POLYTHEA : sauver des vies grâce à la lumière

L’Université de Limoges a décroché un 4ème projet européen H2020, le projet POLYTHEA (2.5 M d’€) porté par le LCSN (Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles). Rencontre avec la coordinatrice de POLYTHEA, Stéphanie Lhez, Maîtresse de conférences en Chimie

L’Université de Limoges a décroché un 4ème projet européen H2020, le projet POLYTHEA (2.5 M d’€) porté par le LCSN (Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles).

Rencontre avec la coordinatrice de POLYTHEA, Stéphanie Lhez, Maîtresse de conférences au LCSN


Pouvez-vous nous présenter le projet POLYTHEA ?

C’est un projet qui rentre dans le cadre des actions Marie Skłodowska-Curie ITN (Innovative Training Network) du programme H2020 dont l’objectif principal est la formation doctorale. Il s’agit d’un European Joint Doctorate (EJD) dont l’objectif est de créer à l’échelle européenne une formation doctorale conduisant à la délivrance de diplômes joints ou de doubles diplômes. 10 bourses de thèses (6 doctorats joints et 4 double –diplômes) en co-tutelle seront donc financées. Les jeunes chercheurs seront inscrits dans deux universités faisant partie du consortium. Ils devront également effectuer des périodes de détachement dans les entreprises et/ou organismes de recherche partenaires du projet. Un programme ambitieux de formation doctorale, interdisciplinaire et intersectorielle, a également été conçu au travers de séminaires, d’universités d’été et de conférences. Ces étudiants seront également partie intégrante du réseau POLYTHEA, tant au niveau recherche, que gouvernance et rayonnement. L’idée est de favoriser l’interdisciplinarité. Outre l’Université de Limoges, le consortium comprend 6 bénéficiaires (5 universités européennes et une PME innovante) :

  • Trinity College of Dublin, Ireland
  • Politechnika Wroclawska Poland
  • Universiteit Van Amsterdam Netherlands
  • Universidade De Coimbra Portugal
  • Universite De Neuchatel Switzerland
  • Texnologikes Lyseis Bioekpompis Oe Greece

Et 5 partenaires :

  • University of Saint Andrews, United Kingdom
  • INSERM, France
  • Biolitec Research GmbH, Germany
  • Selvita S. A., Poland
  • PorphyChem, France

 Sur quelles thématiques les doctorants vont-ils travailler ?

Sur la photothérapie dynamique.

C’est-à-dire ?

Il s’agit de développer des systèmes innovants permettant, sous l’action de la lumière, de produire des espèces toxiques capables de détruire, par exemple, des cellules tumorales ou des bactéries. Ces molécules qui seront développées (nommées photo-sensibilisateurs) ne sont pas toxiques en elles-mêmes, mais irradiées par la lumière, elles vont pouvoir transmettre l’énergie captée à l’oxygène environnant, produisant notamment de l’oxygène singulet, l’espèce toxique.  Un des problèmes majeurs est de vectoriser ces molécules, les amener là où il faut afin de ne pas détruire des cellules saines. La photothérapie dynamique fait donc appel à la chimie organique et le design de molécules en lien avec la photophysique (pour l’optimisation des interactions avec la lumière), la biologie et la microbiologie pour les applications pratiques et les modes de vectorisation. En fait, c’est sûrement le sous-titre du projet qui le défini le mieux : « POLYTHEA – How light can save lives. »

Quel est l’intérêt de la photothérapie dynamique par rapport à d’autres méthodes ?

Pour l’aspect santé, ce n’est pas invasif. Il y a peu d’effets secondaires car les molécules actives ainsi créées ont une durée de vie très limitée. C’est un traitement plus léger que la radiothérapie ou la chimiothérapie. Par exemple des traitements actifs rien qu’avec la lumière du soleil se développent, ce qui permet un traitement en ambulatoire. Concernant la problématique des bactéries résistantes aux antibiotiques, le traitement par photothérapie dynamique permet de s’en affranchir. De plus, les photo-sensibilisateurs peuvent être des molécules d’origine naturelle, leur développement étant un axe de recherche du LCSN.

En quoi ce projet est-il innovant ?

En ce qui concerne la recherche et développement, de nouveaux types de photo-sensibilisateurs seront créés, notamment par rapport aux modes d’activation lumineuse, à leur vectorisation, pour améliorer le ciblage des tissus concernés par le traitement. Le potentiel de la photothérapie à créer une réponse immunitaire empêchant la récidive sera également étudiée. Des applications telles que de nouveaux types de pansements, des surfaces auto-stérilisables pour l’industrie agro-alimentaire ou les prothèses pourront également être développés.

En ce qui concerne la formation, les étudiants travailleront au contact de plusieurs disciplines (au moins 2). Via le réseau mis en place dans le cadre de ce projet, ils se parleront entre eux et connaîtront les problèmes expérimentaux des autres disciplines, pour bien se comprendre, être plus efficaces et faire avancer la recherche mais également avec les partenaires non-académiques du projet, de manière à ne jamais conduire de recherche détachées des enjeux économiques et sociétaux.

Ce qui fait la force du LCSN – qui est assez reconnu sur ces thématiques – c’est justement la pluridisciplinarité et l’interaction entre les chimistes, les  biologistes, les microbiologistes qui le composent, ce qui nous rend multi-compétents et légitimes dans le rôle du coordinateur d’un tel projet.

Quel est l’enjeu pour l’Université de Limoges ?

Il est double, puisqu’il s’agit de créer un réseau européen en photothérapie dynamique côté recherche et, côté formation, un doctorat pour lequel l’ensemble des étapes, depuis le recrutement et la supervision jusqu’aux modalités de soutenance et aux diplômes, sera réalisé de façon conjointe ; notre établissement serait le fer de lance de ces deux aspects. Cela nous offre donc un rayonnement certain. Et surtout nous espérons que le résultat de ces travaux de recherche aura des retombées très intéressantes en matière de santé, qualité de la vie et sécurité alimentaire.

Quel est le taux de réussite de ces projets ITN ?

D’une manière globale, les ITN (qui regroupent 3 outils) ont un taux de succès d’environ 7%,  pour l’outil EJD seul, il est de 10%. Sachant que sur les 5 projets ITN retenus et coordonnés par la France en 2017, 2 sont pilotés par l’Université de Limoges, il y a de quoi être fier de nos résultats.


> Contact : Stéphanie Lhez