La mobilisation de l’Histoire dans le discours politique d’Éric Zemmour The mobilisation of History in Éric Zemmour’s political discourse

Silvia MODENA 

https://doi.org/10.25965/espaces-linguistiques.750

Notre article va essayer de mettre à profit les études sur le populisme à travers la valorisation du rôle des médias et des stratégies discursives utilisées par le candidat du parti Reconquête ! Éric Zemmour. Plus particulièrement, nous avons mis en lumière la valeur que l’Histoire de France joue dans la perspective subjective et personnelle du candidat. En parcourant les allocutions de sa campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2022, nous avons détecté des postures énonciatives et des stratégies argumentatives permettant au porte‑parole de Reconquête ! de créer son « égo‑histoire ». Ainsi, le discours politique d’Éric Zemmour se construit de manière régulière entre l’Histoire de France/des Français et son histoire personnelle : Éric Zemmour fait miroiter les étapes de sa vie privée et professionnelle (fils de parents « migrants », écolier, banlieusard, journaliste, essayiste, homme politique) dans les grandes étapes de l’histoire française.

Our article will attempt to build on studies of populism by highlighting the role of the media and the discursive strategies used by Reconquête! party candidate Éric Zemmour. In particular, we have highlighted the value that French history plays in the candidate’s subjective and personal perspective. By examining speeches from his election campaign for the 2022 presidential election, we detected enunciative postures and argumentative strategies that enable the Reconquête! spokesman to create his “ego-history”. Thus, É. Zemmour’s political discourse is regularly constructed between the History of France/of the French and his personal history: É. Zemmour makes the stages of his private and professional life (son of “migrant” parents, schoolboy, suburbanite, journalist, essayist, politician) fit into the major stages of French history.

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Introduction

1Bernard Manin (2019), dans son ouvrage Principes du gouvernement représentatif, a décrit les trois âges de la démocratie libérale : en partant de la démocratie des notables on passe par la démocratie des partis pour arriver à la démocratie du public‑démocratie d’opinion. Cette classification a été reprise par Noiriel dans son ouvrage Le venin dans la plume – Edouard Durmont, Éric Zemmour et la part sombre de la République (2019 [2021]) : l’auteur dessine ainsi les effets politiques les plus remarquables de la troisième phase, la démocratie du public qui passe par l’information‑spectacle et par l’effondrement des représentations des milieux populaires (perte d’influence des syndicats, disparition de la presse militante, affaiblissement du PCF). Le populisme peut être conçu comme mode spécifique d’exercice du leadership politique qui passe nécessairement par l’abolissement des corps intermédiaires de la politique : la volonté du leader est donc celle d’entrainer un rapport direct avec les citoyens à travers les médias. L’histoire personnelle, professionnelle et politique d’Éric Zemmour est, dans ce sens, un exemple prototypique : pour l’élection présidentielle de 2022, le porte‑parole du parti Reconquête ! parsème les allocutions de sa campagne électorale de données biographiques nouées autour de certaines étapes historiques de France (§ 4. Une histoire partielle de la guerre d’Algérie), de données professionnelles ancrées dans la figure charismatique du journaliste-leader (§ 2. Une égo‑histoire) et, d’un discours politique sollicitant diverses typologies de populisme (§ 3. Populisme‑s).

Note de bas de page 1 :

Les allocutions officielles de la campagne pour l’élection présidentielle d’Éric Zemmour sont quinze : le discours de Châteaudun (7 janvier), le discours des Sables d’Olonne (10 janvier), le discours de Saint Quentin (15 janvier), le discours de Calais (19 janvier), le discours de Cannes (23 janvier), le discours de Chaumont (28 janvier), le discours de Lille (5 février), le discours de Saulieu (12 février), le discours du Mont‑Saint‑Michel (19 février), le discours de Chambéry (25 février), le discours de Toulon (6 mars), le discours du Meeting des femmes (8 mars – Paris), le discours d’Agen (12 mars), le discours de Metz (18 mars), le discours du Trocadéro (27 mars). Nous ajoutons à cette liste les vœux que le candidat a adressés à la presse (10 janvier).

2Pour ce qui concerne la sélection des discours de notre corpus, elle a été faite sur la base des allocutions officielles que le candidat de Reconquête ! a prononcées lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 20221. Nous avons décidé de les analyser toutes car elles répondent à trois critères significatifs pour notre méthode d’analyse : tout d’abord, elles représentent l’un des rituels politiques enracinés lors des déplacements de candidat‑e‑s au cours de la campagne présidentielle (allocutions officielles, meeting, réunions publiques, visites, rencontres, etc.) ; elles occupent ensuite un espace temporel circonscrit et limité au défi électoral (janvier‑avril 2022) qui produit, par contre, une activité discursive copieuse reliable à la notion de « moment discursif » (Moirand, 2007) ; même si la notion de « moment discursif » entretient un rapport direct avec celle d’« hétérogénéité énonciative », nous avons décidé de choisir comme dernier critère le caractère quasi monologal des allocutions prononcées par Éric Zemmour. Étant donné l’« impossible clôture des corpus médiatiques » (Moirand, 2004) d’un point de vue énonciatif et interdiscursif, nous avons circonscrit notre analyse à la prise de parole officielle du candidat Éric Zemmour tout en laissant de côté les productions discursives qui faisaient partie d’un premier corpus de référence (interviews, tweets, posts sur Facebook, participation à des émissions télévisées ou radiophoniques, etc.).

3Sa prise de parole en tant que porte‑parole du parti Reconquête ! lors des étapes officielles de ses quinze meetings de campagne nous a permis de mettre en évidence la façon à travers laquelle le candidat utilise l’histoire de France et son histoire personnelle dans le but de mobiliser sa propre « égo‑histoire ». Cette notion est le fruit des travaux d’un courant d’historiens contemporains qui ont adopté, au cours des années 80, l’approche de Pierre Nora (1987), sur le fait que « la recherche et l’écriture historique ne peuvent être complètement séparées de l’histoire personnelle de l’individu engagé dans cette démarche » (Aurell, 2021, p. 128). L’un des historiens qui a repris cette notion pour faire ressortir le poids identitaire des exemples autobiographiques mobilisés par Éric Zemmour a été Gérard Noiriel. Ce dernier avait déjà longuement travaillé sur le travail d’historien (2003, 2010) et sa posture épistémologique avait attiré, entre autres, l’œil attentif de Marie‑Anne Paveau qui commentait ainsi sa postface à Penser avec, penser contre. Itinéraires d’un historien (2021, p. 3) :

À l’époque, il y a presque vingt ans, le discours scientifique en première personne était impensable en linguistique en France, et je le découvrais avec enthousiasme dans l’ego‑histoire, installée une quinzaine d’années auparavant par Pierre Nora et ses collaborateurs dans le livre qu’il a coordonné en 1987, Essais d’ego‑histoire (Nora 1987). Cette postface de Gérard Noiriel appartient pleinement à ce que j’appelle un discours de place.

4Le travail d’historien engagé de Gérard Noiriel s’est matérialisé surtout dans son ouvrage de 2021 (Le venin dans la plume – Édouard Durmont, Éric Zemmour et la part sombre de la République) dans lequel il a mis en exergue le rôle du candidat en tant que « professionnel de la parole publique » (Noiriel, 2019 [2021], p. 6) ainsi que les attaques d’Éric Zemmour contre les historiens qui tiennent le « haut du pavé » (Zemmour, 2018, p. 37). Dans les pages qui suivent nous allons donc mettre en évidence comment le candidat de Reconquête ! se pose en historien (§ 1.1 L’historien de l’information‑spectacle) et exploite à des fins électorales des données autobiographiques liées à sa vie professionnelle et privée.

1. Éric Zemmour : histoire, médias et discours populiste

1.1. L’historien de l’information‑spectacle

5Les médias « classiques », télévision et radio, facilitent la libéralisation des moyens de communication et permettent, dès les années 80 en France, la naissance de la « fait‑diversion » (Bourdieu, 1996). La multiplication des chaînes financées par les recettes publicitaires explosa de manière inouïe grâce aussi à la privatisation de l’information télévisée qui fut accentuée par une autre innovation technologique de taille : la télévision numérique terrestre (TNT).

6Le 18 mars 2006, sur le plateau de « Tout le monde en parle », Éric Zemmour, qui était alors journaliste politique au Figaro et qui divulguait ses prises de positions dans l’émission Ça se dispute sur la chaine d’information en continu I‑Télé, présente son essai contre la « doxa féminine » Le Premier sexe (sur lequel on reviendra plus tard). Il s’agit d’une soirée qui va marquer un tournant dans la trajectoire d’Éric Zemmour dans la mesure où il se fait remarquer par la productrice de l’émission On n’est pas couché sur France 2, Catherine Barma qui l’intègre dans son équipe de 2006 à 2011. Il travaillera aussi, de janvier 2010 à juillet 2016, sur RTL présentant une chronique intitulée Z comme Zemmour dans le but d’analyser l’actualité. De 2011 à 2021, il anime un talk‑show sur Paris Première, Zemmour & Naulleau.

Note de bas de page 2 :

Nous reportons de suite la production complète du porte‑parole de Reconquête !. Les essais : 1995 : Balladur, immobile à grands pas, Paris, Grasset (ISBN 9782246489719) ; 1997 : Le Coup d’État des juges, Paris, Grasset (ISBN 9782246525516) ; 1998 : Le Livre noir de la droite, Paris, Grasset (ISBN 9782246562511) ; 1998 : Une certaine idée de la France, collectif, Paris, France‑Empire (ISBN 9782704808724) ; 2000 : Les Rats de garde, avec Patrick Poivre d’Arvor, Paris, Stock (ISBN 9782234052178) ; 2002 : Chirac, l’homme qui ne s’aimait pas, Paris, Balland (ISBN 9782715814080) ; 2006 : Le premier sexe, Paris, Denoël (ISBN 9782207257449 – rééd. augmentée J’ai lu, 2009) ; 2010 : Mélancolie française, Paris, Fayard/Denoël (ISBN 9782213654508 – rééd. Le Livre de poche) ; 2011 : Z comme Zemmour, Paris, Le Cherche midi (ISBN 9782749118659) ; 2011 : participation à Philippe Muray, Paris, Le Cerf, coll. « Cahiers d'histoire de la philosophie » (ISBN 978-2204095365) ; 2012 : Le Bûcher des vaniteux, Paris, Albin Michel (ISBN 9782226240248) ; 2013 : Le Bûcher des vaniteux 2, Paris, Albin Michel (ISBN 9782226245410) ; 2014 : Le Suicide français, Paris, Albin Michel (ISBN 9782226254757) ; 2016 : Un quinquennat pour rien, Paris, Albin Michel (ISBN 2226320083) ; 2018 : Destin français, Paris, Albin Michel (ISBN 9782226320070) ; 2021 : La France n'a pas dit son dernier mot, Paris, Rubempré (ISBN 9782957930500). Les romans : 1999 : Le Dandy rouge, Plon (ISBN 978‑2‑259‑19058‑9) ; 2004 : L’Autre, Denoël (ISBN 978‑2‑207‑25496‑7) ; 2008 : Petit Frère, Denoël (ISBN 978‑2‑207‑25668‑8 – rééd. J'ai lu, 2009).

7Son activité de journaliste polémiste sur les écrans de la télévision et à la radio s’ajoute à ses activités dans la presse écrite – Le Figaro, Le Figaro‑Magazine, Valeurs actuelles. Il publie également une vingtaine d’essais dont trois romans2 ; au moins trois essais lui permettent de commencer à se présenter comme « un historien » : Z Comme Zemmour de 2011, Le Bûcher des vaniteux de 2012, Le Bûcher des vaniteux 2 en 2013. L’histoire est aussi mise en avant dans Mélancolie française (2010) qui affiche comme sous‑titre « L’histoire de France raconté par Éric Zemmour ». À cette première liste il faut ajouter Suicide français de 2014, Destin français publié en 2018, qui évoque à nouveau l’histoire dans le sous‑titre « Quand l’histoire se venge », et le tout dernier essai sorti en 2021 La France n’a pas dit son dernier mot. Or, l’histoire de France est racontée par Éric Zemmour également par des attaques dirigées contre les élites politiques du pays. C’est justement contre celles‑ci qu’Éric Zemmour publie en 1995, Balladur, immobile à grands pas, en 2002 Chirac, l’homme qui ne s’aimait pas et en 2016 Un quinquennat pour rien contre le mandat de François Hollande.

8Dans son tout récent travail sur le populisme, Pascal Perrineau évoque les travaux de l’historienne anglaise Margaret Canovan (1981, 2005) qui avait parlé de populisme en termes de « complot des élites contre les gens simples, appel au peuple et à son bon sens et de ressentiment social contre les possédants et les ‘sachants’«  (2021, p. 8). Les essais du porte‑parole de Reconquête ! contre certaines grandes figures du panorama politique français (Édouard Balladur, Jacques Chirac et François Hollande) peuvent être placés dans le sillage de ce type de populisme : l’élévation du peuple en tant que sujet authentique et intouchable, une doxa partagée sur la droiture civique ainsi qu’une aversion significative contre les élites. De plus, la carrière professionnelle d’Éric Zemmour, entre écran et presse papier, est parsemée de renvois multiples à l’histoire d’une France imbriquée dans l’histoire personnelle d’Éric Zemmour.

2. Une « égo‑histoire »

Note de bas de page 3 :

Si nous pensons, par exemple, aux années de la Ligue du Nord de Umberto Bossi, nous pouvons ajouter à cette liste des codes vestimentaires inusuels, son débardeur, forçant son identification à l’homme « ordinaire ».

9La carrière télévisée d’Éric Zemmour peut être insérée dans la vague du télépopulisme, liée selon le point de vue de Pierre‑André Taguieff (2012) à la politique italienne des années 1990. Étroitement connectée à la mutation que les médias de masse ont fait accomplir à la vie politique, la communication télévisuelle serait, de ce point de vue, une sorte de réalisation du vieux rêve du populisme : la démocratie directe. Le passage d’une démocratie des partis à la démocratie du public pourrait être enrichi par le fait que, toujours selon Pierre‑André Taguieff, la défaillance de la démocratie représentative et l’espace de la démagogie médiatisée ouvrent la voie à des discours peu orthodoxes, à des attitudes transgressives3. À ce propos, nous pouvons mobiliser l’expression « égo‑histoire », employée par Noiriel (2019 [2021], p. 155) pour illustrer le fait qu’Éric Zemmour ramène toujours son discours à sa vie personnelle, ses origines, son engagement professionnel et éthique. Cette posture nous permettra de comprendre comment Éric Zemmour justifie sa candidature devant la presse et aux égards des citoyens, quelle « histoire » raconte‑t‑il pour argumenter son choix de se porter candidat à la présidentielle de 2022.

2.1. Éric Zemmour, le journaliste

10Nous rappelons que la première action d’autolégitimation mise en place par Éric Zemmour se déroule le 10 janvier 2022. Il a convié ses « anciens collègues » dans son quartier général de campagne dans le 8e arrondissement pour présenter ses vœux à la presse. À cette occasion, le leader de Reconquête !, hyper‑personnalisé dans son allocution, s’adresse aux journalistes par un discours triplement justifié :

[1] Oui, c’était hier, j’étais l’un d’entre vous. Ah, bien sûr, j’étais différent, aussi. Pour trois raisons. D’abord, j’étais de droite, alors que, souvenez-vous, 99 % d’entre vous ont défendu bec et ongles François Hollande, avant d’être 99 % à défendre Emmanuel Macron. Ensuite, je parlais et j’écrivais le français, alors que votre langue maternelle est le politiquement correct. Enfin, j’étais populaire. J’étais le plus controversé d’entre nous, oui, mais également le plus applaudi. Alors que vous n’êtes ni controversés, ni applaudis. Vous qui m’avez si souvent présenté comme l’homme le plus détesté de France, vous étiez en réalité, vous êtes toujours, les hommes et les femmes les plus méprisés de France. 

11Tout d’abord, il manifeste la volonté de se démarquer de ses « anciens collègues » à travers trois étapes organisées suivant le patron syntaxique je + verbe – alors que + vous. La personne de l’interlocution « je » énonce les vœux à la presse et manifeste une posture énonciative qui est centrale dans le discours populiste : nourrir la provocation et mettre en place un distinguo. Éric Zemmour affirme son identité politique (« D’abord, j’étais de droite »), son identité éthico‑linguistique (« Ensuite, je parlais et j’écrivais le français ») et son identité professionnelle (« Enfin, j’étais populaire »). Les autres, les journalistes qui servent, soi‑disant, le pouvoir et les élites, sont ridiculisés à travers des tournures qui ont le but d’agrandir le fossé qui les sépare du candidat : « souvenez‑vous, vous étiez en réalité, vous êtes toujours ». L’égo‑histoire d’Éric Zemmour se construit sur le duel « je‑vous » qui se manifeste par une polarisation sémantique et argumentative forte : d’un côté les piliers identitaires du candidat (« j’étais de droite », « je parlais et j’écrivais le français », « j’étais populaire » ), de l’autre la perpétration régulière des soi‑disant fragilités professionnelles de la part des journalistes (« défendu bec et ongles François Hollande », « votre langue maternelle est le politiquement correct », « vous n’êtes ni controversés, ni applaudis »).

12Cette attaque prépare le terrain à la seconde phase du discours d’Éric Zemmour : il veut se comparer aux grands écrivains et l’Histoire de la nation française et fait son apparition de manière éclatante. Les Trois Glorieuses (27‑29 juillet) opposèrent le roi sacré qui désirait l’absolutisme, d’un côté, et le peuple de Paris, son drapeau bleu‑blanc‑rouge et sa lutte pour la liberté, de l’autre :

[2] Le journalisme français est, depuis ses débuts, le moteur de toutes les révolutions. En 1830, le peuple de Paris a même renversé un roi pour défendre la liberté de la presse menacée. Le journalisme français est une branche de la littérature française. Tant de nos grands écrivains étaient aussi des journalistes : Lamartine, Hugo et Chateaubriand, Zola, Daudet, Bainville, Camus, Sartre, Aragon, Mauriac, tant d’autres ! Tous ont écrit des articles. Tous ont rédigé des éditos. Tous ont publié des enquêtes. Nos plus grands écrivains et nos plus grands journalistes se sont jetés avec fièvre dans la vie politique, de Hugo à Lamartine, de Tiers à Zola, d’Aragon à Malraux. 

13Éric Zemmour associe ce moment de l’histoire française à des énoncés construits à travers une modalité assertive (« Le journalisme français est le moteur de toutes les révolutions », « Le journalisme français est une branche de la littérature française », « Tant de nos grands écrivains étaient aussi des journalistes ») qui ne font qu’augmenter l’orientation de son discours et sous‑tendre le raisonnement suivant : Éric Zemmour, en tant que journaliste et écrivain, représente le peuple pour renverser le système politique actuel. L’emploi du pronom « tous » et sa répétition amplifient l’étendue énonciative du discours d’Éric Zemmour qui véhicule la possibilité d’englober le candidat aussi dans ce cercle de « professionnels » de la parole, journalistique et littéraire. De plus, la mobilisation de la Révolution de Juillet 1830 incarne un argument par l’exemple qui corrobore les postulats définitionnels présents dans cet extrait. Elle peut ainsi représenter un exemple « historique » car cette phase de l’histoire de France se présente comme un moyen de réactiver les deux acteurs habituellement réunis dans un discours populiste : les élites (le « roi » et les grands hommes dont la renommée incontestable se manifeste par l’emploi de la construction « nos plus grands ») et « le peuple ». Le rôle charnière des journalistes, entre le populaire et le littéraire, acquiert, à nouveau, une valeur personnelle, subjective dans le discours d’autolégitimation d’Éric Zemmour :

[3] Vous le comprenez, de tous les candidats, je suis celui qui éprouve un amour immodéré pour le métier de journaliste, pour son irrésistible capacité à s’opposer à la fatalité du mensonge, et à le vaincre comme l’ange terrasse le démon. Le journalisme est mon ancien métier, mais il est resté pour moi une passion, et elle n’a rien de passée. C’est elle qui me fait vous parler. Je vous regarde et je me dis : ils sont les otages de l’idéologie, et c’est injuste. On pourrait dire que le peuple mérite mieux que vous. Mais c’est d’abord vous, qui méritez mieux que l’esclavage intellectuel qui vous est imposé.

14La dernière étape de cette « égo‑histoire » reprend une stratégie très chère aux populistes, à savoir la mobilisation d’un regard pitoyable envers le peuple à sauver qui, en l’occurrence, est représenté par les journalistes : « Je vous regarde et je me dis : ils sont les otages de l’idéologie, et c’est injuste. On pourrait dire que le peuple mérite mieux que vous. Mais c’est d’abord vous, qui méritez mieux que l’esclavage intellectuel qui vous est imposé. »

Note de bas de page 4 :

Son ouvrage La religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, paru en 1998, poursuit la réflexion proposée dans Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion (1985). Pour l’auteur, la « fin des religions » ou la « sortie de la religion » ne correspond ni à l’absence de religions ni à l’absence de toute expérience de type religieux. La religion et l’au‑delà n’incarnent plus le schéma organisationnel de l’espace social.

Note de bas de page 5 :

Les échos du discours religieux dans la campagne électorale d’Éric Zemmour seront traités dans § 3.2.2. Appel au peuple « authentique ».

15Dans ce passage, Éric Zemmour opère une symétrie qui active un retour de l’énoncé sur lui‑même : le mécanisme du chiasme entre « le peuple mérite mieux que vous » et « vous méritez mieux que l’esclavage intellectuel ». Cette grammaire des subalternes (« otages », » esclavage », « imposé ») doit être lue à travers l’éclatement du modèle de souveraineté déléguée évoquée par Marcel Gauchet (1985, 1998)4. En effet, après avoir attaqué ses « anciens collègues » (les journalistes), Éric Zemmour évoque le rôle des élites intellectuelles qui les oppriment : son discours tourne autour d’un engagement personnel n’affichant aucune hésitation (« amour immodéré ») et proposant une structuration de la société à travers une comparaison religieuse (« comme l’ange terrasse le démon »)5. Un dernier élément qui ressort de cet extrait est le procédé, très productif en français, de la focalisation dans les passages « je suis celui qui » et « c’est d’abord vous qui ». La focalisation permet au locuteur d’« attirer l’attention de l’interlocuteur sur l’exclusivité de ce qui est présenté, comme en gros plan ou sous un projecteur » (Charaudeau, 2019, p. 317). Éric Zemmour se présente, en effet, comme étant un journaliste mais pas un journaliste à l’égal des autres. Ce faisant, il active une composante rhétorique très fréquente dans son discours qui relève du conflictuel. Ce passage, en particulier, met en pratique l’un des modes de gestion du conflictuel d’après Amossy (2019, p. 56), à savoir la dichotomisation :

16S’il y a choc des opinions contradictoires, c’est parce que l’opposition des discours, dans la polémique, est l’objet d’une nette dichotomisation où des opinions antithétiques s’excluent l’une l’autre.

17La relation dichotomique existant entre un journalisme, soi‑disant, de qualité, et un journalisme prétendument asservi aux élites intellectuelles pourrait être transposée à l’intérieur d’autres polémiques soulevées par le candidat de Reconquête !, dont celle traitée dans le paragraphe suivant, consacré à la glorification d’une panoplie de personnages et lieux historiques, littéraires et populaires de France.

2.2. Éric Zemmour, le Français

18Le regard restreint, serré sur le champ professionnel du journalisme se dilate et augmente son ouverture lorsqu’Éric Zemmour s’adresse à ses concitoyens pour présenter sa candidature. L’histoire de France n’est plus, comme dans les vœux à la presse, un événement isolé évoqué pour s’autolégitimer. D’abord diffusé sur la page Facebook du candidat (3 décembre 2021) et ensuite dans le site officiel de sa campagne électorale, le discours que l’on pourrait associer à sa profession de foi est consacré aux raisons de sa candidature. L’histoire de France est ici mélangée à l’histoire des Français :

[4] le pays de Jeanne d’Arc et de Louis XIV, le pays de Bonaparte et du général de Gaulle ; le pays des chevaliers et des gentes dames ; le pays de Victor Hugo et de Chateaubriand ; le pays de Pascal et de Descartes ; le pays des fables de la Fontaine, des personnages de Molière et des vers de Racine ; le pays de Notre‑Dame de Paris et des clochers dans les villages ; le pays de Gavroche et de Cosette ; le pays des barricades et de Versailles ; le pays de Pasteur et de Lavoisier ; le pays de Voltaire et de Rousseau ; de Clémenceau et des poilus de 14 ; de de Gaulle et de Jean Moulin ; le pays de Gabin et de Delon, de Brigitte Bardot et de Belmondo ; de Johnny et d’Aznavour, de Brassens et de Barbara ; des films de Sautet et de Verneuil.

19Dans son essai de 2018, Destin français, Éric Zemmour reprochait aux historiens de faire « une histoire des Français et non plus une Histoire de France » : dans cet extrait, il met en place exactement ce qu’il avait dénoncé. Il évoque de grands écrivains et intellectuels, des penseurs et scientifiques, des protagonistes de l’histoire politique française, uniquement des hommes. Or, il associe à ces personnalités liées à l’histoire de France, des Français plus « populaires », plus « médiatiques » mais incarnant également une sorte de patrimoine national, issus du cinéma et de la chanson française. L’histoire est, dans cet extrait, également nourrie par des toponymes renommés (Versailles et Notre-Dame de Paris) mais aussi par des toponymes anonymes tout autant symboliques (des clochers dans les villages). Ces juxtapositions privilégient l’évocation de Français « d’en haut », les chevaliers, les gentes dames et même quand il s’agit des poilus, incarnant les héros ordinaires au front de la première guerre mondiale. Il n’est pas superflu de noter que cette longue liste s’arrête aux années 1970, aux Trente Glorieuses qui ont ouvert, dans les années 80, un nouveau tournant réactionnaire de la question identitaire transportée par les nouvelles exigences de la démocratie du public.

3. Populisme‑s

20Après avoir illustré la fonction des médias dans le parcours autobiographique d’Éric Zemmour ainsi que la quête de légitimité mobilisée par son « égo‑histoire », nous allons creuser les différentes facettes du discours populiste. Plus précisément, nous avons parcouru les quinze allocutions de la campagne électorale du porte‑parole de Reconquête !, débutée en janvier 2022.

3.1. Le populisme agraire

21Dans son ouvrage L’Illusion populiste, Pierre‑André Taguieff exploite, tout comme Perrineau, les travaux de l’historienne anglaise Margaret Canovan, mais il cherche davantage la manière dont est convoqué le « peuple ». Dans son travail Populism, l’historienne Canovan avait décrit les traits saillants d’un populisme qui se révèle très prolifique chez Éric Zemmour : le populisme agraire.

22Selon les recherches de Canovan, le populisme agraire était né parmi les fermiers américains de la fin du XXe siècle. Lié à une profonde appartenance territoriale et paysanne, il a inspiré le progressisme du New Deal de Roosevelt tout comme les mouvements paysans d’Europe centrale et orientale – socialisme agraire des intellectuels russes qui prônaient pour une idéalisation du communautarisme rural. La première allocution officielle de la campagne électorale d’Éric Zemmour, prononcée à Châteaudun, plonge ses racines identitaires en ce qu’il définit la « grande plaine de la Beauce céréalière » :

[5] Car depuis le Moyen Âge, cette grande plaine de la Beauce céréalière a toujours été essentielle à la puissance française : ses terres fertiles et l’ingéniosité des hommes qui les labourent ont fait de la France une puissance agricole, et donc, démographique. […] Cette puissance du nombre, nous la devons beaucoup à votre région qui a nourri tout un peuple pendant des siècles. Et aujourd’hui plus que jamais, votre région demeure un maillon essentiel pour le rayonnement de la France dans le monde et la prospérité de nos compatriotes. « Puissance », « souveraineté », « agriculture » : vous l’avez compris, je suis venu vous parler de la ruralité française.

23L’inscription dans une lignée temporelle lointaine (« depuis le Moyen Âge », « pendant des siècles ») ainsi que le ton élogieux consacré à la France (« puissance », « rayonnement », « souveraineté ») sont les traits essentiels de ce populisme agraire qui louange le travail concret : l’emploi de verbes à forte charge sémantique par rapport à la corporalité du travail (« labourent », « nourri ») est associé à l’évocation d’un élément à la fois essentiel et bucolique pour le populisme agraire, à savoir le rapport entre homme et paysage (« terres fertiles », « ingéniosité des hommes »). Cette passion paysanne est mobilisée également dans d’autres allocutions d’Éric Zemmour : la « performance agricole » (Le discours des Sables d’Olonne – 10 janvier), le « monde rural » (Le discours de Chaumont‑sur‑Tharonne – 28 janvier), « terre de labour et de labeur » (Le discours de Lille – 5 février), « le désespoir de nos paysans » (Le discours de Saulieu – 12 février), l’« abandon des campagnes » (Le discours d’Agen – 12 mars). Ce type de discours populiste, enraciné dans le terroir (qui est à la fois domaine territorial et traditions partagées), s’entrelace à un discours politique qui fait levier sur des questions plus strictement identitaires/nationales.

3.2. Le populisme identitaire‑national

24Cette célébration d’une France rurale s’ajoute ainsi à d’autres stratifications de symboles qui peuvent être analysés grâce à la double classification proposée par Taguieff : Demos, c’est‑à‑dire le populisme protestataire‑sociétal versus Ethnos, le populisme identitaire‑national.

25Le premier se distingue par la dénonciation des élites, par le fait que le peuple est incarné par des citoyens ordinaires, par une grande envie d’hyperdémocratisme (nécessité constante de convoquer des référendums en tant qu’appel à la démocratie directe qui va de pair avec la dénonciation de la démocratie représentative), par une hyperpersonnalisation du leader affichée de manière importante et par un protectionnisme économique.

26La seconde classification (Ethnos – populisme identitaire‑national) active un appel au peuple tout entier qui se confond avec la nation rassemblée, dotée d’une unité substantielle et d’une identité permanente. Selon l’expression employée par Taguieff, le populisme identitaire‑national rejette « moins ceux d’en haut que ceux d’en face, moins les élites que les étrangers » (2002, p. 132). Les élites sont attaquées comme étant le pouvoir d’une sorte de parti de l’étranger. Ce second type de populisme est ouvertement contre le mondialisme, le cosmopolitisme, l’américanisme, l’invasion étrangère.

27Le national‑populisme absorbe ces deux courants. Cette expression avait été théorisée et imposée dans le champ intellectuel à l’orée des années 1980 toujours par Taguieff, qui est revenu en 2012 sur les mutations de ce concept en s’interrogeant sur son devenir à l’heure de la mondialisation et des bouleversements socio‑économiques contemporains. Selon l’auteur, ce national‑populisme se distingue par 5 caractéristiques qui peuvent être appliquées à un certain nombre de partis politiques européens. Le premier type d’appel est de nature politique à l’égard du peuple : le leader prétend incarner le peuple au travers de son engagement politique et par une prise de parole assumée et personnalisée à la faveur du peuple (« Le Peuple, c’est nous ! », le discours de Cannes – 23 janvier ; « Parce que le peuple qui décide de se lever, c’est nous ! », le discours du Trocadéro – 27 mars). Le deuxième appel évoque le peuple dans son entièreté, son intégralité dans le but d’effacer toute distinction générationnelle, professionnelle ou idéologique. Or, le discours politique d’Éric Zemmour cantonne cet appel au bénéfice du troisième type d’appel, à savoir l’appel au peuple soi‑disant authentique, sain, simple, honnête, ordonné (« Nous voulons redevenir ce peuple solide, robuste, fier, et plein de confiance en lui, de confiance dans son travail, de confiance dans son génie », le discours de Lille – 5 février). Nous allons nous concentrer sur ce troisième type d’appel au peuple (§ 3.2.2. « Appel au peuple « authentique ») associé à la dernière typologie d’appel, l’appel au peuple par la discrimination des individus sur base ethnique et/ou culturelle (§ 3.2.1. Contre les néo‑féministes). Par contre, le quatrième type d’appel, véhicule une sorte de rupture salvatrice incarnée par le chef du parti (§ 2.1. Éric Zemmour, le journaliste). Nous allons nous attacher à la toute dernière caractéristique du national‑populisme listée par Pierre-André Taguieff : l’appel au peuple par un discours discriminant certains individus.

3.2.1. Contre les néo‑féministes

28Le premier sexe publié en 2006 évoque immédiatement, dans le choix du titre, l’ouvrage de Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe. Or, Éric Zemmour en 1997 avait déjà ciblé une « minorité », les juges dans Le Coup d'État des juges mais l’ouvrage n’avait pas provoqué autant de polémiques. Pour que Le premier sexe sorte de l’anonymat il fallait un scandale. La quatrième de couverture ne fait que pointer l’attention sur le fait que, comme l’affirme Éric Zemmour « Tout ce qui relève du masculin est un gros mot. Une tare. Mais la révolte gronde. Les hommes ont une identité à reprendre. Une nouvelle place à conquérir », la réaction au féminisme serait subversive.

[6] À quoi ressemble l’homme idéal ? Il s’épile. Il achète des produits de beauté. Il porte des bijoux. Il rêve d’amour éternel. Il croit dur comme fer aux valeurs féminines. Il préfère le compromis à l’autorité et privilégie le dialogue, la tolérance, plutôt que la lutte. L’homme idéal est une vraie femme. Il a rendu les armes. Le poids entre ses jambes est devenu trop lourd. Certaines féministes se sont emparées de cette vacance du pouvoir, persuadées que l’égalité c’est la similitude. Aujourd’hui, les jeunes générations ont intégré cette confusion. Les fils ne rêvent que de couple et de féminisation longue durée. Ils ne veulent surtout pas être ce qu’ils sont : des garçons. Tout ce qui relève du masculin est un gros mot. Une tare. Mais la révolte gronde. Les hommes ont une identité à reprendre. Une nouvelle place à conquérir. Pour ne plus jamais dire à leurs enfants : « Tu seras une femme, mon fils. »

29Son travail envers « la doxa féministe » est ponctuel contre, par exemple, le « hiérarque rose » (Louis Schwitzer de Reanault), le « lobby homosexuel », la destruction de la « famille française ». Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Éric Zemmour organise le « Meeting des Femmes » dans l’Est parisien. Parmi les traits essentiels du nouveau national‑populisme, Pierre-André Taguieff évoque l’authenticité du peuple, son homogénéité polarisée positivement. Cette harmonie, cette régularité, cette solidité, cette uniformité sont mobilisées dans l’extrait suivant :

[7] Car en plus d’être des femmes magnifiques, vous êtes des femmes françaises. Vous incarnez l’identité française. Cette identité si particulière, qui fait l’admiration de tant de femmes et d’hommes à travers le monde. Car vous savez, Mesdames, que vous êtes les héritières d’une histoire magnifique, les dépositaires d’une identité si particulière, qui a inspiré l’admiration du monde entier ! Oui, les femmes et les hommes de toutes les nationalités vous admirent quand ils visitent notre pays, quand ils rencontrent des Françaises. Le monde entier dit que les femmes françaises sont différentes. Libres. Magnifiques. Indomptables. Jeanne d’Arc est une Française. Marie‑France Garaud est une Française. Catherine Deneuve est une Française. Marion Maréchal est une Française. Des femmes uniques, fortes, grandes, debout, comme vous toutes ici ce soir.

30À l’égard d’un monument, d’un musée, d’une place (« Oui, les femmes et les hommes de toutes les nationalités vous admirent quand ils visitent notre pays, quand ils rencontrent des Françaises ») Éric Zemmour évoque l’univers féminin dans le but de le réifier. Il mobilise, à cet égard, une rhétorique de la droiture, de la rectitude (« unique, fortes, grandes, debout ») : Jeanne d’Arc oui Marianne non, Marie‑France Garaud oui Ségolène Royal non, Marion Maréchal oui sa tante, Marine le Pen, non. Au cours du Meeting des Femmes, après avoir peint la silhouette orgueilleuse des femmes françaises, Éric Zemmour reprend le ton provocateur de son essai Le Premier sexe :

[8] Je vais vous donner un exemple qui surprendrait beaucoup nos amies néo‑féministes : à la maison, je fais la vaisselle, je trie les poubelles, j’adore faire mes courses ! C’est très intéressant, n’est‑ce pas ? Eh bien non ! Ce n’est pas intéressant ! En vérité, on s’en fiche, tout le monde s’en fiche, et ce n’est pas sûrement à l’État de décider si j’ai raison ou tort de faire la vaisselle à la place de ma compagne. Il s’agit de notre vie privée, tout simplement !

31Le néologisme « néo‑féministes » ne fait que briser l’histoire séculaire des mouvements féministes et la réduire à une question de « vie privée » dans la tentative de réduire les femmes aux fonctions qu’elles sont, soi‑disant, censées accomplir. Éric Zemmour se pose donc en victime face à ce qu’il dénomme dans son essai le « totalitarisme féministe ». Or, les dernières pages de Le Premier sexe nous permettent d’ajouter aux femmes, attaquées ouvertement, une autre « minorité » : les étrangers. Le travail des femmes et des immigrés serait, selon Éric Zemmour, la raison pour laquelle les hommes ne sont pas assez payés.

3.2.2. Appel au peuple « authentique »

32Selon la dichotomie proposée par Cas Mudde et Cristobal Kaltwasser (2012), il est possible de distinguer le « populisme des anciens » du « populisme des modernes ». Le premier défend la protestation chronique de masses déshéritées contre des couches privilégiées, responsables de leur misère, tandis que le second mobilise des catégories sociales qui ne sont pas forcément indigentes face aux concessions imméritées que le gouvernement accorde aux immigrés. Lors des allocutions d’Agen, Cannes et Lille, Éric Zemmour propose une série de questions rhétoriques réitérées de manière identique. Le Peuple français est, dans le national‑populisme, authentique, sain et honnête : cette liste ne fait que stigmatiser ceux qui veulent attaquer l’homogénéité du peuple à travers une argumentation chiffrée qui se présente comme étant sûre, indiscutable. Une sorte de populisme nativiste qui est d’ailleurs l’élément clé du populisme d’exclusion : les droits et les devoirs ne sont pensés que pour les citoyens de longue date, l’État providence est perçu comme exclusif et, en arrière‑plan, nous pouvons deviner, à travers la mobilisation de certains noms et prénoms, un combat contre l’islam :

[9] Savez-vous qu’il y a 2,4 millions de bénéficiaires fantômes de l’assurance maladie ? Savez-vous par exemple que deux couples de Roumains ont réussi à déclarer 1 200 grossesses ? Savez-vous que Macron vient de prévoir que les détenus incarcérés dans nos prisons allaient toucher l’indemnité inflation de 100 € ? Plus grave encore, savez‑vous que 20 % des djihadistes français partis en Syrie et en Irak continuaient à percevoir des aides sociales ? Savez‑vous que Salim Benghalem, l’un des cerveaux présumés des attentats de l’Hyper Casher et de Charlie Hebdo a continué à bénéficier du versement d’allocations familiales pendant des mois après son départ en Syrie pour un montant supérieur à 12 000 € ? Savez-vous qu’Ismaël Mostefai, l’un des tueurs du Bataclan, percevait 290 € par mois alors qu’il commettait des actes barbares de décapitation ?

33L’ancrage historique dessiné par Éric Zemmour est fortement connoté du point de vue religieux. Le discours du Mont‑Saint‑Michel du 19 février 2022 est, en ce sens, emblématique :

[10] Quelle île, quel mont, quel joyau ! Les premiers chrétiens s’y sont installés il y a quinze siècles. En l’an 709, ils l’ont consacré à Saint Michel. Et précisons tout de suite que Saint Michel n’est pas n’importe quel saint. Présent dans l’Ancien Testament comme dans le nouveau, il est le chef de l’armée céleste. C’est‑à‑dire : l’ange qui dirige l’armée des anges contre celle des démons, dans le combat que se livrent le Bien et le mal à travers les millénaires. C’est donc un ange supérieur et un ange militaire. Un leader, un protecteur et un berger. La première phrase de la prière à Saint Michel est : « Défendez-nous dans le combat. » Généralement représenté en armure, brandissant le glaive avec lequel il terrassera le diable, il est la représentation par excellence du combat spirituel. [...] Je crois que les nations ont, elles aussi, un combat spirituel à mener. Chaque pays doit en effet défendre son âme, son identité, son indépendance. Alors, vous comprenez le choix de Saint Michel pour vous parler de la défense de notre pays !

34Il s’agit donc d’une histoire religieuse dite à travers une grammaire belliqueuse : le commandant (« chef », « dirige », « supérieur », « Un leader, un protecteur et un berger »), des données vestimentaires (« armure », « glaive »), un conflit (« combat », « défense »). L’histoire identitaire tissue par Éric Zemmour est l’un des fils conducteurs de son activité de journaliste pamphlétaire. Dans son avant‑dernier ouvrage Destin français l’auteur affirme « nous sommes tous des catholiques vendéens ». La composante religieuse acquiert davantage de poids dans le prochain extrait qui ne fait que confirmer l’égo‑histoire d’Éric Zemmour :

Note de bas de page 6 :

L’expression « brûler ses vaisseaux » fait référence au débarquement des troupes de Agathocle de Syracuse, en Afrique du Nord, vers le IVe siècle avant Jésus‑Christ. Lors de son arrivée en Afrique, il fit brûler tous ses navires, pour ne pas qu’il y ait de retour précoce. De ce fait, les « vaisseaux » font donc allusion aux bateaux, et « brûler » désigne la volonté de ne pas revenir en arrière.

[11] Mes chers amis, rien ne me destinait à me retrouver ici à Cannes face à vous pour vous transmettre ce que j’ai en moi : le feu de la France, l’amour des Français, le sens de la justice. J’avais un autre métier, d’autres missions. Quelque chose me taraudait, quelque chose venait abîmer ma joie de vivre : mon inquiétude pour notre pays, qui ne faisait que grandir. Alors, j’ai brûlé mes vaisseaux6, je suis descendu dans l’arène. Je me suis retourné souvent pour savoir si quelqu’un d’autre que moi serait plus courageux, plus sincère, plus compétent. Je n’ai vu personne. Alors je suis là. Je suis là aujourd’hui, avec vous, avec mes amis, avec une équipe de patriotes qui sont comme moi, courageux et inquiets. Et c’est pour cela que vous êtes là, si nombreux. Ce qui nous réunit tous ici ce soir, c’est notre amour de la France, notre espoir pour les mois qui viennent. Notre France, la France que nous aimons, la France de nos bonheurs, de nos gloires, la France qui nous porte au‑dessus de nous‑mêmes à travers les grandeurs passées... La France nous demande d’être là. Alors levez‑vous mes amis, dressez–vous, à la manière de tous ceux qui, dans notre pays se sont levés, se sont dressés, quand le pays semblait perdu !

35L’allocution de Cannes était cruciale pour le parcours politique d’Éric Zemmour car c’est notamment à cette occasion qu’il présente son programme d’union du peuple de la droite française. Il le fait en opérant une rupture salvatrice et en mobilisant une équipe de taille (« Je suis là aujourd’hui, avec vous, avec mes amis, avec une équipe de patriotes qui sont comme moi, courageux et inquiets ») : entre autres Gilbert Collard, eurodéputé du Rassemblement national, Philippe de Villiers, souverainiste et ancien candidat à la présidentielle avec le parti Mouvement pour la France, Jérôme Rivière, vice‑président du parti Reconquête !, Guillaume Peltier, porte‑parole du candidat. Comme pour la couverture de son essai Z comme Zemmour, le candidat se présente en tant que héros ordinaire (« J’avais un autre métier, d’autres missions »). Or, le leader‑héros fortifie son rôle de guide s’il fait appel au pouvoir du peuple (« avec vous, avec mes amis, avec une équipe de patriotes qui sont comme moi, courageux et inquiets ») et quand il, « tel Don Quichotte, monte à l’assaut des moulins à vent de la globalisation » (Perrineau, 2021 p. 28).

3.3. Le populisme protestataire‑sociétal

36La distanciation des élites est une spécificité du populisme protestataire : Dêmos, c’est‑à‑dire le populisme protestataire‑sociétal est né principalement pour dénoncer des élites, que celles‑ci soient politiques, administratives, économiques ou culturelles. Cet antiélitisme ne peut pas être dissocié de l’affirmation d’une confiance dans le peuple, défini comme l’ensemble des citoyens ordinaires. Le 28 janvier 2022, Éric Zemmour a prononcé un discours de campagne dans la commune de Chaumont‑sur‑Tharonne, dans le département Loir‑et‑Cher de la région Centre Val de Loire. Cette commune est la terre natale de Guillaume Peltier, député non‑inscrit de Loir‑et‑Cher, porte‑parole du candidat à la présidentielle Éric Zemmour et vice‑président de son parti Reconquête ! :

[12] Vous êtes le monde de la terre et de tout ce qu’elle donne, et votre village est le centre de votre monde. Et puisque vous êtes vraiment la France, on pourrait imaginer que vous êtes respectés. On pourrait croire que l’État vous considère comme la chair de la chair de notre nation, comme la prunelle des yeux de notre patrie ! Eh bien, pas du tout. Bien au contraire. Emmanuel Macron vous regarde de tellement haut qu’il vous trouve microscopiques. Il plane tellement qu’il ne vous voit même plus. Il vous marche dessus. Il vous écrase. Il ne vous entend pas crier. 1 000 habitants, pour Emmanuel Macron, c’est une statistique microscopique. Pour nous, mes amis, c’est tout un monde !

Note de bas de page 7 :

La suggestion de cette distance entre le président Emmanuel Macron et le peuple est mobilisée successivement dans le même discours : « Emmanuel Macron vous regarde de tellement haut qu’il vous trouve microscopiques. Il plane tellement qu’il ne vous voit même plus. Il vous marche dessus. Il vous écrase. Il ne vous entend pas crier. 1.000 habitants, pour Emmanuel Macron, c’est une statistique microscopique. »

37La distance entre les élites, incarnée dans ce passage, par l’actuel Président Emmanuel Macron prend la forme d'une opposition manichéenne entre ceux d’« en haut » et ceux d’« en bas » ( « la chair de la chair de notre nation, comme la prunelle des yeux de notre patrie »)7. Cette critique des élites justifie la définition d’un projet politique centré sur la réduction de l’écart entre le peuple et ceux qui le gouvernent au nom d’une conception de la démocratie directe censée favoriser le citoyen actif (« Pour nous, mes amis, c’est tout un monde ! »). Éric Zemmour idéalise ainsi la démocratie directe, et prône corrélativement certains outils institutionnels (référendum) permettant son exercice. C’est pourquoi, sur la base de l’opposition entre les élites factuelles (sinon légitimes) et le peuple, cette forme de populisme peut être décrite comme un hyper‑démocratisme, idéalisant l’image du citoyen actif et méfiant à l'égard des systèmes de représentation, censés le déposséder de son pouvoir ou de ses initiatives.

38Cet antiélitisme se manifeste aussi par des prises de positions ouvertement opposées, par exemple, à une certaine façon de conter publiquement l’histoire de France. La guerre d’Algérie, dans le récit autobiographique d’Éric Zemmour, incarne l’une des étapes les plus saillantes de son égo‑histoire.

4. Une histoire partielle de la guerre d’Algérie

39Issu d’une famille de « migrants », le grand‑père d’Éric Zemmour avait fui la Kabylie au moment de la guerre d’Algérie pour rejoindre Paris. Le porte‑parole de Reconquête ! a grandi dans une famille de confession juive originaire d’Algérie. C’est justement la région toulonnaise, comme celle de Nice, qui abrite de nombreux rapatriés d'Algérie parmi les plus engagés dans le combat pour l’Algérie Française. Or, le 19 mars 1962 marque la fin de la guerre d’Algérie, à la suite des accords d’Évian, mais Éric Zemmour lui‑même a maintes fois déclaré sa volonté de « mettre fin à la repentance » de la France en Algérie. L’adjectif « partielle » dessert le but de décrire la posture politique activée par Éric Zemmour pour dire cette histoire de France car, une fois de plus, la biographie du candidat efface les autres protagonistes de la guerre d’Algérie : tout d’abord les algériens mais aussi les harkis. Ainsi, Éric Zemmour essaie de séduire ses électeurs en mobilisant des exemples autobiographiques qui ont le but de créer un pont généralisant entre son histoire personnelle et l’histoire de la nation française, en l’occurrence les événements liés à la guerre d’Algérie. L’extrait suivant a été tiré du discours que le candidat de Reconquête ! a prononcé le 6 mars 2022 à Toulon :

[13] Et ce matin, j’étais à Notre‑Dame du Cap Falcon, cette petite chapelle magnifique, construite tout près d’ici. Cette chapelle érigée en hommage aux pieds‑noirs enterrés en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Quelle résonance pour moi ! Comment ne pas repenser à mes ancêtres qui ont eux aussi vécu de l’autre côté de la Méditerranée, juste en face d’ici, et qui sont arrivés ici, en France, le pays qui leur a tout donné. Les pieds‑noirs ont été les premiers à comprendre, à deviner et à pressentir au fond d’eux‑mêmes, ce qui se jouerait un jour, des années plus tard, sur notre sol. J’ai longuement discuté avec certains d’entre eux ce matin. Leur émotion est encore vive. Ils ont fui cette terre qu’ils aimaient tant pour arriver ici. Ils ont tout perdu, leurs biens, leurs maisons, parfois leurs familles. Ils ont vécu l’enfer, ils ont été déracinés, ils ont vécu dans la nostalgie. Aujourd’hui, ils n’ont qu’un seul souhait, qu’un seul espoir. Ils prient chaque jour pour que leurs enfants ne connaissent pas un jour le malheur qu’ils ont connu eux‑mêmes dans leur enfance. Je vous l’assure, mes chers compatriotes, je l’empêcherai !

40Entre l’histoire vécue par les pieds‑noirs en Algérie et les Français en contact avec les étrangers sur le sol français le lien est immédiat (« ce qui se jouerait un jour, des années plus tard, sur notre sol »). Mais l’Algérie occupe surtout le dernier extrait de notre contribution : le 15 janvier le candidat se trouve à Saint‑Quentin pour parler d’école. Or, la thématique de l’éducation est capitale pour Éric Zemmour pour reparcourir son histoire autobiographique comparée à celle d’un écrivain, prix Nobel de Littérature en ’57 né à Dréan, en Algérie : Albert Camus. Éric Zemmour raconte l’histoire de l’ancien instituteur de Camus, monsieur Germain et du fait que les deux ont peiné à tracer leur destin :

[14] Son histoire m’a toujours ému, car comme Camus, je fais partie de ces dizaines de milliers de petits Français qui doivent tout à l’école, à leurs instituteurs, à leurs professeurs. Comme lui, je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche. Je suis né à Montreuil, en banlieue parisienne.

41Éric Zemmour maîtrise d’après les réflexions de Gérard Noiriel sur l’art de la persuasion chez le candidat, le « storytelling » (Noiriel, 2019 [2021] :156), soit le fait de multiplier des dialogues dans son discours dans le but d’être instructif. L’histoire identitaire d’Éric Zemmour se fait effectivement par « des techniques d’écriture empruntées au roman en mettant en scène des personnages censés incarner des groupes sociaux réels » (Noiriel, 2019 [2021] :157). Nous retrouvons, à l’intérieur de ce long extrait, les traits récurrents de son « égo‑histoire » de même que la dichotomisation :

[15] Certains remarquent aujourd’hui que je fais beaucoup de citations, que j’adore l’Histoire et que j’admire nos grands auteurs : comme mes parents seraient fiers ! Oui, tout cela je le dois à l’école française. Ce magnifique système éducatif qui faisait la fierté de notre pays, mais qui bientôt, si nous ne réagissons pas, fera notre honte. Voilà la belle histoire d’Albert Camus, en préambule d’une autre, que je suis venu vous raconter aujourd’hui. C’est l’histoire d’un échec, c’est l’histoire d’un gâchis. C’est l’histoire d’une école qui détruit ce qu’elle est censée construire. L’histoire d’une école qui ne transmet plus des savoirs, mais des incapacités, des incompétences et des handicaps, qui abolit l’avenir au lieu de le préparer, qui enterre l’héritage au lieu de le transmettre. C’est l’histoire d’une école qui rabaisse socialement au lieu d’élever. L’histoire d’une école qui n’est plus une école, et qui est même le contraire d’une école. Cette triste histoire est devenue notre Histoire.

42La construction dichotomique de cet extrait est construite sur des indices évidents invoqués dans une structure binaire polarisée : d’un côté l’expression de la fierté (« comme mes parents seraient fiers », « qui faisait la fierté de notre pays »), le savoir (« savoirs », « héritage »), de l’autre la manifestation de la honte (« fera notre honte »), de lacunes (« incapacités », « incompétences », « handicaps »). Cet extrait nous permet également de faire ressortir un autre indice récurrent dans le discours conflictuel d’Éric Zemmour : l’expression de la temporalité qui a un rapport intrinsèque avec les données historiques mobilisées par le candidat. La France convoquée par Éric Zemmour est incarnée par une nation « à l’histoire linéaire, devenue objet fantasmé, idéal absolu aux contours redessinés et au gré d’une glorification démesurée d’un passé revisité » (Hayoun & Cohen Solal, 2022, p. 85). Dans l’extrait sur l’école, la glorification du passé passe par la présence de connecteurs exprimant l’opposition (« mais », « au lieu de », « même ») ; ces connecteurs construisent une sorte de frontière argumentative entre l’idéalisation du passé et le déclin du présent. De plus, cette dichotomisation est consolidée par des choix verbaux qui incarnent systématiquement un conflit entre le passé et le présent : d’un côté l’école d’aujourd’hui « détruit », « ne transmet pas », « abolit », « enterre », « rabaisse », de l’autre l’école d’antan pouvait « construire », « préparer », « transmettre », « élever ». Cet écart temporel et axiologique entre le passé et le présent peut être décelé au sein de toutes les thématiques analysées dans cette contribution (protagonistes de l’histoire de France, de son bagage littéraire et culturel, le rôle des femmes, la valeur du territoire agricole et paysan, la fonction éducationnelle de l’école).

Conclusion

43Le discours politique d’Éric Zemmour intéresse, depuis sa candidature en 2022, de nombreuses/eux chercheuses/eurs qui se sont penchés sur comment il « tord le réel à sa convenance » (Aglan et al., 2022, p. 1). Les titres de ces récents ouvrages sont très indicatifs du poids de la manipulation de l’Histoire dans le discours du candidat : Zemmour contre l’histoire (Aglan et al., 2022), Le grand détournement : comment Zemmour falsifie l’histoire (Brioist, 2022), La falsification de l’histoire. Éric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs (Joly, 2022), Zemmour et nous (Hayoun & Cohen Solal, 2022), Zemmour, une histoire française (Sbalchiero, 2022).

44Les allocutions analysées dans cette contribution, prononcées par le candidat de Reconquête ! lors de la campagne électorale de 2022, possèdent effectivement un caractère résolument autobiographique, autrement dit une « égo‑histoire » autour de laquelle pivotent des personnages illustres de l’histoire de France, des Français paysans, des instituteurs d’une école d’antan, des Saints. La légitimation politique d’Éric Zemmour se développe, de manière progressive et récurrente, à travers les étapes de sa vie personnelle et de sa carrière professionnelle. Le leader du parti Reconquête ! essaie donc d’incarner simultanément le rôle de Français parmi les Français tout en essayant d’assumer la posture de chef/guide du peuple. La toute dernière partie de l’occurrence qui clôt le paragraphe précédent (« Cette triste histoire est devenue notre Histoire ») condense, dans le contraste entre « h » minuscule et « H » majuscule du mot « histoire », toute la charge populiste du discours zémmourien. Le candidat fait osciller son discours entre événements historiques et narration autobiographique dans le but de mettre en valeur son engagement, de distancier les élites (intellectuelles et politiques du pays) et de proférer la vérité.