Les objectifs de ce travail étaient de mettre au point un procédé d’élaboration et de caractériser une protection anti-oxydation pour des matériaux carbonés. L’étude bibliographique a montré la nécessité d’un système multicouche afin de répondre aux exigences liées à l’utilisation dans une large gamme de température et de pression d’oxygène. Le système HfB2-SiC a été choisi car il représente un bon compromis entre réactivité à basse température et réfractarité des phases formées.
Le procédé d’élaboration consiste en l’infiltration à 1703K de silicium liquide dans une préforme poreuse de HfB2 et de carbone, issue de la décomposition d’une résine phénolique. Le silicium réagit également à l’interface pour former une couche d’accrochage chimique et mécanique par infiltration dans la porosité résiduelle du substrat. Les composés nécessaires à l’élaboration du revêtement sont apportés par immersion dans des suspensions.
Le composite HfB2-SiC a d’abord été élaboré sous forme de monolithes afin de déterminer ses propriétés intrinsèques. Le procédé a ensuite été transposé à l’élaboration de revêtements sur du graphite, des composites carbone/carbone, carbone/SiC et carbone/carbone siliciurés.
Dans la première partie de ce travail, nous nous sommes attachés à déterminer les paramètres les plus influents pour l’infiltration réactive du silicium. La microstructure de la couche HfB2+carbone et l’atmosphère de traitement ont fait l’objet d’études particulières, car elles conditionnent l’homogénéité de l’infiltration du silicium, donc la répartition des phases, et le volume de la porosité résiduelle. Il a été montré que la microstructure de la préforme HfB2+carbone et la composition finale du matériau dépendent fortement de la distribution granulométrique de la poudre de HfB2. Une distribution du diamètre de pores, étroite et centrée autour de 10-6 m semble un bon compromis entre vitesse d’infiltration et compacité.
L’atmosphère de traitement lors de l’infiltration réactive conditionne les propriétés physiques, en particulier le mouillage du silicium. L’utilisation de l’argon a permis de s’affranchir d’un contrôle rigoureux de la quantité de silicium apportée par enduction. En effet, il y a deux phénomènes antagonistes, l’infiltration spontanée liée aux forces capillaires et la formation de billes de silicium due au mauvais mouillage du silicium sous argon. Le premier est très rapide par rapport au second, ce qui conduit à une infiltration complète, quasi instantanée, et à la formation de billes, facilement éliminées, par le silicium en excès. Les analyses chimiques et par spectrométrie Auger ont mis en évidence une faible quantité de silicium résiduel. Un post traitement sous azote permet de stabiliser la microstructure et d’éliminer la majeure partie du silicium libre.
Le revêtement obtenu est compact, avec une porosité ouverte inférieure à 10%. La microstructure est constituée de grains de HfB2 de 2.10-6 à 3.10-6 m de diamètre et de grains nanométriques de SiC. Les analyses par spectrométrie Auger, réalisées sur des sections polies montrent la présence d’une phase intermédiaire contenant Hf, B, Si et C à la périphérie des grains de HfB2. L’azote introduit lors du post traitement entraîne la formation d’une phase HfN1-xB2x à partir de grains de HfB2. Cependant, aucune trace de nitrure de silicium n’a été pas détectée.
Le comportement à l’oxydation des composites HfB2-SiC a été étudié par analyse thermogravimètrique, en montée linéaire de température et en régime isotherme, entre 1073K et 1973K, sous des pressions partielles d’oxygène comprises entre 102 et 2.104Pa. L’oxydation du composite débute à 973K par la réaction de la phase intermédiaire située en périphérie des grains de HfB2. Les grains nanométriques de carbure de silicium s’oxydent entre 1073K et 1273K. Un verre borosilicaté cicatrisant est donc formé à basse température. En régime isotherme, la vitesse de la réaction est rapidement ralentie pour atteindre un palier. Le gain de masse total diminue avec l’augmentation de la température, de 1073K à 1723K et augmente à nouveau entre 1723K et 1973K. L’épaisseur de matériau oxydé reste cependant limitée. Elle n’est que de quelques dizaines de microns après 36000s à 1973K, sous 2.104Pa d’oxygène. Son évolution en fonction du temps a confirmé que la cinétique de la réaction est très lente après quelques heures de palier.
La cinétique d’oxydation en régime isotherme suit une loi parabolique à 1723K et 1873K. La comparaison des constantes de diffusion avec celles déterminées sur les composites élaborés par frittage sous charge a montré un meilleur comportement des matériaux élaborés par infiltration réactive, en particulier aux températures les plus élevées. L’influence de la pression partielle d’oxygène sur la cinétique a été mise en évidence.
La phase vitreuse formée est stable à très haute température. Sa composition a été déterminée par microsonde X en réalisant des profils de composition et des analyses locales. Après une isotherme de 36000s à 1973K, sous 2.104Pa d’oxygène, elle est essentiellement constituée de silice et d’environ 0,5%masse de Hf. La solubilité du hafnium pourrait être liée à la présence de B2O3 et expliquer la réfractarité du verre formé.
L’influence de la pression partielle d’oxygène a été déterminée entre 102 et 2.104Pa. Pour des pressions supérieures à 5.102 Pa et jusqu’à 1973K il se forme l’oxyde HfO2 et un borosilicate dont la composition varie avec la température et la durée d’oxydation. Ce verre cède progressivement des composés du bore lorsque la température augmente de 1273K à 1723K. Au-dessus de 1923K et pour une pression partielle d’oxygène inférieure à 5.102 Pa nous avons mis en évidence le départ d’espèces volatiles contenant du silicium et de l’oxygène, phénomène comparable à l’oxydation active des composés du silicium. La couche oxydée devient très lentement poreuse, sans induire une oxydation catastrophique du revêtement.
Les monolithes et les revêtements composites HfB2-SiC montrent une excellente tenue à l’oxydation dans une large gamme de température et de pression d’oxygène. Cependant, des expérimentations complémentaires, à très basses pressions partielles d’oxygène et en cyclage thermique pourraient permettre de définir avec plus de précision le domaine d’utilisation de tels matériaux. De même, des études portant sur la diffusion de l’oxygène dans des verres du système Hf/B/Si/O et leur vitesse d’évaporation pourraient ouvrir des perspectives de travail intéressantes pour définir la composition optimale de la protection.