GEOLAB : Découverte des silos de Corent

Une opération de sondages conduite cet été 2015, par le Laboratoire GEOLAB (Université Blaise Pascal / Université de Limoges / CNRS), dans un ancien lac situé sur le plateau de Corent, a mis au jour une centaine de silos dédiés au stockage des céréales. Datés de l’âge du Fer, leur nombre total est estimé à plus d’un millier. Ce site de conservation des récoltes est l’un des plus importants découvert sur un site protohistorique. Installé en lisière de l’agglomération gauloise de Corent, il conforte son importance économique au sein du territoire arverne.

Le programme Aypona

Depuis 2001, des archéologues travaillent sur le site de Corent. Le Laboratoire GEOLAB et la Maison des Sciences de l’Homme ont répondu à l’appel d’offre SHS structurant du Conseil Régional d’Auvergne, et l’ont obtenu pour la période 2013-2016 pour développer un nouvel axe de recherche, complémentaire à l’archéologie.
Aypona est un programme de recherche interdisciplinaire en archéologie environnementale, géoarchéologie et archéo-géomatique proposé par les équipes de GEOLAB (UMR 6042), de la MSH de Clermont-Ferrand, du LMGE, de EVS, du laboratoire Archéologie et Archéométrie, de TRACES et de l’INRAP. L’objectif principal est de travailler sur un des sites majeurs pour toute la Protohistoire européenne, l’Oppidum de Corent, situé à 20 km de Clermont-Ferrand.
Ce site est un milieu privilégié pour les recherches paléoenvironnementales car sur le plateau se trouve une cuvette naturelle, sorte de « piège à sédiment » et qui correspond à une véritable archive écologique.

La découverte des silos

Dirigée par Alfredo Mayoral dans le cadre de sa thèse (GEOLAB), l’opération de sondage (autorisation de transects) de cette cuvette a été réalisée en juillet 2015.
Une série de tranchées a été creusée sur le plateau à 500m d’altitude, afin d’en restituer l’histoire sédimentaire, de reconstituer l’environnement, les paysages végétaux passés et de rendre compte de l’évolution de l’impact des sociétés sur l’environnement végétal, afin de mieux comprendre la gestion des ressources naturelles et l’interaction de l’homme avec l’activité géomorphologique (phase d’érosion).
Des silos destinés à la conservation des céréales ont été détectés dans ce cadre. Ce système de stockage fait appel à un principe ingénieux, qui prouve que ces sociétés connaissaient très bien leur milieu. Des fosses sont creusées dans un sol argileux, pratiquement imperméable à l’eau et à l’air, puis remplies à ras bord de grandes quantités de grains de blé, d’orge ou de seigle, avant d’être obturées de façon totalement hermétique. Les céréales y sont confinées dans un environnement dépourvu d’oxygène qui permet leur conservation durant plusieurs mois, voire plusieurs années selon le principe de l’emballage « sous vide ». Après ouverture du silo, elles sont consommées rapidement et en totalité. Les parois des silos sont tapissées d’une couche de charbons montrant qu’ils ont été stérilisées au feu, afin d’être utilisés plusieurs fois.
Au total, plus de 120 silos ont été mis en évidence dans plusieurs tranchées éloignées, qui couvrent moins de 10 % de la superficie totale.
Par extrapolation, on peut supposer que leur nombre total dépasse le millier. Cette estimation fait de la batterie de silos installée dans l’ancien lac de Corent la plus importante jamais découverte à ce jour en France. Chaque fosse pouvait accueillir entre un quintal et une tonne de céréales, ce qui porte la capacité totale du site à plusieurs centaines de tonnes. Tous ces silos ne sont pas forcément contemporains et ont pu être installés en plusieurs étapes successives.
Leur attribution chronologique rapportée pour l’instant à l’âge du fer devra être précisée par des datations au radiocarbone. Le site de stockage découvert a probablement servi à concentrer des réserves de nourriture destinées, soit à l’approvisionnement des occupants du site, soit au commerce à courte ou longue distance.

La place de Corent confirmée

Cette découverte souligne le rôle centralisateur assumé par cette agglomération majeure, considérée par les archéologues comme la capitale du puissant peuple arverne, rendu célèbre au premier siècle avant notre ère par la figure de Vercingétorix et la bataille de Gergovie. L’étude détaillée des silos se poursuivra dans les mois à venir et fera appel à des bioindicateurs avec de nombreux chercheurs spécialistes de l’étude des graines carbonisées, des charbons, des grains de pollen, des sédiments et des céramiques archéologiques. Elle devrait fournir des précisions sur les modalités et le rythme d’aménagement de ce complexe de stockage, qui peut d’ores et déjà être considéré comme un ensemble de référence à l’échelle nationale.

L’apport de la géomatique

Une approche spatiale exploratoire a également été entreprise sous la direction de Franck Vautier (Platefome Intelespace de la Maison des Sciences de l’Homme). Des données LIDAR ont été acquises en mars 2014. Cette technique a pour objectif de cartographier la topographie au sol avec une résolution décimétrique et de reconnaître ainsi divers vestiges sous couvert forestier (remparts, voie d’accès etc.).
La topographie du site a également permis de dresser une carte géomorphologique précise et nécessaire au choix d’implantation des sondages archéologiques. D’autres approches ont également été mises en oeuvre. François-Xavier Simon, en contrat post-doctoral, a utilisé des méthodes géophysiques pour reconnaître des structures et des hétérogénéités du sous-sol.
De même, les missions photos de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) réalisées ces 40 dernières années ont été exploitées. Elles présentent l’avantage de fournir une image du paysage tel qu’il était il y a 50 ans, avant les pertubations liées aux aménagements récents (carrière, exploitation agricole).

Références :

Cette découverte a été effectuée dans le cadre du projet de recherche AYPONA (pAYsages et visages d’une agglomération clermontoise : apProche intégrée et diachrONique de l’occupAtion de l’Oppidum de Corent), porté depuis 2013 par le laboratoire GEOLAB (UMR 6042, CNRS) associé aux laboratoires LMGE (Clermont-Ferrand), EVS et ARAR (Lyon 2), TRACES (Toulouse Jean Jaurès) et à l’INRAP, sous la responsabilité de Yannick MIRAS (CNRS, GEOLAB) et Franck VAUTIER (USR 3550, MSH Clermont-Ferrand, Plateforme Intelespace).

L’opération de sondage du lac est dirigée par Alfredo MAYORAL PASCUAL (doctorant à l’université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand), assisté pour la partie archéologique par Matthieu POUX (responsable des fouilles de Corent, Université Lumière Lyon 2 – ARAR, MSH Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon). Financement Ministère de la Culture et de la Communication, Région Auvergne, Département du Puy-de-Dôme, Communauté de Communes Gergovie-Val d’Allier.

Référence bibliographique : Ledger P. M., Miras T., Poux M., Milcent P.Y., 2015. The Paleoenvironmental Impact of Prehistoric Settlement and Proto-Historic Urbanism : Tracing the Emergence ot the Oppidum of Corent, Auvergne, France. PLoS ONE 10(4) : e0121517. doi : 10.1371/journal.pone.0121517

La presse en parle  :

Le Monde : http://www.lemonde.fr/archeologie/article/2015/08/13/des-centaines-de-silos-a-grains-gaulois-decouverts-en-auvergne_4723127_1650751.html

Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/culture/2015/08/14/03004-20150814ARTFIG00206-en-auvergne-des-archeologues-font-une-decouverte-majeure-sur-les-gaulois.php

Libération : http://www.liberation.fr/sciences/2015/08/14/c-est-une-decouverte-majeure-pour-la-comprehension-de-l-economie-gauloise_1363673

La Montagne : http://www.lamontagne.fr/auvergne/actualite/2015/08/18/un-millier-de-silos-a-grains-trouves-a-corent_11552034-commentaire.html

France3 Auvergne : http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne/puy-de-dome/corent-63-les-archeologues-font-une-decouverte-majeure-video-787955.html

France Info : http://www.franceinfo.fr/vie-quotidienne/article/un-immense-site-gaulois-de-stockage-de-grains-decouvert-en-auvergne-716267