Introduction

Patricia Bessaoud-Alonso

Texte intégral

Les textes proposés dans ce quatrième numéro de la revue DIRE sont issus de travaux menés depuis 2011 par plusieurs équipes de recherche en France et au Brésil, dans le champ des Sciences de l’Éducation et de la santé collective. Ils font suite à deux journées d'études en mai et octobre 2011 à l'université de Cergy-Pontoise et à l’université de Limoges : Parents et Institutions. Ils interrogent, précisément, les relations que les parents, les familles entretiennent avec les institutions éducatives, sociales, sanitaires, sur des territoires et dans des contextes socio-historiques donnés. Allant d'une ville populaire de banlieue parisienne en passant par une petite ville semi-urbaine du centre-ouest de la France, le bassin minier du Pas de Calais, les quartiers d'une mégapole Brésilienne, ces diversités territoriale et spatiale montrent des disparités et des processus similaires d'appréhension des questions liées à la parentalité et aux institutions.

Les auteurs convoquent et questionnent la notion de parentalité liée aux nouvelles configurations familiales et à l'exercice de la fonction parentale ; complexe, incertaine, voire défaillante, parfois insaisissable, invisible, qui s'impose et soulève des enjeux politiques majeurs. Tant au niveau des politiques publiques mises en œuvre par l’État que dans les interférences entre dispositifs sociaux, sanitaires, éducatifs et associatifs pour penser la famille aujourd'hui dans les maillages institutionnels dans lesquels elle est impliquée. La tension entre sujets et collectifs (usagers comme professionnels), au sein des institutions, est interrogée dans les textes qui constituent ce numéro.

Silvia Valentim et Gilles Monceau, à travers un dispositif collaboratif, visent à mieux saisir les implications des parents et des professionnels dans diverses institutions d'une ville populaire de la banlieue parisienne. Ils pointent que les parents les plus vulnérables échappent aux dispositifs institutionnels, ce qui entraîne des difficultés dans les pratiques des professionnels. Cependant, les parents stigmatisés comme "éloignés" ne sont-ils pas impliqués dans les institutions sous d'autres formes que celles attendues ?

Cinira Magali Fortuna discute les décalages d'interprétation dans l'offre des professionnels de santé de la famille et les demandes des familles au Brésil. Elle compare et rapproche cette situation de celles observées et analysées en France entre les parents et les professionnels de l'éducation. Elle montre que ce décalage d’interprétation des sujets et des professionnels les enferment dans des discours stériles et favorisent la plainte et la victimisation.

Maryan Lemoine, à partir de deux monographies d'établissements au sein d'un dispositif académique de lutte contre le décrochage dans des collèges du bassin minier du Pas de Calais, observe et analyse comment les interlocuteurs de ces parents d'élèves entrent en dialogue avec eux. Ces deux établissements présentent des écarts, des manières de faire, des conceptions éducatives dissemblables qui produisent des effets sur le collectif, les parents, les élèves en matière de mobilisation et d'appropriation d'une culture du dialogue.

Patricia Bessaoud-Alonso rend compte d'une recherche action menée dans une petite ville du centre ouest de la France. Celle-ci visait à permettre une meilleure connaissance des relations entre parents et institutions éducatives. Le dispositif retenu a consisté en la mise en place de groupes de parole (un groupe de parents, un groupe de professionnels). L'interprétation des faits et gestes s'est déployée selon une approche clinique. L’interprétation s’entend, ici, comme l'expression d'une réalité subjective livrée au groupe qui, en la recevant, réagit et lui donne un éclairage signifiant. La parole qui a circulé, à partir des récits d'expériences, a mis en exergue les difficultés des parents comme des professionnels à engager un dialogue souvent soumis à l'incompréhension, la suspicion. Dès lors, comment investir, se nourrir des savoirs et des expériences de l'autre comme une modalité valide d'un partenariat parents/institutions ?