Cellules Solaires pour les Télécommunications et la Récupération d’Énergie Solar Cells for Telecommunication and Energy Harvesting

Daniel RIBEIRO DOS SANTOS ,
Anne JULIEN-VERGONJANNE 
et Johann BOUCLÉ 

https://doi.org/10.25965/lji.661

Dans un monde technologique en pleine mutation, le nombre d’appareils connectés explose et le domaine des télécommunications doit suivre le rythme en offrant une connectivité toujours plus robuste et fiable, tout en assurant une emprunte énergétique la plus faible possible. Les nouvelles générations de technologies sans fils mobiles (la 5G aujourd’hui et la 6G demain) cherchent ainsi à exploiter de nouvelles bandes de fréquences pour éviter la saturation du spectre radiofréquence (RF) actuel. Dans ce contexte, la communication sans fil par voie optique (Optical Wireless Communication - OWC) est une solution notamment pour les environnements intérieurs. D’autre part, l’utilisation de cellules et modules photovoltaïques pour la récupération d’énergie ambiante est étudiée actuellement pour la réception de données par voie optique. Ce concept récent associant des expertises interdisciplinaires dans les domaines de l’énergie et des télécommunications permet d’envisager l’alimentation en énergie des dispositifs communicants de l’internet des objets (IoT), tout en leur apportant une fonctionnalité de réception OWC. Ce travail décrit ainsi les principes de base de la technologie OWC et propose un état de l’art synthétique sur l’utilisation de photorécepteurs photovoltaïques pour cet usage innovant.

As technological world rapidly evolves, the number of connected devices is exploding and the field of telecommunications must offer even more robust and reliable connectivity, while ensuring the lowest energy consumption. The new generations of mobile wireless technologies (5G today and 6G tomorrow) are thus seeking to exploit new frequency bands to avoid saturation of the current radio frequency (RF) spectrum. In this context, Optical Wireless Communication (OWC) is a solution, particularly for indoor environments. On the other hand, the use of photovoltaic cells and modules for ambient energy harvesting is currently being studied for the reception of optical data. This recent concept combining interdisciplinary expertise in the fields of energy and telecommunications provides the power supply of communicating device of the Internet of Things (IoT) along with OWC reception functionality. This work describes the basic principles of OWC technology and provides a synthetic state-of-the-art about using photovoltaic receivers for this innovative purpose.

Sommaire
Texte

Introduction

Note de bas de page 1 :

Les conditions de test standard : 1000 W/m2, 25°C et le spectre solaire AM1.5G

Note de bas de page 2 :

Supérieur à 3 Wg-1 obtenue avec une cellule « Copper Indium Gallium Selenide (CIGS) » (Chirilǎ, et al., 2011)

La croissance exponentielle de la population induit de nombreux défis sociétaux, liés notamment aux changements climatiques et aux enjeux énergétiques. Pour répondre à ces défis, les recherches autour de sources énergétiques renouvelables s’intensifient (Victoria, et al., 2021). Ainsi, la technologie photovoltaïque (PV) attire l’attention à mesure que les nouvelles générations de dispositifs PV émergent, comme par exemple les cellules solaires à pigments photosensibles (Dye-Sensitized Solar Cell - DSSC), les cellules solaires organiques (Organic Photovoltaics - OPV), et plus récemment les cellules solaires pérovskites (Perovskite Solar Cells – PSC). Ces technologies, qui font partie de la 3ème génération de cellules solaires, sont susceptibles de présenter un coût et une durée de retour énergique (Energy Payback Time – EPBT) inférieurs à ceux des approches inorganiques conventionnelles (cellules silicium, cellules en couches minces). Elles constituent de sérieuses options pour la conversion photovoltaïque de l’énergie, avec notamment des rendements de conversion de puissance (Power Conversion Efficiency – PCE) jusqu’à 25.7 % sous les conditions de test standard1 (Dong, et al., 2021). De plus, bien que les cellules solaires inorganiques présentent de meilleures performances dans ces conditions (PCE de 29.1 % pour une cellule inorganique à l’Arsenure de Gallium GaAs (Li, et al., 2020)), des recherches récentes ont montré le potentiel de la 3ème génération des dispositifs PV dans un futur proche (Kopidakis, s.d.), notamment en raison d’autres caractéristiques très intéressantes, comme la flexibilité et la légèreté des substrats, conduisant à une puissance spécifique très élevée, atteignant 10 W/g sous illumination solaire (Kaltenbrunner, et al., 2012)2.

Figure 1 : Consommation d’énergie des dispositifs traditionnels

Figure 1 : Consommation d’énergie des dispositifs traditionnels

Crédits : Crée à partir de données provenant de (Tartagni, et al., 2009)

Le vrai potentiel de cette génération de composants à bas coûts et flexibles se révèle dans les conditions d’éclairage intérieur (indoor), lorsque des sources lumineuses artificielles sont utilisées (lampes halogènes, diodes électroluminescentes ou LED à basse consommation). En effet, des recherches récentes ont rapporté un rendement de 40.24 % (record mondial) d’une cellule pérovskite sous 1000 lux (Dong, et al., 2021), et un rendement de 31.0 % d’une cellule solaire organique sous 1650 lux (Ma, et al., 2020). Ces rendements sont supérieurs à ceux obtenus avec des cellules au Silicium Amorphe (Image 10000200000000090000001AD9C1B346.png-Si) et à l’Arséniure de Gallium (GaAs), qui montrent des PCE de 21 % et 19 % respectivement (Li, et al., 2020). En conséquence, une cellule solaire organique de surface active 10 cm x 10 cm présentant un rendement de 10 % peut générer jusqu’à 10 mW de puissance électrique sous un éclairage standard indoor de 500 à 1000 lux (Cutting, et al., 2016), (Pecunia, et al., 2021), ce qui est suffisant pour alimenter des dispositifs de très faible puissance (Ultra Low Power - ULP) de l’Internet des Objets (Internet of Things - IoT), comme des capteurs, des actionneurs et petits robots (Li, et al., 2020), et d’autres appareils couramment utilisés, comme indiqué dans la Figure 1.

Le développement technologique des dispositifs PV est allé encore plus loin avec des recherches montrant l’utilisation potentielle des cellules solaires comme récepteurs de données pour les communications par optique sans fil (Optical Wireless Communication - OWC). On peut ainsi concevoir un seul système pour simultanément récupérer de l’énergie et des données (Wang, et al., 2014), apportant des solutions innovantes dans le contexte de la digitalisation et de l’automatisation de nos sociétés. Nous pouvons citer en exemple des dispositifs totalement autonomes en énergie, capables d’exploiter l’énergie lumineuse environnante tout en convertissant efficacement des données numériques transmises par voie optique. Ce concept est illustré à la Figure 2.

Figure 2 : Représentation schématique de la récupération d'énergie et réception des données simultanément en utilisant un module PV

Figure 2 : Représentation schématique de la récupération d'énergie et réception des données simultanément en utilisant un module PV

Cet article vise à dresser un panorama synthétique de l’utilisation des cellules solaires en tant que photodétecteurs dans le but de récupérer de l’énergie et de recevoir de façon simultanée des données par voie optique sans fil. Dans la Section 1, un rappel des principales caractéristiques de la technologie OWC est présenté, en soulignant notamment les avantages et les inconvénients de la technologie par rapport aux solutions radiofréquences. La Section 2 se focalise sur l’utilisation des dispositifs PV pour les communications OWC, en exposant les défis scientifiques associés et l’état de l’art récent. Finalement, la Section 3 conclura le document en synthétisant les informations fournies.

1. Communication par Optique sans Fil

Avec le déploiement des cinquième et sixième générations de réseaux mobiles (5G et 6G) il est attendu une hausse importante du débit utilisateur, une diminution de la latence et une augmentation de la densité d’objets pouvant être connectés dans un périmètre donné. Ces évolutions conduisent à une saturation probable du spectre Radiofréquence (RF), limitant les capacités de communication (Mumtaz, et al., 2017). L’une des solutions envisagées consiste à utiliser de nouvelles bandes de fréquences, en se rapprochant des ondes millimétriques (mm), des ondes térahertz et de la bande optique. Cette dernière a récemment attiré l’attention des chercheurs du domaine des télécommunications modernes. Les technologies RF classiques travaillent sur une bande de 3kHz à 300GHz, représentant 300GHz de bande passante disponible, alors que le spectre optique couvre 190THz à 1500THz, ce qui représente 1,3 millions de GHz de spectre disponible, soit environ 4000 fois plus que la bande RF actuelle. Sans surprise, la technologie OWC fait l’objet de nombreuses recherches. Cette dernière regroupe plusieurs catégories en fonction des longueurs d’onde considérées : l’optique en espace libre (Free Space Optics - FSO), qui utilise l’infrarouge (entre 750 nm et 1600 nm), la communication par lumière visible (Visible Light Communication – VLC), qui exploite la bande visible, entre 380 nm et 780 nm, et les communications dans l’ultraviolet (UV-C), entre 200 nm et 280 nm. La Figure 3 illustre le schéma de principe d’une communication OWC. Contrairement à la communication radio, la transmission optique s’effectue en bande de base : aucune conversion de fréquence n’est effectuée. Les données du côté émetteur sont modulées en puissance optique par le dispositif de conversion électro-optique. L’information traverse le canal optique (propagation de la lumière modulée dans l’espace, incluant d’éventuelles réflexions sur des obstacles, etc.). Après transmission, l’amplitude de la puissance optique est convertie en signal électrique par le composant de réception optoélectronique.

Figure 3 : Diagramme de communication optique

Figure 3 : Diagramme de communication optique

Dans le domaine du visible, le dispositif électro-optique émetteur est classiquement une diode électroluminescente (LED), aujourd’hui utilisée pour l’éclairage intérieur, et dont la capacité de commutation rapide permet d’atteindre des fréquences supérieures à celles que l’œil humain peut détecter (60Hz). En conséquence, une LED commandée par un signal électrique comportant une partie continue (pour l’éclairage) et une partie alternative modulée à des fréquences élevées génère un signal optique dont l’amplitude varie au rythme des données binaires. Ces variations d’intensité lumineuse ne peuvent pas être détectées par un observateur, lui donnant une impression d’éclairage constant (Liao, et al., 2015). Côté réception, une détection directe du signal modulé à l’aide des dispositifs photodétecteurs à semiconducteurs, tels que les photodiodes, les photomultiplicateurs, les phototransistors ou par des cellules PV, est possible. De façon générale, chaque photon absorbé par la couche active du photodétecteur génère une paire électron-trou collectée de façon sélective aux électrodes du dispositif, permettant la génération de l’énergie électrique. Un circuit électronique de réception permet alors de récupérer l’information initiale (Ghassemlooy, et al., 2013). Les photodiodes conventionnelles sont les composants les plus largement utilisés en raison de leurs performances (sensibilité, temps de réponse) et de leurs faibles coûts, tandis que les phototransistors permettent un gain en courant plus élevé mais diminuent le débit du système. Dans les deux cas, le circuit de réception ne récupère pas de l’énergie. Pourtant, l’utilisation de cellules solaires en tant que photodétecteurs OWC peut permettre de collecter à la fois un signal optique et de convertir l’énergie lumineuse environnante en énergie. Ce concept très moderne est détaillé dans la Section 2.

Contrairement à la technologie RF, la communication OWC ne nécessite aucune licence, ce qui permet un déploiement rapide. En effet, dans les situations du domaine VLC, les LEDs utilisées comme point d’accès sont déjà déployées dans tous les systèmes d’éclairage. Un autre avantage par rapport aux RF est l’absence d’interférences électromagnétiques (Electromagnetic Interference – EMI), extrêmement important dans les environnements sensibles comme par exemple les hôpitaux, où les dispositifs médicaux sont nombreux.

Par ailleurs, l’une des caractéristiques de la technologie OWC est le confinement des ondes optiques dans les environnements intérieurs, contribuant ainsi à la sécurité physique des communications. Cependant, cela représente également un inconvénient car la qualité de la transmission par voie optique peut être dégradée par la présence d’obstacles notamment pour des liaisons très directives entre émetteur et récepteur. Toutefois, dans le cas de liaisons optiques plus diffuses, la capacité de réflexion optique des matériaux constituant les environnements permet d’établir la transmission indépendamment d’une connexion directe entre l’émetteur et le récepteur.

La double fonction des LEDs est également un point fort des systèmes VLC ; la lumière sert à la fois à éclairer et à communiquer, ce qui montre la perspective écologique de cette technologie émergente. Cependant, cela met également en évidence qu’une problématique de communication est soulevée lorsque les éclairages intérieurs sont éteints.

En termes de performance, la technologie OWC peut dépasser des débits supérieurs au Gbps (Sarbazi, et al., 2020), suffisamment élevés pour les demandes de communication modernes. Cependant, les photodétecteurs sont sensibles à l’éclairage ambiant qui constitue une source importante de bruit, limitant alors leurs performances. De plus, certaines des technologies OWC doivent faire l’objet de régulation de sécurité de puissance optique. C’est le cas du domaine infrarouge, qui présente un danger pour l’intégrité oculaire, et du domaine ultraviolet, bien connu pour occasionner des pathologies de la peau. Finalement, le Tableau 1 compare les technologies RF et OWC sur les principales caractéristiques.

Tableau 1 : Comparaison entre RF et OWC

PARAMÈTRE

RF

owc

Bande Passante

300Ghz

1.3PHz

Sécurité de la couche physique

Faible

Élevée

Coût des systèmes

Élevée

Faible (double fonction)

Complexité du système

Élevée

Faible

Déploiement de nouveaux systèmes

Complexe

Simple

Interférence Electromagnétique

Élevée

Aucune

Couverture

Elevée

Faible

Bruit

Faible

Élevée

En raison de la faible mobilité, de la sensibilité aux obstacles, des propriétés de réflexion optique des matériaux et de la présence de luminaires compatibles, la technologie OWC est très adaptée pour des environnements intérieurs, comme dans le domaine de la surveillance médicale (Bas, 2017), l’internet haut-débit ou LiFi (Light Fidelity - LiFi) (Haas, et al., 2016), les smart homes (Xu, et al., 2021), et les smart factories (Muller, et al., 2022). Ces caractéristiques illustrent l’aspect très adaptatif de la technologie pouvant s’appliquer à des utilisations à bas débit (la transmission de la température d’un patient pour la surveillance médicale ne dépasse pas 10 kbps), mais aussi à très haut débit, comme dans des utilisations pour la réalité virtuelle, qui nécessite au minimum 1 Gb/s (Guerra, et al., 2019).

La section actuelle a détaillé les caractéristiques des technologies OWC en mettant en évidence certains avantages et inconvénients. La section suivante décrit l’utilisation des cellules solaires pour la réception de données pour l’OWC.

2. Cellules Solaires utilisées en tant que Photodétecteurs OWC

De manière simple, les photodiodes et les cellules PV partagent une architecture et un fonctionnement relativement proches : l’énergie lumineuse est absorbée par la couche active constituée d’un matériau semi-conducteur dont le gap électronique est adapté au spectre lumineux incident. Les paires électrons-trous (charge négatif et positif respectivement) photo-générées sont dirigées vers des contacts sélectifs adaptés jouant le rôle d’électrodes.

Figure 4 : Caractéristiques J(V) typiques asociées à des photorécepteurs de type photodiodes ou cellules PV

Figure 4 : Caractéristiques J(V) typiques asociées à des photorécepteurs de type photodiodes ou cellules PV

Les deux composants se caractérisent par une réponse électrique représentée par la courbe densité de courant-tension ou J(V), montrée dans la Figure 4. Néanmoins, alors qu’une photodiode est utilisée sur le régime de photodétection, une cellule PV doit fournir une puissance optique au circuit accouplé. Les deux régimes sont illustrés à la Figure 4.

Les photodiodes sont donc utilisées en régime de photo-détection, leur assurant ainsi une bonne sensibilité et une bonne linéarité, en lien avec une faible capacité de jonction et un faible bruit de courant d’obscurité. Alors que ces caractéristiques sont cruciales pour de bonnes performances dans des scénarios de communication optique, les photodétecteurs conventionnels nécessitent néanmoins un circuit actif de réception permettant notamment une polarisation en inverse (pour assurer le bon fonctionnement du dispositif), mais aussi une conversion courant/tension. À l’opposé, les cellules photovoltaïques sont des dispositifs qui fournissent une puissance électrique (elles génèrent de la tension et du courant simultanément) proportionnelle à leur surface active. La récupération d’une énergie importante nécessite donc des surfaces importantes, associées à de grandes capacités de jonction, conduisant à un temps de réponse élevé, pouvant limiter le débit du système.

Pour la première fois en 2014, Harald Haas et son équipe ont investigué les performances de communication d’un module photovoltaïque au Silicium polycristallin (pc-Si) commercial (Wang, et al., 2014). Ils ont mis en évidence une bande passante de 350 kHz pour le module, associé à un débit de 1 Mb/s dans une configuration directe (line of sight ou LOS) associé à une distance émetteur/récepteur de 39 cm. Ce travail a posé les jalons de l’utilisation de modules PV pour la réception de données dans le contexte des OWC. Les auteurs ont aussi montré qu’un débit plus élevé de l’ordre de 7 Mb/s (dans une distance de 24 cm) peut être obtenu en utilisant une modulation d’amplitude en quadrature (MAQ) et la technique de modulation par multiplexage de fréquences orthogonales (Orthogonal Frequency Division Multiplexing – OFDM), méthode de communication permettant d’extraire le meilleur débit du système. L’analyse théorique de la récupération d’énergie et réception de données simultanément a également été réalisée.

Figure 5 : Circuit équivalent d’une cellule solaire fonctionnant en régime dynamique, couplée à un circuit de réception

Figure 5 : Circuit équivalent d’une cellule solaire fonctionnant en régime dynamique, couplée à un circuit de réception

Crédit : Modifié avec permission de la référence (Wang, et al., 2015)

Ce travail pionnier a suscité l’intérêt des scientifiques de différents domaines, en ouvrant un nouvel horizon dans les secteurs du PV et de l’OWC. Peu de temps après la première preuve de concept, la même équipe a proposé un circuit de réception simple (Figure 5) permettant la récupération d’énergie et la réception simultanée des données (Wang, et al., 2015).

Le comportement non linéaire du module solaire imposé par son point de fonctionnement (mode de récupération d’énergie) a ainsi été mis en évidence, impliquant une limitation des performances en communication. Il a néanmoins été démontré que le modèle petit signal (Figure 4) du dispositif est suffisant pour simuler les performances. Pour des distances inférieures à 1 m, un débit maximum de 11.84 Mb/s a été obtenu. Depuis 2015, plusieurs équipes ont exploré le comportement de différentes technologies de modules PV pour cette application, illustrant leur potentiel pour le développement d’objets communicants autonomes (Alamu, et al., 2022), (De Oliveira Filho, et al., 2022). L’utilisation de composants PV inorganiques à l’état de l’art (cellule PV AsGa) et de sources laser ultra-rapides ont permis de démontrer une récupération d’énergie de 1 mW pour des débits jusqu’au Gb/s, avec une efficacité de 41 % (Fakidis, et al., 2020). Bien que démontrées à courte distance (<1 m), sur de petites surfaces, et dans des conditions idéales (LOS direct), ces performances illustrent les fortes potentialités de ce concept.

Compte-tenu de leurs spécificités en conditions d’éclairage indoor, les composants PV de troisième génération (DSSC, OPV, et PSC), ont suscité également l’intérêt des scientifiques pour la réception de données et la récupération d’énergie. Dès 2015, les équipes de Harald Haas et Ifor Samuel ont évalué les performances d’une cellule PV organique présentant une surface active de 2 mm x 4 mm. Ils ont obtenu un débit maximum de 34.2 Mb/s au point de puissance maximale (Maximum Power Point – MPP), générant une puissance électrique de 0.43 mW (Zhang, et al., 2015). Cette démonstration correspond en fait à la toute première mise en évidence expérimentale d’un fonctionnement dual entre la récupération d’énergie lumineuse et la réception de données par voie optique pour les OPV. En outre, les performances en communication des OPV ont été mises en évidence par Tavakkolnia et al. en utilisant quatre sources lasers et quatre cellules PV organiques (système Multiple-Input Multiple-Output - MIMO) (Tavakkolnia, et al., 2021). Le travail a analysé l’impact des matériaux composant la couche active de l’OPV sur différents aspects de performances. Un débit maximum de 363 Mb/s a été atteint tout en récupérant 10.9 mW de puissance. L’excellente performance des cellules solaires pérovskites dans des situations indoor a aussi attiré l’attention des chercheurs comme Mica et al. qui ont analysé l’impact de l’architecture de PSCs fabriquées à l’échelle du laboratoire (Mica, et al., 2020). Ils ont fait varier l’épaisseur de la couche active en faisant une analyse quantitative à la fois des performances en récupération d’énergie et en communication. Ce travail est la première mise en évidence du compromis à réaliser concernant l’architecture du composant pour optimiser les deux régimes de fonctionnement visés (énergie et données).

Le compromis entre récupération d’énergie et réception de données a été également étudié côté circuit de réception de sorte que différentes architectures ont été proposées. L’analyse théorique de l’influence de la charge vue par le dispositif PV a été effectuée en 2020 (Fakidis, et al., 2020), en faisant varier le point d’opération d’une cellule AsGa et en caractérisant alors les performances photovoltaïques et les performances en réception de données. De plus, Kadirvelu et al. ont présenté un circuit de réception actif pour faire varier la charge vue par le dispositif PV en modifiant par conséquence le débit et la puissance électrique générée par un module inorganique AsGa (Kadirvelu, et al., 2021). D’autres aspects ont été examinés, tels que la limitation de la bande passante des cellules et modules, l’aspect non linéaire dans une configuration de récupération d’énergie (Chen, et al., 2021) et les effets d’ombrage et d’éclairage ambiant dans les modules (Lorrière, et al., 2019).

Néanmoins, comme la récupération d’énergie et la réception de données simultanée avec des cellules solaires reste une approche récente, la plupart des travaux reportés dans la littérature se limitent encore à la mise en évidence des performances maximales des dispositifs et peu d’articles se concentrent sur le compromis entre les deux caractéristiques. Dans ce contexte et pour la première fois, Sepehrvand et al. ont développé une méthodologie quantitative pour mettre en évidence le compromis entre les deux aspects (Sepehrvand, et al., 2021). Par ailleurs, aucune étude n’a détaillé les performances de modules PV dans une situation réelle indoor intégrant un environnement complexe (scénario IoT, par exemple). De même, la majorité des études publiées à ce jour se focalisent sur des configurations en incidence normale directe entre l’émetteur et le récepteur, avec un alignement idéal, sans tenir compte des réflexions/diffusions sur les éléments de l’environnement. L’intégration d’un aspect lié à la mobilité des systèmes OWC basés sur l’utilisation de cellules PV (système embarqué sur un objet mobile) est aussi un défi très peu adressé aujourd’hui, une seule étude ayant été proposée très récemment dans ce contexte (Liu, et al., 2021). D’autres défis restent encore à relever, comme le fait d’améliorer les performances en communication des modules présentant des surfaces actives importantes, de caractériser de façon complète les dispositifs PV pour mettre en évidence les relations entre propriétés statiques et propriétés dynamiques, et de développer des outils de simulation notamment pour prédire les performances en environnements complexes. En outre, les recherches actuelles restent encore restreintes à l’échelle du laboratoire et le déploiement des systèmes pour un usage industriel et commercial reste à développer dans le contexte général de l’IoT industriel (industrie 4.0, maison intelligente, etc.). Finalement, ce domaine innovant ouvre des opportunités de recherche pour le développement d'un monde plus économe en énergie et pourtant connecté.

Conclusion

Dans cet article, nous avons détaillé certaines caractéristiques de la technologie de communication sans fil par voie optique, en soulignant ses avantages et ses inconvénients par rapport aux technologies radiofréquences. Nous avons plus spécifiquement discuté du concept récent lié à l’utilisation de modules photovoltaïques pour la récupération simultanée d’énergie et la réception de données optiques. Finalement, l’interdisciplinarité est très évidente : d’un côté on voit l’aspect communication, en mettant en évidence les caractéristiques dynamiques des systèmes ; de l’autre on a l’aspect technologie photovoltaïque, spécialisé sur la récupération d’énergie des cellules PV.

Alors que les sociétés connaissent un accroissement du nombre d’objets et de systèmes connectés et communicants, ce concept apparait comme particulièrement pertinent pour répondre aux enjeux d’autonomie énergétique de ces systèmes. Les études publiées à ce jour montrent la faisabilité de la technologie, et démontrent déjà, dans des conditions expérimentales contrôlées, des performances adaptées à de nombreux scénarios IoT.

En exploitant les excellentes performances photovoltaïques en conditions indoor de la 3ème génération de cellules solaires et le potentiel de communication émergent des dispositifs PV, des solutions à bas coût et à faible impact environnemental sont ainsi attendues dans les années à venir. En particulier, la flexibilité et la grande légèreté des composants PV émergents (cellules solaires organiques, cellules solaires pérovskites) permettent d’envisager une intégration aisée sur des surfaces complexes, mais aussi un déploiement simplifié, tout en permettant une mobilité importante aux futurs nœuds autonomes et communicants de l’IoT. De nombreux challenges restent à adresser dans ce domaine émergent, en lien notamment avec la linéarité limitée des composants PV, leur bande passante étroite, ou leur sensibilité importante aux bruits lumineux ambiant. De plus, des efforts importants sont encore à déployer dans le domaine de la simulation de leurs performances dans des environnements complexes, pour permettre leur déploiement à grande échelle.