Récits des TVL

LA BELLE IDEE 2000-06-29

Et voilà, en route pour la course aux points. Cette année, c'est vraiment pas de bol avec la météo : 3 compets et à chaque fois, une seule manche validée et en plus avec des conditions foireuses. Bof, ce n'est sûrement pas la dernière fois. Bon, voyons, il reste quoi au calendrier ; ouais, y en a une pas trop loin je crois : la Belle idée en remorqué. Ok, va pour les parigaux, d'autant plus qu'ils sont sympas. La veille du samedi, Opal m'embobine :\"pas de problème, il faut seulement 3 heures de route avec l'autoroute maintenant\". La prévi est pas terrible mais on y croit et on s'appellera de bonne heure au cas où.
Samedi matin, le ciel est gris et mon GO prétend qu'il faut y croire. Un coup de fil à Opal me confirme mon sentiment d'hier: Il décide de regarder pousser sa télé. J'ai déjà gagné la manche contre le rigide. La transition sur Paris sera solitaire.
9 heures : bon, là, je vais finir par arriver tard. A Vierzon, la pluie fine me fait décrocher le portable SOS demi-tour. Mon GO m'hypnotise à l'aide de \"y a des éclaircies, non non, il ne pleut pas ici, oui il va y avoir du monde …\", bref toutes les ficelles que j'ai moi-même noué au cou des compétiteurs incertains sur nos sélectives. La carte Michelin d'une main, le portable de l'autre, je poursuis ma route sans m'arrêter pour déguster le chef d'oeuvre des chimistes culinaires : le sandwich mouillé de la station sans service dans laquelle on vient vraiment par hasard. La belle Idée, perdue entre la Ferté sur Jouarre et Montmirail est atteinte en 5 heures. Y a relâche sur l'intendance. Affamé, à la bourre, je finis par trouver le hangar où un des pilotes pro est en train d'assembler un puzzle qui ressemble à un ULM : la tempête a détruit son ULM et laissé deux montants intactes pour tout solde. L'assurance de ne rien toucher pour son préjudice ne l'a pas découragé d'investir dans un nouveau ULM. Enfin, j'apprends qu'il y a douze pilotes pour l'instant et qu'ils n'ont pas fini de monter les engins. Avec un ULM, c'est tout bon.
Les amis parisiens sont là, Scott, Jean Paul, Pierre, Michel et les autres, un auvergnat (Pierre) à la recherche de points (tiens, y en a dans le même cas que moi ?) et un étudiant Colombien équipé du tout dernier matériel de guerre souplo-aérodynamico-perfo-pas-fluo-mais-beau-quand-même.
Ca y est, encore un pilote qui a cédé à la mode du rigide. Le Top secret de chez La Mouette. Celui-là est plutôt réussi malgré un accastillage ancien et un Dacron aux couleurs fades. Il a vraiment une belle allure de delta et léger avec ça. J'ai hâte de m'y frotter en l'air. Le tirage au sort m'est défavorable: je décollerai quasi dernier sous un étalement de nuages plutôt spongieux. L'absence de chariot pour le décollage m'angoisse un peu, ça fait longtemps que je n'ai pas décollé à pied derrière un ULM.
L'overdrive, bon sang, l'overdrive n'est pas assez tiré et j'ai du mal à suivre l'ULM Je me retrouve malgré tout à 600 m dans la zone au soleil. Rien, pas un thermique. Vite, faire signe au pilote d'aller sous la masse nuageuse qui semble malgré tout donner. Ca y est, largué dans une bulle qui n'a permis que 2 tours dans du positif. Entre temps, un second ULM rafistolé amène Jean Paul, sous son IXBO, dans mon thermique asthmatique. Je rigole d'avance devant son air dépité devant l'anémie future de son vario. Tout de suite, le pilotage du collègue me rappelle que j'ai affaire à un très bon : en deux coups de cuillère à pot (ou plutôt de gouvernes) il me retrouve un noyau et commence déjà à me décalquer son intrados sur mon extrados. Bon, je commence à avoir l'habitude avec les rigides de ne voir que les intrados. Les 3 m/s annoncés par les premiers pilotes ne sont plus de mise. Avec Jean Paul, on enroule le 0,1 m/s pendant longtemps tandis que le vent nous fait dériver rapidement derrière la piste de remorquage. Ca monte tellement fort qu'un autre pilote (Big Jo) a le temps de se faire remorquer et larguer à notre niveau. La peur de s'intercaler dans notre ronde lui fait rater le coche et il va se poser derrière le décollage sans espoir de repartir. Enfin, au dessus d'une forêt, le thermique se renforce à 1,8 m/s et Jean Paul toujours en satellite, se recentre sur moi. Le plafond (1200 m) se rapproche et je le vois disparaître dans les barbules. Pas pour moi merci, depuis St André, j'arrête le thermique 100 mètres sous la base pour pouvoir conserver un bonne visibilité et éviter une aspiration dans le nuage. Génial, le nuage est large et le vario continue de biper en ligne droite. Jean Paul, ressort loin devant moi des barbules et on entame, décalés, une longue transition sans perdre de gaz. Déjà 20 bornes quand on sort sous le vent du nuage et tout de suite, les conditions redeviennent médiocres. Des deltas au sol, éparpillés par un petit poucet nous incite à mettre les deux pieds sur le frein et tourner n'importe quel semblant d'ascendance. Jean Paul est surpris de ma transition qui m'amène à son niveau. Je le rassurerai plus tard sur le fait que nous n'étions sûrement pas dans la même masse d'air pour transiter … Par contre, dès les premiers tours dans un pet d'asticot, je me rends compte du meilleur taux de chute de son rigide: je descends doucement malgré mes efforts et l'écart entre nos deux ailes s'amplifie. Je jette l'éponge après une longue patrouille autour et sous lui sans résultat. J'ai perdu 80 mètres à zoner et j'emboîte sans doute mon dernier plané. A la radio, les premiers pilotes annoncent qu'ils sont tankés à 23 km GPS du but. Le mien m'annonce 35 kms … vu mon altitude, je vais poser près d'eux. Je serre les coudes, tire les 3 mètres de l'overdrive, donne des grands coups de talons dans le fond du harnais pour me caler dans les filets d'air et glisse vers un champ d'oseille prometteur. Juste après un poussé-posé sur haricots verts (oui, oui j'ai cru voir de l'oseille) Jean Paul annonce son plané final. Le fourbe me passe sur la tête en prétextant un meilleur champ plus loin et rejoint les pilotes radio-amateurs qui digressaient sur la fréquence. Pliage et je rejoins Jean Paul qui m'annonce que nous sommes les pilotes de tête. L'autochtone nous confirme que c'est fréquent (y a 20 ans) les planeurs qui se posent là à cause de trous d'air. Il fallait passer plus au sud ou plus au nord. Sur son vélo de 1928 customisé dans les années 50 il a bon pied bon oeil
Jean Paul muni de son tournevis et de sa scie à métaux entreprend de replier son rigide lorsque son téléphone vibre : Damned, le Colombien est presque au but, il nous a mis 20 kms. Mentalement, je vois les points tant souhaités se réduire à peau de chagrin. Diverses explications, toutes honteuses, sont lancées pour justifier cette hérésie. Après un quart d'heure de déception, on apprend qu'il court en open
Le retour, le soir même, à 3 heures du mat est difficile avec les allumettes porte-paupières pour ne pas dormir. C'est quand même chouette la compétition.


Olivier Tantot

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