2025, première quinzaine de juin. Solène Fogret
2025, première quinzaine de juin. Solène Fogret
2 juin 2025. France. Condamnation de Majdi Nema. Le 28 mai 2025, la cour d’assises de Paris a condamné Majdi Nema à dix ans de réclusion pour « complicité de crime de guerre », pour avoir formé une entente avec le groupe armé rebelle Jaysh al-Islam en vue de commettre de tels crimes et « sciemment facilité » la conscription de mineurs âgés de 15 à 18 ans. Il a cependant été acquitté du chef de conscription ou d’enrôlement de jeunes de moins 15 ans. Par ailleurs, alors qu’il n’a toujours reconnu que sa fonction de porte-parole au sein du groupe armé, la cour a affirmé qu’il y détenait également les rôles de cadre du renseignement et de conseiller stratégique. Ce procès a plus largement permis de reconnaître la responsabilité du groupe Jaysh al-Islam dans les crimes de guerre commis entre 2013 et 2016, principalement dans la Ghouta orientale, au sud-ouest de la Syrie. La cour a reconnu la commission par le groupe de six catégories de crimes : actes de torture, emprisonnements arbitraires, enrôlements de mineurs, enlèvements et séquestrations, traitements humiliants et exécutions sommaires ; seuls les crimes commis dans la ville de Damas n’ont pas été retenus.
(https://www.justiceinfo.net/fr/146057-nema-coupable-crimes-organisation.html)
2 juin 2025. Gaza. Appel de l’ONU à garantir un passage sûr au navire Madleen de la Coalition de la Flottille de la liberté. Parti d’Italie le 1er juin 2025, le navire Madleen transportait des aides médicales essentielles, de la nourriture et des fournitures pour les enfants à destination de la bande de Gaza. Les experts onusiens ont rappelé que « le peuple gazaoui a le droit de recevoir de l’aide acheminée par ses propres eaux territoriales, même sous l’occupation, et le navire de la Coalition a le droit de passer librement dans les eaux internationales pour atteindre la population de Gaza ». La Coalition avait envoyé un navire similaire début mai 2025, qui avait été bombardé par un drone au large de Malte. Les experts ont également rappelé qu’Israël « impose un blocus à Gaza depuis 17 ans » et que ce dernier est « total et absolu depuis le 2 mars 2025 ». Par ailleurs, ils ont souligné que la Gaza Humanitarian Foundation, soutenue par Israël et les Etats-Unis, « utilise l’aide comme une arme de guerre pour déplacer, humilier et parquer les civils », violant « les principes juridiques internationaux de dignité, d’humanité, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité ». Alors que, en mars 2024, la Cour internationale de justice avait pris des mesures provisoires « reconnaissant que la famine et le manque de nourriture sévissaient à Gaza, créant un risque de génocide », la malnutrition aiguë des enfants a augmenté de plus de 80 % en mars 2025, selon les experts onusiens. Enfin, ils ont demandé à l’Assemblée générale des Nations unies d’autoriser le déploiement de Casques bleus pour accompagner les camions d’aide humanitaire. Malgré cet appel, le navire a été arraisonné dans la nuit du 8 au 9 juin par les autorités israéliennes alors qu’il se trouvait dans les eaux internationales, ce qui constitue une violation du droit international qui ne permet qu’à l’Etat du pavillon (le Royaume-Uni en l’espèce) d’arraisonner un navire dans ces eaux. Parmi les 12 personnes présentes à bord du navire, quatre ont immédiatement accepté d’être expulsées, tandis que les huit autres ont été détenues 96 heures par les autorités israéliennes après avoir refusé de signer un document qui, en plus de leur interdire pendant 100 ans l’entrée sur le territoire israélien, leur imposait de reconnaître que leur entrée sur le territoire était illégale. Deux autres personnes ont par la suite accepté de signer ce document. Concernant les six personnes restantes, cinq ont été expulsées le 12 juin et trois l’ont été le 16 juin.
5 juin 2025. Etats-Unis. Mise en œuvre de nouvelles sanctions à l’encontre de juges de la Cour pénale internationale. Conformément au décret exécutif signé par le président des Etats-Unis, Donald Trump, le 13 février 2025, quatre juges de la Cour pénale internationale ont vu ce jour leurs avoirs gelés et leur droit d’entrée sur le territoire des Etats-Unis suspendu. Il s’agit de la Seconde Vice-Présidente Reine Adelaide Sophie Alapini Gansou (Bénin), la juge Solomy Balungi Bossa (Ouganda), la juge Luz del Carmen Ibáñez Carranza (Pérou) et la juge Beti Hohler (Slovénie).
5 juin 2025. Bulgarie. Arrestation de 18 membres d’un réseau criminel de trafic de migrants. Avec le soutien d’Europol et des autorités grecque, roumaine et moldave, les forces de l’ordre bulgares ont arrêté le 3 juin 18 membres d’un réseau criminel qui conduisait des migrants, principalement des syriens de Turquie, en Europe occidentale.
6 juin 2025. France. Information judiciaire ouverte pour « complicité de génocide » à Gaza. Une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée contre X en septembre 2024 en France, pour « complicité de génocide » et « incitation au génocide » à Gaza. Elle visait plusieurs Franco-israéliens accusés de mener des actions d’entrave à l’acheminement de l’aide humanitaire dans le territoire palestinien. Une information judiciaire a été ouverte le 22 mai 2025 et confiée à deux juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris. Le Parquet national antiterroriste estime qu’il existe « des indices graves et concordants » selon lesquels « des faits de complicité de génocide, de provocation publique et directe au génocide suivie d’effet et de complicité de crimes de guerre » ont été commis « sur le territoire d’Israël, d’Egypte et de Gaza, notamment aux postes-frontières de Nitzana et de Kerem Shalom, entre le 1er janvier 2024 et mai 2024 ». Il s’agit de la première information judiciaire ouverte en France, « voire dans le monde dans le cadre de procédures nationales », à se référer à la qualification de génocide concernant Israël.
11 juin 2025. La Haye et Arusha. Présentation des travaux du Bureau du Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme, a notamment rappelé que son Bureau avait fournit une assistance aux parquets nationaux, conformément à son mandat au regard du Statut du Mécanisme, après avoir reçu 177 demandes d’assistance de la part de 11 partenaires nationaux ces six derniers mois. Ainsi, suite à un appel du gouvernement rwandais qui requérait son aide pour localiser plus de 1 000 fugitifs génocidaires en fuite, le Bureau du Procureur et des procureurs rwandais ont récemment annoncé la clôture de 65 dossiers concernant ces derniers. Egalement, le Bureau du Procureur a récemment transmis au Procureur général de Bosnie-Herzégovine un dossier d’instruction détaillé concernant des personnes soupçonnées de crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie ; une équipe conjointe mènera prochainement des enquêtes complémentaires. Enfin, un groupe de travail conjoint avec les autorités monténégrines continue de progresser dans le cadre d’enquêtes visant des crimes graves, en particulier des crimes de violence sexuelle. Par ailleurs, le Procureur a présenté l’avancée des situations respectives de Félicien Kabuga et Fulgence Kayishema.
11 juin 2025. Israël. Sanctions imposées par plusieurs Etats à l’encontre de deux ministres israéliens. L’Australie, le Canada, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions au ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et à Bezalel Smotrich, ministre israélien des Finances et ministre au ministère de la Défense, en raison de leur rôle dans l’« incitation à la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie ». Il s’agit des premières sanctions imposées par l’Australie à de hauts responsables israéliens. Itamar Ben-Gvir a affirmé qu’une victoire israélienne signifierait que la bande de Gaza serait « totalement détruite », ce qui conduirait les habitants palestiniens à « partir en grand nombre vers des pays tiers », même si tous les otages encore en vie étaient libérés. Il aurait également émis une directive enjoignant les policiers de s’abstenir d’appliquer la loi envers des colons violents. De son côté, Bezalel Smotrich, a déclaré qu’Israël devrait « encourager la migration des Gazaouis vers des pays à travers le monde ».
11 juin 2025. France. Dépôt d’une plainte contre Eurolinks pour « complicité de crimes de guerre », « complicité de crimes contre l’humanité » et « complicité de crime de génocide ». La plainte avec constitution de partie civile déposée ce jour au tribunal judiciaire de Paris vise à la fois la société française Eurolinks et l’entreprise israélienne IMI Systems (filiale du groupe israélien d’armement Elbit Systems, lui-même fournisseur de l’armée et des forces de police du pays), ainsi que « tout autre co-auteur ou complice que l’instruction judiciaire permettra d’identifier », pour des faits « commis depuis le mois d’octobre 2023 ». Elle se fonde, notamment, sur des révélations du média d’investigation Disclose et du site d’information local Marsactu datées de mars 2024, selon lesquelles la France aurait autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’une cargaison de composants servant à assembler des munitions. Or, ces dernières sont susceptibles d’avoir été utilisées par les forces armées israéliennes contre des civils dans la bande de Gaza. Eurolinks, de même que le gouvernement français, a démenti ces informations en affirmant que les munitions assemblées grâce aux composants vendus ne sont pas « destinées à être utilisées par les forces armées israéliennes ». Selon Disclose, d’autres livraisons de même nature auraient eu lieu en avril et en mai 2025. Le 4 juin 2025, après que des dockers du port de Marseille-Fos ont refusé de charger ces composants, le ministre français des Armées a réaffirmé qu’ils étaient uniquement destinés au « Dôme de fer » ou à « la réexportation ».
13 juin 2025. Tunisie. Difficultés de la justice transitionnelle. Depuis l’inauguration des 13 chambres criminelles spécialisées, le 29 mai 2018, aucune des 205 affaires transmises par l’Instance vérité et dignité (IVD) n’a encore atteint la phase des plaidoiries. Après quasiment deux années de blocage, la chambre de Tunis, qui concentre 62 % des dossiers de la justice transitionnelle du pays, a repris ses audiences le 17 mars 2025. Destinées à juger les graves violations des droits humains commises entre juillet 1955 et décembre 2013, ces chambres sont victimes de l’autoritarisme du pouvoir exécutif. En effet, l’indépendance du pouvoir judiciaire est mise à mal depuis que le président tunisien, Kaïs Saïed, s’est auto-désigné à la tête du ministère public le 25 juillet 2021. En 2022, il a révoqué 57 magistrats et réformé la Constitution en transformant le chapitre « Le pouvoir judiciaire » en un chapitre « La fonction juridictionnelle ». En 2024, l’ancienne présidente de l’IVD, Sihem Bensedrine, a été arrêtée et, bien qu’elle ait été libérée en février 2025, elle demeure sous le coup de poursuites judiciaires, tout comme quatre autres membres de l’Instance. Par ailleurs, les juges des chambres n’ont pas été désignés par le Conseil supérieur de la magistrature « qui, depuis 2022, n’existe plus dans les faits », mais via une note de service du ministère de la Justice. Ils n’ont en outre pas reçu de formation spécifique en justice transitionnelle. Enfin, les mandats d’amener émis à l’encontre des hauts responsables des services de sécurité soupçonnés d’avoir commis des crimes d’Etat ne sont pas exécutés. Une plainte a été déposée, début 2025, par l’Organisation mondiale contre la torture auprès du Comité des Nations unies contre la torture, traduisant « l’impuissance de l’Etat à respecter ses obligations en matière d’enquête et de poursuite des auteurs de torture et de mauvais traitements et de réparation aux victimes ».
(https://www.justiceinfo.net/fr/146469-agonie-justice-transitionnelle-tunisie.html)
13 juin 2025. France. Colloque « Génocide. Droit et histoire du crime des crimes ». Coorganisé par le Collège de France, sous la direction scientifique de la Professeure Samantha Besson (chaire Droit international des institutions) et du Professeur Henry Laurens (chaire Histoire contemporaine du monde arabe), ce colloque a réuni des juristes et des historiens autour des problématiques que soulève l’évolution rapide de la pratique internationale en matière de génocide. Les débats étaient articulés autour de quatre thèmes principaux : Interdiction du génocide : des violences et « légendes noires » au crime de droit coutumier ; Auteurs du génocide : individuels, collectifs et/ou institutionnels ; Conditions du génocide : intentions et/ou processus génocidaires ; Justice et vérité du génocide : « passé qui ne passe pas » et « assassins de la mémoire ».
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