie étant évolutive, l'adhésion du patient sera recherchée, accompagnée de l'autorisation de son représentant légal, du conseil de famille si une tutelle est ouverte, ou du curateur.

La même volonté d'adhésion se retrouve s'agissant de l'assentiment des mineurs à la recherche biomédicale. Un consensus se dégage, tant au plan interne qu'au plan international, sur le fait que le mineur, même vulnérable et incapable juridiquement, doit être une partie prenante dans la prise de décision. L'assentiment est fonction de l'âge du mineur (15 ans en Finlande, 15 à 17 ans au Danemark, 12 ans en Espagne, 7 à 17 ans en Estonie, appréciation au cas pas en France et aux Etats-Unis). Il ne suffit toutefois pas ; il doit être accompagné du consentement de ses parents ou de celui de son représentant légal.

Note de bas de page 22 :

Art L 1111-2 al 3 CSP.

Note de bas de page 23 :

CE 10 mars 2004, n° 251594 : « si le chirurgien hospitalier atteste, dans des correspondances en date des 9 juin 1997 et 16 janvier 1998, soit quatre ans après le décès de M. Y survenu le 18 janvier 1993, avoir correctement informé ce dernier des risques de l'intervention envisagée, en particulier lors d'une consultation, le 29 décembre 1992, ces documents ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir que ce praticien se serait acquitté de son obligation d'information ; que la circonstance que M. Y a été reçu par plusieurs praticiens avant l'intervention ne saurait davantage établir la réalité de ladite information ».

Note de bas de page 24 :

CAA Douai, 30 juin 2010, n° 09DA00054 : « la production, annexée au rapport d'expertise, de la notice d'information remise aux patients de l'établissement qui mentionne la perforation de la paroi intestinale parmi les complications possibles d'une coloscopie n'est pas davantage de nature à justifier qu'une information suffisante avait été donnée à M. A lui permettant de recueillir son consentement éclairé quant à l'exérèse d'un polype ; que dans ces conditions, dès lors que le Centre hospitalier régional et universitaire de Rouen ne justifie pas avoir fourni l'information exigée par les dispositions précitées du code de la santé publique ».

Note de bas de page 25 :

Cass civ 1ère, n° 08-21683, 14 octobre 2010, l’information devant être ici loyale compte tenu du fait que le patient participait à un protocole de recherche.

Note de bas de page 26 :

CAA Paris 17 février 2005 CH de Montmorency, n° 01PA01893.

Les modalités d'expression du consentement font également l'objet de précisions de la part du législateur et de beaucoup d'exigences du juge administratif. La loi prévoit un entretien individuel qui permettra au professionnel de santé d'expliquer la nature de l'intervention ou du traitement, ses apports, ses bénéfices, les risques encourus. Il met également le patient en position d'interroger le praticien dans le but de recueillir un consentement éclairé22. Cependant, le juge estime qu'un entretien préalable entre un médecin et son patient ne suffit pas23, pas plus que la production d'une notice d'information24, ou l'existence d'affirmations orales du médecin25. La production d'un document écrit signé par le patient n'est ni nécessaire ni suffisante. En revanche, le consentement sera éclairé lorsqu'il sera l'aboutissement d'un suivi sérieux et traçable du malade qui révèle la tenue d'un entretien, l'existence de plusieurs consultations, outre la remise éventuelle de documents26.

La situation du patient a été améliorée et consolidée à partir de 2002 ; elle se révèle cependant imparfaite à certains égards.

B – Une garantie imparfaite

Cette imperfection se manifeste à deux égards :

1 – La complexité des règles juridiques

L'information doit constituer un vecteur de protection de la personne vulnérable, le malade. Cependant, le bilan de cette garantie peut se faire en demi-teinte à plusieurs égards.

Note de bas de page 27 :

Art L 1111-4 CSP.

Note de bas de page 28 :

CE, 3 février 2016, CHRU de Lille, n° 376620.

Le régime juridique auquel sont soumis les patients est composite, éclaté. Le principe selon lequel aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne est assorti d'un certain nombre d'exceptions qui concernent les personnes qui ne sont pas en état de donner leur consentement, l'urgence et l'impossibilité27, les refus de soins ; les juges évoquent désormais le caractère impérieux de l’opération chirurgicale, excluant toute possibilité raisonnable de refus28.

Les textes prennent en considération toute une série de particularismes en prévoyant des dispositions spécifiques pour les mineurs, les majeurs sous tutelle, les personnes inconscientes. La volonté législative de prévoir toutes les situations possibles a conduit à l'élaboration d'un régime juridique complexe parce que fait de nombreuses particularités liées à la personne qui consent (mineur, majeur protégé ou non), aux types de soins proposés (préventifs, curatifs, palliatifs), aux différentes situations (urgence, inconscience, fin de vie, …). Les principes directeurs des différentes réformes finissent par être occultés.

Note de bas de page 29 :

CE, 15 janvier 2001, Courrech, n° 184386.

Note de bas de page 30 :

CAA Versailles 19 novembre 2013, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, n° 12VE04186 : « Considérant qu'à supposer que M. C...ait reçu une information complète sur les risques inhérents à une lobectomie au mois de février 2007, la circonstance que l'intéressé ait déjà, une première fois, écarté la solution de recourir à cette intervention, le caractère évolutif de sa pathologie ainsi que le fait qu'il ait suivi pendant plusieurs mois une chimiothérapie qu'il a très mal supportée rendait indispensable qu'une nouvelle information lui soit délivrée avant la réalisation de l'intervention chirurgicale du 10 décembre 2007 ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que cette information aurait été dispensée à M. C... ; que c'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'AP-HP au titre d'un défaut d'information de l'intéressé ».

Note de bas de page 31 :

CAA Marseille 13 février 2014, Centre hospitalier de Draguignan, n° 11MA02696 : « Considérant que les termes dans lesquels ce document est rédigé ne démontrent pas, il est vrai, qu'une information exhaustive sur les risques auxquels s'exposait M. C... lui a été délivrée ; qu'ils sont toutefois de nature à démontrer qu'un entretien a eu lieu avant l'intervention, au cours duquel M. C...a été mis à même d'interroger le praticien qui allait l'opérer afin de prendre une décision éclairée ».

Qui plus est, le contenu de l'information délivrée au patient a été interprété dans un sens toujours plus extensif au point de confiner à l'exhaustivité ; or trop d'informations tue l'information. L'information médicale doit en effet porter sur les risques fréquents ou graves, et normalement prévisibles. Le juge a considéré qu'elle concernait en outre les risques exceptionnels, reprenant ainsi une jurisprudence antérieure à la loi du 4 mars 2002. Cependant, il estime qu'un risque dont l'occurrence de réalisation est de 1 ou 2 % ne constitue pas un risque exceptionnel29. Il semble exiger une information « complète »30, voire une information exhaustive31.

Note de bas de page 32 :

Recommandations de la haute autorité de santé sur la délivrance de l’information à la personne sur son état de santé, mai 2012, point 2.4.

Le malade va ainsi se trouver submergé par un flot d'informations qu'il ne maîtrisera pas et que le déroulement d'un entretien individuel avec le médecin ne dissipera pas complètement. En effet, l'habitude a été prise, dans la pratique, par les professionnels de santé, de remettre au patient et de lui faire signer des documents énonçant la liste exhaustive des risques encourus par le traitement ou l'intervention, ce alors même que le code de déontologie médicale ne préconise qu'un entretien oral. Les récentes recommandations de bonnes pratiques émises par la Haute Autorité de santé et homologuées par le ministre de la santé rappellent que « la délivrance de l'information, qui implique un dialogue, se fait toujours dans le cadre d'un entretien individuel » ; elles ajoutent que « l'information, qui est toujours orale, est primordiale »32.

Apparaît ainsi, de cette manière, toute l'ambiguïté du fondement du principe du droit à l'information : est-ce une condition du consentement éclairé donc une protection du malade, ou bien une garantie pour le médecin contre l'engagement d'une éventuelle responsabilité ? La solution est probablement médiane. L'information délivrée au malade doit être complète pour qu'il puisse décider en toute connaissance de cause et que son consentement soit réellement éclairé. Cependant, les professionnels de santé, devant la multiplication d'actions en justice à leur encontre, tentent de se prémunir et de faire signer des documents « décharge », ce d'autant plus que la preuve de l'obligation d'information leur incombe ; ils doivent justifier qu'ils s'en sont acquittés.

Note de bas de page 33 :

Mesure 40 du Plan Cancer.

Dans un autre domaine, les textes ont progressé, en prévoyant, pour certaines pathologies, une « consultation d’annonce ». Ce dispositif a été mis en place à partir des recommandations émises dans les Plans Cancer successifs ; ainsi le décret du 21 mars 2007 a subordonné l’autorisation de soins en cancérologie à la mise en place d’un dispositif d’« annonce du diagnostic et d’une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire, selon des modalités conformes aux référentiels de prise en charge définis par l’Institut national du cancer en application du 2° de l’article L. 1415-2 et traduite dans un programme personnalisé de soins remis au patient »33. Il ne s’agit pas d’un nouveau droit mais d’une obligation spécifique qui incombe non seulement au médecin mais à l’équipe soignante. Le temps médical de l’annonce, tel qu’il est décrit par le texte, comprend précisément un temps dédié à l’information du patient sur sa maladie, sur les orientations thérapeutiques qui peuvent lui être proposées ; c’est aussi un temps de dialogue autour de cette annonce « fondatrice de la confiance » de la relation qui va s’établir entre le patient, la famille et l’ensemble de l’équipe soignante. L’ensemble des éléments relatifs au dispositif d’annonce figurent dans le dossier du patient, ce qui permet une certaine traçabilité ; il est alors facile d’identifier la manière dont l’annonce a été faite, avec quelles personnes, sur combien de temps…

La réparation accordée au patient en cas de contentieux n'est pas satisfaisante non plus.

2 – La complexité du contentieux de la réparation

Le défaut d'information du patient et l'absence de recueil de son consentement constituent des fautes médicales commises par le praticien, de nature à engager sa responsabilité. Cependant, le juge a élaboré une jurisprudence très sophistiquée pour tenter de réparer l'intégralité du préjudice subi. Pour ce faire, il a multiplié les chefs d'indemnisation, ce qui ne contribue pas à simplifier la situation de la victime ni à lui assurer une garantie satisfaisante.

Note de bas de page 34 :

CE 17 février 1988, CHR de Nancy, n° 71974 : « en s'abstenant d'informer avec une suffisante précision M. X... des risques en partie prévisibles que comportait le traitement chirurgical entrepris, les praticiens du CHR de NANCY ont méconnu leurs obligations et commis une faute à nature à engager la responsabilité de cet établissement (…)compte tenu du préjudice esthétique subi par M. X..., eu égard aux importantes cicatrices dont il était déjà affecté au visage, des douleurs physiques qu'il a éprouvées au cours des 7 interventions dont il a été l'objet et enfin des troubles causés dans les conditions de son existence par les cicatrices dont il demeure atteint, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par lui en fixant à 80 000 F le montant de l'indemnité que le CHR de Nancy est condamné à lui verser » ; CAA Lyon 3 octobre 1996, Assistance Publique de Marseille, n° 94LY00891.

Jusqu'en 2000, le défaut d'information conduisait à l'indemnisation de l'intégralité du préjudice causé par la faute du professionnel de santé34. Toutefois, si le patient était et est toujours dispensé de la preuve de la faute, il devait apporter celle du lien de causalité entre le défaut d'information et le dommage causé ; donc le préjudice subi : il devait établir qu'il aurait certainement refusé les soins ou l'opération si le médecin l'avait correctement informé des risques qui y étaient attachés.

Or, il existe souvent un doute quant à l'attitude qu'aurait eue le patient si une information suffisante lui avait été délivrée, et ce doute profitait au professionnel de santé qui était rarement condamné par le juge. Qui plus est, la faute constituée par le défaut d'information ne peut être directement reliée avec le préjudice subi : le dommage trouve sa cause directe dans la pratique de l'acte médical et non dans l'absence d'information.

Note de bas de page 35 :

CE Sect. 5 janvier 2000 AP-HP c/ M. Guilbot, n° n° 198530 et du même jour consorts Telle ; Cass. civ 1ère ch., 7 février 1990, n° 88-14797 : « qu'en manquant à son obligation d'éclairer M. Y... sur les conséquences éventuelles de son choix d'accepter l'opération qu'il lui proposait, M. X... a seulement privé ce malade d'une chance d'échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s'est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles qui seules ont fait l'objet de la demande de réparation de M. Y ».

Note de bas de page 36 :

CE 11 juillet 2011 M. Audinot, n° 328183.

Pour contourner cette difficulté, le juge a déplacé le lien causal vers un autre préjudice, distinct du dommage corporel : le préjudice consistant en une perte de chance. Le défaut d'information fait perdre au patient une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé. Le juge administratif l'a admis en 2000, s'alignant en cela sur la jurisprudence de la Cour de cassation35. Néanmoins, le recours à la perte de chance présente deux inconvénients. D'une part, la réparation du préjudice corporel effectivement subi n'est que partielle. La perte de chance est certes intégralement réparée, mais elle ne constitue qu'une fraction des différents chefs de préjudice subis par le patient. D'autre part, la responsabilité du praticien est écartée quand il résulte des faits que le patient n'a perdu aucune chance d'éviter le dommage, dans la mesure où, même informé des risques, il aurait accepté l'opération36.

Note de bas de page 37 :

CE 10 octobre 2012 M. Michel C. c/ CHU de Rouen, n° 350426.

Note de bas de page 38 :

A. Minet, La perte de chance en droit administratif, LGDJ, BDP Tome 282, 2014.

Ce risque persiste même après l'interprétation restrictive, par le juge administratif, des hypothèses dans lesquelles les victimes se verront opposer l'absence de perte de chance : le Conseil d'Etat précise en ce sens que « c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance »37. La doctrine hésite, de plus, sur le rôle et la fonction de la perte de chance, élément intervenant au titre du lien de causalité, mais aussi préjudice autonome à réparer38.

Ces limites vont conduire à une nouvelle évolution jurisprudentielle différenciée selon les ordres de juridiction. La Cour de cassation a choisi de réparer l'atteinte à un droit subjectif : le droit du patient d'être informé, qui prend appui sur le droit au respect de l'intégrité corporelle, consacré à l'article 163 du code civil et le respect de la dignité énoncé à l'article 16 du même code.

Note de bas de page 39 :

CE 10 octobre 2012, préc.

Note de bas de page 40 :

CAA Bordeaux 11 mars 2014

Note de bas de page 41 :

CE, 16 juin 2016, n° 382479 : « Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ». La Cour de cassation retient également ce chef de préjudice : Cass. Civ. 1ère, 25 janvier 2017, n° 15-27898, Dalloz 2017, p. 555, note S.-M. Ferrié. Pour une comparaison avec l’étranger, M. Girer et L. Klesta, L’obligation d’information du médecin en France et en Italie, RDSS 2015, p. 853.

Le Conseil d'Etat a décidé de réparer un préjudice autonome, indépendant de la perte de chance de refuser l'intervention, le préjudice d'impréparation : le défaut d'information n'a pas permis au patient de se préparer à l'éventualité des implications39. Il appartient néanmoins à la victime d'en établir la réalité et l'ampleur et le juge se montre exigeant : il ne suffit pas d'évoquer les difficultés rencontrées pour faire face à un décès40. Ce préjudice peut se cumuler avec la perte de chance. Le juge administratif reconnaît désormais le préjudice d’impréparation psychologique, en estimant que la souffrance morale est présumée41.

Note de bas de page 42 :

Chambre des Lords 14 octobre 2004, Chester c/ Afshar.

La multiplication de ces chefs d'indemnisation ne contribue pas à simplifier la situation de la victime. La chambre des Lords, en Grande-Bretagne, a opté pour une solution qui a le mérite de la clarté : elle considère que le dommage lié à la réalisation d'un risque qui n'avait pas été révélé au patient pour obtenir son consentement doit être réparé intégralement42. En outre, l'extension du droit à information n'a pas fait disparaître le pouvoir décisionnel du médecin.

II - Le maintien du pouvoir décisionnel du médecin

Le patient, correctement informé, exprime son consentement libre et éclairé à un traitement ou à une intervention. Il devient acteur de la décision de santé et co-décideur de l'acte médical avec le professionnel de santé. L'article L 1111-4 CSP affirme en ce sens que « Tout patient prend, avec le professionnel de santé … les décisions concernant sa santé ». Cependant, la relation est disproportionnée par essence même : le malade est fragile, et le médecin a seul le pouvoir d'alléger ses souffrances et de supprimer ses maux. Aussi a-t-il le pouvoir de décider, en l'absence de consentement du malade, voire de s'opposer à la volonté du patient.

A – Le pouvoir de décision médicale en l'absence de consentement du malade

Le médecin peut agir de la sorte lorsque l'urgence ou l'impossibilité sont avérées, ou bien dans l'hypothèse où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté.

1 – L'urgence ou l'impossibilité

Note de bas de page 43 :

Art L 1111-2 al 2 CSP

Note de bas de page 44 :

Art L 1111-2 al 2 CSP

Ce sont les seules véritables exceptions, tant à l'obligation d'information43 qu'à l'obligation de recueil du consentement du patient44.

Note de bas de page 45 :

Art 223-6 code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

Le médecin est autorisé à intervenir en cas d'urgence, sans que le patient ait été informé, ni n'ait pu consentir, car son état nécessitait des soins immédiats. Il y a une obligation légale d'intervenir pour le médecin sous peine d'être poursuivi pénalement pour non-assistance d'une personne en danger45. Il n'existe toutefois pas de définition légale de l'urgence, c'est au professionnel de santé qu'il appartient de l'apprécier. Elle correspond aux situations mettant la vie ou les fonctions vitales de la personne en danger immédiatement. Il est possible de considérer qu'en pareilles circonstances, le patient ait présumé consentir aux soins : un individu raisonnable aurait choisi l'intervention médicale, nonobstant les risques inhérents à celle-ci, dans le but de tenter de sauver sa vie.

Note de bas de page 46 :

CAA Bordeaux 12 octobre 2004, n° 01BX01397 : « compte tenu de l'urgence qui était attachée à la réalisation de la césarienne, aucun manquement au devoir d'information ne peut être retenu à l'encontre du centre hospitalier quant aux risques présentés par l'intervention chirurgicale pratiquée ; que M. et Mme Y ne sauraient utilement faire état d'un manque d'information relatif à l'agencement des locaux ».

Note de bas de page 47 :

CAA Bordeaux, 2 novembre 2010, n° 09BX02055 : « le groupe hospitalier Sud Réunion était confronté à une situation d'urgence, laquelle le dispensait d'informer les représentants légaux de l'enfant des risques liés à l'acte médical pratiqué ; qu'en l'absence de faute, compte tenu de cette situation d'urgence, la responsabilité du groupe hospitalier Sud Réunion à raison du devoir d'information ne saurait être engagée ni à l'égard de M. et Mme en leur qualité de représentants légaux de leur l'enfant , ni à leur égard en leur nom propre ».

Note de bas de page 48 :

CAA Bordeaux, 16 juillet 2013.

Note de bas de page 49 :

Cass civ 1ère, 15 juillet 1999.

Note de bas de page 50 :

CAA Marseille 13 mars 2014.

Dans la pratique, le juge la retient rarement : par exemple la réalisation d'une césarienne46 ou une intubation47, ou bien l'absence de délai entre l'admission à un centre hospitalier et la prise en charge immédiate48. En revanche, l'état d'anxiété du patient ne constitue pas un fait justificatif suffisant49. Dans le même sens, le délai d'une douzaine d'heures qui s'écoule entre la prescription d'une intervention et sa réalisation ne constitue pas non plus une situation d'urgence permettant de dispenser le médecin de son obligation d'information50.

Note de bas de page 51 :

TA Versailles 21 mars 2011.

L'impossibilité correspond aux hypothèses où le patient ne dispose pas de toutes ses facultés mentales (maladie d’Alzheimer), est inconscient ou dans le coma, ou bien à l'impossibilité de retrouver le patient lorsque postérieurement à l'exécution de l'acte médical, des risques nouveaux sont identifiés. Il y a peu d'applications jurisprudentielles là encore. Cependant, le juge a considéré que l'impossibilité de prévenir la famille de l'aggravation de l'état de santé d’un de ses proches n'était pas fautive dans la mesure où ils avaient éteint leur téléphone portable51.

2 – Le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté

Note de bas de page 52 :

Art L 1111-4 al 4 CSP.

Note de bas de page 53 :

Art L 1111-6 CSP.

Dans ce cas de figure, les textes organisent un consentement médiatisé. La loi Kouchner du 4 mars 2002 prévoit l'intervention d'une personne de confiance, ou de la famille, ou à défaut, d'un des proches52. La personne de confiance est instituée pour faciliter la relation entre le patient et le médecin. Elle accompagne le malade, s'il le souhaite, dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions53. Elle est désignée par le patient ou le malade, elle peut être un parent, un proche ou le médecin traitant. La désignation doit se faire par écrit, elle est révocable à tout moment.

Lors d'une hospitalisation, il est proposé de désigner une personne de confiance. Peu de gens effectuent cette démarche. Selon un sondage réalisé en septembre 2010, seules 2 % des personnes interrogées avaient connaissance de cette possibilité. Les raisons en tiennent à la confusion entre personne de confiance et personne à prévenir, à la difficulté de trouver quelqu'un qui accepte de jouer ce rôle, ainsi qu'au fait que la personne de confiance est associée à la fin de vie. Cependant, la loi précise que la personne de confiance est seulement consultée par le médecin, son avis n'est qu'un simple indice permettant au médecin de prendre seul (avec l’équipe médicale) la décision finale. C'est à lui qu'il appartient d'assurer la protection de la personne hors d'état d'exprimer sa volonté.

Note de bas de page 54 :

Art L 1111-11 CSP : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux.
A tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige.
Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches (…) ».

Note de bas de page 55 :

Art L 1111-4 al 5 CSP

Note de bas de page 56 :

« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ».

La loi Léonetti a créé un autre consentement médiatisé avec les directives anticipées. Celles-ci indiquent les souhaits de la personne, relatifs à sa fin de vie, concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement54. Elles sont valables trois ans seulement et peuvent être modifiées ou révoquées, sans formalisme particulier. Le médecin doit s'enquérir de l'existence éventuelle de directives anticipées auprès de la personne de confiance, de la famille, de proches ou du médecin, et il les conservera dans le dossier médical. Néanmoins, là encore, le médecin n'a qu'un devoir de les consulter55 mais il doit en tenir compte et cette obligation est en train de se renforcer56. Elles sont dépourvues de force obligatoire. Elles ne constituent qu'un élément d'information dont l'appréciation est laissée aux professionnels de santé ; elles sont un « guide à la réflexion médicale ».

Dans certains Etats européens, en revanche, le droit au refus de soins a une valeur contraignante. Tel est le cas de l'Espagne, de la Belgique ou de la Suisse, premier pays à avoir prévu des directives anticipées, dès 1982. Dans cet Etat, toute personne a le droit de faire état, à l'avance et par écrit, dans le même document, de directives anticipées et de la désignation d'un « représentant thérapeutique » chargé de consentir ou de refuser un traitement médical à sa place lorsque le malade ne sera plus en capacité de manifester sa volonté. En Belgique, le législateur accorde une plus grande reconnaissance à l'institution de la personne de confiance appelée « mandataire ».

Note de bas de page 57 :

Art 15 loi du 22 août 2002.

Toute résolution prise par lui est dotée de valeur contraignante et devra être respectée par l'équipe médicale, à la seule condition qu'elle serve l'intérêt du patient. En cas de désaccord toutefois, le médecin pourra passer outre la décision du représentant, mais il devra agir « dans l'intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé »57. Le législateur espagnol privilégie quant à lui les directives anticipées, qui ont force contraignante. La réglementation de ces volontés est laissée à la discrétion des communautés autonomes. Néanmoins, pour faciliter leur accessibilité au personnel soignant, une législation nationale a prévu, en 2007, l'élaboration d'un registre central au sein du ministère espagnol de la santé et de la consommation.

La convention d'Oviedo affirme simplement que les directives anticipées sont prises en compte, mais elle n'interdit pas aux Etats d'aller plus loin dans le respect de la volonté du patient. La difficulté réside toutefois dans l'applicabilité de ces directives anticipées. Celles-ci peuvent être trop générales, donc difficiles d'interprétation, ou trop précises, et ainsi sans pertinence pour une situation concrète. Qui plus est, la volonté est exprimée à un moment où la personne n'est, a priori, pas encore malade. Mais confrontée à une situation de détresse, sa volonté peut ne plus être la même sans qu'elle puisse réellement l'exprimer. Le législateur français fait primer la protection du malade et accorde une place fondamentale au médecin qui prendra in fine la décision médicale. Dans certaines hypothèses, il pourra même s'opposer à la volonté du patient.

B – Le pouvoir de s'opposer à la volonté du malade

La possibilité d'une ingérence médicale est prévue par la loi, mais elle fait également l'objet d'une extension acceptée par le juge.

1 – L'ingérence médicale prévue par la loi

Le législateur a prévu deux cas de figure dans lesquels le médecin pourra s'opposer à la volonté du patient, l'un dans le but de protéger les tiers, l'autre dans l'intérêt du malade.

Note de bas de page 58 :

Art L 1111-2 al 4 CSP : « La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ».

Toute personne peut en effet souhaiter être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic. Sa volonté doit être respectée sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission58 : on pense ici aux affaires des irradiés des hôpitaux d'Epinal ou de Rangueuil, en 2006, à celle de l’implantation de prothèses mammaires défaillantes, à l’affaire du Médiator, …

En outre, si l'autorité parentale ou le représentant légal refusent un traitement et que celui-ci « risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeurs sous tutelle », l'article L 1111-4 al 6 CSP affirme que « le médecin délivre les soins indispensables ». C'est une injonction qui est adressée au médecin, qui appréciera la situation et décidera. La loi substitue le médecin aux représentants légaux et lui donne compétence pour protéger la santé du mineur ou du majeur sous tutelle à leur place.

La protection des personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leurs facultés mentales fait l'objet d'un dispositif légal à deux niveaux. Au premier rang, se trouvent les représentants légaux, mais en cas de défaillance de leur part, la loi confie ce pouvoir au médecin. Le professionnel de santé a toujours la possibilité de passer outre le consentement du tuteur ou de l'autorité parentale si cette décision du représentant se révèle contraire à l'intérêt de la personne protégée.

2 – L'ingérence médicale acceptée par le juge

Note de bas de page 59 :

Art L 1111-4 CSP : « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.

Lorsque le patient décide ou refuse d'interrompre tout traitement, la loi dispose que le médecin doit respecter la volonté du malade59.

Note de bas de page 60 :

Art L 1111-4 al 2 CSP, précité.

La situation du professionnel de santé est toutefois délicate. Il est en effet confronté à deux obligations inconciliables : l'obligation déontologique de soigner si une nécessité médicale est avérée d'une part, et l'obligation légale de respecter la volonté de son patient. Certes, la loi prévoit une procédure renforcée de nature à s'assurer que telle est bien la volonté du patient : le médecin doit tout mettre en œuvre pour le convaincre d'accepter les soins indispensables ; il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable et cette décision sera inscrite dans son dossier médical60.

Note de bas de page 61 :

Art L 1110-5-1 CSP : « Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire.
La nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article ». Voir sur ce point la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017.

Note de bas de page 62 :

Ibid.

Mais, en cas de refus définitif du patient, le médecin peut-il intervenir et protéger son malade contre ses propres choix ? La loi du 4 mars 2002 ne le prévoit pas expressément, mais elle ne l'interdit pas non plus. Le seul cas où le législateur libère le médecin de son obligation de soin est celui où l'acte ou le traitement s'apparente à de l'obstination déraisonnable61 : si le patient est en fin de vie, hors d'état d 'exprimer sa volonté et alors qu'il ne l'a pas fait lorsqu'il était en état de le faire, le médecin « peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne »62. Il devra pour ce faire respecter une procédure collégiale et consulter la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un proche.

Note de bas de page 63 :

CE Ass 26 octobre 2001 Mme Sénanayaké, RDP 2004, p. 139, note J. Clerckx ; RFDA 2002, p. 146, concl. D. Chauvaux, p. 156, note D. de Béchillon.

Avant la loi du 2 mars 2002, le juge n'a pas retenu la responsabilité du médecin qui n'a pas respecté la volonté du malade qui refusait une transfusion sanguine, en raison de ses convictions religieuses63. Il a toutefois encadré les conditions dans lesquelles la volonté du patient peut être méconnue. Le praticien doit avoir employé tous les moyens à sa disposition pour convaincre le patient d'accepter les soins, et l'acte en cause doit être indispensable à la survie du malade et proportionné à son état.

Note de bas de page 64 :

CE ord 16 août 2002 Mme Feuillatey, précitée.

Note de bas de page 65 :

CE Ass 14 février 2014 Mme Lambert, dossier à la RFDA 2014, n° 3 ; JCP-A 2014, n° 41, p. 32, note H. Pauliat, D. Bordessoule et al.

Le Conseil d'Etat a maintenu cette jurisprudence après la loi Kouchner. Il estime qu'une transfusion réalisée en dépit du refus du patient ne porte pas une « atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté fondamentale que constitue le consentement aux soins, dès lors que les conditions exigées sont respectées. Il ajoute qu'un acte de cette nature n'est pas non plus incompatible avec la Convention européenne des droits de l'Homme64. Le juge des référés peut prescrire une expertise médicale et solliciter l'avis de toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement les juridictions65.

Note de bas de page 66 :

CEDH 22 mars 2001 Streletz, Kessler et Krenz c/ Allemagne.

Certains auteurs estiment qu'il s'agit d'une jurisprudence contra legem. Le juge administratif a fait prévaloir le droit à la vie qui n'a pas valeur constitutionnelle, contrairement à ce qui se passe dans certains Etats (art 2 de la Loi Fondamentale allemande, art 15 de la Constitution espagnole de 1978). La Convention européenne des droits de l'Homme considère que le droit à la vie constitue « une attribution inaliénable de la personne humaine et qu'il forme la valeur suprême dans l'échelle des droits de l'Homme »66.