Récits des TVL

VOL D'HIVER 1999-08-09

Pour une fois, la perturbation est à l'heure des météos. Sud le samedi, pluie la nuit. Au matin, ciel bleu et brumes. Cela devrait voler à St Sulpice, mais assurons à Montvalent. Branle bas de combat téléphonique et deux véhicules roulent à la poursuite du front qui accroche encore le Cantal.

Nous arrivons sur le décollage, quasi désert, en même temps que les premières bouffes thermiques. Pendant que je prépare l'aile, Pascal balise minutieusement avec des jolis cailloux une crocrotte fun de chien chien fun dont le propriétaire méga cool discute avec notre presque mega cool Rémi. Les nuelles défilent Nord, le déco commence à ressembler à un quai de métro ; il est temps de s'échapper. Pour l'instant, je yoyotte gaiement. C'est communicatif car au bout d'1/4 d'heure, mes deux compères me rejoignent et nous yoyotons de concert en attendant la bonne (pas celle avec le plumeau, plutôt l'aspirateur !). Ils la trouvent bientôt et l'enroulent avidement sans m'attendre. Mais l'ascendance semble s'étioler et leurs spirales régulières se transforment en un mouvement brownien (cf Tantot) plus hésitant. Je les rejoins donc dans ce marasme. Alors que Pascal prospecte dans la zone en élargissant ses virages et en se curant le nez, Rémi trouve que c'est pas le fun et fonce à donf vers le décollage. Mais ça le fait, c'est pas cool. Dans ce moment de flottement, j'attrape un bouchon étroit, en dérive, qui me fait rejaillir un cran plus haut. Je temporise un peu pour attendre Pascal car le départ en cross se joue maintenant. Mais les dés sont jetés sur son extrados et il désespère déjà de la pénétration des parapentes face au vent. La courte attente m'a laissé un maigre zéro qui dérive vers le camp militaire. 1200m, pas de nuages, assez glandé, c'est parti vent de cul, la barre aux genoux, coudes serrés overdrive à fond, vers le premier point bas. Ça c'est la version delta (sniff, nostalgique...) qui n'est pas (plus?) de mise aujourd'hui. Loin de progresser vers le but, j'ai l'impression en parapente de m'enfoncer dans la masse d'air qui m'emporte. On s'habitue, mais côté fun !! La suite du vol sera relativement facile dans la mesure où les choix, à peu près logiques, marcheront moyennant quelques adaptations de circonstances. Je ne ferais qu'une fois le plafond à 1450, seulement faute de patience et de courage physique. Mais il n'y a pas que l'aérologie dans le cross, il y a les empêcheurs de tourner en rond. Le premier, le moins grave, est la logorrhée radiophonique "est-ce que tu me reçois", qui en vient à couvrir le son du vario et surtout à polluer inutilement 3 fois sur 4, les instants privilégiés et rares. On pourrait imaginer le libériste comme un contemplatif passionné goûtant avec délices le bonheur d'un paysage éphémère et unique. Ben non ! C'est un radio-amateur qui vole. Le deuxième est un manque de condition physique qui transforme les courbes harmonieuse en carrés et les taux de montée n'aiment pas. Le troisième est une vieille connaissance physiologique, l'onglée.

Mais le summum, le top des tops, le fléau ultime, irrémédiable, imparable, obsédant, impitoyable, incoercible, etc... : la miction impérieuse, le pipi. Ayant déjà baptisé un harnais delta de Pascal (merci encore), je me dis qu'au moins, en parapente, on se met debout et c'est comme à la maison, la lunette en mains. Aussitôt dit, aussitôt fait et, rien.... que dalle, pas une goutte. Trois tentatives en vain, même avec une moitié d'aile fermée. Triste spectacle que ce volatile anurique et rouge pivoine.

Bref, la fin du vol sera plus une lutte physiologique et "urologique" qu'aérologique. Mon dernier plané se fera face au vent pour poser à coté d'un village sur une crête perpendiculaire à ma route afin de garder le contact avec la récup que je crois, à tort, toute proche. J'avoue qu'un GPS que j'ai tant raillé !) m'indiquant ma position et la proximité des cent bornes m'aurait incité à finir vent de cul.

En tous cas, le vent de cul, je l'ai pour inonder, dans une extase primitive, ce piquet de clôture. Après avoir joint Rémi et François qui sont à Cahors, les yeux sur le toit ouvrant à ma recherche, je vais boire le café au milieu de la réunion de famille voisine. Chacun y va de son expérience, variée du vol ultra-léger. Ainsi j'apprends, entre autre, que le fait de m'être posé plus haut que mon décollage était pour beaucoup dans la distance parcourue. J'acquiesce devant tant de conviction. Rassasié et réchauffé, j'entame avec sérénité le chemin de campagne qui m'emmène au point de rendez-vous. Ces quelques kilomètres à pied, seul sur cette crête au point de vue circulaire sont le parfait achèvement de cette journée de vol. A peine ai-je le temps de faire connaissance avec tous les chiens du village que ma récup adorée arrive, fourbue et le visage las. Une cloppe pour François, quelques "mesures of Rap" pour Rémi, et retour sur les réalités de chez nous.

Le cross est vraiment l'aboutissement du vol libre (j'en vois qui sursautent !) Certes, c'est ingrat, aléatoire, étroitement lié à la possibilité d'une récupération (facteur sûrement le plus limitant pour nombre d'entre nous), loin du regard des autres, mais quel pied. Le plus difficile est de couper, au bon moment, le cordon ombilical du décollage. Ensuite c'est un autre vol et un autre monde, plus facile d'une certaine manière, plus de liberté mais moins de certitudes. Le parapente ajoute encore au plaisir par son insouciance de la vache et son autonomie une fois posé. Par contre pour ce qui est de la glisse... ne vexons personne, faut rester cool, mais... et puis, faut voir comme ils se fringuent mais, bon faut rester cool. Bref, que l'on débute ou que l'on tourne en rond, le cross me semble un bon tremplin pour doper son activité (surtout avec une bière). Eu égard à ce qui se fait par ailleurs la distance effectuée est très modeste, si si, mais le plaisir est ailleurs ; sinon la compétition vous tend les bras et là je passe la plume au président "Champion - de - France avec - mat - qui - les - a - tous - mis".

Réalisé sous la menace d'un ex-président et remis en main propre (euh, pas vraiment).

Visa de censure n 007 de la commission information et désinformation, qui décline toute responsabilité quant aux réactions de tout bipède suspendu à un chiffon, gonflé ou non.


Franck Perrin

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