Récits des TVL

ONE MORE TIME 2000-09-26

Devant les yeux ébahis et admiratifs d'un public nombreux et chaleureux,
je me pose pour la deuxième fois à Bonnac en parapente en partant de
Saint-Sulpice. Les vaches étaient dans le champ. C'est à méditer, car
alors il y a les bouses. Mais grand est le champ et je n'ai pas marché
ni plié l'aile dedans.

Auparavant, j'ai enroulé et déroulé une bonne demi-heure entre 800 et
1200 au-dessus de la petite chaumière d'Opal et Bernadette, anciennement
au milieu des bois, avec son frigidaire à bières, son Château Lalande à
la cave, son petit chaperon rouge, et tutti fruiti. Je voulais crier
comme dans les grands récits de vol pour faire sortir les témoins de mon
exploit. Hélas, Opal était au lit avec Angine, une petite qui a la
fièvre excitée à 39.

Je ne me suis pas contrarié. Fluctuat nec mergitur. Je me suis posé
quand même plutôt que d'aller m'engager vers la piste de l'aéroport un
peu bas à mon goût. Le contrôle a, pour une fois, permis de constater un
défaut de bière dans le frigo. Qu'importe le jus d'orange, je suis
recordman du monde du nombre de trajets St Sulpice-Bonnac en vol. Opal
m'a dit qu'il me passerait bientôt une couronne de fleurs autour du cou
comme à Hawaï. PD. Parapente-Delta. C'est le sujet que j'aborde
aujourd'hui.

Devant tant d'expérience accumulée (la mienne, recordman du monde, vous
vous rappelez ?), je ne peux que répondre à cette question qui reste
figée sur vos lèvres gercées d'admiration : comment fait-il ? Ce ne sont
pas là des secrets que l'on livre facilement, mais pour vous, je fais un
effort, et j'explique la différence.

Le vol n'est jamais le même, et encore moins en parapente. D'abord, en
parapente, pour décoller, il faut mieux être sur d'avoir un terrain en
finesse pour poser. Elimination d'emblée de beaucoup de candidats
raisonnables. C'est un sport dangereux, pour les branches de sapins.
Jaloux de l'intimité de ces branchages, certains deltas auraient même,
dit-on, tenté de pénétrer plus profond dans la foret.

M comme motivation et monter: le delta va pouvoir prendre une pompe plus
couchée, avec plus de vent. Il peut revenir sur la pente de plus loin,
mais il a besoin de plus d'altitude pour s'assurer le passage des monts.
Saint-Léger est un peu sport pour poser. Moins de soucis de grandeur de
terrain en chiffon. Mais gare à l'aérologie.

1400 m - Une charnière pour jouer ou ne pas jouer en fonction de
l'aéronef, de la pompe, du vent, de la turbulence :
- si c'est une bonne pompe en delta avec du vent un jour honnête, avec
1800 sur les antennes de Sauvagnac on oublie les monts.
- si c'est le plafond sans vent en parapente, il faudra en retrouver
une avant Sauvagnac, (i.e. St Léger), puis dans la zone St
Sylvestre-Mont-Méry, et assurer entre temps car on peut vite être en
bas. C'est amusant de slalomer entre les collines. Rassurez-vous, avec
de la visi on peut quant même voir du puy de Dôme aux tours de Civeaux,
la nécropole nucléaire.

En parapente on reste plus facilement au même endroit à attendre que la
pompe déclenche sur le pet de lapin, car vous le savez bien, le
parapente est un aéronef qui n'avance pas. Les récits de 200 km en
triangle qu'on lit dans les magazines ne sont que fantaisies. Il faut
bien 1 h 30 pour aller à Bonnac en rase motte. Je sais de quoi je parle
(rappelez-vous.... recordman !). Moins de 20 km, je crois.

En delta, on a vu des hordes de plusieurs faire ce trajet mythique. En
parapente, certains ont disparu en chemin, arbres, lacs, cafés,
châteaux, bêtes sauvages... La nature les a absorbés. Ils sont
nombreux à avoir survécu, mais certains errent maintenant par monts et
par vaux, l'esprit rempli de coccinelles. Méfiez-vous des Monts
d'Ambazac !

Les franchir demande, exige, un mental à toute épreuve. Même ceux qui
vont voler en Himalaya ne sont jamais venus s'y risquer. Il faut
survoler les étangs des Sauvages, non loin de l'abbaye disparue de
Grandmont (voir la Légende du bois). A Sauvagnac, on croise parfois...
je préfère me taire. Cela pourrait décourager certains. Mon record n'a
de valeur que s'il est attaqué de temps en temps. Je tiens à souligner
la persévérance de Thierry, qui me colle au train (joke) et a pu ainsi
reconnaître le parcours avec une voiture gracieusement mise à sa
disposition pour l'occasion.

Il y a de nombreux endroits mystérieux à découvrir sur le parcours.
C'est un bon entraînement pour la compétition et la motivation. Pour
éviter les ennuis, volez haut en delta, volez sans trop de vent en
parapente. La Jonchère, Le Coudier, la carrière d'Ambazac ou les Bardys,
seront les témoins de vos échecs. Parfois, la sueur dégoulinera sur
votre front déjà ridé par les ans dans lequel repasse le mini CD \"mais
quelle connerie, mais quelle connerie\". C'est parfois dur. La maladie de
Bonnac m'a atteint lors de la compétition de Saint-Sulpice de 1992. On
peut aller plus loin, moins loin, ou à côté, mais toujours on y revient.
8 fois, dont 2 en parapente. Une longue route. Sauf pour la récup.
Recordman !

Pour ne pas vous laissez sur votre faim, j'irais jusqu'à révéler un
secret, la recette magique qui fait mon succès : pour me concilier les
dieux des airs, je donne des croûtes de fromages aux pies qui viennent
dans mon jardin, et j'ai remonté un pinson au déco à la Moné (en
voiture) : là, il va falloir beaucoup de chance avant de pouvoir faire
pareil.

Le mot de la fin est bien sûr, merci à l'horticulteur libre (Opal) qui
nous accueille ainsi en mauvaise limite de la zone de l'aéroport de
Limoges.


Pascal Legrand

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