Chapitre VII – Un ange passe (1916-1917)

https://doi.org/10.25965/ebooks.185

p. 103-119

Sommaire

Texte

Servitude et langueur militaire. « Un ange passe ». Un ange ambigu, ou plusieurs anges successifs. L’un muni d’une épée sous le fil de quoi l’on pourrait trépasser. C’est l’ange exterminateur, idée noire ; le poilu tant qu’il peut la renferme en son cœur. Mais un autre ange est à naître. Se pourrait-il que la menace enfin – le calice amer, comme il est dit dans l’évangile – de Simon Jeanjean enfin s’éloigne ?

1916 : vadrouille incertaine

Après la permission, on va je crois à Neufchâteau, écrit Simon Jeanjean dans son dernier courrier envoyé de Contrexéville le 2 février 1916 (259). Jusqu'à cette date nous avons pu suivre ses déplacements. À partir du 18 février – fin de la permission – ce sera plus difficile. Les cartes sont toutes sous enveloppe – pas de tampon – et il n'indique plus que le nom du jour de la semaine, sans date. On se raccroche à quelques indices : mention du mardi-gras (282) dont nous savons qu’il tomba le 7 mars cette année-là, ou récapitulation par Simon des cartes envoyées à la date du 23 février (283) : Trois de Neufchâteau, deux de Toul, trois de Bar-le-duc, et la présente est la troisième de Langres. Pour le reste, contentons-nous d’approximations.

C’est donc, en février et mars 1916, une sorte de vadrouille incertaine jusqu'à Langres, via Neufchâteau, Toul et Bar-le-Duc. Plus ou moins rétabli, Simon Jeanjean croit encore à la fin de la guerre. Tel Tantale voyant s'éloigner l'objet de ses vœux d'étape en étape. Pour nous, le document le plus fiable reste le mini-carnet, ajoutant quelques précisions que la lecture des cartes n'avait pas dévoilées : un retour à Verdun en fin mars, et une permission en octobre 1916, suivie d'un « repos » (là, le sens nous échappe un peu, sans doute un temps libre après le retour au régiment, mais où ?...) :

Contrexéville pieds gelés 25 décembre – Paris perm. 11 février 1916 – Neufchâteau 19 février – Toul 25 Février – Bar-le-Duc 26 février – Langres 27 février – Verdun (51e) 25 mars – Picardie juin 1916 – Paris (perm) 12 octobre – Repos 21 octobre –

FIN DU MINI-CARNET… Au fait, pourquoi s’arrête-t-il là ? Manque-t-il une page ?…

Quelques précisions sur ladite vadrouille. Le retour de permission n'est pas gai. Le 20 février, il commence par moisir à Neufchâteau. Après l'hôpital le chemin est tracé : rejoindre le « Dépôt d'éclopés » en attente du certificat médical qui lui fera devoir d'y retourner (au front, bien entendu). Le dépôt est à Toul cette fois, mais on doit d'abord lui procurer des lunettes. Son pied lui fait toujours aussi mal, il porte des chaussons et ne se déplace guère. On ne sait d’ailleurs pas où il se trouve, il n'a pas le droit de donner son adresse. Pas de courrier, décidément ce n'est pas la joie. Le 24 février, catastrophe ! On l'a bien envoyé à Toul, mais en caserne. On va le rhabiller et ensuite il faudra y aller. Cela ira comme cela pourra, écrit-il, stoïque (272). Avec les pieds qu'il a on se demande comment cela pourrait aller. On lui donne son « fourbi » : un sac trop petit, des capotes qui lui viennent au-dessus du genou, n'importe quoi. Il a dû garder sa vieille capote en triste état, et pas de ceinturon. En route pour Bar-le-Duc, et ensuite mystère. Et toujours pas de courrier. 25 février : la gare de Bar-le-Duc a été bombardée, pas moyen de retourner à Verdun. C'est la panne. On loge dans un magasin sur la paille. Malgré tout cela il garde le moral. Il écrit : Le fait d'avoir le sac au dos a presque guéri mon pied, je ne me savais pas l'esprit si militaire. C'est épatant... (434) On pourrait même dire que c'est miraculeux (après cela, pas besoin de demander ce que notre Jeanjean ira faire à Lourdes, comme le montreront les photos des albums de famille). Le lendemain, toujours en panne à Bar-le-Duc. Il y en a un qui raconte qu'on va partir à Langres et de là au dépôt ! (431). Allez-y comprendre quelque chose. Le plus beau c'est que c'est vrai : le lendemain, venu à la gare pour prendre le train de Verdun, contrordre ! Cela devient une habitude, de tourner en rond et en bourrique ; profitons-en pour faire un petit tour en ville à Bar-le-Duc, c'est gentil comme il dit, il y a de vieux hôtels à façades sculptées, très curieux. Mais pas d'adresse à donner, et sans adresse, pas de courrier de Paris. 27 février : ça y est, on est arrivés à Langres. Fin de la vadrouille ? Le cantonnement est à 12 km de la ville de Neuilly-l'Evêque, où on doit rester quelques jours, c'est toujours cela de gagné, on évite l'offensive boche pendant ce temps-là. Nous sommes pas mal logés. Un bon grenier avec de la paille. Une chambre à four pour faire la cuisine et tranquille, personne qui nous embête. Espérons que cela durera (287). Et cela dure, justement. Personne n'est fâché, je vous le promets, de couper à l'affaire de Verdun (qui semble tourner à notre avantage), écrit-il le 28 février (288). Cela dure tellement qu'il commence à trouver le temps long, même logé comme il l'est avec sa compagnie, chez des gens assez chics, qui leur ont même donné des patates. Et le lendemain, changement de cantonnement, c'est encore mieux. Début mars, il finit par donner son adresse, à tout hasard, au cas où il y resterait suffisamment longtemps pour recevoir du courrier : M. Jeanjean, chez M. Richard Parisot à à Neuilly l'évêque, Haute-Marne, tu mettras un billet de 5 F dedans. Réponds pas retour du courrier (284). Lui, il écrit tous les jours, de toutes façons. Le soir il a assisté à une conférence à l'église sur l'histoire de Langres, donnée par le curé, et le dimanche à la messe il y avait tellement de soldats que l'église n'était pas assez grande pour les loger tous. Un jour, deux jours, trois jours passent, la lettre attendue n'arrive pas. Le 6 mars, il y en a qui sont repartis, sur Verdun probablement. Les autres et lui, qui restent là, ne savent pas combien de temps ils vont y rester. La dernière carte date du mardi gras, 7 mars 1916, ils ont fait des crêpes. Et toujours pas de lettres. Fin de l'épisode...

Ensuite nous savons seulement, par le mini-carnet que Simon rejoignit Verdun (au 51e R.I.) le 25 mars... puis la Picardie au mois de juin... enfin Paris pour une permission en octobre. C'est maigre, rien qui nous permette d'améliorer le classement des cartes. Dans bien des cas nous hésitons même sur l’année.

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(312)

Dans l’album, après Toul, Langres et Troyes, et avant la Picardie, s’intercale ici une série de cartes vierges intitulée La Grande Guerre en Champagne, 1914-1915, soit 5 cartes vierges, et donc ajoutées plus tard (312 à 317). C’est la première série illustrant directement la guerre. Le décalage persiste, mais les cartes, jusqu’à présent ignorantes du conflit actuel, se mettent à la page.

Se mettre à la page, coller à l’actualité, c’est sans doute une ambition prioritaire des éditeurs de cartes postales. Guidés par des motivations commerciales, ils n’ont que faire de la censure, leur seule contrainte est logistique – prise de vue, réalisation et diffusion. Nous n’avons pas idée de ces délais pour les cartes précédentes, non datées et non écrites. Une seule en donne idée au sein du Fonds Jeanjean : tirée d’une série intitulée La Guerre de 1914, elle représente le « Passage des tirailleurs marocains » dans la ville d’Amiens (578) :

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Note de bas de page 1 :

Membre de la grande famille Jeanjean (le nom de « Poulain » associé à « Lemoine » apparaissant notamment dans plusieurs faire-part). Mais le degré de parenté nous échappe.

Cette carte, écrite en mars 1915, témoigne d’une certaine réactivité de l’éditeur. On veut croire, d’ailleurs, que Daniel Poulain1 son expéditeur, fut guidé dans le choix de cette photographie par un sentiment d’humanité envers les soldats qui y sont représentés.

Idées noires, idées justes

Note de bas de page 2 :

Sans certitude, car le millésime n'est pas mentionné.

Note de bas de page 3 :

Une carte adressée à sa marraine Célestine pour sa fête, représente Villers-Bretonneux (348). Une autre à Pauline, pour sa fête également (353). La Saint Célestin est fêtée le 6 avril, et la Saint Paulin le 22 juin (ou Saint Paul une semaine plus tard).

Note de bas de page 4 :

Permission également évoquée dans la carte n°640, celle-ci ne disant rien sur le lieu d'expédition mais très certainement datée de 1916.

Pour revenir à ce début 1916, quelques indices2 nous portent à commencer par le séjour au dépôt arrière de Villers-Bretonneux dans la Somme3, juste après Verdun. Quant à l'adresse, il ne faut plus mettre 51ème, précise-t-il à l'attention de Blanche (355), car le 51e est au front ; ce détour inutile retarde fâcheusement le courrier. Simon se plaint des bêtises de l'active (350). Quelle barbe que l’exercice (349)... Le séjour à Ansauvillers, ensuite, se situe clairement au début du mois de septembre (321 et 322), juste avant Beauvais. Le lieutenant, très « chic », qu'il retrouve au dépôt juste après Beauvais est le même qu'à Ansauvillers (358) où il est donc passé précédemment. La vie au dépôt n'y est pas désagréable, bien qu'il souffre encore de son pied gelé. Enfin, le passage à Beauvais ne peut être daté que du mois d'octobre : plusieurs cartes de cette ville insistent sur les formalités à effectuer en vue d'une permission espérée pour la Toussaint4 (358 etc.), permission qui ne peut être que celle mentionnée en octobre dans le mini-carnet. Beauvais apparaît d'abord comme un séjour transitoire vers une destination redoutée – on sait bien laquelle : Hier ils avaient organisé un concert où je me suis assez bien amusé pour retomber de nouveau dans les idées noires (359). Il espère pouvoir être évacué pour raison médicale, malgré la perplexité du major (et sans que nous sachions exactement de quoi il souffrait). Il m'a dit que malheureusement il n'avait rien pour me soigner. Que d'autre part, il ne pouvait pas m'évacuer pour cela… ce serait tout différent si vous aviez la moindre petite bronchite... Je reconnais que votre cas est intéressant et que vous n'êtes pas un simulateur, mais en ce moment je ne peux rien (360). En fait il sera une nouvelle fois orienté vers le dépôt, moindre mal (361). Le lieu n'est pas précisé. Les dernières cartes sont des images de Beauvais, mais envoyées d'un autre endroit, nous ne savons pas d'où.

Les missives, même déclassées et sans date, peuvent se lire indépendamment les unes des autres. Dans les deux suivantes, de Villers-Bretonneux, Simon invite Blanche à voir les choses en face, en particulier sur ce qui peut arriver à tout moment et qu’il faut bien envisager :

Lundi – Ma chère Blanchette – Je reçois ta lettre du 22 et te remercie beaucoup des 5 F y contenus, quoique je crois que nous allons avoir du mal à nous ravitailler par ici. (…) Au sujet des retraites, j'avais dit que je ne t'en parlerais plus, mais je crois qu'il faut que je te donne quelques explications que je ne t'ai pas encore données. On a voté à la chambre une loi disant que ceux qui auraient payé leurs cotisations jusqu'au jour où ils sont mobilisés, s'ils sont tués, la femme toucherait une somme (je ne me rappelle plus combien, mais assez forte, 300 ou 400 F je crois), plus une autre pour chaque enfant. Voilà pourquoi j'insiste pour que tu payes ma cotisation au moins, et jusqu'au jour où je suis parti, soit sept mois à 1,50 timbre mixte, soit 10,50. Ce n'est pas de l'argent …/… (351)

…/... mal placé.. On ne sait ce qui peut arriver dans le métier, d'un jour à l'autre je puis être zigouillé, cela arrive à beaucoup de gens, et dans ce cas, il ne te sera pas nuisible de toucher immédiatement une somme assez forte (sans compter la pension). Je ne te le souhaite pas, à moi non plus ! Mais enfin, il faut tout prévoir. J'insiste donc de nouveau sérieusement, et cela m'ennuierait que tu n'y ailles pas. J'espère que c'est la dernière fois que je serai forcé d'insister et qu'en réponse à la présente tu me diras (non pas : j'irai) mais j'y suis allée. Sans autre, je te prie d'embrasser bien fort ma fille chérie pour moi, je termine en t'embrassant de tout cœur. – Ton mari qui t'aime. – Simon. (352)

Dans une autre carte, une des seules à être datée précisément – du 7 septembre, représentant la halle et l'église d'Ansauvillers d'où elle fut envoyée – il revient sur ses blessures (il y a aujourd'hui deux ans que j'ai été blessé), ses batailles, son ras-le-bol de cette horreur des tranchées ; mais préfère penser aux bonnes choses, aux cousins de Bazemont par exemple, tranchant sur les autres membres de la famille de Blanche (tant mieux que tu aies rapporté des provisions. Ils sont réellement gentils tes cousins, surtout que nous n'y avons même pas été une seule fois avant la guerre !) ; au nouveau lieutenant qui prend soin de ses hommes, ce qui prouve bien que tout dépend des officiers, car ils ne touchent pas davantage en ce moment qu'il y a un mois, au contraire. Si j'avais seulement le bonheur de vous voir ! Il y a pas mal de copains qui ont fait venir leurs femmes. Mais voilà, les frais ! C'est assez cher ici, puis ton travail. D'autre part on est comme l'oiseau sur la branche, du jour au lendemain on peut partir... (322)

On peut partir, ou pire. Comment ne pas craindre le pire ? Simon aussi aurait pu 'être zigouillé' comme il l'écrivait alors, en ce début d'automne de 1916. Ou même ne plus être là, si la balle ou l'éclat d'obus qui atteignit sa jambe gauche l’avait atteint un mètre plus haut et avait frappé son cœur, deux ans plus tôt.

L'ange de la mort

Note de bas de page 5 :

Ce texte, dans une version allégée, a été publié sous ce titre dans la revue L'Hôte, esthétique et littérature, 2014, n° 3, p. 42-44.

L'ange de la mort5, dans l’album du poilu, c’est d'abord l'ange pleureur d'Amiens. La carte (600) le représente en plan rapproché. Le putto ou bébé ange, potelé à souhait mais affligé, a la tête appuyée sur sa main droite dont le coude s'appuie sur un crâne. Sa main gauche est posée sur un sablier. Rien ne manque à cette vanité. La carte précédente (599) montre en vue générale le célèbre mausolée du chanoine Guilain Lucas sculpté par Nicolas Blasset en 1636 et situé dans la cathédrale d'Amiens. L'ange y occupe la place centrale. Ces deux cartes sont logiquement associées dans la partie de l'album consacrée à Amiens, auprès de quelques vues saisissantes de sites bombardés, des protections mises en place contre les projectiles à l'intérieur et à l'extérieur de la cathédrale d’Amiens, ainsi que de l'entrée des troupes allemandes dans la ville (567).

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(600)

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Les deux cartes sont voisines dans l'album, mais éloignées dans le temps. La première, signée Lucien et adressée à ses chères cousines, est datée du 16 novembre 1914 (Simon était au dépôt de Saint-Nazaire). Il s’agit sans doute de ce jeune Lucien que nous connaissons mal (le « petit Lucien »). Ce Lucien-là, comme nous l’avons vu, était vraisemblablement le petit-fils de Julie Moyet, seconde femme de l’autre Lucien père de Simon, l’ancien légionnaire, dont le petit Lucien, sauf erreur, était le filleul. La seconde carte, signée de Simon, sans doute à l'occasion d'un séjour de vacances en Picardie, est bien postérieure. Lucien Jeanjean fut tué en août 1918. Un mort parmi des millions d'autres. Mais pourquoi – et à qui adressé – ce « chères cousines », s’il venait du petit-fils de la belle-mère ? Ce brave Lucien reste décidément notre soldat inconnu...

L'album – le commerce des cartes postales – à partir de 1916 multiplie les images de dévastation. Villes mortes, rues éventrées, églises aux toits déchirés, décombres y prennent une place de plus en plus importante. Il a fallu le temps de les photographier. Les éditeurs en ont fait des séries ou collections dont certaines constituent des chapitres à part entière de l’album. Images effarantes s'opposant à celles si vivantes qui se vendaient auparavant. Dans les photos de ruines il n'y a plus personne devant l'objectif. L'ange pleure sur les ruines. Jeanjean va à la messe et prie assidûment. Il choisit pour son album la photo d'une vierge abattue au sommet d'un clocher décapité, celui de la basilique N.D des Brébières, à Albert dans la Somme (329 à 333, soit cinq vues pour ce seul sujet, avant / après le bombardement), ou d'un crucifix brisé au milieu des ruines de l’église de Marquivillers (334). Une main impitoyable a balayé tout ça.

Des centaines de milliers de cartes postales, de médailles et autres objets représentant l’ange pleureur d’Amiens furent fabriqués à son effigie et vendus aux soldats, principalement à ceux du Commonwealth qui les firent parvenir à leurs familles. C'était un bon support pour la propagande. Ainsi en fut-il aussi de l'Ange au sourire de la cathédrale de Reims (47), décapité par une poutre de l’échafaudage en flammes lors de l’incendie de septembre 14, puis restauré à partir des fragments retrouvés et promu au rang de symbole du génie français et des horreurs allemandes.

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(433)

Au fait, s'il y a une allégorie de la mort dans l'album de Simon Jeanjean, bien plus encore que l'ange pleureur c'est l’impressionnant Squelette (dit aussi 'le Transi') du mausolée du prince de Chalons situé dans l'église de Bar-le-Duc et figurant sur une carte que Simon envoya de cette ville à sa femme le 5 septembre 1917 (433). Je ne sais comment Blanche Jeanjean le prit (elle allaitait alors Madeleine) car ce squelette est terrifiant. Il fut sculpté au Seizième siècle par Ligier Richier, après la mort violente de René de Chalon, prince d'Orange, comte de Nassau et Seigneur de Bréda, navré d'un impact de couleuvrine lors du siège de Saint-Dizier en 1544. Avant d’être rapatrié à Breda aux Pays-Bas, le corps de René de Chalon avait été éviscéré, comme il se faisait en Égypte ancienne et comme il était de coutume pour les grands de ce monde. Le cœur et les entrailles furent inhumés à Bar-le-Duc dans l’église collégiale Saint-Maxe du château de Bar et des ducs de Lorraine. Le monument fut élevé peu après représentant ce formidable squelette debout, que l'on pourrait qualifier plutôt d'écorché à tête de mort, le bras gauche levé, tenant un cœur dans sa main qu'il brandit au bout de ce bras très long, semblant le contempler de ses orbites vides.

Note de bas de page 6 :

Source : http://caoa55.free.fr/chap5/SqueletteBlD/actualite_squeletteBlD.htm (consulté en novembre 2016)

En 1917, l'année même où Simon Jeanjean acheta et envoya la carte postale représentant le squelette (mais sans y faire la moindre allusion), celui-ci fut déposé dans les sous-sols du Panthéon à Paris jusqu’à la fin de la guerre. Revenu à Bar-le-Duc en 1920, le Squelette et le retable qui le supporte crurent s'y installer pour l'éternité. Mais ils furent à nouveau déplacés en 1998 pour être entièrement restaurés puis enfin replacés en 2002 en l'église Saint-Etienne6. Simon Jeanjean a choisi et écrit cette carte mais il n'en dit pas un mot. Il ne dit d'ailleurs rien de la ville de Bar-le-Duc, rien de la spécialité de cette ville, la confiture de groseilles épépinées à la plume d'oie. Il est vrai qu'en ces jours de septembre 1917 sa tête était ailleurs.

1917 : enfin du nouveau ?

Note de bas de page 7 :

Guillaume Apollinaire, Alcools, Le Pont Mirabeau.

Décidément cela n’en finit pas. Comme la vie est lente, et comme l’espérance est violente7... Nous savons, nous, que la guerre sera celle de Quatorze-dix-huit, qu'elle durera plus de quatre ans en tout jusqu'à l'armistice, et la séparation quatre ans et demi pour Jeanjean, qui n'en est donc qu'à la moitié. Mais bon, espérons ! Justement en 1917 il va y avoir du neuf, à tous points de vue, pour lui. Et pour tout le monde aussi : avant l’Octobre russe, 1917 a vu l’entrée des Américains dans la guerre. L’intervention des Américains est marquée par une série de cartes vierges insérée ici dans l’album, constituant une transition optimiste entre la partie précédente – que nous avons intitulée Ansauvillers, Albert, Chuignes, d’abord paisible, puis de plus en plus pitoyable – et celle-ci, intitulée par l’éditeur Arrivée des Américains en France. Transition subtile, par ailleurs, puisque l’auteur de l’album a fait en sorte que les deux dernières photographies de Chuignes (335 et 336) soient déjà en rapport avec les Américains.

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Ces deux cartes postales semblablement cadrées représentent la même chose… et sont pourtant bien différentes. Il s’agit, nous dit la légende, d’un canon de 380 mm [ !!] destiné au bombardement d’Amiens. On peut apprécier le contraste entre la gueule noire du canon, et l'autre d’où émerge un soldat rigolard. Capturé par les Australiens, le monstre est devenu un terrain de jeux.

(Impressionnant !... Et encore les Pariser Kanonen, affublés à tort par les nôtres du petit nom de « Grosse Bertha », et capables de semer la mort à 120km de distance, étaient-ils deux ou trois fois plus longs que ceux qu’on voit ici, pour un calibre identique. Le canon français de 75 mm, fierté française, était révolutionnaire pour l’époque – très mobile, adapté à la guerre de mouvement. D’ailleurs ne confondons pas la Grosse Bertha, sortie des usines Krupp et baptisée du prénom de l’héritière, mais plutôt râblée et à canon assez court, avec le Ferngeschutz ou Pariser Kanon. La Grosse Bertha a pu être qualifiée d’arme psychologique, ce qui ne l’a pas empêchée de faire plusieurs centaines de morts dans la région parisienne.)

En 1917 il va y avoir du neuf, les choses vont enfin cesser de se répéter à l'identique. Deux nouveautés importantes dans la vie du soldat Jeanjean : une naissance en juin, et quelques mois plus tard la fin des servitudes épouvantables. Et comme pour annoncer ces changements, la période à venir se distingue agréablement, marquée par un plaisir qu'on peut attribuer, entre autres choses, au retour à son pays d'origine. D’ailleurs la datation redevient plus claire.

À Beauvais Simon avait eu chaud. Résigné à être renvoyé au casse-pipes, il y a échappé in extremis et obtenu une permission au mois d'octobre. Après quoi nous l'avons perdu de vue, pour le retrouver en Moselle à la Saint-Sylvestre, encore en vadrouille et toujours autant transbahuté : Nous avons quitté la Somme et en passant par Saint Denis-Pantin, nous voilà presque en face de Metz. Vous pensez le cafard que j'ai eu à passer si près de vous, écrit-il aux tantes le 31 décembre 1916 (365). À proximité de Metz, le cafard se dissipe un peu. Le mal du pays s'estompe à retrouver celui de ses origines : ...cela nous a changé de la Somme. Nous avons été reçus comme jamais depuis la guerre. Le patron nous a offert le vin blanc en arrivant, de ce petit vin blanc de la mère Mery, vous vous rappelez ! Ah, le petit vin blanc !… le parler traînant de par là, ...une jolie église dans un village bien propre, des maisons en pierre – alors que là-bas c'[était] en torchis, en terre et en lattes (366). Bref, la vie retrouve ses couleurs. On peut bien coucher sur la paille (364), attraper des totos, la bête noire des poilus, qui l'obligent à se changer des pieds à la tête (461)... le temps a l'air malgré la canonnade épouvantable de se remettre, et il fait beau aujourd'hui (371).

Pour l'heure, les Jeanjean sont bien vivants. Attendez vous à savoir qu'un heureux événement, comme on dit, se prépare dans le ventre de Blanche.

Le petit deuxième arrivera à la date prévue, en juillet. Le compte à rebours permet de supposer, sans risquer de se tromper, qu’il fut conçu lors de la permission de la mi-octobre 1916, et le résultat ne semble pas les avoir surpris. Quelques cartes précédentes, parfois, ont promis de ces étreintes – dans des cartes qualifiées de « particulières » (74), destinées à Blanche exclusivement. Gare, quand je vais revenir en permission. Je suis capable de te manger... de baiser [sic] mon petit loup adoré, écrivait-il déjà de La Bourboule (62).

(Mais cela ne s'égare jamais bien loin. La doxa catholique désapprouve les débordements de la libido. Pas de changement depuis l'encyclique Arcanum divinae du pape Léon XIII sur le mariage chrétien en 1880. Ensuite ce sera Pie XI, Casti connubii (Chaste union) en 1930. Amour d’accord, plaisir dehors ! Et qu’en savons-nous d’ailleurs, de leur plaisir, laissons-le leur, et tenons-nous en au résultat.)

La préparation de la naissance est l’objet exclusif d’une carte double envoyée d’Abbeville le 6 juin : Tu me dis ne pas savoir où mettre notre héritier et que tu es bien embarrassée. Cherche autour de toi. Vois les sœurs, mais tâche que ce soit dans la rue des Pyrénées ou au-delà car de l'autre côté il n'y a pas assez bon air… Simon espère pouvoir obtenir les permissions les plus favorables, sans amputer les trois ou quatre jours pour la naissance de mon fils... Espérons-le du moins, pas de fille cette fois ! (398-409)

Bons baisers de la Somme

Note de bas de page 8 :

SAMHA, 23 rue de Châteauroux, 87100 Limoges.

Note de bas de page 9 :

Cette hospitalisation, allez savoir pourquoi est la seule enregistrée par le SAMHA concernant Simon Jeanjean.

Les courriers du printemps 17 sont envoyés d’Abbeville. Et l'on commence par s'étonner, après un dur séjour de Simon Jeanjean dans le Nord, suivi d'un autre plus agréable en Moselle, de le retrouver là. Cela ira mieux que la première fois, bien qu'il se retrouve une fois de plus à l'hôpital. Nous serions bien en peine de savoir, à la lecture de sa seule correspondance, comment il y arriva. Les dernières cartes de la partie précédente (représentant Blénod-lès-Toul en Meurthe-et-Moselle) témoignent de la dégradation de son état de santé. Rhumatisme et albumine, c’est son lot (373). La toute dernière (370), encore pleine d'incertitude, est datée du jeudi 24 mai, soit la veille de son évacuation vers l'hôpital d'Abbeville. Je tiens d'une source extérieure, le service des archives médicales et hospitalières des armées (SAMHA, situé à Limoges8), que Simon Jeanjean fut admis à l'hôpital d'évacuation de Prouilly (Marne) le 25 mai 19179, sans qu'en soit précisée la cause exacte. Celle-ci, en revanche, figure dans son livret individuel : bronchite et fatigue générale.

Note de bas de page 10 :

Carte du 9 juin 1917 : Je t’envoie une carte représentant la façade de l’hôpital où je suis (422). La légende nous apprend qu’il s’agit d’une ancienne manufacture de tapis.

Le chapitre « Abbeville » de la correspondance Jeanjean, très vivant, est un de mes préférés. Cette ville lui plaît. Il l’avait visitée déjà lors de son service militaire, et il y reviendra : il choisira la Somme, après la guerre, comme lieu de vacances en famille. L'hôpital ne lui pèse pas trop cette fois. Il a trouvé un « truc » pour sortir en ville l’après-midi, c’est d’aller aux patates le matin (421, 416). Mais même à l'intérieur des murs de l'hôpital10, le séjour a ses charmes qu'il évoque allègrement. On apprend par exemple dans la double-carte suivante, entre autres choses pas trop tristes, que les rapports entre les infirmières et leurs patients pouvaient être pour le moins rapprochés, ce qu'il signifie par une gaillarde périphrase de parigot :

Note de bas de page 11 :

Façon entendue d’évoquer un quartier de prostitution (ainsi à Limoges parlerait-on du Champ de Juillet).

Dimanche 27 mai 1917 [jour de la Pentecôte] – Ma chère Blanchette, – Alors me voilà installé pas mal ici, assez libre quoique ne pouvant pas sortir. Mais il y a un beau parc où on peut se promener et s'asseoir. Hier il y est venu une musique militaire (territoriaux) qui est épatante. Ici les infirmiers sont tous remplacés par des femmes, même les coiffeurs. Et c'est assez pittoresque, ces dames et demoiselles parlant "poilu" aussi bien que nous dans les tranchées ! sans la crainte de voir leur perm supprimée (pour eux) et de perdre leur place (elles), cela ferait je crois une belle succursale de la rue Blondel11. En tout cas on ne s'y ennuie pas. Il y a aussi une bibliothèque assez bien pourvue. Tu penses si je vais y puiser. Le … /… (414)

…/... Major a l'air très chic, et très dévoué. Il m'a mis au grand régime et quinquina. Le temps est beau, le soleil brille, et on entend pas le canon. Les rues sont pavées et il n'y a pas d'eau et pas de boyaux. Mais il y a au bout une perm, et c'est le plus intéressant surtout qu'elle ne retire pas celle du front, à prendre un mois après. Bref le moral est bon, on tiendra – ici les poilus ne se sauvent pas quand on joue la Marseillaise. Ils sont partis (sans refuser de marcher) écouter la musique plus mélodieuse que celle des mitrailleuses. Cela va mieux ici que là-bas. Sans autre, embrasse bien ma petite poupée chérie pour moi. Je t'embrasse, ma chère Blanchette, mille fois de tout cœur. – Ton mari qui t'aime.
S. Jeanjean, 51e d'Inf. Hop. Temp. n°80, salle 31, Abbeville, Somme. (413)

C’est particulièrement dense. Les nouvelles d’intérêt privé s’entremêlent avec un reportage d’actualité très vivant : loisirs, ambiance à l’hôpital, souvenir des tranchées. Notons aussi une allusion claire aux faits de rébellion qui défrayaient alors la chronique, et qu’il se permet d’épingler comme en passant, évoquant ceux qui se sauvent au son de la Marseillaise, qui refusent de marcher, et qu’il n’approuve manifestement pas.

Ce chapitre est d’ailleurs un de ceux où les sujets photographiés au recto des cartes sont les plus attrayants, le plus souvent commentés. Hier j'ai été faire encore un tour. J'ai visité les deux musées de la ville, où il y a de belles choses, entre autres des tapisseries du pays, et de beaux meubles merveilleusement sculptés et quelques beaux tableaux (401). Il y a de belles églises aussi et de nombreux sujets mis en valeur dans l'album.

Je les ai visités à mon tour bien des années plus tard, et confrontés avec les cartes. Mais je dois avouer qu’à Abbeville, ce pèlerinage sur les traces du poilu ne m'a pas apporté grand-chose. La vision en taille réelle n'augmente ni la connaissance, ni le plaisir, parfois même elle déçoit. Le plaisir, au moins dans l’album Jeanjean, reste associé à la découverte et à la première lecture. Ah, la première fois ! Ce sera toujours la meilleure.

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Note de bas de page 12 :

Wanted : statue de St Gengonef. Je n’ai pas réussi à savoir ce qu’elle était devenue.

Parfois aussi on reste bredouille. Ainsi, La statue de Saint Gengonef, patron des maris trompés (407), est introuvable à l'église Saint Vulfran, d'où elle a sans doute été enlevée12. Je l’imagine polychrome, datant du XVIe ou XVIIe siècle. Qu'aurait ajouté sa vue en grandeur nature au commentaire malicieux de Simon, à ses promesses coquines destinées à sa petite femme ? Carte Assez curieuse, écrit-il. Ce n'est que pour cela que je te l'envoie, avec l'espoir que tu la recevras, en même temps que les mille baisers que je tiens en réserve, pour te les poser partout où tu sais bien. Le « saint », sur la carte, a l'habit d'un bon bourgeois mais l’œil perdu au loin, aveugle aux attentions de sa femme qui, si je ne me trompe, lui a préparé un bain de pieds. Mais j'y pense, Simon lui-même ne parle que de la photo. A-t-il seulement vu l'original en pied ?

Note de bas de page 13 :

Fontaine située à Saint-Guengoux-en-Morvan, un des nombreux lieux de la dévotion gangolfienne. Rien n’empêche, ensuite d’ajouter le nom d’Arnolphe à la liste des variantes de Gengolf, patron des cocus, ce n'est pas Molière qui s'y opposerait. Cela pourrait même nous ramener à la jeunesse de Simon Jeanjean, lequel fréquenta, à Metz, la maîtrise de la Domschule Sanct Arnulf depuis le mois d'octobre 1898 jusqu'à Pâques 1902, ainsi qu'en atteste un certificat élogieux (2019).

(On a vite fait de se tromper. Ce n’est pas un bain de pieds que nous voyons sur cet ensemble sculpté, une des nombreuses représentations du très célèbre Gengonef, alias Gengoulf, alias Gangolph, patron des cocus. Lequel commença, nous apprend Wikipedia, par exister réellement, naissant d’abord à Varennes-sur-Amance, près de Langres, en 702, d'une famille de riches propriétaires terriens, puis menant une vie des plus pieuses et dévouées aux pauvres, et plus tard des plus braves en tant que l’un des principaux barons de Bourgogne, participant activement aux guerres menées par Pépin le Bref entre 715 et 768. Sa bravoure lui fit octroyer les plus hautes dignités militaires, ce qui à quoi le prédestinait son nom issu du germanique Gangulf, qui pourrait être une inversion de Wolfgang si je comprends bien. Et sa sainteté lui valut de mériter de Dieu « le don de guérir des gouttes, de préserver les moutons de la clavelée et autres maladies auxquelles ces doux animaux sont trop souvent sujets, et de rendre la vue aux aveugles et de faire marcher les paralytiques, tout en guérissant le mal de dents, mais – dérapage de la sainte légende – ses parents voulurent en faire un militaire et, qui plus est, le marier ». Gangolf se maria vers l'âge de 20 ans, il épousa Ganéa une jeune fille de haute lignée, mais celle-ci était fort volage, libertine impudique et tout ce qui s’ensuit. Il s’ensuit qu’il fit retraite, Gangolf ou Gengonef ou Gengoulf, dans un ermitage près d’Avallon, où il mena une vie d'austérité, offrant toute sa fortune aux pauvres, et où l'amant de sa femme, qui était prêtre, vint le surprendre nuitamment et le tua d'un coup d'épée. L'épouse, avant la mort du saint, alors qu'elle était enceinte de son amant, se serait prêtée à une épreuve censée prouver sa fidélité en se baignant dans une fontaine13, en déclarant : Je jure que je suis restée fidèle à mes serments et, si j'ai menti, que mon bras reste dans l'eau. Et son bras se détacha de son corps, évidemment. Et ce n’est pas du tout un bain de pieds qu’elle prépare à son mari qui la laisse faire, bien fait pour elle.)

D’autres sujets sont plus sérieux. Citons deux bas-reliefs commémoratifs. Leur découverte en taille réelle, loin de combler mon attente les a réduites à ce qu'elles sont, perdues dans leur contexte urbain et non plus isolées en gros plan. Les commémorations, une fois passée l'inauguration solennelle, sont souvent vouées à voir leurs monuments se fondre de moins en moins visibles dans le décor, et, sauf exception occasionnelle, retourner à l'oubli.

Premièrement : le bas-relief de Ringois. Le marin Enguerrand Ringois, citoyen d'Abbeville, suspecté d'insurrection et de pillage sur les côtes anglaises, fut emprisonné à Douvres en 1368. Ayant persisté et refusé de reconnaître comme suzerain le roi Edouard III, il fut condamné à mort. Une rue d'Abbeville porte son nom. Un bas-relief de bronze représentant sa comparution et son refus a été apposé en 1887 sur la façade d'entrée du beffroi. La scène, mouvementée, peut faire penser à une station du Chemin de croix. Mais placée au-dessus de la porte du beffroi elle n'est guère visible d'en bas. On doit donc (et ainsi en est-il des vitraux de nos cathédrales, hors de portée de nos yeux comme s'ils étaient uniquement destinés à ceux de Dieu) revenir à la carte postale pour en observer les détails : le juge ou l'officier anglais assis face à Ringois entouré de soudards armés de hallebardes et le harcelant brutalement. Notable, en l'occurrence, est le commentaire qu'en donne Simon Jeanjean au verso, en relation avec un concert auquel il vient d'assister :

Tu as dû recevoir le programme que je t'ai envoyé : à l'orchestre tu as vu un morceau en l'honneur de Jeanne d'arc. Et chose assez amusante l'orchestre était composé de civils et de soldats anglais ! C'est comme le bas-relief que je t'envoie, qui a été élevé à Ringois, bourgeois d'Abbeville qui fut précipité du haut de la tour de Douvres, parce qu'il ne voulait pas reconnaître la suprématie anglaise ! Et au pied de ce bas-relief sont garées les autos anglaises. L'histoire a de ces bizarreries !... (412)

Bien vu. Le touriste à nouveau se mue en reporter, et le reportage est vivant. Comment les ennemis héréditaires pourraient-ils devenir des alliés ? Non que cette présence des Anglais dans la Somme le dérange, le soldat Jeanjean. Mais dans son esprit ils sont toujours ces conquérants abusifs que Jeanne la Pucelle, louée soit-elle, taquina bien plus sérieusement que Ringois. Les hasards de la vie, et ses engagements personnels, l'amèneront à mettre de l'eau dans ce vin-là.

Note de bas de page 14 :

Cf. supra, chapitre I.

(On voit se multiplier les exemples de liens positifs, privilégiés, de la famille Jeanjean avec la Grande-Bretagne, depuis les origines ancestrales de Simon, avouant qu'il avait du sang anglais dans les veines14, jusqu'à l'Agence Cook où Monique et Geneviève furent recrutées et travaillèrent jusqu'à leur retraite, en passant par une nouvelle fraternisation de guerre, bien plus imprévisible encore et que nous découvrirons en son temps. Même clin d'œil ironique de l'histoire.)

Histoires de processions

Note de bas de page 15 :

Cesare Beccaria, auteur du célèbre Des délits et des peines (Dei Delitti e delle pene) paru en 1764.

Ensuite, nous avons cherché le monument du chevalier de La Barre, beaucoup moins visible dans son coin de square que ne le promettait le cadrage de la photographie ancienne (430). Le monument, et la légende de l’autre carte postale en plan rapproché (429), rappelle que François-Jean Lefebvre de La Barre fut supplicié à Abbeville le 1er juillet 1766, à l'âge de 19 ans, pour avoir omis de saluer une procession. L'histoire, plus précisément, dit que le jeune de La Barre paya de sa vie, premièrement la dégradation d'une statue du Christ qui ornait alors le pont d'Abbeville, dégradation qu’on prétendit volontaire alors qu’elle fut sans doute accidentelle et sans aucun lien avec son passage en ce lieu, deuxièmement la découverte par la maréchaussée, chez lui, de livres interdits, dont le Dictionnaire philosophique de Voltaire ainsi que quelques ouvrages lestes. Mais ce qui lui fut reproché plus que tout, c'est, suite à une dénonciation délibérément calomnieuse, une attitude irrespectueuse qu'il aurait affichée, avec quelques compagnons, en refusant de se découvrir et peut-être même – effet mensonger de la rumeur qui ne sait aller qu'en enflant – en se livrant à quelques quolibets odieux au passage d'une procession religieuse. Sacrilège ! Sacrilège ! Cela méritait-il le supplice pour le faire avouer, et la mort ? Voltaire le conteste hautement dans plusieurs écrits célèbres. Premièrement, la Relation de la mort du chevalier de La Barre à Monsieur le marquis de Beccaria15, par M. Cassen (pseud. de Voltaire). Deuxièmement, l'article « Torture » de l'édition de 1769 du Dictionnaire philosophique, où Voltaire fait le récit du martyre très digne, héroïque, du chevalier de La Barre : « Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance, mais ayant toute l'étourderie d'une jeunesse effrénée, fut convaincu d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville (...) ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la main, et qu'on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. »

Le monument du Chevalier de La Barre fut édifié le 7 juillet 1907, dans les années suivant la loi de séparation de l'église et de l'état. La présence de ces deux cartes du monument dans l'album – vierges de toute écriture et donc ajoutées plus tard par Jeanjean – n'en sont pas moins riches de sens. À un premier niveau, le supplice du Chevalier de La Barre avait toute raison d’interpeller la curiosité de notre infatigable autodidacte. À un second niveau, le catholique intransigeant, n’est nullement un « libre-penseur », bien plutôt pourfendeur de francs-maçons. Enfin, en troisième analyse, le bas-relief de La Barre comme celui de Ringois commémore un acte de rébellion, disons de résistance. La place peu reluisante du fait religieux a lieu de s’effacer, dans le cas de la Barre, derrière la lutte contre l’oppression, la bêtise et le mensonge. Comment ne pas associer, en anticipant de plus de vingt ans, ces deux symboles à une deuxième période de la vie de Jeanjean, engagé dans la Résistance à Paris sous l'Occupation au péril de sa vie et de la tranquillité de sa famille ?

Note de bas de page 16 :

Cf. supra

Note de bas de page 17 :

Même page du livret individuel : Permission du 17 au 28 juin 1917 à titre de convalescence. Puis du 21 au 26 juillet à titre exceptionnel.

Le mot « procession » nous amène maintenant à tout autre chose (la transition vaut ce qu’elle vaut, c’est même plutôt un télescopage). En ce printemps 1917, Simon Jeanjean – le bon catholique, et le bon papa – a une obsession qui se manifeste au fil des courriers, et qui va l’emporter sur tout le reste : se peut-il que cette année encore, il soit empêché d’assister à... la procession de la Fête-Dieu ? ! Il n’arrive pas à s’y faire. Il voudrait tellement la voir à cette occasion, sa petite chérie Denise. Il n’en a que pour elle. Il paraît qu’elle se fait chiper ses affaires à l’école. J’espère qu’elle ne se laisse pas battre, au moins ? (372). Or deux ans auparavant déjà, Blanche et les tantes lui avaient envoyé des fleurs de la procession qu'il avait mises avec la photo (186). C’était à Nazaire. Il avait mis les fleurs dans son portefeuille où elles sont restées, conservées sur son cœur et jusqu’à nous dans le portefeuille du poilu comme on l’a vu, et y ajouta un mot écrit de la main de Denise16. Ce mot ne saurait être antérieur à 1917, Denise a 4 ans et demi. Cela lui fend le cœur de ne pas pouvoir assister à la procession, avec sa petite Denise fièrement costumée pour la circonstance, de devoir se contenter de l'imaginer dans sa tête, nouvelle écolière avec son cartable ou petite mariée du Christ (ce qu'elle sera plus tard, bien assez tôt) défilant en robe blanche. Zut et re-zut, c’est vraiment la tuile. Il en parle beaucoup plus que de de la naissance prochaine. La Fête-Dieu ou fête du saint-sacrement, à l’opposé diamétral de la libre-pensée du Chevalier de la Barre, proclame une piété traditionaliste. L’idée de la procession prend la tête du bon papa voyant passer les jours sans que son état lui permette d'espérer une permission pour le 8 juin (408, 422, 425) … Je suis trop énervé pour mettre une idée devant l’autre. C’est incroyable, à la fin, que Blanche ne puisse obtenir le fameux certificat en vue de la décrocher, cette permission. Elle viendra cette permission, enfin, comme nous l’apprend le livret militaire (2601). Mais seulement le 17 juin, trop tard pour la procession. C’est remis à plus tard, une fois de plus, comme pour les fêtes de noël. Et trop tôt pour assister à la naissance du deuxième enfant17. La naissance est pour la mi-juillet. Pour la procession, on attendra l’année prochaine.

Madeleine...

L'héritier attendu naquit le 18 juillet 1917. Ce fut une héritière qu'on prénomma Madeleine. Le silence de Simon Jeanjean dans ses cartes postales suivantes est sans doute à la mesure de sa déception. Coïncidence ironique : la première carte (291) envoyée de Troyes à la fin du mois de juin représente l'église Sainte Madeleine. En effet après Abbeville et sa permission le voici à Troyes. Dans l'attente, étant guéri, d'un sort incertain, encore et toujours. Ce n'est pas du sexe de l'enfant qu’on s’inquiète ici, mais de savoir si l’état de santé du papa, si ses rechutes répétées à la fin des fins ne vont pas enfin lui valoir une exemption amplement justifiée. Donc il attend. Envoie des cartes représentant les églises de Troyes. Les deux premières de cette période (291 et 302), présentent un pointillé de découpage sur un des petits côtés et font partie d'un ensemble (édité par les Magasins réunis de Troyes), probablement d'une dizaine de cartes vendues ensemble, mais ce sont les deux seules de cette série. Sainte Madeleine donc, St Pantaléon, St Urbain, la très pittoresque ruelle des chats, l'Hôtel de Vauluisant, l'Hôtel de ville, les grilles de l'Hôtel-Dieu, la cathédrale, le portail de la cathédrale, l'intérieur de la cathédrale, qui fait penser, écrit-il à ses tantes, à celui de la cathédrale de Metz (296). Heureusement il a le plaisir d’y rencontrer « Monsieur Mauchant », un ami du Cercle de Ménilmontant. Et rendons grâce, une fois de plus, au Cercle St Rémy. Car Monsieur Mauchant ne se contente pas de tenir amicalement compagnie à notre Jeanjean esseulé en lui faisant visiter la ville. Il lui procure des fournitures neuves – des houseaux de cavalerie que Simon pourra porter en guise de guêtres (293), et use de son influence - étant gradé probablement – pour retarder son départ vers son cantonnement (291, 293, 296, 302).

Mais revenons à Madeleine. Bien sûr le papa fut déçu. Une fille, encore, une deuxième fille ! ...Et il en aura quatre ! Comment pourrions-nous nous empêcher d’y penser déjà ? Après Denise, née en 1913 et Madeleine cette année, viendra Geneviève en 1920, dernier coup du sort après lequel le papa Jeanjean renonce définitivement à tout espoir de perpétuer son nom, et à voir enfin un petit mâle montrer dans ce gynécée le bout de son... nez. Geneviève aurait dû être la dernière, et on en serait resté là. Mais non, il y aura encore Monique, la petite dernière, qui fut un « accident », comme elles me l’ont raconté. Mais voilà que je suis reparti à parler de Geneviève et Monique, au lieu de Madeleine… Madeleine est la seule que je n’ai jamais connue. Même Denise, il m’est arrivée de la croiser à Lardy, dans ses vieux jours. Alors que d’elle, Madeleine, malade et dont la vie prit fin l’année où débuta la mienne, je n’ai que le souvenir affligé transmis par mes marraines.

Note de bas de page 18 :

L'insuffisance mitrale – ou fuite mitrale ou régurgitation mitrale – est une des maladies les plus fréquentes parmi les pathologies des valves cardiaques chez l'homme et quelques autres espèces animales. Dans le passé, l’insuffisance mitrale était souvent la conséquence d'une infection à streptocoques, dans le cadre d'un rhumatisme articulaire aigu, maladie devenue rare dans les pays développés suite à l'utilisation des antibiotiques. Si les formes légères sont en général sans conséquence, les formes sévères nécessitent un examen approfondi, voire, de nos jours, une opération chirurgicale.

Revenons à juillet 1917. La guerre s'éternise, et pas de garçon à l'horizon. Il fallait bien faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pauvre Madeleine, à peine apparue, je parle déjà d'elle comme d'une mauvaise fortune. Bien sûr, elle sera très vite à son tour la petite chérie de son bon cœur. La mauvaise fortune sera pour elle. Bigleuse comme son père, ce n'est pas encore trop grave. Mais la gentille Madeleine n'a pas la santé. Maladie pulmonaire, complications cardiaques, diagnostics hésitants, elle sera plus ou moins bien soignée. Tel est son mauvais sort. Vacherie initiale de la guerre ? Mauvais hasard des gènes ? Son histoire tracée à grands traits par ses sœurs cadettes dans l'interview est celle d'une mauvaise chance : A ce moment-là, on ne savait pas que les rhumatismes articulaires donnaient des maladies de cœur… Mais depuis on le sait. Les gamins, on les arrête. Ils restent allongés pendant des mois. Madeleine, elle, n'est pas restée couchée. On pense que son cœur en a fait les frais. On a eu beau l'envoyer dans le midi plusieurs fois, au soleil et au grand air, apparemment c'était trop tard. Insuffisance mitrale, tel est le diagnostic18. On en mourait. Elle en mourut, en 1950, l'année de ma naissance. Pauvre Madeleine. Geneviève se souvient que pendant la guerre (la Seconde) elle allait faire la queue, à cinq heures du matin, devant la charcuterie ou la boucherie, pour avoir un os, pour mettre dans la soupe. Denise étant partie, entrée dans les ordres et sortie de la famille, c'était au tour de Madeleine de jouer le rôle de l'aînée. Elle aurait dû rester couchée, se soigner, cela ne serait pas arrivé. À la fin, sa vie ne tenait plus qu'à un fil. Elle ne sortait plus guère. Pourtant, le dernier jour, elle était sortie, le jour où elle a eu sa crise. Souvenir affreux, Geneviève dans l'interview ne veut même pas en parler. Plus tard, la médecine aurait pu la sauver. Trois mois après sa mort, on a entendu une émission à la radio... où ils faisaient la première opération pour ça. C’était trois mois après.

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Pauvre Madeleine. Pour en revenir à ce 18 juillet 1917, et aux années suivantes, Madeleine est accueillie avec amour. Elle aura droit, comme ses sœurs, à une belle photo prise en studio, dès qu’elle pourra se tenir assise sur cette belle fourrure où il était de tradition de faire figurer les nouveaux nés. Elle aura près d’un an. Ne souffrira encore d’aucune pathologie susceptible d’inquiéter ses parents. Pour l’instant c’est un bonheur, tout simplement.

On dit qu’un bonheur n’arrive jamais seul

Pour la naissance de sa fille, advenue le 18 juillet 1917, Simon Jeanjean bénéficia d'une permission exceptionnelle du 21 au 26 juillet. Comme nous l'avons vu, il stationnait alors au dépôt arrière de Troyes. Nouveau blanc dans la correspondance lors de la permission et pendant quelques semaines.

Nous le retrouvons ensuite à Bar-le-Duc. Bar-le-Duc, c'est au moins la deuxième fois qu'il s'y trouve. Comme à Abbeville, et ailleurs sans doute. Que d'allées et venues. Pourtant cette fois il y a du nouveau, les choses vont arrêter de se répéter. Et à Bar-le-Duc, le 1er septembre, c'est enfin la grande joie :

Note de bas de page 19 :

Le Train = administration des troupes.

Samedi 1er septembre 1917
Ma chère Blanchette,Mes chères tantes, – Ça y est, on sort de la commission. Copie de la décision : inapte définitivement armes combattantes par la commission de réforme de Bar-le-duc du 1er septembre 1917. Je suis proposé pour passer dans le train19. Quand je suis sorti j'étais comme fou. J'aurai voulu embrasser tout le monde ! Fini les tranchées, les chutes dans les trous d'obus. Fini de se perdre et d'errer seul, des nuits entières dans les boyaux. Vous pensez si je suis heureux. Je ne vais plus être ni fantassin ni artilleur. C'est presque plus avantageux qu'auxiliaire car dans ce cas il y a des tas de contre-visites, tandis que comme cela c'est définitif. Cela a bien marché jusqu'au bout. J'ai encore passé devant un oculiste, mais très chic. Puis après la commission, colonel, commandant, deux majors. Un moment je croyais être boulé. Le major s'étonnait que j'aie mis trois ans ../… (435)

…/...à m'apercevoir que je n'y voyais rien. Heureusement j'avais prévu la question. Je lui ai répondu que ce n'était pas moi qui faisais la demande, mais mon commandant de compagnie. Cela l'a cloué, et il n'a plus rien objecté. Vous pensez si je suis content (…) Plus grand-chose. Nous repartirons ce soir ou demain, pour rejoindre le régiment. Sans autre, embrassez bien fort mes deux petites poupées chéries pour moi. Comme j'aurais été heureux de les embrasser ce matin. Je vous embrasse toutes de tout cœur, et mille et mille fois. – Votre affectionné – Simon
NB. J'avais gardé mon mouchoir bleu, quoique sale, la tante Pauline ayant fini par me persuader qu'il me porterait bonheur ! (432)

Versé dans le Train, Simon Jeanjean ne sera pas inactif, ni renvoyé dans ses foyers. Du moins est-il dispensé du Front, et employé à la juste mesure de ses compétences. Fini les tranchées, les chutes dans les trous d'obus. Fini de se perdre et d'errer seul, des nuits entières dans les boyaux. Finies les attentes incertaines sous la menace d'y retourner, d'y avoir faim, froid, peur, n'y voyant goutte, avec les douleurs, le rhumatisme généralisé, les faiblesses dues à l'albumine, l'ennui mortel. Le major s'étonnait que j'aie mis trois ans à m'apercevoir que je n'y voyais rien. Ça c'est la meilleure, comme si on ne le savait pas qu'il était myope comme une taupe. Enfin c'est fini, "F. I. ni, fini !" il n'y retournera plus. Ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Le soldat Jeanjean est enfin réformé, l’Ange de la mort prend ses distances.

Au fait, cela explique pourquoi le mini-carnet s’arrête à ce point. D’abord j’avais oublié le titre de ces deux petites pages, posé d’une écriture fine en tête de la première : Guerre 1914 – 15 – 16. Il apparaît maintenant, à la relecture de cette suite impressionnante de déplacements militaires, que la plupart des lieux évoqués, stations brèves à l’exception des pauses pour raisons médicales, furent marqués par les combats et par l’incertitude mortelle du lendemain. Ce n’est plus le cas à partir des trois dernières lignes : Picardie, Paris (perm) et Repos. Repos, en effet, et bien gagné c’est un euphémisme. Ici s’arrête la liste de la Guerre, c’est-à-dire de l’incertitude mortelle. On pourrait d’ailleurs ajouter ici un récapitulatif de ce à quoi il a survécu, finalement : Bataille des Frontières, de Verdun, des Éparges...

On dit qu’un bonheur n’arrive jamais seul. Simon est papa pour la deuxième fois, et il est enfin réformé.

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Pour citer ce document

Péchenart, J. (2022). Chapitre VII – Un ange passe (1916-1917). Dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Université de Limoges. https://doi.org/10.25965/ebooks.185

Péchenart, Jean. « Chapitre VII – Un ange passe (1916-1917) ». Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Limoges : Université de Limoges, 2022. Web. https://doi.org/10.25965/ebooks.185

Péchenart Jean, « Chapitre VII – Un ange passe (1916-1917) » dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives, Limoges, Université de Limoges, 2022, p. 103-119

Auteur

Jean Péchenart
Conservateur de bibliothèque, désormais à la retraite, titulaire d’une licence de Lettres classiques, d’une licence de Sciences de Éducation, et d’un DEA de Sciences de l’Information et de la Communication, Jean Péchenart a été successivement enseignant de lettres classiques en Moselle, Sarthe, Loiret et dans le Puy-de-Dôme ; puis comédien ; bibliothécaire-adjoint et formateur ; enfin conservateur au Service Commun de la Documentation de l’Université de Limoges (de 1993 à 2011), section Santé puis Lettres, et coordinateur pédagogique de la Licence professionnelle Métiers des Bibliothèques et de la Documentation. Plus récemment impliqué au Centre Régional du Livre en Limousin, enfin à l’Association des Amis de Robert Margerit. Auteur par ailleurs de quelques textes et articles, et de deux livres Tête-Bêche et Bon Voyage les Fechner, publiés aux éditions Solilang, collection Salves d’Espoir.
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