Interactions entre ressources environnementales et construction du capital environnemental
Axe 1 de l'équipe Capital environnemental
Au cours de ces dernières années, une des grandes interrogations soulevées par la notion de capital environnemental a porté sur les apports et complémentarités mutuelles avec celle de ressource environnementale.
L’objet de ce premier axe est de s’emparer de cette problématique. Fondamentalement, la ressource environnementale pourrait être vue comme un des éléments préalables à la construction du capital environnemental. S’il est apparu que l’extraction directe d’une ressource pouvait être réalisée sans production conjointe de capital environnemental, plusieurs contributions issues de l’équipe ont en revanche montré que certains processus de gestion des ressources environnementales (renouvelables, en particulier) étaient consubstantiels d’une production de capital environnemental. Ces recherches s’inscriront au sein de trois programmes prioritaires : la gestion de l’eau, les circuits de proximité et les liens entre nature et monde urbain.
Capital environnemental et gestion de l’eau
La chaire Capital environnemental et Gestion Durable des cours d’eau (GEOLAB-SHEM-Suez, 2013-2018) permettra d’approfondir ces questionnements dans le domaine de l’eau à travers les études de cas de la Têt et de la Dordogne. L’eau représente un excellent objet d’analyse (critique) du concept de capital environnemental en ce sens qu’elle est sujette à plusieurs types de conversions en ressources, comme en atteste la variété des usages de l’eau. Le capital environnemental est ici considéré comme la capacité d’un acteur, d’un réseau ou d’une coalition d’acteurs à convertir l’élément biophysique « eau » (une rivière par exemple) en un type de ressource particulier. Cette capacité implique encore en amont, du ou des acteurs concernés, une disposition à identifier et à représenter la rivière et sa valeur d’un certain point de vue pour recourir à d’autres formes de capitaux (économique, politique, culturel et social) dans le but, in fine, de réaliser et matérialiser sa ou leur représentation de l’eau. Ces mécanismes complexes qui se jouent autant à l’échelle individuelle et collective, sur le temps plus ou moins long des constructions culturelles et des usages sociaux seront déconstruits par l’intermédiaire de différentes actions de recherche (doctorales et post-doctorales) financées dans le cadre de la Chaire GEOLAB-SHEM. L’un des objectifs appliqués de la chaire étant d’identifier les conditions d’une gestion durable et démocratique des cours d’eau, les recherches interrogeront sous forme de sous projets certains concepts clés qui sous-tendent actuellement la gestion de l’eau, comme la continuité écologique. De même, ils proposeront de contribuer à cette « bonne » gestion, en reformulant ou développant divers outils tels que les services écosystémiques, la patrimonialisation du risque inondation, la prise en compte de la « culture locale » de l’eau, ou encore un « indice rivières vivantes » pour tenir compte des relations hydro-sociales.
Circuits de proximité, le capital environnemental au service du développement territorial
Les travaux relatifs aux circuits courts ou de proximité sont à l’image de ceux qui sont portés par la chaire GEOLAB-SHEM. Ils sont de nature très pluridisciplinaire et trans-territoriale (villes, campagnes, espaces périurbains, paysages viticoles), ils articulent des approches fondamentales et appliquées de la recherche par l’intermédiaire de partenariats forts associant divers acteurs de la société civile ou des collectivités (cf. Observatoire des circuits de proximité et Chaire Bois Fondation partenariale de l’université de Limoges). Qu’il s’agisse des circuits de proximité agro-alimentaires, liés à la filière bois (en particulier en Limousin, mais pas exclusivement) ou à l’écologie industrielle, tous ont pour trait commun de reposer sur un système de valeurs « écologisantes » produites, vantées, véhiculées par la plupart des acteurs, qu’il s’agisse des individus, des entreprises ou des institutions impliqués dans les filières considérées.
Concernant précisément les démarches d’écologie industrielle et territoriale, elles rassemblent de manière croissante les entreprises et les acteurs publics et institutionnels autour d’un objectif de minimisation des prélèvements de ressources naturelles et de sources d’énergie et de réduction des déchets et rejets polluants. Il s’agira ici d’interroger les perspectives de développement des pratiques constitutives de l’écologie industrielle et territoriale et de saisir le rôle que jouent précisément les proximités, spatiales ou relationnelles, dans la mise en place et le développement des interactions, en référence au capital environnemental partagé par les acteurs engagés dans ces démarches.
Plus généralement, la principale question posée au cours des prochaines années consistera à savoir dans quelles mesures ces valeurs peuvent être considérées comme un capital environnemental et au-delà s’il est possible de concevoir ce capital environnemental comme un levier de développement territorial (les travaux relatifs à la valorisation du patrimoine mais aussi ceux développés autour de la vigne apporteront un éclairage précieux sur ces questionnements). L’ensemble de ces travaux bénéficie de soutiens institutionnels et financiers solides que la visibilité croissante des recherches conduites sur cette thématique depuis quelques années pourrait permettre de convertir en un portage ou une participation active à des projets scientifiques labellisés (type ANR ou PSDR). Ils pourront également être le support de la participation de GEOLAB à d’autres programmes, y compris par exemple aux travaux futurs du GIP Massif Central relatifs aux leviers d’attractivité et de développement.
Capital environnemental et nature en ville
Compte tenu de l’affirmation toujours grandissante des questionnements scientifiques relatifs à la ville et aux modes de vie urbain, l’équipe CE souhaite accorder une place plus significative à ces enjeux. L’idée est ici de capitaliser sur le positionnement existant de l’équipe et donc d’inscrire cette nouvelle thématique en cohérence avec les actions conduites autour de l’articulation ressources/capital environnemental. Concrètement, il s’agit tout d’abord d’interroger, dans sa dimension socio-spatiale, l’essor contemporain des mouvements en faveur de la réintroduction d’une nature productive en ville, prélude à la création de nouvelles ressources environnementales urbaines. Ces mouvements, derrière un objectif commun de renaturation de la ville, apparaissent protéiformes du fait de valeurs et de logiques d’actions fondamentalement différentes : structuration à l’échelle nationale, voire internationale (guerilla gardening, incredibleedible), et déclinaisons locales du concept de jardin partagé ou encore défense d’une agriculture de proximité (circuits courts agroalimentaires). De manière générale, le renouvellement des pratiques et représentations liées à la nature en ville, se traduit par une grande variété d’initiatives. A travers les exemples étudiés, il s’agira d’analyser, de comprendre les modalités de construction et d’affirmation des groupes d’acteurs légitimés qui développent et véhiculent de nouvelles identités territoriales, ici liées à la création d’une ressource environnementale urbaine, possiblement coproductrice de nouveaux éco-quartiers. Ces derniers seront d’ailleurs l’objet d’une investigation critique, portant en particulier sur les interactions entre le bâti, les populations et le capital environnemental telles qu’elles sont véhiculées par « l’urbanisme durable » et qui occultent possiblement certaines dérives, en termes d’isolement de ces quartiers ou d’inégalités sociales. Il s’agira également d’étudier la place accordée à la nature urbaine « non voulue », comme la présence de certains animaux (pigeon, renard…) mais aussi l’entrée de grande faune en zone urbaine comme les sangliers. Certaines pratiques telles que la chasse en zone péri-urbaine seront étudiées afin de comprendre les enjeux de l’urbanisation croissante des campagnes, l’évolution des valeurs, modes de vie, relations développées à l’animal sauvage.
Ce dernier thème de l’axe 1 est à la charnière avec les questionnements de l’axe 2 et permet de réfléchir à l’émergence de nouveaux liens entre ressource environnementale, mobilité résidentielle et fronts écologiques urbains.
Chaire GEOLAB – SHEM
Observatoire des Rivières Vivantes
Observatoire des proximités