Quelques propos, extraits d’un entretien entre Marie-Jeanne Fillon (actrice) et Michel Poupin, sur le théâtre paroissial (1950-1998) puis le théâtre du comité des fêtes intercommunal

Entretien entre Marie-Jeanne Fillon
et Michel Poupin

Le style oral a été conservé

Texte

Présentation

Marie-Jeanne Texier (née Fillon)

  • Née en 1949 au Gué de Velluire.

  • Scolarité : école primaire de la paroisse et Collège de Sainte-Ursule (à Luçon) jusqu’en 1967. Arrêt à la fin de la seconde.

  • Diplôme : BEPC.

  • Profession : secrétaire de mairie pendant 30 ans au Gué de Velluire après avoir fait plein de petits boulots, par exemple pionne à Montaigu dans un collège privé pendant trois ans : « Là-bas il n'y avait pas de théâtre. J'ai commencé à jouer à Vix en 1968. J'ai joué alors deux ans au théâtre. Je suis allé garder pendant deux ans mes petits neveux qui venaient de naître. Ma sœur était institutrice à Vix et faisait partie de la troupe de théâtre. J'ai été enrôlée dans la troupe théâtrale paroissiale ; ils cherchaient des acteurs et des actrices pour une pièce : c’était La bande à Bébert (je ne me souviens plus de la deuxième pièce). »

Positionnement par rapport au Gué

J'ai été actrice à partir de 1976 parce que il fallait quelqu'un pour jouer. J’étais là et j'aimais bien ça. Avec André Ferret, qui était mon cousin germain et qui m'a demandée, donc voilà, je suis arrivée dans la troupe paroissiale.

Mise en scène

Ça s'est terminé en 1998, les théâtres paroissiaux avec Dédé (André Ferret), car la salle de patronage n'était plus aux normes. Il fallait faire des travaux pour la mise en conformité (les portes de sortie de secours, etc.). Puis il y a eu un arrêt. Et après, le comité des fêtes en 2004 est venu me voir : il voulait reprendre le théâtre et m’a demandé de les aider.

Le comité des fêtes est commun aux Gué de Velluire et à La Taillée. Il n'a plus rien de privé ni de laïque : c’est un comité intercommunal.

Je n'ai pas de souvenir du nom des pièces d’autrefois. Des acteurs si : Mademoiselle Jeanne Gaignet, qui était sourde et célibataire. Elle était incroyable, je ne me souviens pas de ses rôles mais je me souviens d'elle. Et puis il y avait ton père (Pierre Poupin, né en 1915). Il y avait Jean Guérin (né en 1923). Il y avait aussi Mimi Ferret, la sœur de Dédé. Il y avait donc aussi André Ferret, Michel Girard (1937), qui saurait des choses, lui. Il y a aussi Gabriel Fillon ; mon frère Jojo (Georges Fillon) y est allé certaines années quand il y avait 12 à 15 personnes : il fallait du monde, il fallait faire des petits rôles.

La force d'impulsion

Je pense que c'était surtout pour la paroisse. L’impulsion venait du curé essentiellement. C'était pour financer l'école libre.

Qui choisit les textes à cette époque ?

C'était sûrement le curé (Raballand ( =>1956, puis Puaud 1956-1966…). Après c'était André Ferret (maréchal-ferrant, metteur en scène de 1966 ( ?) à 1998, maire de 1977-2001). En 1979 par exemple, il a fait venir trois ou quatre livres, on lui a dit notre avis suivant les acteurs qu'on avait, et on a fait toujours un peu la même chose : on voyait si c'était marrant ou pas marrant, parce qu'il y avait aussi quelques drames. Donc c'était un peu en fonction des acteurs disponibles et on en demandait un petit peu d’autres en cas de besoin. Par exemple pour « les mystères de Paris » ou « les deux gosses », il en fallait des acteurs : il y avait une quinzaine d’acteurs. Les acteurs n'avaient pas connaissance de tout ça et ils ne lisaient pas les textes avant de jouer. On leur donnait le texte que Mademoiselle Méchin écrivait sur des cahiers de brouillon, juste le texte de la personne avec la ligne de l'acteur précédent ; elle écrivait pour tous les acteurs. Après 1976, c'est nous qui le faisions ; ensuite est arrivé le photocopieur. Donc il y avait un petit jeu de propositions et on adaptait en fonction des moyens. Quant au public, il fallait que ça plaise donc, soit on choisissait des trucs marrants, de boulevard, soit après de temps en temps André choisissait quelque chose d'un peu plus grandiose, avec plein de décors ; ce n'était pas triste car il fallait agrandir les murs pour mettre tous les décors. Il y avait aussi beaucoup de machinistes. C'était pour faire sérieux mais les gens aimaient bien aussi les drames classiques. Cela pouvait attirer un peu plus de monde. Maintenant, on aime moins pleurer. »

Je me souviens d’un drame (Le Comte de Monte Cristo) dans lequel jouait M. Vauchelle. Il pleurait sur scène, il vivait son rôle, c’était très émouvant (il faisait pleurer les acteurs aussi).

Les textes

La paroisse achetait des livrets. Les textes étaient repris fidèlement, intégralement. Maintenant, on arrive un petit peu à changer des tournures de phrase ou des trucs qui ne nous plaisent pas ; mais à l'époque c'était repris intégralement

À ma connaissance il n'y avait pas vraiment des aspects moraux qui rentraient en ligne de compte pour les choix. C'était très terre-à-terre.

Le metteur en scène

Il n’y avait pas trop le choix. André Ferret s'est imposé à la suite (du départ du curé Puaud en 1966 ?). C'était le seul qui restait de la troupe qui était là et qui connaissait un petit peu le système. Ça s'est fait naturellement, et avec moi ça s'est fait naturellement aussi. J’ai choisi la première pièce parce que j'avais quelques connaissances. J’avais aussi des livres qui me restaient, qu'on avait fait venir avec André. Donc on a lu 3 ou 4 textes.

En fait, je ne fais pas de la mise en scène. J’aide à la mise en scène. Et puis je dirige un peu la voix, les intonations, les placements. Appeler ça metteur en scène, c'est un grand mot. Mais enfin il fallait que quelqu'un dirige un peu. Comme ils m'ont demandé parce qu'il n'y avait que moi qui connaissais le théâtre, ça s'est imposé comme ça. Et puis en fait, j'aime bien faire jouer les autres et ne pas apprendre des textes. Une fois metteur en scène, j'ai arrêté de jouer ; je suis passé de l'autre côté de la barrière. En fait, c'était du divertissement pur, des gens qui voulaient faire un peu de théâtre et qui n'avaient jamais joué de théâtre.

Quelquefois il y a des problèmes pour trouver des gens. Là où tourne autour de 10 acteurs ; c'est un peu difficile par moment, mais actuellement on ne peut pas leur dire « vous n’allez pas jouer cette année ! ». Du temps d'André Ferret, c'était différent. Lui, il prenait une pièce ; on jouait, on ne jouait pas : personne ne disait rien. Il y avait toujours quelques fidèles et j’en faisais partie (Ulysse Gaignet, Guy Ollivier, moi, M. Vauchelle…), il y avait trois ou quatre acteurs et après on piochait en fonction des besoins. Donc tout le monde ne jouait pas toutes les années, alors que maintenant c'est plus difficile : ils ne comprendraient pas. On me dit « c'est bien, ce n'est pas grave si je ne joue pas » mais la motivation, le but : on est content de se retrouver, de faire quelque chose et après de faire plaisir aux gens. Ceci sans prétention ; on est vraiment des amateurs. On n’est pas des pros. Je ne veux pas m'en glorifier mais par rapport à d'autres spectacles de théâtre ailleurs, dans d'autres communes c'est assez familial. On n’est pas pro mais les gens aiment bien venir par ce que c'est chaleureux ; ce n'est pas parfait mais c'est sympa ; on aime bien se retrouver ; les gens viennent nous voir ; ils nous connaissent.

Actuellement, je pense qu'ils (les acteurs) ont déjà vu les spectacles. Ils ont dû tous voir quelques pièces avant. Il y a Patrick Gaignet, le fils d’Ulysse, qui joue avec sa femme. Son père jouait. Ils ont dû voir à la télé et Au théâtre ce soir. Autrefois, c'est beaucoup moins sûr. Aujourd'hui les gens ont une idée de ce qu'il joue mais à l’époque, je ne pense pas.

Les répétitions

A l’époque, deux à trois fois par semaine vers 21 heures et ils ne mettaient pas longtemps. Ils commençaient à répéter en septembre pour jouer en décembre. Ils recommençaient en janvier pour jouer fin février et mars : c'était intensif.

Quant aux motivations, il faut dire que tous les gens qui jouaient faisaient partie de la paroisse. Ils œuvraient pour la paroisse et l'école libre. Parmi les spectateurs, il y avait peu de laïcs. Plus tard, oui ; mais à cette époque-là, il n'y avait quasiment que les gens de la paroisse. Dans la salle, en pente, il y avait une centaine de places à l'époque ; c’était plein. Il y avait des bancs devant et des chaises métalliques derrière. On arrivait à en mettre 130, debout sur les côtés, dans les ouvertures, quand il y avait beaucoup de monde : il y avait des gens debout dans le fond. Ce n'était pas du tout conforme à la sécurité. Il y avait un poêle à mazout pour chauffer la salle. Il y avait des entractes avec vente de chaussons aux pommes, de tartelettes… le tout fait par les demoiselles Méchin.

Et la sonnette pour annoncer le début du Théâtre.

Nombre de pièces par an

Je ne sais pas quand c'est passé à une pièce par an. Je suis restée absente à partir de 1962 à cause du collège jusqu'à 1973 quand je me suis mariée. C'était déjà comme ça. De 1962 à 1973, je ne sais pas comment ça s'est passé. Aucune idée du prix de la séance à l'époque.

Il n'y a pas de spécialisation dans les rôles. Tout le monde est polyvalent. À ma connaissance, il y a jamais eu de problèmes pour avoir des acteurs.

Les décors

J'ai le souvenir que Constant FILLON faisait les toiles de fond (il jouait là un rôle essentiel) ; on en a encore au Cercle (la salle paroissiale a été vendue). Il peignait sur de grandes toiles de fond. C'était le spécialiste, il peignait bien. Il y avait aussi des panneaux sur les côtés.

Il y avait un souffleur Ulysse Gaignet-père. Après il y a eu Louis GAIGNET, le fils du maire (Louis Gaignet). Ensuite il y a eu Nénette Ferret (femme d’André Ferret). Aujourd'hui c'est la fille d’Ulysse qui fait souffleur, Marie-Chantal (petite fille du premier souffleur signalé, Ulysse). Il y a une certaine continuité familiale : par exemple, le fils d'Ulysse est acteur (petit fils du souffleur). Ils sont nés dedans et...

[Date du début du théâtre au Gué ? ? ? Avant la guerre ?]
[Prix de la séance ? ? ? ]
[Prix pour les jeunes (familles nombreuses) ? ? ?]

Le fond, les panneaux, etc. étaient gérés par Constant Fillon, André Ferret. En fait, tout le monde mettait la main à la pâte. Quant aux costumes, chacun apportait ses tenues. Et on faisait avec. Chacun se bricolait son costume sauf quand il y avait par exemple des costumes de gendarmes ; alors on demandait à droite, à gauche. Pierre Poupin par exemple s'était fait un poignard en bois peint avec de la peinture argentée (pour l'entretien des cuisinières).

[Une fois mon fils Thomas (3 ans à l'époque) a eu peur parce que quelqu'un me serrait le cou pour me tuer et dans la salle il a crié "mamannn ! ! ! »].

On a seulement loué des décors quand on a joué Les mystères de Paris et Les deux gosses en 1983. Les deux orphelines en 1988 et Monte-Cristo en 1990. Avant c'était l'autarcie et ça fonctionnait sur la solidarité.

Donc je pense que la conception des costumes était laissée à la responsabilité des acteurs pour l'essentiel. On venait un petit peu avant et on demandait aux autres si ça va, si ça ne va pas, voilà.

Actuellement on ne joue plus pour récupérer de l'argent. Le but du comité des fêtes, c'est de faire un spectacle ; les sous qui sont récoltés servent à faire d'autres activités. Et à en faire profiter les gens.

Le public

La salle était souvent bondée ; il faisait chaud.

Il y avait trois séances en novembre-décembre, puis en février-mars. Les spectateurs venaient essentiellement du Gué de Velluire et un peu des communes environnantes. Ils appartenaient le plus souvent à des familles catholiques. Ils aimaient bien les mélodrames (Les mystères de Paris, Monte-Cristo…).

Je pense qu'autrefois la presse n'est jamais venue. Actuellement le journal Ouest-France annonce gratuitement les séances qui vont être jouées car il s'agit d'une association.

La concurrence d'autres loisirs

Il n'y avait rien. Il n'y aurait rien eu du tout, peut-être que le théâtre ne leur aurait pas manqué, mais comme il y avait cette activité, ils venaient.

Dans ma famille, il y avait des veillées ; nous allions au Petit Rocher à pied ; ils jouaient aux cartes. Nous allions voir les voisins et les voisins venaient chez nous.

[Autres loisirs dans les années 50 – début 60 ? Concours de belotes…].

Les livrets de théâtre

À l’époque, je ne sais pas où ils se fournissaient. Mais je suppose que c'est la même chose que maintenant. Nous, on les fait venir de la Librairie théâtrale de Paris. À l'époque il y avait beaucoup de drames, il n'y avait pas le théâtre de boulevard comme maintenant.

La brochure de mise en scène de Les deux gosses est unique et elle a été livrée avec le texte pour diriger les voix, les intonations, les déplacements…

En fait tout le monde s'y met ; dès que quelqu'un trouve quelque chose de bien, on le reprend parce que c'est bien. C'est collectif. Tout le monde peut en faire autant.