François Reynaud : de plus en plus proche des étoiles

Cette technique va nous permettre de voir des objets à la fois très petits et froids – donc tout ce qui précède la vie d’une étoile ou qui suit sa vie une fois qu’elle a explosé et donc de caractériser les objets astrophysiques.

François Reynaud : de plus en plus proche des étoiles

François Reynaud est professeur des universités à XLIM. En 2012, son équipe avait démontré qu’il était possible de modifier la couleur d’une lumière et la détecter grâce à l’utilisation de l’optique non-linéaire. Ces techniques avaient permis de détecter des corps célestes difficilement observables.

Un nouveau pas vient d’être franchi qui a permis à François Reynaud de publier dans une revue majeure en physique – Physical Review Letters (PRL) avec un impact factor élevé (7.645 en 2015). Il a obtenu un highlights sur sa publication qui met l’accent sur l’importance scientifique de cette expérience. (https://physics.aps.org/ 31 nov 2016)

Sur quoi porte cette publication ?

Nous avons réussi à changer la couleur des étoiles sur deux télescopes, à mélanger la lumière et maintenant, nous pouvons réaliser les premières franges d’interférence entre deux lumières. Ce sont des variations d’intensité qui sont le témoignage de la ressemblance entre les deux lumières reçues par les télescopes.

Quel est l’intérêt de savoir que deux lumières se ressemblent ?

En prenant des télescopes qui sont de plus en plus éloignés, on va commencer à voir l’objet différemment avec chacun d’entre eux. Plus les « points de vue » vont être différents et plus les franges d’interférence vont être faibles puisque les champs vont se ressembler de moins en moins. Il est ainsi possible de se rendre compte indirectement de la forme et de la taille de l’objet astrophysique observé. C’est aujourd’hui le seul moyen pour faire des équivalents de télescopes géants de plusieurs centaines de mètres de diamètre.

Actuellement, on ne sait pas observer à très haute résolution une étoile avec des télescopes monolithiques et on doit donc les relier entre eux – ce qui permet de faire, non plus une image, mais des interférences. Mais ce nouveau principe d’imagerie est quasi inopérant pour des rayonnements aux grandes longueurs d’onde : l’infrarouge thermique. C’est à cette problématique que répond notre projet ALOHA. En changeant la couleur de la lumière des étoiles dans un interféromètre un pan entier du spectre rayonné par les étoiles devient accessible !

Nous avons expérimenté ce système en laboratoire, mais c’est la première fois que l’expérience est réalisée en grandeur nature en observant des étoiles.

Que représente pour vous cette expérience ?

C’est un évènement majeur sur la démarche que nous nous sommes fixées. C’est vraiment la naissance d’un instrument que nous avons mis face à la réalité qu’il doit observer – dans un premier temps une étoile de la grande ourse, puis des sources bien plus faibles. Cependant cette démonstration a été faite, pour des raisons technologiques sur les couleurs encore observables par les instruments actuels.

Le futur va consister à passer à des couleurs qui ne sont plus observables par aucun instrument actuel. On rentre alors dans le domaine du moyen infrarouge, déjà en cours de test au laboratoire.

L’équipe d’XLIM est la seule au monde à avancer vers cette technique et notre instrument est totalement original.

Qui est intéressé par cette démarche ?

Nous avons réussi à faire sauter le verrou technologique en laboratoire, puis le verrou scientifique sur le terrain. L’étape franchie nous a permis d’acquérir de la crédibilité auprès de la communauté astronomique qui fait de l’interférométrie et de développer des collaborations locales (Leukos), nationales (INSU, CNES, Airbus Industrie, Thales R&T, FEMTO Besançon), européennes (ESA) et internationales (Australie, Etats-Unis) et d’obtenir des soutiens financiers par le biais de bourses et de contrats de recherche.

Les industriels sont surtout intéressés par la démarche de détection infrarouge – détections de polluants, produits toxiques sur la planète et pourquoi pas un jour de gaz sur les exoplanètes …

En médecine, nous pouvons envisager d’améliorer un jour la détection. La diminution des flux de lumière devrait permettre de diminuer sa toxicité pour le corps humain.

Quelle est l’utilité de détecter des petits objets astronomiques ?

Les détecteurs actuels nous permettent de voir bien au-delà de ce que voit directement l’œil humain. Cette technique va nous permettre de voir des objets à la fois très petits et froids – donc tout ce qui précède la vie d’une étoile ou qui suit sa vie une fois qu’elle a explosé et donc de caractériser les objets astrophysiques.

Que signifie pour vous cette publication ?

Cette publication est un jalon très important car elle marque d’une référence très reconnue le résultat de nos travaux sur plusieurs années.

Elle prouve notre capacité à travailler sur des niveaux de flux très faibles correspondants à des étoiles, dans des domaines de longueur d’ondes intéressants et de poursuivre nos investigations.

Comment cela s’est-il passé sur le terrain ?

Avec notre équipe, nous avons effectué trois missions à l’observatoire du Mount Wilson dans les montagnes au-dessus de Los Angeles afin d’améliorer les performances, trouver nos repères pour utiliser l’instrument et monter notre expérience avec l’aide des acteurs locaux.

Les premiers résultats ont été très rapides. – ce qui était spectaculaire et incroyable dans ce type d’expérience. Vingt minutes ont suffi pour réaliser notre rêve de quinze ans, mais nous n’avons vraiment réalisé la qualité du résultat que le lendemain. Les nuits suivantes nous ont permis d’améliorer nos performances malgré des conditions atmosphériques moyennes.

Pour l’anecdote, nous avons fait des interférences avec de la lumière provenant d’une source à 300 années-lumière. Cette lumière avait été émise au temps de nos ancêtres à plusieurs générations sur terre…

Nous sommes maintenant en fin de cycle sur la technologie des longueurs d’ondes testées lors de la mission de 2015. Notre nouvelle mission sera d’explorer maintenant les longueurs d’ondes du moyen infrarouge pour avoir un nouveau regard sur l’Univers.

Lire l’article à la une du site de l’Université de Limoges >

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> Contact : François Reynaud