Chapitre XIII – Nuages noirs

https://doi.org/10.25965/ebooks.191

p. 204-214

Sommaire

Texte

Les affaires de famille l’ayant emporté tout au long de l’année passée – Trente-six – revenons-en à la météorologie géopolitique. Il le faut bien, en cette période de montée des fanatismes et des périls subséquents. Quelques pages choisies des archives entassées par Simon Jeanjean, membre très actif du Parti Démocrate Populaire, nous en fourniront la matière, survolant les quelques années menant inéluctablement à ce que nous savons qui va suivre.

Fascismes

Trente-six fut une année extraordinaire. Trente-six, année des grèves, des manifestations, année d’affrontements, de liesses, Trente-six année du Front Populaire, des congés payés, a laissé son empreinte et occupe une place à part dans les manuels d’histoire. Pourtant dans la mémoire de Simon Jeanjean comme dans celle de sa femme et de ses filles, cette année-là semble avoir revêtu des couleurs – ou une noirceur – singulièrement différente. Mais la vie continue, Jeanjean a poursuivi ses activités, la famille a quitté l’affreux Cent-quarante, c’est au moins cela de pris, passons à autre chose.

Cependant, un rouleau compresseur menaçant continue d’avancer. Après 36 on aimerait pouvoir annoncer quelque embellie, que sais-je ? une découverte, un accord inattendu, l’éviction décisive d’un dictateur. Mais on sait bien que non, cela n’arrivera pas. Année après année l’on suit la montée inéluctable de l’hitlérisme – phénomène inquiétant où Simon Jeanjean doit trouver de quoi ranimer son anti-germanisme. On sait bien ce qui se joue en Europe, le vent qui se lève, cet orage qui s’annonce et qui va éclater.

Note de bas de page 1 :

Parti politique d’inspiration fasciste (1936-1945) fondé et dirigé par Jacques Doriot.

Note de bas de page 2 :

Le Populaire du Centre, journal régional d’obédience d’abord socialiste.

Montée du fascisme, ou des fascismes. En 36 c’était déjà cuit. Il y a eu en France, au temps dont nous parlons ici, de vrais groupements fascistes, dont le principal fut le PPF, le Parti Populaire Français1. Tout le monde se dit « populaire », le PPF, le PDP où est Jeanjean, bientôt le MRP où il sera, ensuite le RPR, le « Popu »2… heureusement tout le monde n’est pas fasciste. Le drame, c’est quand ils prennent le pouvoir, comme il advient en Europe ici et là – ici en Allemagne et là en Italie, et ce n’est qu’un début.

On a bien essayé de s’y opposer. Les antifascistes ont tenté de se serrer les coudes. Il y a eu l’appel de Thorez, cette « main tendue » des communistes, le 17 avril 36, à l’approche des élections législatives : Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques, parce que tu es notre frère. […] Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu Croix-de-Feu, parce que tu es un fils de notre peuple. [...] Nous sommes les partisans du plus pur et du plus noble idéal que puissent se proposer les hommes... Magnifique, non ? Mais qu’a répondu le PDP, qu’en a pensé Simon Jeanjean ? Je ne sais. Adhésion, abstention ou refus de principe (ou grande fatigue dépressive, comme je l’ai cru un moment) ? Sur ce point nos archives se taisent, même si elles sont riches en tracts issus de la gauche, avec lesquels il était probablement d’accord.

Même silence des papiers Jeanjean au sujet de la guerre civile espagnole. Simon, que je sache, ne fait pas partie de ces catholiques qui, en cette même année 36, s’opposant à la hiérarchie de l’Église ont soutenu la République espagnole et les prêtres basques, contre Franco, ses alliés, Hitler, Mussolini, l'épiscopat espagnol et le Vatican, rejoignant de facto les communistes. Trop papiste, peut-être, notre Jeanjean n’est pas Bernanos. Quant au PDP il a pu rester divisé sur ce point...

Positions des chrétiens-démocrates

Divisé, le PDP ? Si l’on s’en tient à la lecture des archives cela n’apparaît nullement. Dans le 20ème, le Parti continue gentiment d’organiser des débats et des soirées récréatives. Les Chrétiens-démocrates sont-ils des optimistes béats ? Du moins ne sont-ils pas inactifs. En 1933 – année décisive, outre-Rhin, de l’ascension hitlérienne – ils ont lancé un journal quotidien intitulé L’Aube. C’est un journal du matin, mais ce n’est pas la seule raison du nom. Rédacteur en chef : Francisque Gay, puis Georges Bidault à partir de 1934. Il y a aussi Gaston Tessier, Secrétaire Général de la CFTC, entre autres ténors de la démocratie chrétienne. L’Aube aurait pu s’appeler l’Aurore si le titre n’était déjà pris. (Célèbre, depuis 1897 avec l’Affaire Dreyfus, il avait disparu en 1914, mais nous savons qu’il renaîtra en 1943. Jeanjean, ce lecteur boulimique de la presse et du reste, le lira régulièrement ; il en a gardé une collection complète des années 44 et 45). Et puis « l’aube », c’est aussi la robe immaculée des enfants de Marie. L’Aube, un nouveau titre à lire pour Simon Jeanjean.

Note de bas de page 3 :

Marc Sangnier, Le Pacifisme d’action, quatrième édition, Foyer de la Paix, 1936, 256 p. Sans surprise, l’adresse de cet éditeur est 34 boulevard Raspail, comme aussi du Sillon et des autres publications de Sangnier

Sa bibliothèque comporte trois ouvrages intéressants en rapport avec ce mouvement de pensée et avec cette période. Le premier de Marc Sangnier intitulé Le Pacifisme d’action, a été publié en 1935 (3602)3. Trois chapitres ont été cochés de la main de Simon dans la table des matières. Le premier, chapitre XVI, propose de distinguer Deux races d’hommes (c’est le titre du chapitre) en cette période de menace guerrière inéluctable – car la catastrophe, je cite, ne s’est pas brusquement arrêtée le jour de l’armistice : elle se prolonge, rebondissant sans cesse, sur tous les terrains, comme une blessure gangrenée, et dont la pourriture se propage…, étendant la menace d’une contagion que rien n’arrête. Face à cela, donc, les uns examinent avec intérêt le processus de cette décomposition, sans intervenir ; les autres doivent se regrouper et agir, et tel est le sujet du livre. Le second, chapitre XXX, À propos de la grande imploration catholique de Lourdes [mai 1935], comporte une expression soulignée au crayon et cochée d’une croix en marge : Pourquoi les travailleurs de tous les pays n’imposeraient-ils pas aux gouvernements hésitants (…) un impérieux mot d’ordre de désarmement… ? L’expression travailleurs de tous les pays est soulignée. Peut-on voir, dans ce coup de crayon, une marque de sympathie de Jeanjean pour le communisme internationaliste ? Non, plutôt un signe d’agacement, si ce n’est de colère. Dans un troisième chapitre coché et annoté, chapitre XXXI, Le pacte militaire franco-soviétique est examiné honnêtement, puis mis radicalement en doute, et les communistes français, enfin, renvoyés dos à dos – leur ressemblant à s’y méprendre – avec ces catholiques nationalistes qui, sans oser condamner les paroles pacifistes des papes, n’en continuent pas moins à persévérer dans l’attitude la plus opposée. Quoi qu’il en soit, et quelle que fût la sympathie de Jeanjean pour Sangnier, c’est malheureusement l’attitude pacifiste qui sera bientôt mise en face des réalités, et en échec.

Le deuxième livre est un mémoire confidentiel signé de Francisque Gay, intitulé Pour en finir avec la légende "Rouges-chrétiens" (3603), publié en 1937. Je ne sais pas si l’on peut dire « publié » puisqu’il était strictement confidentiel, comme le dit le sous-titre – mais il y a prescription maintenant – et comme il est redit en majuscules rouges en tête d'un document envoyé aux adhérents pour le présenter, signé de l’auteur et qui se trouvait inséré dans l'ouvrage :

Il m’est apparu que l’objection la plus fréquente, la plus insidieuse, celle surtout qui a la plus manifestement contrarié notre développement, parce qu’elle émeut quelques-uns de nos amis, c’est, sous des formes diverses mais au fond identiques, l’accusation de « gauchite ». On nous croit atteints d’une sorte de maladive propension à tout excuser chez des hommes de gauche et au contraire à méconnaître et à déprécier tout ce qui peut se faire de bien à droite (…) Bien vite, il m’a fallu constater que c’était toute la vieille querelle cherchée à ceux qu’on appelle « rouges chrétiens » qu’il fallait vider...

Note de bas de page 4 :

Francisque Gay, Pour en finir avec la légende « Rouges-chrétiens », mémoire confidentiel, 2-3, Éditions de « L’Aube », 1937, 287 p.

Note de bas de page 5 :

On a déjà cité plus haut un exemple d’appréciation laudative du PDP de la part du PC. J’enfonce ici le clou avec une citation de Georges Charensol, présentant L’Aube à sa création en 1932, dans les colonnes des Nouvelles littéraires : ...Ni le PDP, ni la Jeune République, ni le Groupe Pernot, ni les Syndicats chrétiens n’ont, à Paris, de quotidien correspondant à leur programme de progrès social et d’entente internationale. Ceux que l’on considère comme les chefs politiques des catholiques n’ont pas tous, il faut bien le dire, qualité pour parler en leur nom. Alors que la fermeté des convictions religieuses de M. Francisque Gay et la dignité de sa vie ne sont assurément pas discutables, il n’est pas certain qu’on puisse en dire autant de tous les leaders nationalistes. Aussi, quand M. Gay présente dans L’Aube des solutions qui peuvent paraître à certains révolutionnaires, est-il assez fondé à soutenir que c’est lui, catholique militant, qui est dans la véritable tradition chrétienne. (Gay, op. cit. p.14)

Entreprise ambitieuse, et qui a dû lui valoir quelques nuits blanches, ce livre abondant4 – assorti d’un index détaillé où ne figurent même pas les contributions maison, jugées connues a priori – devait initialement se résumer à une note d’une soixantaine de pages. « Gauchite », écrit-il, comme bronchite : dangereuse maladie inflammatoire. Autrement dit : non, la démocratie chrétienne ne saurait se situer à gauche, quelles que soient ses sympathies. L’introduction consiste même en un Plaidoyer pour un journal démocrate d’inspiration chrétienne qui a obtenu la sympathie des gauches… sympathie forcément suspecte puisqu’elle mérite ce plaidoyer5. Mais ce néologisme est resté sans avenir. Une génération plus tard – celle de la CFDT et du PSU, du pape Jean XXIII et des prêtres ouvriers – ce « complexe » droitier aura disparu : pour Jacques Péchenart, mon père, les valeurs chrétiennes seront à l’inverse implicitement de gauche, opposées à la vieille droite et à ce que l’on qualifiera de « désordre établi ». Justice, égalité, fraternité, tout cela se trouve, pour un chrétien de gauche, inscrit dans le texte même de la doxa évangélique. Mon père s’insurgera plutôt contre ce que l’on qualifiera d’anticommunisme primaire. Ce qui, dans les années trente, eût été simplement inimaginable pour un Simon Jeanjean.

Note de bas de page 6 :

« Note » déjà citée au chapitre précédent.

Note de bas de page 7 :

Ibid.

En ce temps-là, c’est-à-dire après 36 (et nous en viendrons en son temps au troisième document, l’Almanach de l’Aube 1939), la participation de Jeanjean à la vie politique semble plus active que jamais. Et ce dans le cadre de la 20ème section du PDP, certes, en tant que secrétaire ou trésorier faisant jour après jour son travail de fourmi, mais aussi à travers ses prises de position, avec une autorité qui dépasse nettement ce cadre. Le ton de ses courriers, rédigés notamment à destination des députés représentant le parti à l’Assemblée Nationale, se fait de plus en plus mordant. Et il y a de quoi mordre, face à un gouvernement défaillant et aux décrets-lois pris en 39, point de départ, écrit-il, à toute une campagne de réaction sociale ; face à une campagne de presse souvent perfide et mensongère ayant pour but de dresser une partie de l’opinion contre les travailleurs, ou face au ton désobligeant employé par le ministre et à la phrase stupide relative aux deux dimanches. Ainsi s’exprime-t-il dans la « note envoyée au PDP le 15 mai 1939 » (2336)6. Il faut avouer que la gabegie règne ; la guerre menace, il le sait bien. Le temps de travail est réduit mais le chômage augmente ! Il se bat avant tout pour les acquis sociaux – redevables au Front Populaire, au fait, n’en déplaise à Jeanjean qui n’en garde que les mauvais souvenirs. Et il y aurait de quoi dire sur la phrase de Paul Reynaud tendant à lui imputer toutes les difficultés du moment. Sans rien ignorer des effets catastrophiques de la politique menée par le gouvernement sur les nécessités (évidentes) de la Défense Nationale, Simon Jeanjean ne cesse de pester contre l’absurdité de ces décrets-lois qui sous prétexte d’opérer un redressement sont un retour offensif du libéralisme, principal auteur de la crise économique.7

(D’autres iront plus loin et remarqueront que c'est le Front populaire, contrairement à ce que dit la droite, qui a relancé l'armement en France, devant le péril fasciste allemand et italien. Les difficultés sont plus financières qu'économiques. Le « mur de l'argent », une fois de plus ! Le gouvernement de Léon Blum n'a duré qu’un an, après quoi les cabinets Chautemps, Daladier et Reynaud se sont ingéniés à rassurer les milieux financiers sans rien résoudre sur le plan économique, mais en laissant les fascistes gagner du terrain.)

Jeanjean fait d’ailleurs mentir, en ce qui le concerne, le tableau (justement pessimiste) que brossera Henri Amouroux dans la partie préliminaire de sa Grande histoire des Français sous l’Occupation :

Note de bas de page 8 :

Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l’Occupation, tome I, Le peuple du désastre, 1939-1940, Robert Laffont, 1976 (France-Loisirs), p. 29-30. On peut ajouter que cette « habitude de se passionner pour les causes étrangères » se manifestera de façon assez constante, au moins jusqu’aux années 60 et 70 à propos de la Guerre du Vietnam. « Habitude » pointée ici de façon quelque peu péjorative pour les Français de l’Entre-deux-guerres. On peut à l’inverse regretter, aujourd’hui, qu’elle se soit considérablement perdue au profit de questions étroitement alimentaires. Autres temps, autres mœurs, et autres données socio-économiques.

La France de 39 compte donc des pro- et des anti-italiens, des pro- et des antiallemands, des pro- et des antisoviétiques, des pro- et des antirépublicains espagnols, des pro- et des antifranquistes qui s’injurient et s’opposent au cours de défilés et de meetings dans lesquels, faisant passer au second plan les problèmes français, peut-être trop terre-à-terre, ils prennent l’habitude de se passionner pour les causes étrangères...8

Terre-à-terre ? Disons plutôt les pieds sur terre. L’expertise de Simon Jeanjean, de fait, se limite actuellement aux sujets intérieurs, touchant le monde du travail. Il reste d’ailleurs profondément antiallemand et antisoviétique, et plus que jamais depuis le pacte signé le 23 août 39 entre les deux puissances de l’Est. Mais je l’imagine assez mal se mêler aux manifestations violentes, ne serait-ce que pour des raisons de santé. Il se déplace toujours avec une canne, respire mal et ne voit pas très clair. En septembre 1938 il doit démissionner de la fonction de trésorier qu’il occupait depuis 30 ans au Cercle Saint Rémy de Ménilmontant (2214) : J'espérais qu'après les vacances, mon état de santé me permettrait de revenir plus fréquemment aux réunions que des indispositions successives m'avaient obligées de déserter l'année dernière. – J'ai le regret de constater qu'il n'en est rien et que les devoirs professionnels m'obligent d'éviter toute fatigue supplémentaire le soir…

Sont à signaler d’ailleurs, comme seule trace de l’actualité internationale dans l’album Jeanjean, deux photos (5906 et 5907) commémorant la visite du roi d’Angleterre à Paris, du 19 au 22 juillet 1938. Deux photos qui ne diraient rien sans leur légende manuscrite, puisqu’elles représentent le Champ de Mars et la Place de la Concorde pavoisés, mais quasiment vides.

L’Almanach de l’Aube 1939

Au mois de novembre 1938, Simon passe deux week-ends successifs en congrès. D’abord le 2e Congrès national de l’Aube, du 11 au 13 novembre ; puis le 15e congrès annuel du PDP, les 19 et 20 novembre, qui a lieu cette année-là à St-Étienne (2323). Arrêtons-nous sur le Congrès de l’Aube, ou plutôt sur l’Almanach de l’Aube 1939, tiré de la bibliothèque Jeanjean (3601). Publié à l’occasion dudit Congrès, il est sous-titré Histoire de l’Europe depuis le Traité de Versailles, et illustré d’une église au clocher surmonté d’une croix, vue en contre-jour sur un fond de soleil levant. Ensuite, la page de titre est dédicacée : Pour M. Jeanjean, bien amical hommage, un soir de Congrès, le 12 novembre 1938, Bidault.

image

image

Note de bas de page 9 :

Pie XI, lors de la visite d’Hitler à Rome, s’était retiré ostensiblement dans sa résidence de Castel Gandolfo afin d’éviter de le rencontrer. Ce qui ne sera pas du tout la politique de son successeur Pie XII, lequel parviendra inversement toujours à éviter de condamner les pires crimes nazis.

Georges Bidault, alors rédacteur en chef de l’Aube, fait autorité par ses éditoriaux. Au reste, c’est un almanach comme on en voit d’autres, offrant d’abord quelques informations pratiques et susceptible (tel est son objectif) d’intéresser un vaste public. D’abord, une page sur « 1938 en quelques dates » (dont les démissions successives du Cabinet Chautemps, la constitution et démission du Cabinet Blum etc., l’Anschluss en mars, le voyage d’Hitler en Italie en mai, le voyage des souverains anglais en France, puis l’appel du Pape Pie XI contre le racisme en juillet9, le discours d’Hitler à Nüremberg en septembre, l’occupation des Sudètes en octobre), page suivie du calendrier de l’année 1939 – un mois par page avec fêtes et saints – émaillé de morale quotidienne sous forme d’encadrés (les souhaits, la solitude, la paix, l’amitié, etc.), puis d’une partie plus pratique comme il se doit dans un almanach, intitulée « pour la maison » et également échelonnée au fil des mois de l’année. Les textes, attrayants, sont d’une grande variété encadrant l’Histoire de l’Europe annoncée en titre, partie la plus consistante.

Petite parenthèse personnelle

Note de bas de page 10 :

Emmanuel Mounier, Le Personnalisme, PUF, 1949 (Que sais-je ?). Curieusement je revois ce Que-sais-je entre mes mains, je me souviens d’avoir adhéré d’une façon ou d’une autre à cette philosophie. Je ne saurais dire mieux que « d’une façon ou d’une autre », car cette « façon » à présent m’échappe totalement.

Deux noms au moins, au vu du sommaire et du feuilletage, éveillent en moi un écho personnel. Celui d’Emmanuel Mounier dont la philosophie « personnaliste », je m’en souviens bien, me servit de référence10 lorsque j’avais 20 ans et que je me tentais de me situer tout en me demandant ce que fichtre je pourrais bien faire de ma vie. Mais plus vivement encore, parce que remontant d’une enfance plus lointaine, le nom de l’auteure de nombreux textes brefs, contes et nouvelles insérés au fil de cet Almanach de l’Aube, disposés çà et là à la façon de morceaux de piment doux : Jeanne Ancelet-Hustache. Ce nom, si l’on s’en tient à Wikipédia, est celui d’une « germaniste française, traductrice et spécialiste de la mystique rhénane », et d’ailleurs enseignante. Il y a effectivement dans le Fonds Jeanjean, de la même Jeanne Ancelet-Hustache, une biographie de Sainte Élisabeth de Hongrie publiée aux Éditions Franciscaines en 1947, et dédicacée à l’intention de Monique Jeanjean (3657). Dédicace amicale, évidemment liée à la camaraderie politique entre Jeanjean et Jeanne Ancelet-Hustache. Bientôt la toute jeune Monique militera activement au MRP. Mais ce n’est pas en tant que militante démocrate-chrétienne que Jeanne Ancelet-Hustache reste dans les mémoires.

Note de bas de page 11 :

Film d’aventures historique de André Hunebelle, avec – notamment – Jean Marais et Jean-Louis Barrault dans le rôle de Louis XI (1961).

Note de bas de page 12 :

Roman de Robert Margerit.

Note de bas de page 13 :

Jeanne Ancelet-Hustache (1891-1983), La Tour aux loups, Desclée de Brouwer, 1961 (coll. Belle humeur, à partir de 8 ans)

Note de bas de page 14 :

Information tirée de la quatrième de couverture et confirmée uniquement par les costumes des personnages d’après les illustrations.

Dans la mienne en revanche – je veux dire dans ma mémoire – ce nom reste associé au titre d’un roman pour enfants que j’avais lu, quelque chose comme... Le Miracle des loups11 ?… La Terre aux loups12 ? J’ai eu du mal à retrouver le titre de ce roman, dont j’avais d’ailleurs tout oublié. C’était La Tour aux loups13. Je me le suis procuré. L’ai relu. Et l’ai trouvé plutôt mauvais. L’histoire est vaguement située dans une petite principauté quelque part en Europe, au temps de François Ier et de Charles-Quint14. Il y a un méchant seigneur, le Duc des Monts-Fumants, et un brave jeune seigneur du territoire voisin des Sans-Reproche, que le méchant duc fait prisonnier au cours d’une bataille, et qu’il enferme dans la Tour-aux-Loups. Prisonnier, voilà qui est bien peu reluisant, comment avais-je pu m’attacher à un tel héros ? Des prisonniers de guerre, il y en aura des milliers pris par les Allemands en quarante, mais le rapprochement ne s’impose en rien dans cette histoire de principautés rivales écrite longtemps après la guerre, ni avec celle-ci ni avec quoi que ce soit ; on est juste un peu déçu que ce présumé héros sans reproche se laisse ainsi capturer. Bref, plaisir nul à cette relecture ; et je ne suis pas sûr d’en avoir éprouvé beaucoup plus à le lire lorsque j’étais enfant. Tout était dans le titre, dans ces loups prometteurs d’effroi – une promesse c’est déjà ça – accolés à ce drôle de nom au goût de crème au chocolat, Ancelet-Hustache, avec l’aura d’enfance dont ils restaient porteurs. Quoi qu’il en soit, merci à l’Almanach pour cette madeleine minuscule venue de cet âge de ma vie où je dessinais avec passion, reproduisant avec soin des tableaux représentant des chevaliers et autres héros des temps ancien – comme Simon Jeanjean semble l’avoir fait, probablement au même âge. Ainsi de ce hussard ferraillant, dont j’aimerais savoir d’où il l’a tiré. (1468)

image

Ancelet-Hustache avec Mounier se rapprochent étrangement ici, venus de deux compartiments éloignés de ma mémoire, comme une carpe avec un lapin. Pour Jeanne Ancelet-Hustache, je dois avouer que les quelques contes et nouvelles qu’on trouve semés dans l’Almanach de l’Aube par sa plume me déçoivent moins que sa Tour aux loups. Quant à Emmanuel Mounier, une lecture un peu plus approfondie s’impose.

Quand l’Aube cite Mein Kampf

C’est seulement à la page 81 que l’Almanach de l’Aube présente le thème de son 2ème Congrès : « La Conquête de l’opinion ». Viennent ensuite, pour amorcer le débat, quelques textes empruntés aux sources les plus diverses, et où sont définis quelques-uns des modes essentiels de la conquête. Les plus diverses, on peut le dire en effet. Ces sources sont classées en deux catégories :

Note de bas de page 15 :

Texte emprunté par l’Almanach de l’Aube à la revue Esprit – dont Mounier était alors le rédacteur en chef – en son numéro daté du 1er octobre 1938

D’un côté, sous le titre Autour de chez nous, quelques auteurs – philosophes, journalistes – proches de l’Aube, je pourrais même dire « maison » : Jacques Maritain, Francisque Gay et Emmanuel Mounier. Je cite une partie du texte de Mounier15 :

Le critère de l’homme d’action est la sagacité avec laquelle il saisit l’occasion, distingue au premier coup d’œil la campagne symbolique qui frappera les imaginations, ou la campagne particulièrement provocante, qui sera la plus susceptible d’amener les indifférents à l’inquiétude et à l’examen de conscience politique.

Mots énergiques, porteurs d’une pensée pragmatique et sans complexe… mais qui paraissent bien vains aujourd’hui, s’agissant de ces années désastreuses. Où étaient-ils, ces « hommes d’action » dotés de la « sagacité » voulue, et capables de mener la « campagne provocante » susceptible d’assurer la « conquête » ? En 39 ils ont brillé par leur absence (et arrivé à ce point, la mystérieuse sympathie qu’avait pu jadis m’inspirer Mounier et son personnalisme – que j’idéalisais, je crois, un peu comme on s’identifie à un jeune héros, façon Gérard Philippe en costume de Rodrigue ou en Fanfan la Tulipe – de floue qu’elle était sans doute déjà, se dissout totalement.)

En deuxième lieu, sous le titre « De l’autre côté » (page 84), sont convoqués deux dirigeants autrement efficaces, inaccessibles quant à eux à l’inquiétude et à l’examen de conscience politique prônés par Mounier : Goebbels en premier lieu – pour qui (je cite) on est propagandiste ou on ne l’est pas. Les meilleurs orateurs sont les meilleurs « tambourinaires » – et deuxièmement... Hitler. Ce dernier, dans un extrait de Mein Kampf, développe des considérations analogues, faisant la part entre « organisation » et « propagande ». Je ne pensais pas citer Mein Kampf. Encore moins tirer cette citation de l’Almanach de l’Aube, publié par les démocrates chrétiens. Il est intéressant et tragique à la fois de revenir à ce moment où une fraction modérée et éclairée de l’opinion, dans le contexte d’impuissance politique et d’aveuglement où était la France marchant vers un des pires guêpiers de son histoire, pouvait ainsi structurer sa réflexion sur le thème de la propagande, proposant une opposition, voire tout bonnement une comparaison – simple juxtaposition de textes équivalents, mais le parallèle est sidérant – entre les pensées d’un Maritain ou d’un Mounier et les théories délirantes de celui dont on ne semblait pas mesurer le projet alors même qu’il s’exprimait ouvertement :

...Le (…) devoir de la propagande est de désagréger l’état de choses actuel et de le faire pénétrer par la nouvelle doctrine, tandis que le devoir de l’organisation doit être le combat pour la puissance, pour faire définitivement triompher la doctrine… etc. etc. (ibid., p. 85).

Note de bas de page 16 :

Tel est le titre, en version française, du beau roman de Colum Mc Cann Let The Great World Spin (2009, emprunté au poème Locksley Hall, de Tennysson.

Le combat pour la puissance, tel est l’unique programme, avec pour corollaire l’élimination de tout ce qui s’y oppose ou déplaît. La guerre allemande se prépare, la France se voile la face. Et que le vaste monde poursuive sa course folle16

Vacances encore

Cela dit, on ne voit rien de sombre dans l’album de photos de la famille. Pas de place pour les nuages noirs, il faut du soleil aux photos. Vacances à la Ferrière dans le Jura, une nouvelle fois en 36, puis une troisième en 37, le grand air est bon pour les bronches des filles, surtout de Ginette. Tablées joyeuses de gens qu’on reconnaît d’une photo à l’autre mais que je ne connais pas. Balades au Col de la Faucille, à Vallorbe, à Nyon, au zoo de Berne. Cela doit reposer Simon de son travail, de ses soucis et des angoisses distillées par les journaux.

Les Jeanjean ne s’attardent pas entre les quatre murs de leur petit appartement de la rue de la Chine quand sonne l’heure des vacances, on les comprend. Les filles partant régulièrement avec les guides, les parents se débrouillent pour prendre leurs congés dans les périodes estivales restantes, afin de les passer avec elles. Madeleine, je ne sais pas très bien où elle est, on ne la voit guère sur ces photos-là. Il n’y en a que pour les deux plus jeunes ; je vois déjà le couple qu’elles formeront plus tard, les deux sœurs à la vie à la mort (5894). « Mes marraines », déjà inséparables...

image

Et je continue de parcourir les albums qui sont décidément très nourris, avec quelques bonnes photos et beaucoup de médiocres. En 1937 l’été commence par le Congrès de la CFTC, les 26 et 27 juin au Parc des Princes (5710 à 5712) : toute une théorie de prêtres en tenue de cérémonie – aube blanche en haut, soutane en bas, comme les enfants de chœur – cierges et tout le tralala, défile au milieu de l’immense stade-vélodrome. Ensuite c’est la Suisse comme je l’ai dit, puis – le même été ? c’est incroyable – la Côte d’azur : Avignon, Tarascon, Nîmes, Montpellier, Arles, Marseille, Cannes où ils vont à la plage, Simon avec son maillot de bain noir couvrant le torse, puis en promenade en calèche, ou à la « Villa Nadège », sur le passage du Tour de France (c’est ce que disent les légendes écrites en marge des photos), enfin à Monaco et à Nice. Tout cela en 1937.

image

Je date à tout hasard de la même année la jolie photo-carte d’une promenade en bus à toit ouvrant sur la corniche, avec panorama imprenable sur la ville et la mer (1060), photo si léchée qu’on dirait presque un décor artificiel. On y reconnaît bien les Jeanjean au centre de la photo, Simon auprès de Blanche avec son chapeau, et Geneviève au-dessus d’eux. Elle est sombre, Ginette, sur les photos de cette époque, déjà grande avec un corps de femme, en chaussettes à carreaux, habillée d’une façon stricte et qui la vieillit, l’air souvent renfrogné.

C’est l’âge ingrat, me dis-je. D’ailleurs je n’affirme rien, c’est un roman que je me fais sur ma marraine, quand elle était jeune. La jeune femme ou jeune fille qui apparaît sur la droite, au bord d’une autre photo prise à Vallorbe (5721), avec son visage à moitié caché mais l’œil vif, c’est bien elle encore – habillée cette fois d’une robe claire à fleurs – de loin la plus jeune de ce groupe par ailleurs composé d’inconnus, cette jeune fille qui regarde le photographe et qui semble dire Je suis bien là, ne vous occupez pas de moi. Âge ingrat ? N’exagérons pas, en 37 elle avait 17 ans.)

image

Note de bas de page 17 :

Cf. supra, chapitre 10, dernière partie Scoutisme.

Note de bas de page 18 :

La grand-mère, Blanche Wattebault, finira effectivement sa vie à Noyal-sur-Vilaine, où elle sera enterrée en 1946. Il y a une photo de sa tombe, commentée en légende (5125).

Nice, c’était un pèlerinage pour Simon, sur les lieux de sa première convalescence de guerre. C’était aussi devenu un lieu familier pour lui, comme il l’était déjà pour Blanche, car les Laurent (Henri et sa femme la tante Jeanne, sœur de Blanche) y avaient une maison, à Cimiez. Henri Laurent – qui avait été quelque chose comme attaché d’ambassade à Bangkok (1408 et 1409) – devait être à la retraite. On le voit d’ailleurs plusieurs fois sur des photos prises en Bretagne, toujours tiré à quatre épingles. Il était le parrain de Madeleine, et à ce titre ne se contenta pas de la tenir sur les fonts baptismaux. J’ai déjà parlé des Laurent, du mauvais souvenir qu’en avaient mes vieilles marraines, surtout de la tante « Jeâânne » – mais que son mari appelait « Janot » comme je l’apprends par ailleurs et comme on le verra. Car j’ai maintenant connaissance d’un épisode difficile de la vie Madeleine, et douloureux pour les Laurent, secret de famille tapi dans les archives et que les deux cadettes, bien jeunes à cette époque, ignoraient à coup sûr et ne risquaient donc pas de me raconter. Gardons-le pour le prochain chapitre. Geneviève et Monique m’ont dit ce qu’elles savaient : que les Laurent avaient d’abord habité la Bretagne – un des berceaux, avec les Ardennes, de la famille Stef-Wattebault – ; qu’ils avaient aussi un pied-à-terre à Paris (ce qu’elles ne risquaient pas d’oublier, au moins depuis ce jour où il leur avait fallu « se mettre en dimanche » de préférence à leur uniforme de guides, et que j’ai raconté plus haut17) ; et enfin qu’ils avaient quitté la Bretagne pour s’installer à Nice. Geneviève le racontait d’une façon expéditive : Ils ont quitté la Bretagne, ils ont mis la grand-mère dans une maison de retraite, à Noyal-sur-Vilaine18, et eux ils sont partis s’installer à Nice. Tel était leur souvenir, chargé d’un blâme à peine sous-entendu, mais sans doute exagéré.

Note de bas de page 19 :

Cf. supra, chapitre 1.

Sans doute exagéré, ce blâme, cette antipathie des Jeanjean vis-à-vis des Laurent. Je veux dire principalement des deux dernières nées des Jeanjean vis-à-vis d’un snobisme au nez pincé définitivement attribué aux Laurent – principalement à Jeanne – ; exagéré, cet écart social présumé à leurs yeux définitif et irréconciliable, entre leur simplicité revendiquée de filles de la JOC, filles d’un vaillant travailleur immigré lorrain devenu un gars de Ménilmontant, et le berceau doré des autres – adversaires de classe – nécessairement prédestinés à la « haute » ; je dis bien présumé à leurs yeux, oubliant l’étroite proximité originelle de leur mère Blanche née à Paris 20e, plus parigote encore que Simon, avec sa sœur, à moins que Jeanne ne fût sa demi-sœur, et alors ? Que sais-je, au fait, de la fortune de la famille Jeanjean, descendant de ces gens bien vêtus qu’on a vus dans le bel album noir estampé d’or et à fermoir d’argent ? Que sais-je d’autre que les galères traversées, les tantes couturières, la dépossession de l’héritage Vendeuil19, la promiscuité endurée au 140 Ménilmontant ? À l’étroit dans leur trop peu de place de la Rue de la Chine, mais aussi en vacances et voyageant sans cesse – il leur fallait tout de même de belles bottes de sept lieues – et ce dès avant les Congés payés.

Quoi qu’il en soit, le feuilletage de cet album plein d’insouciance m’inspire, à la longue, la même impression que nous avaient donné les cartes postales touristiques de l’album du poilu. Côté face, sur les photos, c’était la Belle Époque, versus (au verso) les soucis quotidiens et la Guerre. Même chose à présent : d’un côté les soubresauts de la vie politique et de la société française ; la montée des fascismes et la Guerre d’Espagne ; la Nuit des longs couteaux, l’avènement et le culte du Führer, la législation anti-juifs, la nazification de la société allemande et bientôt un expansionnisme galopant dont les premiers actes vont finir par mettre le feu aux poudres. De l’autre côté sur les photos des vacances en famille, c’est le Jura, la Suisse, la Côte d’azur : Avignon, Tarascon, Nîmes, Montpellier, Arles, Marseille, Cannes, Monaco et Nice avec bains de mer et balades en calèche. Deux lignes parallèles qui par définition ne se rejoignent jamais sinon à l’infini, disent les géomètres. Jamais, vraiment ?

Mais les familles aussi traversent des orages. Il n’en est pas une qui un jour ou l’autre ne soit meurtrie, pas une qui n’ait son enfant malade, son enfant souffrant, oublié dans son coin ou se manifestant soudain par ses cris interminables, contre quoi ses parents ne savent plus quoi faire.

Autres versions

Pour citer ce document

Péchenart, J. (2022). Chapitre XIII – Nuages noirs. Dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Université de Limoges. https://doi.org/10.25965/ebooks.191

Péchenart, Jean. « Chapitre XIII – Nuages noirs ». Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Limoges : Université de Limoges, 2022. Web. https://doi.org/10.25965/ebooks.191

Péchenart Jean, « Chapitre XIII – Nuages noirs » dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives, Limoges, Université de Limoges, 2022, p. 204-214

Auteur

Jean Péchenart
Conservateur de bibliothèque, désormais à la retraite, titulaire d’une licence de Lettres classiques, d’une licence de Sciences de Éducation, et d’un DEA de Sciences de l’Information et de la Communication, Jean Péchenart a été successivement enseignant de lettres classiques en Moselle, Sarthe, Loiret et dans le Puy-de-Dôme ; puis comédien ; bibliothécaire-adjoint et formateur ; enfin conservateur au Service Commun de la Documentation de l’Université de Limoges (de 1993 à 2011), section Santé puis Lettres, et coordinateur pédagogique de la Licence professionnelle Métiers des Bibliothèques et de la Documentation. Plus récemment impliqué au Centre Régional du Livre en Limousin, enfin à l’Association des Amis de Robert Margerit. Auteur par ailleurs de quelques textes et articles, et de deux livres Tête-Bêche et Bon Voyage les Fechner, publiés aux éditions Solilang, collection Salves d’Espoir.
Documents de l'auteur parus dans Presses Universitaires de Limoges - eBooks en libre accès

Licence